Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire, sur les relations entre l'État et la Corse, la lutte contre la violence et les feux de forêt, et les programmes en faveur du développement économique de l'île, Ajaccio le 20 mars 2006.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Déplacement de Nicolas Sarkozy à l'occasion de l'installation du nouveau préfet de la Corse, Michel Delpuech, Ajaccio le 20 mars 2006

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
La raison de ma présence parmi vous aujourd'hui est simple ; j'ai tenu à venir installer le nouveau préfet de Corse, Michel Delpuech. Un haut fonctionnaire de grande qualité, en qui j'ai toute confiance. Un préfet qui a déjà servi en Corse, à Ajaccio, il y a vingt ans, comme secrétaire général, et qui est authentiquement heureux de revenir parmi vous.
En ce moment, nous avons tous à l'esprit, bien évidemment, l'assassinat brutal, il y a dix jours, de Robert Feliciaggi, maire et conseiller territorial. C'est une vraie tragédie, qui a ému tout le monde, à juste titre. L'enquête ira bien sûr jusqu'au bout sur cette affaire. Ceci dit, je ne viens pas ici pour rétablir une autorité qui aurait été ébranlée. L'autorité de l'Etat n'est pas en cause. Je viens ici pour vous dire comment l'Etat veut travailler avec la Corse, et c'est un sujet beaucoup plus vaste.
Depuis juillet 2002, je suis venu ici à de nombreuses reprises. Nous nous connaissons bien. Nous avons eu ensemble d'innombrables réunions, débats, discussions. Nous avons travaillé ensemble. Nous avons fait avancer des projets, et je considère que quels que soient nos points de vue, il y a entre nous du respect, de la confiance et de l'amitié.
Alors devant vous tous , qui représentez la Corse, qui l'aimez, qui la faites vivre, je voudrais exprimer une conviction : la Corse n'est pas condamnée au malheur.
Cette conviction, je voudrais qu'elle devienne notre objectif à tous. Nous devons nourrir la Corse d'autre chose que de drames. Ce qui veut dire deux choses : faire reculer toutes les formes de violence ; et puis canaliser toutes les énergies corses, toutes ces rivières qui souvent ne se rencontrent pas, pour en faire, non pas un fleuve tranquille, ce n'est pas possible ici, mais un véritable torrent d'initiatives et d'action.
Ce n'est pas une idée toute faite, c'est une conviction profonde ; vous savez que je suis un optimiste, et moi je sais que je m'adresse à des gens qui souvent ne le sont pas. Je sais fort bien qu'on va m'objecter le tempérament corse, l'histoire des invasions, la tradition des armes, la géographie, la montagne, l'insularité. Tout cela est vrai. Tout cela explique en effet beaucoup de difficultés et d'affrontements. Mais dans tout ce bouillonnement on trouve aussi, depuis toujours -ce n'est pas banal et vous le savez- le goût des grandes choses et de l'excellence. C'est là qu'il nous faut savoir puiser.
J'ai conscience que l'objectif est simple à énoncer et que la réalisation est moins facile. D'abord ce n'est plus l'Etat qui va décider d'un avenir pour la Corse. Disons les choses : la Corse est largement autonome. Ses compétences, qui résultent de la loi du 22 janvier 2002, sont plus étendues que celles des régions. Les relations que nous avons désormais sont celles de partenaires, elles ne sont donc pas écrites d'avance.
C'est plus compliqué pour l'Etat, qui doit dialoguer et non pas imposer. C'est plus compliqué aussi pour la collectivité de Corse, qui doit imaginer plus que solliciter. Cette relation nouvelle qui se construit, je demande au préfet de Corse de la rendre exemplaire.
Je lui demande d'être un chef des services de l'Etat exigeant, et un interlocuteur des élus et des forces vives de la Corse, ouvert et réactif. A la fois pour rappeler la règle lorsqu'il le faut, mais aussi pour trouver et proposer des solutions. Et cela c'est souvent plus difficile. L'Etat ne doit pas être complaisant, et d'ailleurs je ne connais pas de corse qui aime la complaisance. La discussion, toujours ; la négociation, souvent ; l'affrontement, parfois ; mais la complaisance, jamais. Mais pas de complaisance ne veut pas dire pas d'ouverture, pas de dialogue, pas d'imagination, bien au contraire. Nous sommes ici dans la collectivité territoriale la plus autonome de France, qui n'a pas peur d'être ce qu'elle est et de dire ce qu'elle pense. L'Etat doit être un partenaire à sa hauteur.
Ce que je souhaite, et je me tourne vers mes amis présidents de la collectivité territoriale, c'est que l'on propose un projet d'avenir à la Corse, un projet motivant, qui soit le vôtre, mais dans lequel nous Etat, serons partenaires.
Je le dis avec beaucoup d'amitié au président de la collectivité de Corse, Ange Santini. La loi le rend responsable, avec ses conseillers exécutifs, de l'avenir de l'île: économie, environnement, tourisme, culture, transports? tout cela c'est une très lourde responsabilité, ne serait ce qu'en pure gestion. C'est évidemment encore plus difficile en projets et en programmation. Je le dis avec tout autant d'amitié à Camille de Rocca Serra. L'assemblée de Corse, avec son statut particulier, n'est pas forcément facile ; je sais que les majorités sont parfois difficiles à réunir, et que les discussions sont âpres. Et pourtant c'est là que doit vivre le débat public, au sein des groupes, au sein des commissions, en séance publique. Vous devez faire connaître le plus largement possible le contenu de vos travaux, car l'opinion doit les connaître, et s'y reconnaître. Je le dis aussi aux journalistes présents, même si on risque de m'accuser encore d'ingérence ! Intéressez vous aux travaux de l'Assemblée, à ceux des conseils généraux, car il s'y passe des choses très intéressantes.
Je le dis aussi aux élus. Je suis témoin que vous avez pris vos responsabilités, et que vous ne venez pas à Paris prendre des consignes, comme on vous le reproche en invoquant des pratiques d'un autre âge. Vous vous attelez à des dossiers dont on parle moins à Paris que les accords de Matignon, mais qui sont pourtant déterminants pour l'avenir : je pense, cher Ange Santini, cher Toni Sindali, à la délégation de service public pour la liaison maritime ; je pense, cher Camille de Rocca Serra, au plan de relance de l'agriculture. Lorsqu'on détourne un bateau, lorsqu'on séquestre un fonctionnaire, ça, ça intéresse les media qui entretiennent l'image d'une Corse incontrôlable. Mais lorsque l'on trouve des solutions, on en parle moins, et ici, et sur le continent. On devrait en parler beaucoup plus.
On devrait, ici encore plus qu'ailleurs, pouvoir être fier de faire des projets et de les faire avancer. Ça n'empêche pas d'être corse et même vraiment corse. Les problèmes ici sont souvent aigus, difficiles. C'est tout autant une marque de caractère de les résoudre que de les brandir. D'ailleurs je constate que les agriculteurs de Corse ont été fiers de présenter leurs produits au salon de l'agriculture au début de ce mois de mars, et ils ont eu raison. On en a moins parlé peut être que de l'endettement, mais pourtant il s'agit bien des mêmes agriculteurs et ils n'ont rien perdu de leur âme à montrer à tout le monde ce qu'ils savaient faire.
Lorsque je dis que la Corse n'est pas condamnée au malheur, cela veut dire deux choses précises : faire reculer la violence, sous toutes ses formes, et là l'Etat restera en première ligne. Et puis imaginer un autre avenir, ça c'est vous qui allez le faire avec l'Etat à vos côtés.
Quand je parle de violence, je parle de toutes les formes de violence.
La violence que l'on appelle "politique", c'est à dire celle des attentats, qui souvent n'a d'ailleurs rien de politique a déjà reculé ces dernières années. Mais l'objectif, je le dis clairement au préfet de Corse, ce n'est pas cent ou cinquante attentats de moins, c'est qu'on n'ait plus recours à des attentats par explosif ou par arme à feu. Que ce soit pour régler des comptes ou pour exprimer des revendications quelles qu'elles soient. Mitrailler la façade d'un commissariat, à l'intérieur duquel travaillent des fonctionnaires de police, ça ne fait avancer aucune revendication. Je le dis aux auteurs d'attentats s'ils m'entendent : aucune démonstration de ce genre ne peut aboutir à quoi que ce soit. C'est beaucoup de lâcheté, du danger pour des innocents, et aucun bénéfice pour leurs auteurs, si ce n'est une privation de liberté à plus ou moins long terme. Je demande publiquement à quoi sert d'exposer sa vie, ou sa liberté, à briser sa vie de famille, pour ce type d'actes, dans un pays démocratique.
Je comprends que l'on défende sa langue, sa terre, sa culture, ce qui demande d'ailleurs une grande énergie, et beaucoup d'imagination. Mais cette énergie est desservie par la violence. Et il est très dommage de la gaspiller car la Corse en a grand besoin.
S'agissant du banditisme, je dirai très simplement que depuis le 1er juin 2002, l'activité des forces de sécurité, particulièrement soutenue, a permis de nombreuses arrestations. Les réussites policières n?ont jamais été si nombreuses, notamment au regard des personnes recherchées ou en fuite. Les toutes dernières années sont éloquentes :
Cette action continuera de façon ferme et résolue.
Quant à la délinquance dite "de droit commun", c'est à dire celle qu'on rencontre aussi ailleurs, je veux la voir reculer. Je le dis devant les forces de sécurité et les magistrats. On voit se développer de nouvelles formes de violence en Corse, notamment les agressions sur les personnes, qui sont inquiétantes et doivent faire l'objet d'une vigilance toute particulière. Vous avez longtemps été préservés de ce phénomène. Je veux que l'on revienne au plus vite à cette tradition de confiance qui faisait qu'on sortait se promener le soir partout sans crainte.
Je veux aussi parler des incendies de forêt. Je suis bien obligé d'en parler au titre de la violence puisqu'on ne compte plus, chaque été, les mises à feu volontaires. Un chiffre qu'on ne connaît pas assez : depuis vingt ans, 10 % du territoire de la Corse s'est consumé ; cela ne doit laisser personne indifférent. L'an dernier, deux pilotes ont péri à Calvi dans le crash d'un Canadair. Je n'entre pas dans un débat technique sur les causes de l'accident, je dis simplement que si le feu n'avait pas sévi à ce moment là , ces pilotes seraient encore en vie .Ces mises à feu sont donc criminelles, et elles feront l'objet de surveillance, de recherches et de poursuites systématiques.
J'ajoute que nous faisons ici, en Corse, un effort de prévention sans précédent. Une dernière réunion de mise au point s'est tenue ici la semaine dernière autour du préfet Pierre René Lemas, et nous avons maintenant un plan de protection des forêts et des espaces naturels contre les incendies, qui associe l'Etat, la collectivité de Corse, et les départements. Je demande au préfet Michel Delpuech, qui va bientôt le signer, de veiller à son application avec beaucoup de vigilance , avec les élus , car ce plan qui mobilise un gros effort financier ? 54 millions d'euros en 7 ans- doit nous permettre de faire de grands progrès et de les faire ensemble .Vous le savez, l'Etat mettra de toute façon en place les moyens aériens et terrestres nécessaires. Cette année, conformément à ce que j'avais annoncé en Balagne en juillet 2005, la Corse bénéficiera aussi de matériels terrestres supplémentaires, destinés aux renforts qui viendraient du continent, et permettant une capacité d'action bien supérieure et beaucoup plus rapides.
Je prendrai enfin un exemple pour vous montrer que la Corse peut fort bien renoncer à la violence sans rien perdre de son identité. Celui de la sécurité routière. On a toujours fait de la conduite à haut risque une caractéristique totalement incontournable des jeunes gens corses. Pourtant depuis 2002, on a décidé de faire de la prévention contre ce phénomène, et on a obtenu de vrais résultats. Le nombre d'accidents corporels a baissé de près de 13 %, celui des blessés de 22 %, celui des tués de 34 %.
Je crois donc fermement au recul de la violence .Mais endiguer la violence ne suffit pas .Il faut un projet pour la Corse .Encore une fois ce n'est pas mon rôle que de l'élaborer. Je voudrais simplement tracer des pistes devant vous. En fait vous dire trois choses.
D'abord que mon expérience m'incite à la confiance. Lors de mes débuts place Beauvau en 2002, on m'a incité à la plus grande prudence à l'égard de la Corse .On sortait des accords de Matignon et on m'annonçait les plus grandes difficultés à mettre en place les transferts de compétences prévus par la loi du 22 janvier 2002. Dès que je venais ici ,on me signalait d' autres problèmes insolubles : j'en citerai deux . l'endettement agricole - sujet trop sulfureux pour être seulement abordé ? et l'université de Corse - un bastion de militantisme, là aussi à éviter. J'ai choisi de n'éviter ni l'un ni l'autre. Au contraire, j'ai proposé que l'on parle des problèmes et que l'on trouve des solutions. Nous les avons cherchées, trouvées, parfois arrachées. Mais nous y sommes arrivés, et aujourd'hui c'est cela qui compte . Et encore plus que les résultats, c'est la méthode que je retiens, qui consiste à se parler franchement , jusqu'à se comprendre vraiment ,qui consiste à prendre des engagements en connaissance de cause et à les tenir .Un dernier exemple : la création d'une agence foncière, qui va voir le jour avant l'été. Là aussi on m'avait prédit que jamais on ne pourrait plus reconstituer les titres de propriété ; Eh bien si, on va pouvoir le faire , en collaboration avec la collectivité de Corse, les notaires et les généalogistes.
Monsieur le préfet, vous l'avez compris, cette méthode qui repose en fait sur le respect et la confiance, c'est une méthode qui me paraît pouvoir vous guider dans votre action. Ici, elle permet parfois de déplacer des montagnes .Et vous aurez peut être à le faire?
Je suis confiant aussi pour une deuxième raison .Nous allons avoir les instruments nécessaires pour faire un bond en avant.
D'abord à ce jour, en mars 2006, nous entrons dans une période tout à fait nouvelle, celle des grandes programmations .S?achèvent en effet au cours de l?année trois grandes programmations qui ont gouverné les relations entre l'Etat et la Corse : depuis l?année 2000, pour le contrat de plan, et les fonds européens, et depuis 2002 pour le programme exceptionnel d?investissement.
Sur le contrat de plan, il reste nécessaire, avant de se lancer dans le prochain exercice de programmation, de se livrer à son évaluation complète, exigeante et aussi partagée. Ce n'est plus l'heure de passes d'armes politiques , mais celle de la lucidité .Qu'est ce qui a mal fonctionné, qu'est ce qui s?est exécuté avec retard, ou n?a pas bénéficié de l?indispensable effet de levier que doivent produire les crédits publics ? Sachant que les choses ne se sont d'ailleurs dans l'ensemble pas mal passées , mais c'est l'heure du bilan.
Ensuite, les fonds européens : ils ont représenté 410 M euros de travaux financés à hauteur de 181 M euros par l?Europe, le reste étant cofinancé par les autres collectivités publiques et les autres partenaires.
Pour l?essentiel de la programmation que regroupe le DOCUP(document unique de programmation), les crédits ont jusqu?ici été dépensés dans les temps ; parallèlement, la qualité de l?exécution a été reconnue par l?attribution, en 2004, de la « réserve de performance », à laquelle j?avais particulièrement veillé en son temps. C?est aussi la marque de la reconnaissance par la Commission européenne des efforts faits par la Corse. C?est encore un démenti à l?image folklorique d?une Corse s?exonérant des contrôles et des procédures.
Le programme exceptionnel d?investissements enfin. J'ai eu maintes et maintes fois l'occasion d'analyser l'évolution de ce programme. Dès mes premières visites en Corse, j'ai d'ailleurs placé le démarrage effectif du PEI au nombre des enjeux primordiaux du développement de l'île. On m' a prédit les pires difficultés, il y en a eu, mais aujourd'hui, la première tranche du PEI est programmée à plus de 85 %. A neuf mois de son achèvement, ce n'est quand même pas déshonorant bien au contraire. Ce qui me semble important à ce stade, c?est bien plutôt l?analyse de ce que doit être la future convention, celle qui démarrera en 2007. C'est le moment de réfléchir aux priorités. Je sais que le président du conseil exécutif l'a fait, et que nous avons donc déjà une base de discussion. Une question simple par exemple : doit ? on faire du " tout transport", routes et chemin de fer, comme on l'avait prévu, ou bien d'autres projets, plus diversifiés ne sont ils pas nécessaires ? Un autre exemple : celui de l'assainissement et de l'eau potable, des problèmes que la Corse n'a pas encore pu résoudre. Cela mérite d'y réfléchir sérieusement, en pleine application d'un programme exceptionnel d'investissement qui est voué au rattrapage de tous les retards, et non pas à fournir des compléments de financements à tous les projets qui en manquent.
Et puis enfin on peut rajouter une dernière perspective : c'est celle de la coordination de toutes ces programmations, qui devra intervenir d'ici à cet été. Le préfet de Corse va donc devoir s'atteler à toutes ces tâches en même temps, avec l'exécutif de la collectivité de Corse, et cela dès maintenant. C'est une bonne entrée en matière. Je la suivrai personnellement avec beaucoup d'intérêt.
Un deuxième motif de confiance, c'est que nous avons aussi de bonnes nouvelles pour la Corse de la part de Bruxelles. S'agissant du fonds de développement régional et du fonds social européen le montant des crédits mobilisables en Corse entre 2007 et 2013, ne baissera que de 11 % par rapport à la période précédente, pour atteindre 148,7 M euros.
Comme vous le savez la moyenne nationale de réduction de ces enveloppes est plutôt de l?ordre de 25 %. C'est donc un très beau résultat.
Autre bonne nouvelle pour la Corse, toute récente elle aussi. Il s?agit des aides à finalité régionale. Nous étions allés avec plusieurs d'entre vous en janvier 2003 rencontrer le président de la Commission européenne pour obtenir un traitement particulier pour la Corse, c'est à dire des taux d'aide aux PME supérieurs à la moyenne. Depuis, la Commission a souhaité dans la future programmation réduire drastiquement le recours à ces aides. Toutes les régions françaises se voient contraintes d?élaborer un zonage très réduit pour des taux qui le sont également. Seule une région se trouve épargnée par cette exigence et est intégralement couverte par le zonage : c?est la Corse.
J?ai travaillé personnellement à cette décision qui me paraît correspondre à la réalité des besoins de l?île. Elle est d'autant plus importante que le taux d'aide aux petites entreprises, celles de moins de 50 salariés, qui sont les entreprises de Corse dans leur quasi totalité, est majoré de 5 points et passe de 30 à 35 %.
J'ajoute enfin que j'ai conscience des limites financières de la collectivité de Corse, qui apparaissent d'autant plus qu'elle est sollicitée pour cofinancer des projets. C'est bien d'apporter des fonds, des aides de l'extérieur mais la collectivité doit pouvoir gagner une marge d'autonomie financière pour avoir aussi une marge d'action. Dans le cas contraire, nous ne respecterions pas l'esprit de ce que doivent être les relations entre l'Etat et la collectivité de Corse. A la demande d'Ange Santini, j'ai obtenu qu'une mission d'analyse des recettes de la collectivité, menée par l'inspection générale de l'administration et l'inspection générale des finances, examine à fond ce sujet avant la fin du mois de mai et fasse des propositions. La mission est arrivée aujourd'hui en Corse et commence ses travaux.
J'ai enfin une troisième raison d'avoir confiance, c'est que lorsque l'on fait appel à la Corse pour faire émerger des projets nouveaux, intéressants, audacieux , elle est au rendez vous . Elle nous l'a montré à trois reprises depuis l'an passé. D'abord, en présentant un pôle de compétitivité sur les énergies renouvelables. Il s'appelle « Cap énergies », et il vous associe à la région Provence Alpes Cote d?Azur. L?émergence et la construction de ce pôle ont demandé de la part des acteurs locaux ? José Rossi au premier rang d'entre eux - des efforts considérables, aujourd?hui couronnés de succès avec la labellisation du pôle.
Deuxième exemple : les projets de gestion intégrée de zones côtières. Derrière cette appellation technocratique se cachent tout simplement des projets de mise en valeur de sites remarquables du littoral. Deux projets ont été retenus pour la Corse, tout à fait emblématiques puisqu'ils concernent le site de Girolata avec sa réserve marine de Scandola , et l'étang de Biguglia , avec sa réserve ornithologique .Ce sont deux merveilles. Ce n'est pas rare en Corse. Mais ce qui est plus rare est de vouloir les gérer et les mettre en valeur.
Enfin, dernier exemple, celui de l'appel à projet des pôles d?excellence ruraux. D?ores et déjà deux dossiers intéressants ont été déposés. Le premier est déposé par le Parc Naturel Régional de Corse. Il s'appuie sur l'appellation d'origine contrôlée obtenue en 1998 pour le miel de Corse. Il vise à développer, cette production en installant 100 nouveaux apiculteurs en 10 ans. Le second s'appuie sur la restauration d'une ancienne briqueterie à Omessa, en Haute Corse, pour y installer la production et la vente d'objets fabriqués selon les 3 arts du feu avec de la terre, du verre et du métal. Ce projet associe à la fois la communauté de communes et une société créée pour l'occasion entre 7 partenaires locaux intéressés au projet. Le projet pourrait assurer dans sa seule partie privée la création de 14 emplois permanents.
Tout ceci montre une chose : la Corse est prête à innover, et à le faire avec ses ressources naturelles. Ce sont des exemples, mais il est évident qu'ils peuvent se multiplier. Le préfet de Corse sera à votre disposition, avec ses services, pour appuyer la conception de tout projet de développement de ce type. Je vous l'avais dit en juillet 2005, c'est la question centrale à mes yeux : comment se développer en restant soi même ? C'est déjà un morceau de réponse.
Alors tout ceci me rend optimiste sur ce qu'il est possible de faire. Mais je sais que le plus difficile reste à faire : c'est la vision d'ensemble de la Corse qui est la plus compliquée à faire émerger, car alors on doit faire converger toutes sortes d'intérêts et de points de vue qui s'affrontent. Par exemple, ceux des protecteurs de la nature et ceux des entreprises de tourisme. Ici ce débat est totalement crucial, car en effet, avec son environnement, la Corse joue son identité. Ce débat est très loin d'avoir été mené à bien. Je sais que beaucoup de maires aimeraient pouvoir aménager un peu leur commune, et qu'ils se disent empêchés de le faire par la loi littoral ou bien par la loi montagne. Ce sont là des enjeux essentiels, et des débats sans fin.
Ils conditionnent en grande partie l?élaboration du plan d?aménagement et de développement durable de la Corse, qui pourrait bien être remis en cause si la collectivité de Corse ne parvient pas à définir ses objectifs stratégiques. Je demande, sur ces sujets, au préfet de Corse, de faire des propositions précises pour la rentrée de septembre , qui serviront à alimenter les réflexions que vous menez sur le plan d'aménagement .Encore une fois, il s'agira de propositions, et il pourra d'ailleurs y avoir plusieurs propositions alternatives. Je n'ai d'ailleurs aucun a priori. Je veux simplement que ces sujets de la loi littoral et de la loi montagne soient suffisamment expliqués pour donner lieu à des propositions simples et à des débats très ouverts, initiés par la collectivité de Corse, mais qui pourront solliciter l'opinion publique corse, extrêmement sensible à ces débats.
Je veux aussi que sur l'ensemble des sujets économiques, zone franche, crédit d'impôt, aide à l'épargne locale? une analyse soit menée conjointement par le préfet de Corse et la collectivité territoriale, pour que nous ayons là aussi des propositions sérieuses à étudier à la rentrée de septembre : ces questions sont essentielles pour avoir une vision d'avenir de la Corse.
Voici, Mesdames et Messieurs, tout ce qui va vous occuper dans les mois qui viennent. Il resterait bien d'autres sujets à évoquer : la modernisation des services publics, avec les expériences menées par la Poste en milieu rural ; le partenariat de la collectivité avec la Caisse des dépôts et consignations qui se concrétise, le démarrage avant l'été de la chaîne Via Stella, la reprise à venir de l'exploitation du plus grand centre de vacances de Corse à Taglio Isolaccio qui était à l'abandon depuis des années, doublé d'un centre de congrès, avec des centaines d'emplois induits en perspective? tous ces dossiers, j'ai la fierté de les avoir initiés depuis 2002, de les avoir toujours menés avec vous, au début dans un climat de scepticisme, et à la fin avec un enthousiasme discret comme on sait le pratiquer ici mais qui vaut souvent plus que des applaudissements.
Je suis lucide aussi : les difficultés ne manqueront pas, elles n'ont jamais manqué. Mais aujourd'hui nous avons les hommes, les outils, la méthode et beaucoup d'espérance. "Si Dieu veut" alors, comme on le dit toujours ici, nous allons pouvoir réussir. En ce qui me concerne, j'y crois très sincèrement. J'espère vous avoir fait partager cette conviction.
Source http://www.corse.pref.gouv.fr, le 21 mars 2006