Texte intégral
J.-J. Bourdin - Est-il vrai que GDF vous demande l'autorisation d'augmenter de 16 % ses tarifs cette année ?
T. Breton - C'est précisément pour ne pas recommencer tous les trois mois les psychodrames que nous avons connus il y a trois mois que j'ai lancé une mission, confiée à trois personnalités indépendantes, pour voir si cette fameuse formule qui existe maintenant depuis des années, et qui permet d'ajuster les tarifs du gaz par rapport au prix [du pétrole, ndlr], qui jusqu'à présent, depuis des années, bien avant la mise sur le marché de GDF, permettait à GDF d'augmenter ses tarifs tous les trois si le gaz augmentait ou de les baisser. Evidemment, cela a créé des problèmes pour les consommateurs, qui sont absolument inacceptables, j'ai donc demandé à ce que l'on revoie cette formule. La mission s'est réunie de très nombreuses fois, je l'ai rencontrée la semaine dernière ; nous avons encore une réunion d'ici quelques jours et elle nous rendra ses conclusions. Je suivrai ses recommandations et très certainement, beaucoup de choses vont changer dans la façon de répercuter l'augmentation du gaz sur les consommateurs, et puis, surtout, d'avoir plus de visibilité. Donc GDF fait ses demandes mais moi, je vais très certainement suivre les recommandations de la commission, on va expliquer tout cela, cela va nous donner enfin de la visibilité et éviter ce psychodrame tous les trois mois.
J.-J. Bourdin - Mais GDF a donc demandé une augmentation de 16 % de ses tarifs ?
T. Breton - Ils sont obligés parce qu'ils sont encore dans la formule, mais cela ne veut pas dire qu'on va l'appliquer.
J.-J. Bourdin - Les tarifs vont-ils augmenter ou pas ?
T. Breton - On va voir, encore une fois, en fonction de ce qui va être retenu sur la formule. En tout cas, je vérifierai - c'est ce que l'on a demandé à la commission - que les intérêts des consommateurs soient préservés, mais aussi les intérêts de l'entreprise. Rendez-vous dans quelques jours.
J.-J. Bourdin - Vous ne pouvez pas me dire si cela va augmenter ou pas ?
T. Breton - [Rendez-vous dans quelques jours] avec sérénité.
J.-J. Bourdin - On va évidemment parler du contrat "première embauche". Vous avez une question à poser aux auditeurs de RMC.
T. Breton - Je me pose la question en voyant tout ce débat. Finalement, en matière d'emploi et de chômage, faut-il préférer l'immobilisme ou l'expérimentation ?
J.-J. Bourdin - C'est une bonne question. [Les auditeurs de RMC vont vous répondre]. On va revenir sur le CPE mais, auparavant, j'ai encore deux ou trois questions à vous poser. Sur Areva, par exemple, avons-nous refusé de vendre notre technologie nucléaire civile à la Chine ?
T. Breton - On ne peut pas dire des choses comme ça. C'est un peu caricatural. Il y a un contrat, il y a des négociations commerciales, depuis très longtemps avec la Chine, et dans le cadre de ces négociations commerciales, il y a des perdants et des gagnants. Il faut regarder les choses plus clairement. Il y a des moments où l'on va de l'avant, des moments où l'on arrête. C'est le jeu d'une négociation...
J.-J. Bourdin - Cela n'a rien à voir avec le transfert de technologies ?
T. Breton - Comme l'a dit A. Lauvergeon, rien n'est encore définitif. Donc, on va voir, rien n'est encore arrêté à ce jour, donc on verra. C'est vrai que ce sont des négociations difficiles, c'est vrai qu'il faut prendre en compte tout un tas de paramètres comme dans tout contrat commercial négocié. Mais je fais confiance à Areva.
J.-J. Bourdin - On ne vendra pas notre technologie, et notamment notre savoir-faire sur les réacteurs nucléaires de troisième génération ?
T. Breton - Encore une fois, c'est un contrat global. Il faut savoir jusqu'où on met la barre. Et pour l'instant, que je sache, ce n'est pas terminé ; je fais confiance à Areva.
J.-J. Bourdin - Le projet de loi sur la participation des salariés aux résultats de leur entreprise. Est-il vrai que les sommes bloquées au titre de la participation ne resteraient bloquées que trois ans ?
T. Breton - On réunit cet après-midi, sous la direction du Premier ministre, ce Conseil de la participation. C'est une très bonne chose, parce que je suis vraiment un fervent adepte de la participation et aussi de l'actionnariat salarié, parce que c'est une très bonne chose, c'est un très bon moyen de faire participer les salariés aux fruits de la croissance de l'entreprise. Donc on se réunit tous autour de la table avec les partenaires sociaux, avec les membres du Gouvernement, G. Larcher, J.-L. Borloo et moi-même, qui sommes concernés. Et effectivement, ces propositions seront mises sur la table, pour voir si l'on peut passer de cinq ans à trois ans, des distributions d'actions gratuites, toute une panoplie d'éléments qui vont intéresser davantage les salariés au capital de l'entreprise. Je crois que c'est une très bonne chose.
J.-J. Bourdin - Puisque cela intéresse les salariés, attardons-nous...
T. Breton - Ce n'est pas encore la loi. On discute...
J.-J. Bourdin - ... Des propositions. Intéressons-nous à cette distribution d'actions gratuites. Qui serait concerné ?
T. Breton - Tous les salariés. L'idée, c'est que tous les salariés puissent y avoir accès. Aujourd'hui, vous savez que dans les entreprises, généralement, c'était plutôt la direction ou l'encadrement. Moi, j'ai toujours souhaité, dans les entreprises, que j'ai eu l'honneur de diriger que tous les salariés puissent y avoir accès. Je trouve que c'est une très bonne chose. Donc, il y a vraiment tous les salariés.
J.-J. Bourdin - Et dans les petites entreprises ?
T. Breton - Eh bien là aussi, on va le proposer. On n'est pas non plus obligé d'être une entreprise côté pour pouvoir avoir accès à des actions. Donc si les entreprises le souhaitent et si des chefs d'entreprise le veulent, il faut qu'on puisse le faire.
J.-J. Bourdin - Les salariés pourront-ils élire leurs représentants au conseil d'administration ?
T. Breton - Là encore, à partir du moment où vous avez un certain nombre de salariés qui sont actionnaires, je trouve parfaitement normal qu'ils soient représentés au conseil d'administration. Là encore, dans toutes les entreprises qui j'ai dirigées, j'ai toujours veillé à ce que ce soit le cas. Je m'en suis toujours félicité.
J.-J. Bourdin - Concernant la taxe sur les véhicules de société, nous avons eu des quantités d'auditeurs qui sont intervenus sur le sujet pour nous dire que les conséquences étaient dramatiques pour les entreprises. Vous avez décidé de revenir sur cette taxe, apparemment ?
T. Breton - Voilà un exemple où, là aussi, il faut être pragmatique. Cette taxe a été mise, je crois, en deuxième lecture au Sénat, sur un texte de loi qui partait d'une bonne idée - disons de "bonnes intentions" -, qui est de dire que comme il n'y a plus la vignette et que l'on souhaite que les véhicules polluent de moins en moins, on va faire en sorte que les véhicules de société de grosses cylindrées soient taxés un peu plus, et que les petites soient taxées un peu moins. Et finalement, ceci a des effets pervers - n'ayons pas peur des mots - qui sont très dommageables pour les entreprises. Donc j'ai pris la décision de créer un groupe pour voir vraiment comment on peut simplifier tout cela.
J.-J. Bourdin - Est-elle enterrée cette taxe ?
T. Breton - On est en train de voir comment la simplifier pour répondre. Je fais deux ou trois fois par semaine des réunions sur le terrain, en province ; je vais à la rencontre de nos compatriotes, de mes concitoyens. Cela fait la 103ème fois qu'on me le dit, vous êtes le 104ème, donc j'ai compris. Mais on a aussi le droit de se tromper.
J.-J. Bourdin - Il s'agissait d'imposer les véhicules personnels des salariés s'ils parcourent plus de 5.000 kilomètres par an pour des raisons professionnelles.
T. Breton - C'est pour cela qu'il est toujours très important d'aller à l'écoute, pour voir ce qui se passe... et qu'on puisse, quand on lance quelque chose, faire des points de rendez-vous, et en tirer les conclusions. Vous avez oublié une chose !
J.-J. Bourdin - Oui, quoi ?
T. Breton - Et les chiffres de l'emploi ?!
J.-J. Bourdin - Mais on les a donnés ce matin. Les emplois créés...
T. Breton - Non, parce que c'est sans doute la meilleure nouvelle depuis des mois, voire des semestres, peut-être même des années. C'est pour cela que je m'attendais à ce que vous commenciez par cela...
J.-J. Bourdin - C'est vrai que c'est une bonne nouvelle...
T. Breton - Non, mais ce n'est même pas une bonne, c'est une nouvelle qui est vraiment... Pour les chiffres d'emplois privés, l'année dernière, on disait, "c'est quand même incroyable, on a créé que 16.000 emplois marchands". L'Insee nous avait donné ce chiffre et on se disait : "ce n'est pas possible, il y a de la croissance et on ne fait que 16.000 emplois !". Et bien ça y est, les chiffres pour 2005 sont tombés ce matin : l'ACOSS nous le précise : 142.000 créations d'emplois privés. 142.00 en 2005. C'était 16.000 emplois marchands en 2004. Alors c'est quoi ça ?
J.-J. Bourdin - Un peu plus de 90.000 dans le privé ?
T. Breton - Non, emplois privés, 142.000...
J.-J. Bourdin - ...Et dans l'emploi public ?
T. Breton - Je ne les ai pas là pour l'emploi public, mais c'est évidemment plus. Emplois privés, cela veut dire tous les cotisants à l'Urssaf, qui inclut la santé, l'éducation privée et les associations. Et évidemment, surtout, qui observe les entreprises de moins de dix salariés, parce que c'était celles-là qui étaient difficiles à capter. Et c'est là où ça nous intéresse, parce que c'est la première fois que l'on voit que le contrat "nouvelles embauches" a créé massivement de l'emploi. Je le dis parce que c'est la première fois en France, depuis très, très longtemps, que l'on crée autant d'emplois privés, ce qui veut donc dire que l'expérimentation que nous avions lancée avec le contrat "nouvelles embauches" - on avait dit, on va essayé, on va voir si ça marché -, on en est à 350.000 contrats signés et on voit qu'aujourd'hui, cela a créé un solde positif en emplois privés de 142.000. Je le dis parce que cela veut donc dire que cela marche, cela veut dire aussi que l'on va se réunir avec les partenaires sociaux, maintenant que l'on a ces chiffres, pour voir ce qui arche bien, ce qui marche bien, ce qui marche mal.
J.-J. Bourdin - Vous allez enfin vous réunir ?
T. Breton - On l'avait toujours dit.
J.-J. Bourdin - Sur le contrat "première embauche", vous ne vous êtes pas réunis, c'est l'un des reproches que l'on vous fait...
T. Breton - Oui, mais regardez la méthode : cela veut donc dire qu'on mène l'expérimentation, on regarde, et puis on parle chiffres à l'appui. On m'a cité deux ou trois exemples où il y avait peut-être des excès qui sont allés devant les prud'hommes. Je veux les avoir, je veux que l'on en parle avec les partenaires sociaux, que l'on corrige, que l'on ait un audit, que l'on essaye de voir si, effectivement, on peut encore faire mieux. Parce que comme il n'y a pas de science infuse dans ce domaine, si cela se savait, si on avait une clef miracle, si on avait une solution qui tombait du ciel, tout le monde l'aurait fait. Donc, je crois qu'en matière d'emploi, on avait un tel blocage en France qu'il faut avancer en marchant, tous avec le même objectif, tous avec le même intérêt, faire en sorte que de plus en plus de nos compatriotes puissent retourner dans le monde du travail. Je rappelle qu'il existe aujourd'hui entre 300.000 et 500.000 offres d'emplois qui sont disponibles et qui ne trouvent pas de preneur. Il faut donc absolument rapprocher ces offres disponibles et toutes celles et tous ceux qui veulent revenir dans le monde du travail.
[Deuxième partie]
J.-J. Bourdin - On parle du CPE avec T. Breton, et vous l'interrogez. Je vais vous mettre à l'antenne dans un instant. J'ai des quantités de mails, T. Breton. Un mot, et on évacuera l'aspect politique des choses : est-ce que l'opposition vous convainc dans cette affaire ?
T. Breton - D'abord, on ne l'entend pas, l'opposition. Ah si, si, excusez-moi ! On a entendu S. Royal. C'est la seule que l'on a entendue sur le CNE. Elle a dit il y a quelques jours qu'en tant que présidente de la région Poitou-Charentes, elle retirait toutes les subventions aux entreprises, dans sa région, qui utilisent le CNE - je rappelle que désormais il y a 350.000 contrats qui ont été signés, donc tant pis pour ces entreprises - et à celles qui voudraient utiliser le CPE. Je crois que depuis, tout le monde lui a dit de se taire. Donc, effectivement, on ne l'entend plus maintenant.
J.-J. Bourdin - T. Breton, je lis. Fernand : " En écoutant la télé et les radios, on se rend compte que les jeunes n'ont rien compris au CPE. Ne vous sentez-vous pas responsable de n'avoir pas expliqué suffisamment à tous ces jeunes ? "
T. Breton - Il faut effectivement, en permanence, expliquer, c'est aussi pour ça que je suis là ce matin. Le CPE c'est quoi ? C'est vraiment essayer des solutions nouvelles pour éviter ce drame, qui est le chômage des jeunes. Souvenez-vous, quand même, ce que l'on a vécu il y a quelques mois dans les banlieues. On a vu quand même une jeunesse en désespérance, une jeunesse qui demandait à être insérée, à être accueillie, à trouver du travail. On ne pouvait pas rester inactif, on ne pouvait pas rester immobile, on ne pouvait pas se dire : on va croiser les doigts et en disant : pourvu que ça change. On a essayé. Alors, le CPE est une proposition qui est faite aux jeunes. Je rappelle que ce n'est pas le seul contrat, tous les autres contrats demeurent mais on en met un de plus et puis on va essayer de voir, comme on l'a fait sur le CNE. Sur le CNE, on avait dit : "on essaie, on tirera un bilan". On tire le bilan, on voit que ça marche, tant mieux, on va peut être même corriger deux ou trois choses si jamais on voit qu'il y a des éléments qui ne vont pas. Pour le CPE, le Premier ministre a dit que c'est exactement la même chose : on essaie une solution qui permet aux jeunes, pour la première fois, de rentrer dans l'entreprise, d'avoir tous les droits, tous les droits d'un contrat de travail comme un autre - c'est l'équivalent d'un contrat de travail à durée indéterminée en matière de droits - et puis si ça marche, tant mieux. Et puis, on verra dans six mois. Dans six mois, on va tirer les leçons mais au moins, de façon pragmatique, devant le conseil d'orientation pour l'emploi, le Premier ministre en a pris l'engagement, on va tirer tous les six mois les conclusions, mais on parlera sur des éléments concrets. On ne parle plus dans la théorie. La théorie nous a montré où ça nous a mené, ça nous a mené nulle part.
J.-J. Bourdin - Annaïg est avec nous. Etudiante en Master d'histoire, 22 ans, vous êtes à Rennes, en IIle-et-Vilaine et vous êtes secrétaire générale de l'UNEF Rennes. Allez-y. Question et dialogue avec T. Breton.
Annaïg : C'est une question que beaucoup d'étudiants se posent. On l'a vu, depuis ces derniers jours, monsieur de Villepin, monsieur Chirac également, monsieur Sarkozy, parlent beaucoup d'écoute et de dialogue. Alors, ma question elle est toute simple, c'est : quand est-ce que le Gouvernement va écouter les jeunes qui sont massivement opposés au CPE et qui manifestent, finalement, depuis plusieurs semaines ?
T. Breton - Annaïg, je peux vous poser une question, avant ? Vous êtes étudiante en Master d'histoire et vous vous prédisposez à quoi ? C'est quoi le métier que vous voudriez faire ?
Annaïg : Je voudrais me diriger vers le journalisme.
T. Breton - Vers le journalisme. Et donc, vous aimeriez avoir, le plus rapidement possible, parce que c'est important d'avoir de l'expérience, et de pouvoir valoriser votre expérience professionnelle. C'est effectivement ce que l'on essaie de faire avec ce contrat. Voyez-vous, on essaye de trouver des nouvelles passerelles pour que les jeunes qui, auparavant, allaient de petits boulots en petits boulots, de galère en galère, de CDD en CDD, puissent rentrer plus rapidement dans une entreprise et puis surtout valoriser le parcours professionnel, parce que aujourd'hui, c'est ça ce qui est important. Voyez-vous, on va essayer de mettre ce système en place. On l'a dit, premier rendez-vous, dans six mois, mais on va pouvoir parler cette fois-ci de façon concrète, en disant : "tiens, eh bien ici ça a marché, tiens, là il y a eu un excès, tiens, là, on aurait peut-être pu faire ceci, ça aurait été mieux". La politique et la dynamique que le Gouvernement veut engager, c'est de rentrer dans un dialogue constant. On fait des expérimentations, comme on l'a fait pour le CNE, on tire les conclusions, on essaye de corriger. Eh bien voyez-vous pour le CPE, le Premier ministre l'a redit dimanche soir, on va lancer la démarche, on se retrouve, on travaille pour voir comment - l'article 8, je le rappelle, de la loi nous permet de - mettre en place, en trouvant les solutions qui font que tout le monde s'y retrouve. Dans six mois, on tire un premier bilan, et puis on voit ce que cela donne et puis on continue à avancer, ensemble. Pas contre. Ensemble. Ce n'est pas fait contre les jeunes, c'est fait pour les jeunes. Mais encore une fois, on parle sur du concret.
Annaïg : Monsieur le ministre, j'apprécie votre explication, mais vous ne répondez pas vraiment à ma question. On voit aujourd'hui qu'il y a un mouvement de jeunesse en train de se mettre en place et vous n'avez pas répondu à ma question qui était : " quand écouterez-vous ce mouvement de jeunesse ?
T. Breton - Mais on l'écoute en permanence.
Annaïg : Vous parlez de dialogue, monsieur, il semble que sur la forme, il aurait été quand même préférable de discuter avec les partenaires sociaux avant la mise en place de ce contrat "première embauche". Par ailleurs, vous parlez de tirer un bilan. C'est effectivement l'annonce qu'a faite monsieur de Villepin dimanche soir sur TF1. Ce bilan, on l'a déjà avec le bilan du contrat "nouvelles embauches" : 71 % des embauches entre septembre et janvier, en contrat "nouvelles embauche", auraient de toute façon eu lieu, sans le CNE, et dans 57 % des cas, on le sait, le CNE se substitue au CDI.
T. Breton - Faux, faux, faux, faux. 11 % seulement. On a les chiffres, justement, ils viennent de sortir ce matin. C'est pour ça que, voyez-vous, il faut que l'on parle de chiffres.
J.-J. Bourdin - Ils sortent au bon moment, les chiffres, T. Breton.
T. Breton - Vous savez, c'est [les chiffres] des instituts, qui sont indépendants ; ils les sortent tous les mois à la même date.
J.-J. Bourdin - D'accord.
T. Breton - Ce qui est important dans ce que vous dites, c'est qu'effectivement, il faut que nous parlions sur des chiffres concrets et que l'on fasse l'analyse. On a sur le CNE, et on a les réponses. Eh bien, il n'y a pas eu de substitution sur le CNE, il y a de la création d'emplois, massive, notamment dans les petites entreprises de moins de dix salariés. Il y a peut-être eu quelques excès, c'est vrai, donc on va les corriger, on a vu qu'il y a des prud'hommes qui ont été saisis. Voyez-vous, on avance en marchand. Eh bien c'est exactement ce que l'on veut pour le CPE : avancer en marchand, ensemble. La discussion doit être permanente.
J.-J. Bourdin - Mais pourquoi ne pas avoir reçu les représentants des étudiants, avant la mise en place ? Lorsque vous avez présenté le CPE, pourquoi ne pas avoir dit ce jour-là, lorsque le Premier ministre l'a présenté : "eh bien, on présente le CPE, on va en discuter avec les étudiants, les représentants et nous marcherons ensemble" ?
T. Breton - C'est exactement ce que je suis en train de dire. Le CPE, il n'est pas encore mis en application.
J.-J. Bourdin - Mais il est voté.
T. Breton - Il est voté, mais maintenant il y a l'application, il y a des tas de modalités d'application, c'est maintenant qu'il faut précisément en discuter, pour voir sous quelle forme - l'article 8 permet des tas de souplesse - on le met en application et puis point de rendez-vous tous les six mois. C'est vraiment ensemble qu'il faut trouver la solution. Mais au moins on a engagé une dynamique et au moins on a refusé le statu quo. Ce n'est peut-être pas la meilleure solution, peut-être qu'on pourra l'améliorer mais en tout cas on avance. Et il n'y a rien de pire que le statu quo quand on a 23 % de chômage pour les jeunes et 40 % de chômage dans les banlieues.
J.-J. Bourdin - Annaïg, vous voulez ajouter quelque chose ? Est-ce qu'aujourd'hui vous seriez prêtes, et prêts, à l'UNEF, à vous réunir dans une grande table ronde avec les syndicats et le Gouvernement sur le CPE ?
Annaïg : Pour cela, il y a une étape fondamentale qui est : "on discute, très bien, mais après le retrait du Contrat Première Embauche".
J.-J. Bourdin - C'est-à-dire que vous voulez discuter, mais après le retrait, vous.
Annaïg : Tout à fait. Nous, malgré les annonces de D. de Villepin, on n'a absolument pas été convaincus dimanche soir. Le fond du problème il est toujours le même : c'est la période d'essai de deux ans.
T. Breton - Ce n'est pas une période d'essai.
Annaïg : Excusez-moi, effectivement, vous l'appelez période de consolidation, nous l'appelons période d'essai de deux ans. Nous souhaitons en discuter mais après le retrait du contrat "première embauche".
T. Breton - Moi, je dis : "avançons, ensemble : tous les jeunes, les étudiants, les artisans, les chômeurs..."
J.-J. Bourdin - Vous êtes prêt à organiser cette grande rencontre : le Gouvernement vous-même, tout le monde autour de la table ? Les étudiants, le Gouvernement, les syndicats ?
T. Breton - Je vais vous répondre très précisément. A partir du moment où on enclenche la dynamique - c'est bien ce qu'a dit D. de Villepin : à partir du moment où cette dynamique est enclenchée - c'est tous ensemble que nous allons la mettre en place sur le terrain, tirer des bilans tous les six mois et avancer ensemble et voir ce qui va bien et ce qui va moins bien. Mais au moins, la démarche que nous proposons...
J.-J. Bourdin - Vous avez donné l'impression que vous avanciez, seuls, jusqu'à maintenant, T. Breton, pardonnez-moi, mais c'est vrai.
T. Breton - Mais, il y a un temps pour tout, je m'excuse. Il y a un temps pour le législateur, il y a un temps pour la mise en place, il y a un temps pour l'exécution. Le temps pour le législateur, il appartient au législateur. C'est fini. Le débat a eu lieu, ça a été voté au Parlement - et pas par le 49.3, je le rappelle - après un large débat : ça a été voté au Parlement et à l'Assemblée et au Sénat. C'était le temps du législateur. Il y a maintenant le temps de la mise en place et c'est effectivement le temps du dialogue. Et puis maintenant, il y a ensuite le temps de l'exécution et c'est là où il faut que l'on avance ensemble, je le dis très simplement. Tous les jeunes, il faut avancer ensemble, voir ce qui va bien, voir ce qui ne va pas, de façon à trouver une solution à ce problème qui est un problème qui est un absolument scandaleux et qui est une exception française. Alors, essayons d'avancer ensemble plutôt que de nous opposer sur de la théorie et puis on verra, si sur le terrain ça marche, eh bien tant mieux. Si jamais il y a 100 000 jeunes, s'il y a 200 000 jeunes, s'il y a 300 000 jeunes qui peuvent rentrer, ce faisant, dans le monde du travail, eh bien moi je dis que ça vaut la peine d'essayer.
J.-J. Bourdin - Bien, vous restez avec nous, Annaïg. Sylvain, Samir, Thierry, Pierre, sont tous jeunes, étudiants, ils seront avec nous. T. Breton reste pour répondre à toutes vos questions, il y en a d'autres, des quantités... Nous répondrons tout à l'heure à la question posée par T. Breton, à la fin de son intervention. Il sera avec nous après le journal de 9 heures.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 17 mars 2006
T. Breton - C'est précisément pour ne pas recommencer tous les trois mois les psychodrames que nous avons connus il y a trois mois que j'ai lancé une mission, confiée à trois personnalités indépendantes, pour voir si cette fameuse formule qui existe maintenant depuis des années, et qui permet d'ajuster les tarifs du gaz par rapport au prix [du pétrole, ndlr], qui jusqu'à présent, depuis des années, bien avant la mise sur le marché de GDF, permettait à GDF d'augmenter ses tarifs tous les trois si le gaz augmentait ou de les baisser. Evidemment, cela a créé des problèmes pour les consommateurs, qui sont absolument inacceptables, j'ai donc demandé à ce que l'on revoie cette formule. La mission s'est réunie de très nombreuses fois, je l'ai rencontrée la semaine dernière ; nous avons encore une réunion d'ici quelques jours et elle nous rendra ses conclusions. Je suivrai ses recommandations et très certainement, beaucoup de choses vont changer dans la façon de répercuter l'augmentation du gaz sur les consommateurs, et puis, surtout, d'avoir plus de visibilité. Donc GDF fait ses demandes mais moi, je vais très certainement suivre les recommandations de la commission, on va expliquer tout cela, cela va nous donner enfin de la visibilité et éviter ce psychodrame tous les trois mois.
J.-J. Bourdin - Mais GDF a donc demandé une augmentation de 16 % de ses tarifs ?
T. Breton - Ils sont obligés parce qu'ils sont encore dans la formule, mais cela ne veut pas dire qu'on va l'appliquer.
J.-J. Bourdin - Les tarifs vont-ils augmenter ou pas ?
T. Breton - On va voir, encore une fois, en fonction de ce qui va être retenu sur la formule. En tout cas, je vérifierai - c'est ce que l'on a demandé à la commission - que les intérêts des consommateurs soient préservés, mais aussi les intérêts de l'entreprise. Rendez-vous dans quelques jours.
J.-J. Bourdin - Vous ne pouvez pas me dire si cela va augmenter ou pas ?
T. Breton - [Rendez-vous dans quelques jours] avec sérénité.
J.-J. Bourdin - On va évidemment parler du contrat "première embauche". Vous avez une question à poser aux auditeurs de RMC.
T. Breton - Je me pose la question en voyant tout ce débat. Finalement, en matière d'emploi et de chômage, faut-il préférer l'immobilisme ou l'expérimentation ?
J.-J. Bourdin - C'est une bonne question. [Les auditeurs de RMC vont vous répondre]. On va revenir sur le CPE mais, auparavant, j'ai encore deux ou trois questions à vous poser. Sur Areva, par exemple, avons-nous refusé de vendre notre technologie nucléaire civile à la Chine ?
T. Breton - On ne peut pas dire des choses comme ça. C'est un peu caricatural. Il y a un contrat, il y a des négociations commerciales, depuis très longtemps avec la Chine, et dans le cadre de ces négociations commerciales, il y a des perdants et des gagnants. Il faut regarder les choses plus clairement. Il y a des moments où l'on va de l'avant, des moments où l'on arrête. C'est le jeu d'une négociation...
J.-J. Bourdin - Cela n'a rien à voir avec le transfert de technologies ?
T. Breton - Comme l'a dit A. Lauvergeon, rien n'est encore définitif. Donc, on va voir, rien n'est encore arrêté à ce jour, donc on verra. C'est vrai que ce sont des négociations difficiles, c'est vrai qu'il faut prendre en compte tout un tas de paramètres comme dans tout contrat commercial négocié. Mais je fais confiance à Areva.
J.-J. Bourdin - On ne vendra pas notre technologie, et notamment notre savoir-faire sur les réacteurs nucléaires de troisième génération ?
T. Breton - Encore une fois, c'est un contrat global. Il faut savoir jusqu'où on met la barre. Et pour l'instant, que je sache, ce n'est pas terminé ; je fais confiance à Areva.
J.-J. Bourdin - Le projet de loi sur la participation des salariés aux résultats de leur entreprise. Est-il vrai que les sommes bloquées au titre de la participation ne resteraient bloquées que trois ans ?
T. Breton - On réunit cet après-midi, sous la direction du Premier ministre, ce Conseil de la participation. C'est une très bonne chose, parce que je suis vraiment un fervent adepte de la participation et aussi de l'actionnariat salarié, parce que c'est une très bonne chose, c'est un très bon moyen de faire participer les salariés aux fruits de la croissance de l'entreprise. Donc on se réunit tous autour de la table avec les partenaires sociaux, avec les membres du Gouvernement, G. Larcher, J.-L. Borloo et moi-même, qui sommes concernés. Et effectivement, ces propositions seront mises sur la table, pour voir si l'on peut passer de cinq ans à trois ans, des distributions d'actions gratuites, toute une panoplie d'éléments qui vont intéresser davantage les salariés au capital de l'entreprise. Je crois que c'est une très bonne chose.
J.-J. Bourdin - Puisque cela intéresse les salariés, attardons-nous...
T. Breton - Ce n'est pas encore la loi. On discute...
J.-J. Bourdin - ... Des propositions. Intéressons-nous à cette distribution d'actions gratuites. Qui serait concerné ?
T. Breton - Tous les salariés. L'idée, c'est que tous les salariés puissent y avoir accès. Aujourd'hui, vous savez que dans les entreprises, généralement, c'était plutôt la direction ou l'encadrement. Moi, j'ai toujours souhaité, dans les entreprises, que j'ai eu l'honneur de diriger que tous les salariés puissent y avoir accès. Je trouve que c'est une très bonne chose. Donc, il y a vraiment tous les salariés.
J.-J. Bourdin - Et dans les petites entreprises ?
T. Breton - Eh bien là aussi, on va le proposer. On n'est pas non plus obligé d'être une entreprise côté pour pouvoir avoir accès à des actions. Donc si les entreprises le souhaitent et si des chefs d'entreprise le veulent, il faut qu'on puisse le faire.
J.-J. Bourdin - Les salariés pourront-ils élire leurs représentants au conseil d'administration ?
T. Breton - Là encore, à partir du moment où vous avez un certain nombre de salariés qui sont actionnaires, je trouve parfaitement normal qu'ils soient représentés au conseil d'administration. Là encore, dans toutes les entreprises qui j'ai dirigées, j'ai toujours veillé à ce que ce soit le cas. Je m'en suis toujours félicité.
J.-J. Bourdin - Concernant la taxe sur les véhicules de société, nous avons eu des quantités d'auditeurs qui sont intervenus sur le sujet pour nous dire que les conséquences étaient dramatiques pour les entreprises. Vous avez décidé de revenir sur cette taxe, apparemment ?
T. Breton - Voilà un exemple où, là aussi, il faut être pragmatique. Cette taxe a été mise, je crois, en deuxième lecture au Sénat, sur un texte de loi qui partait d'une bonne idée - disons de "bonnes intentions" -, qui est de dire que comme il n'y a plus la vignette et que l'on souhaite que les véhicules polluent de moins en moins, on va faire en sorte que les véhicules de société de grosses cylindrées soient taxés un peu plus, et que les petites soient taxées un peu moins. Et finalement, ceci a des effets pervers - n'ayons pas peur des mots - qui sont très dommageables pour les entreprises. Donc j'ai pris la décision de créer un groupe pour voir vraiment comment on peut simplifier tout cela.
J.-J. Bourdin - Est-elle enterrée cette taxe ?
T. Breton - On est en train de voir comment la simplifier pour répondre. Je fais deux ou trois fois par semaine des réunions sur le terrain, en province ; je vais à la rencontre de nos compatriotes, de mes concitoyens. Cela fait la 103ème fois qu'on me le dit, vous êtes le 104ème, donc j'ai compris. Mais on a aussi le droit de se tromper.
J.-J. Bourdin - Il s'agissait d'imposer les véhicules personnels des salariés s'ils parcourent plus de 5.000 kilomètres par an pour des raisons professionnelles.
T. Breton - C'est pour cela qu'il est toujours très important d'aller à l'écoute, pour voir ce qui se passe... et qu'on puisse, quand on lance quelque chose, faire des points de rendez-vous, et en tirer les conclusions. Vous avez oublié une chose !
J.-J. Bourdin - Oui, quoi ?
T. Breton - Et les chiffres de l'emploi ?!
J.-J. Bourdin - Mais on les a donnés ce matin. Les emplois créés...
T. Breton - Non, parce que c'est sans doute la meilleure nouvelle depuis des mois, voire des semestres, peut-être même des années. C'est pour cela que je m'attendais à ce que vous commenciez par cela...
J.-J. Bourdin - C'est vrai que c'est une bonne nouvelle...
T. Breton - Non, mais ce n'est même pas une bonne, c'est une nouvelle qui est vraiment... Pour les chiffres d'emplois privés, l'année dernière, on disait, "c'est quand même incroyable, on a créé que 16.000 emplois marchands". L'Insee nous avait donné ce chiffre et on se disait : "ce n'est pas possible, il y a de la croissance et on ne fait que 16.000 emplois !". Et bien ça y est, les chiffres pour 2005 sont tombés ce matin : l'ACOSS nous le précise : 142.000 créations d'emplois privés. 142.00 en 2005. C'était 16.000 emplois marchands en 2004. Alors c'est quoi ça ?
J.-J. Bourdin - Un peu plus de 90.000 dans le privé ?
T. Breton - Non, emplois privés, 142.000...
J.-J. Bourdin - ...Et dans l'emploi public ?
T. Breton - Je ne les ai pas là pour l'emploi public, mais c'est évidemment plus. Emplois privés, cela veut dire tous les cotisants à l'Urssaf, qui inclut la santé, l'éducation privée et les associations. Et évidemment, surtout, qui observe les entreprises de moins de dix salariés, parce que c'était celles-là qui étaient difficiles à capter. Et c'est là où ça nous intéresse, parce que c'est la première fois que l'on voit que le contrat "nouvelles embauches" a créé massivement de l'emploi. Je le dis parce que c'est la première fois en France, depuis très, très longtemps, que l'on crée autant d'emplois privés, ce qui veut donc dire que l'expérimentation que nous avions lancée avec le contrat "nouvelles embauches" - on avait dit, on va essayé, on va voir si ça marché -, on en est à 350.000 contrats signés et on voit qu'aujourd'hui, cela a créé un solde positif en emplois privés de 142.000. Je le dis parce que cela veut donc dire que cela marche, cela veut dire aussi que l'on va se réunir avec les partenaires sociaux, maintenant que l'on a ces chiffres, pour voir ce qui arche bien, ce qui marche bien, ce qui marche mal.
J.-J. Bourdin - Vous allez enfin vous réunir ?
T. Breton - On l'avait toujours dit.
J.-J. Bourdin - Sur le contrat "première embauche", vous ne vous êtes pas réunis, c'est l'un des reproches que l'on vous fait...
T. Breton - Oui, mais regardez la méthode : cela veut donc dire qu'on mène l'expérimentation, on regarde, et puis on parle chiffres à l'appui. On m'a cité deux ou trois exemples où il y avait peut-être des excès qui sont allés devant les prud'hommes. Je veux les avoir, je veux que l'on en parle avec les partenaires sociaux, que l'on corrige, que l'on ait un audit, que l'on essaye de voir si, effectivement, on peut encore faire mieux. Parce que comme il n'y a pas de science infuse dans ce domaine, si cela se savait, si on avait une clef miracle, si on avait une solution qui tombait du ciel, tout le monde l'aurait fait. Donc, je crois qu'en matière d'emploi, on avait un tel blocage en France qu'il faut avancer en marchant, tous avec le même objectif, tous avec le même intérêt, faire en sorte que de plus en plus de nos compatriotes puissent retourner dans le monde du travail. Je rappelle qu'il existe aujourd'hui entre 300.000 et 500.000 offres d'emplois qui sont disponibles et qui ne trouvent pas de preneur. Il faut donc absolument rapprocher ces offres disponibles et toutes celles et tous ceux qui veulent revenir dans le monde du travail.
[Deuxième partie]
J.-J. Bourdin - On parle du CPE avec T. Breton, et vous l'interrogez. Je vais vous mettre à l'antenne dans un instant. J'ai des quantités de mails, T. Breton. Un mot, et on évacuera l'aspect politique des choses : est-ce que l'opposition vous convainc dans cette affaire ?
T. Breton - D'abord, on ne l'entend pas, l'opposition. Ah si, si, excusez-moi ! On a entendu S. Royal. C'est la seule que l'on a entendue sur le CNE. Elle a dit il y a quelques jours qu'en tant que présidente de la région Poitou-Charentes, elle retirait toutes les subventions aux entreprises, dans sa région, qui utilisent le CNE - je rappelle que désormais il y a 350.000 contrats qui ont été signés, donc tant pis pour ces entreprises - et à celles qui voudraient utiliser le CPE. Je crois que depuis, tout le monde lui a dit de se taire. Donc, effectivement, on ne l'entend plus maintenant.
J.-J. Bourdin - T. Breton, je lis. Fernand : " En écoutant la télé et les radios, on se rend compte que les jeunes n'ont rien compris au CPE. Ne vous sentez-vous pas responsable de n'avoir pas expliqué suffisamment à tous ces jeunes ? "
T. Breton - Il faut effectivement, en permanence, expliquer, c'est aussi pour ça que je suis là ce matin. Le CPE c'est quoi ? C'est vraiment essayer des solutions nouvelles pour éviter ce drame, qui est le chômage des jeunes. Souvenez-vous, quand même, ce que l'on a vécu il y a quelques mois dans les banlieues. On a vu quand même une jeunesse en désespérance, une jeunesse qui demandait à être insérée, à être accueillie, à trouver du travail. On ne pouvait pas rester inactif, on ne pouvait pas rester immobile, on ne pouvait pas se dire : on va croiser les doigts et en disant : pourvu que ça change. On a essayé. Alors, le CPE est une proposition qui est faite aux jeunes. Je rappelle que ce n'est pas le seul contrat, tous les autres contrats demeurent mais on en met un de plus et puis on va essayer de voir, comme on l'a fait sur le CNE. Sur le CNE, on avait dit : "on essaie, on tirera un bilan". On tire le bilan, on voit que ça marche, tant mieux, on va peut être même corriger deux ou trois choses si jamais on voit qu'il y a des éléments qui ne vont pas. Pour le CPE, le Premier ministre a dit que c'est exactement la même chose : on essaie une solution qui permet aux jeunes, pour la première fois, de rentrer dans l'entreprise, d'avoir tous les droits, tous les droits d'un contrat de travail comme un autre - c'est l'équivalent d'un contrat de travail à durée indéterminée en matière de droits - et puis si ça marche, tant mieux. Et puis, on verra dans six mois. Dans six mois, on va tirer les leçons mais au moins, de façon pragmatique, devant le conseil d'orientation pour l'emploi, le Premier ministre en a pris l'engagement, on va tirer tous les six mois les conclusions, mais on parlera sur des éléments concrets. On ne parle plus dans la théorie. La théorie nous a montré où ça nous a mené, ça nous a mené nulle part.
J.-J. Bourdin - Annaïg est avec nous. Etudiante en Master d'histoire, 22 ans, vous êtes à Rennes, en IIle-et-Vilaine et vous êtes secrétaire générale de l'UNEF Rennes. Allez-y. Question et dialogue avec T. Breton.
Annaïg : C'est une question que beaucoup d'étudiants se posent. On l'a vu, depuis ces derniers jours, monsieur de Villepin, monsieur Chirac également, monsieur Sarkozy, parlent beaucoup d'écoute et de dialogue. Alors, ma question elle est toute simple, c'est : quand est-ce que le Gouvernement va écouter les jeunes qui sont massivement opposés au CPE et qui manifestent, finalement, depuis plusieurs semaines ?
T. Breton - Annaïg, je peux vous poser une question, avant ? Vous êtes étudiante en Master d'histoire et vous vous prédisposez à quoi ? C'est quoi le métier que vous voudriez faire ?
Annaïg : Je voudrais me diriger vers le journalisme.
T. Breton - Vers le journalisme. Et donc, vous aimeriez avoir, le plus rapidement possible, parce que c'est important d'avoir de l'expérience, et de pouvoir valoriser votre expérience professionnelle. C'est effectivement ce que l'on essaie de faire avec ce contrat. Voyez-vous, on essaye de trouver des nouvelles passerelles pour que les jeunes qui, auparavant, allaient de petits boulots en petits boulots, de galère en galère, de CDD en CDD, puissent rentrer plus rapidement dans une entreprise et puis surtout valoriser le parcours professionnel, parce que aujourd'hui, c'est ça ce qui est important. Voyez-vous, on va essayer de mettre ce système en place. On l'a dit, premier rendez-vous, dans six mois, mais on va pouvoir parler cette fois-ci de façon concrète, en disant : "tiens, eh bien ici ça a marché, tiens, là il y a eu un excès, tiens, là, on aurait peut-être pu faire ceci, ça aurait été mieux". La politique et la dynamique que le Gouvernement veut engager, c'est de rentrer dans un dialogue constant. On fait des expérimentations, comme on l'a fait pour le CNE, on tire les conclusions, on essaye de corriger. Eh bien voyez-vous pour le CPE, le Premier ministre l'a redit dimanche soir, on va lancer la démarche, on se retrouve, on travaille pour voir comment - l'article 8, je le rappelle, de la loi nous permet de - mettre en place, en trouvant les solutions qui font que tout le monde s'y retrouve. Dans six mois, on tire un premier bilan, et puis on voit ce que cela donne et puis on continue à avancer, ensemble. Pas contre. Ensemble. Ce n'est pas fait contre les jeunes, c'est fait pour les jeunes. Mais encore une fois, on parle sur du concret.
Annaïg : Monsieur le ministre, j'apprécie votre explication, mais vous ne répondez pas vraiment à ma question. On voit aujourd'hui qu'il y a un mouvement de jeunesse en train de se mettre en place et vous n'avez pas répondu à ma question qui était : " quand écouterez-vous ce mouvement de jeunesse ?
T. Breton - Mais on l'écoute en permanence.
Annaïg : Vous parlez de dialogue, monsieur, il semble que sur la forme, il aurait été quand même préférable de discuter avec les partenaires sociaux avant la mise en place de ce contrat "première embauche". Par ailleurs, vous parlez de tirer un bilan. C'est effectivement l'annonce qu'a faite monsieur de Villepin dimanche soir sur TF1. Ce bilan, on l'a déjà avec le bilan du contrat "nouvelles embauches" : 71 % des embauches entre septembre et janvier, en contrat "nouvelles embauche", auraient de toute façon eu lieu, sans le CNE, et dans 57 % des cas, on le sait, le CNE se substitue au CDI.
T. Breton - Faux, faux, faux, faux. 11 % seulement. On a les chiffres, justement, ils viennent de sortir ce matin. C'est pour ça que, voyez-vous, il faut que l'on parle de chiffres.
J.-J. Bourdin - Ils sortent au bon moment, les chiffres, T. Breton.
T. Breton - Vous savez, c'est [les chiffres] des instituts, qui sont indépendants ; ils les sortent tous les mois à la même date.
J.-J. Bourdin - D'accord.
T. Breton - Ce qui est important dans ce que vous dites, c'est qu'effectivement, il faut que nous parlions sur des chiffres concrets et que l'on fasse l'analyse. On a sur le CNE, et on a les réponses. Eh bien, il n'y a pas eu de substitution sur le CNE, il y a de la création d'emplois, massive, notamment dans les petites entreprises de moins de dix salariés. Il y a peut-être eu quelques excès, c'est vrai, donc on va les corriger, on a vu qu'il y a des prud'hommes qui ont été saisis. Voyez-vous, on avance en marchand. Eh bien c'est exactement ce que l'on veut pour le CPE : avancer en marchand, ensemble. La discussion doit être permanente.
J.-J. Bourdin - Mais pourquoi ne pas avoir reçu les représentants des étudiants, avant la mise en place ? Lorsque vous avez présenté le CPE, pourquoi ne pas avoir dit ce jour-là, lorsque le Premier ministre l'a présenté : "eh bien, on présente le CPE, on va en discuter avec les étudiants, les représentants et nous marcherons ensemble" ?
T. Breton - C'est exactement ce que je suis en train de dire. Le CPE, il n'est pas encore mis en application.
J.-J. Bourdin - Mais il est voté.
T. Breton - Il est voté, mais maintenant il y a l'application, il y a des tas de modalités d'application, c'est maintenant qu'il faut précisément en discuter, pour voir sous quelle forme - l'article 8 permet des tas de souplesse - on le met en application et puis point de rendez-vous tous les six mois. C'est vraiment ensemble qu'il faut trouver la solution. Mais au moins on a engagé une dynamique et au moins on a refusé le statu quo. Ce n'est peut-être pas la meilleure solution, peut-être qu'on pourra l'améliorer mais en tout cas on avance. Et il n'y a rien de pire que le statu quo quand on a 23 % de chômage pour les jeunes et 40 % de chômage dans les banlieues.
J.-J. Bourdin - Annaïg, vous voulez ajouter quelque chose ? Est-ce qu'aujourd'hui vous seriez prêtes, et prêts, à l'UNEF, à vous réunir dans une grande table ronde avec les syndicats et le Gouvernement sur le CPE ?
Annaïg : Pour cela, il y a une étape fondamentale qui est : "on discute, très bien, mais après le retrait du Contrat Première Embauche".
J.-J. Bourdin - C'est-à-dire que vous voulez discuter, mais après le retrait, vous.
Annaïg : Tout à fait. Nous, malgré les annonces de D. de Villepin, on n'a absolument pas été convaincus dimanche soir. Le fond du problème il est toujours le même : c'est la période d'essai de deux ans.
T. Breton - Ce n'est pas une période d'essai.
Annaïg : Excusez-moi, effectivement, vous l'appelez période de consolidation, nous l'appelons période d'essai de deux ans. Nous souhaitons en discuter mais après le retrait du contrat "première embauche".
T. Breton - Moi, je dis : "avançons, ensemble : tous les jeunes, les étudiants, les artisans, les chômeurs..."
J.-J. Bourdin - Vous êtes prêt à organiser cette grande rencontre : le Gouvernement vous-même, tout le monde autour de la table ? Les étudiants, le Gouvernement, les syndicats ?
T. Breton - Je vais vous répondre très précisément. A partir du moment où on enclenche la dynamique - c'est bien ce qu'a dit D. de Villepin : à partir du moment où cette dynamique est enclenchée - c'est tous ensemble que nous allons la mettre en place sur le terrain, tirer des bilans tous les six mois et avancer ensemble et voir ce qui va bien et ce qui va moins bien. Mais au moins, la démarche que nous proposons...
J.-J. Bourdin - Vous avez donné l'impression que vous avanciez, seuls, jusqu'à maintenant, T. Breton, pardonnez-moi, mais c'est vrai.
T. Breton - Mais, il y a un temps pour tout, je m'excuse. Il y a un temps pour le législateur, il y a un temps pour la mise en place, il y a un temps pour l'exécution. Le temps pour le législateur, il appartient au législateur. C'est fini. Le débat a eu lieu, ça a été voté au Parlement - et pas par le 49.3, je le rappelle - après un large débat : ça a été voté au Parlement et à l'Assemblée et au Sénat. C'était le temps du législateur. Il y a maintenant le temps de la mise en place et c'est effectivement le temps du dialogue. Et puis maintenant, il y a ensuite le temps de l'exécution et c'est là où il faut que l'on avance ensemble, je le dis très simplement. Tous les jeunes, il faut avancer ensemble, voir ce qui va bien, voir ce qui ne va pas, de façon à trouver une solution à ce problème qui est un problème qui est un absolument scandaleux et qui est une exception française. Alors, essayons d'avancer ensemble plutôt que de nous opposer sur de la théorie et puis on verra, si sur le terrain ça marche, eh bien tant mieux. Si jamais il y a 100 000 jeunes, s'il y a 200 000 jeunes, s'il y a 300 000 jeunes qui peuvent rentrer, ce faisant, dans le monde du travail, eh bien moi je dis que ça vaut la peine d'essayer.
J.-J. Bourdin - Bien, vous restez avec nous, Annaïg. Sylvain, Samir, Thierry, Pierre, sont tous jeunes, étudiants, ils seront avec nous. T. Breton reste pour répondre à toutes vos questions, il y en a d'autres, des quantités... Nous répondrons tout à l'heure à la question posée par T. Breton, à la fin de son intervention. Il sera avec nous après le journal de 9 heures.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 17 mars 2006