Interview de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, à "France 2" le 26 avril 2006, sur l'envoi aux contribuables de la feuille de déclaration d'impôts préremplie, la télédéclaration sur internet, et le lancement sur le site du "forum de la performance" d'un jeu de simulation budgétaire.

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Média : France 2

Texte intégral

F. Laborde - A partir de lundi, dans votre boîte à lettres, vous allez trouvez la feuille de déclaration pré-remplie. 29 millions de contribuables sur 34 au total vont recevoir ces enveloppes.
R - Ce sont tous ceux qui, en réalité, reçoivent des salaires ou des pensions de retraite, ou des allocations journalières. Il y a effectivement une innovation absolument majeure dans la déclaration d'impôts de cette année, c'est qu'elle est pré-remplie. D'abord, on a changé le calendrier : avant, on déclarait en mars, maintenant on reçoit une déclaration préremplie en mai. Il faut la remplir, si c'est sur papier, avant la fin du mois de mai.
Q - Cela restera tout le temps à ces dates-là ?
R - Tout à fait. Et puis, c'est cela qui est nouveau, c'est que, c'est une révolution industrielle pour l'administration fiscale, c'est-à-dire que, pour la première fois, elle pré-remplit. Vous allez donc recevoir dans boîtes à lettres vos revenus, de vos salaires en particulier, pré-remplis.
Q - On voit sur le modèle que vous nous avez apporté, en exclusivité mondiale, si je puis dire...
R - Mondiale.
Q - ...Sur la première page, donc, il y a, en effet "nom, prénoms, adresse", etc. Sur la deuxième page, il y a "les revenus imposables", avec le nom de l'entreprise pour laquelle on travaille, c'est écrit en bas, en noir, sur cette feuille qui est à l'écran, c'est là qu'il faut vérifier. Et puis, sur la troisième page, il y a les salaires, de vous, de votre conjoint, et la prime pour l'emploi.
R - Voilà. Et donc, l'objectif c'est, de vérifier que ce chiffre est le bon. Si ce n'est pas le cas, on corrige en dessous. Ensuite, vous renvoyez tout cela à l'administration, c'est calculé, et puis voilà. C'est donc un progrès majeur, parce qu'en réalité, cela veut dire près de 100 millions d'informations qui sont mises sur ordinateur par l'administration fiscale en direct.
Q - Je sais que vous aviez fait des simulations. Avez-vous une marge d'erreur à peu près importante, ou pas, dans ces simulations ?
R - Ce ne sont pas des erreurs, ce sont des différences. C'est-à-dire que, si un employeur a tardé avant d'envoyer les informations, cela peut, peut-être, parfois, faire un petit décalage. Dans ce cas, le contribuable reçoit une relance amiable, c'est-à-dire qu'il n'y a aucune pénalité, naturellement, mais l'on dit : "voilà, on a constaté qu'il y avait une différence, pouvez-nous nous le confirmer". Et puis, bien entendu, à partir de là, cela se fera. Cela a été testé en Ille-et-Vilaine l'année dernière. Cela a remarquablement bien marché, il y a eu une adhésion très forte des contribuables d'Ille-et-Vilaine l'an dernier. C'est pour cela que j'ai donc décidé de le généraliser.
Q - Puisque vous parlez de "relance amiable", l'idée est que, si jamais on oublie de déclarer quelque chose, et que l'on se fasse un peu rappeler à l'ordre, il n'y a pas de pénalités. Est-ce pour cela que c'est "amiable" ?
R - Voilà, exactement. C'est dans l'esprit de "la charte du contribuable", que j'ai introduite l'année dernière, qui consiste, en clair, à dire : la relation sur l'administration fiscale et le contribuable, ce doit être une relation de confiance, que l'on présume de bonne foi. Bien entendu, du coup, on est plus sévère pour ceux qui sont de gros gros fraudeurs. Mais pour l'ensemble des contribuables, l'idée c'est la présomption de bonne foi.
Q - Quelques esprits mal intentionnés ont dit que la relance amiable ne marche pas dans les deux sens. C'est-à-dire que l'on relance le contribuable quand il n'a pas assez déclaré, mais s'il se trompe et qu'il déclare trop, là, on ne le prévient pas, on ne lui dit pas : attention monsieur...
R - Ce sont les mauvaises polémiques franco-françaises. On est toujours très forts pour ce genre de chose. Juste un élément de bon sens : l'administration fiscale vous envoie, pré-imprimée, pré-remplie, votre déclaration ; vous vérifiez si c'est en plus ou si c'est en moins. Personne ne pense que le contribuable va dire : non, par erreur, c'est plus ! Il va le faire de bonne foi, parce que c'est un citoyen honnête, il ne va pas faire une erreur dans l'autre sens. Et à supposer même que cela ait lieu, dans ce cas, il suffit, dès qu'il s'en aperçoit, qu'il le signale, et ce sera immédiatement rectifié, tout de suite, sans pénalités, cela va de soi.
Q - Puisque tout cela est maintenant très informatisé, qu'il suffit de jeter un coup d'oeil, que l'essentiel du travail est fait, pourquoi ne pas sauter le pas, et faire comme nos voisins, c'est-à-dire aller directement au prélèvement à la source, ce qui nous éviterait quand même toujours le stress de recevoir ce genre de courrier dans la boîte à lettres ?
R - Pourquoi pas. Cela pourrait être l'étape suivante. Mais je crois que, simplement, il ne faut pas mélanger. Cela, c'est une déclaration. La retenue à la source, c'est pour le paiement de l'impôt, donc c'est un système différent. Comme dirait l'autre, c'est une étape après l'autre. Aujourd'hui, c'est déjà une révolution absolument considérable. Ce sont 85% des foyers fiscaux français qui reçoivent une déclaration préremplie, c'est une innovation énorme. Ensuite, on peut imaginer que la retenue à la source soit une des étapes suivantes de modernisation, pourquoi pas. Mais ce n'est pas celle de cette année en tout cas.
Q - Cela n'empêchera pas que l'on fasse des déclarations, ne serait-ce que pour des abattements dont on peut bénéficier.
R - Les abattements, il faut les ajouter, naturellement. C'est pour cela que certaines professions ne sont pas concernées, où les contribuables concernés doivent ajouter des éléments supplémentaires. Encore une fois, c'est une première étape, mais elle est énorme.
Q - Parlons de télé-déclaration. On a même le site du Gouvernement. L'an dernier, la télé-déclaration avait, pour dire les choses gentiment, un peu pataugé. D'ailleurs, il faut vous rendre cette justice car, dans votre ouvrage "J'arrête la langue de bois", vous avez-vous-même reconnu qu'en effet il y avait eu un petit bogue sur la télé-déclaration. Comment cela se présente-t-il pour cette année ?
R - On a été débordés par notre succès, c'est cela l'histoire. En fait, on avait formaté le site pour accueillir 1,5 million de "télé-déclarants", et on en a eus 3,7 millions. J'ai donc décidé - puisque je crois que, dans la vie, il faut quand même en tirer toutes les conséquences - d'ouvrir le site pour pouvoir accueillir jusqu'à 10 millions de télé-déclarants. Cela ne veut pas dire que l'on aura 10 millions de télé-déclarants naturellement, mais on peut très largement en accueillir vraiment beaucoup. Cela veut dire que, là où vous pouvez faire 6500 télé-déclarants par heure, on peut en faire maintenant 25.000. L'idée est d'empêcher les embouteillages. On a même créé d'ailleurs un système "bison futé", pour faire en sorte que les gens soient informés, éventuellement de revenir un peu plus tard sur le site pour "télé-déclarer".
Q - Il y a des zones aussi pour avoir...
R - Voilà, il y a des zones, qui sont les mêmes "zones" que les académies pour les vacances scolaires d'ailleurs, qui prolongent un peu le délai par rapport aux 31 mai qui est le délai papier. Et puis, bien entendu, tout cela se fait en tenant compte de la possibilité du temps passé, etc. Et puis, il y a 20 euros de réduction si on télé-déclare et que l'on paye de manière automatique, électronique.
Q - Dernière question, puisque l'on est sur Internet, vous avez eu l'idée espiègle, facétieuse et originale, si je puis dire, de créer un jeu, genre "prenez-vous pour le ministre du Budget, essayez de faire mieux que moi". Est-ce cela l'idée ?
R - L'idée est que, en fait, quand on fait une réforme fiscale, quand on baisse les impôts, on ne peut pas le faire en créant du déficit. Si on baisse les impôts, il faut aussi maîtriser les dépenses publiques, c'est mon boulot de ministre du Budget.
Q - Ce qui ne vous rend pas forcément très populaire auprès de vos autres confrères du Gouvernement.
R - Même parfois auprès des Français. L'idée, c'est de familiariser les Français avec le budget de l'Etat. On a créé un jeu, qui va être ouvert à partir de la fin du mois de mai, sur Internet, sur le site du Forum de la performance que j'ai ouvert en début d'année. Et dans ce jeu, chaque Français internaute peut se prendre pour le ministre du budget et faire des arbitrages, pour comprendre combien coûte tel et tel budget, la dépense scolaire, la dépense militaire, comment tout cela s'organise. Et puis, voire quels types d'arbitrages on peut rendre, quand on veut baisser les impôts, quand on veut réduire les déficits. Bref, chaque internaute, dans un jeu très pédagogique, peut devenir ministre du Budget pendant une heure, pas plus.
Q - Mais les chiffres seront-ils les vrais chiffres ou pas tout à fait ?
R - Oui, oui.
Q - Ce sont des choses qui sont parfois secrètes dans le budget.
R - Encore une fois, c'est un jeu, c'est une simulation, mais cela permet que chaque Français soit familiarisé avec la manière dont cela fonctionne.
Q - Pourra-t-on savoir et comparer ce que coûte l'Education nationale, ce que coûte le ministère de la Défense, ou le... ?
R - Voilà, exactement. Ce que cela veut dire, quand on ferme une classe ou quand on en ouvre une. Mais cela veut dire aussi la phase parlementaire, parce qu'il y a plusieurs modules : il y a le module qui sera ouvert un peu plus tard, pour vivre en direct le ministre du Budget, qui fait passer son budget au Parlement.
Q - Une partie ministre du Budget, cela dure combien de temps à peu près ?
R - Cela peut aller jusqu'à une heure. Vous voyez donc que c'est raisonnable.
Q - C'est raisonnable. Beaucoup moins de temps que ce que vous faites.
R - Oui. En même temps, je trouve que c'est une manière ludique, et en même temps, importante, pour que chaque Français se familiarise avec ce/le budget de son pays.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 26 avril 2006