Texte intégral
Mes chers amis,
« Allez la France ! », ce n'est pas seulement un clin d'oeil au mondial
de foot.
Cela dit quelque chose de notre mission !
Rassembler, entraîner, sélectionner le meilleur, ne plus regarder les
clubs d'origine, mais fondre les talents en une stratégie offensive.
C'est vrai en sport. Mais c'est vrai pour tout un pays.
L'état de la démocratie française est un chagrin pour tous les
Français. Un chagrin : sentiment personnel d'échec et de vexation.
La séquence que nous venons de vivre, CPE, Clearstream, amnistie d'un
député du parti majoritaire, manoeuvres au sein du même parti
majoritaire, a fait du gouvernement actuel qui, il y a un an jour pour
jour, prétendait reconstruire la confiance en cent jours, l'un des plus
faibles des dernières décennies.
Et cette faiblesse est la preuve par 9, la démonstration absolue, de ce
que notre analyse de la situation française est juste.
Le même parti a tous les pouvoirs, la présidence de la République, le
Premier ministre, quasiment tout le gouvernement, la présidence de l'
Assemblée et la majorité absolue à l'Assemblée, la présidence du Sénat
et la majorité absolue au Sénat, la maîtrise de tous les corps de
contrôle, et il ne peut même pas faire le lundi de Pentecôte !
Pire encore : ce sont les mêmes ministres qui ont pris la décision de
faire du lundi de Pentecôte un jour travaillé, le même un an après
prennent la décision que ce jour sera férié pour les écoliers, et
interdit de rouler pour les routiers, autrement dit le pays en panne
par leur décision.
Tout le monde sait que le pouvoir est dans cet état, tout le monde le
dit !
Et le seul endroit où l'on fait semblant de l'ignorer, c'est là où on
devrait agir, sur les bancs de velours rouge de l'Assemblée nationale !
Tout cela, on le chuchote dans les couloirs, on fait chorus à la
buvette, on le clame dans toutes les oreilles de journalistes, mais
dans l'hémicycle, où l'on représente les Français, c'est silence dans
les rangs.
Et c'est pour cela que nous avons pris nos responsabilités. C'est pour
cela que nous avons voté la censure, que nous avons fait la rupture,
non pas dans les mots, mais dans les actes !
Pas la rupture avec Dominique de Villepin, le Premier ministre seul,
avec l'UMP seule, mais la rupture symbolique avec les causes de l'
impuissance et du malheur français.
Les douze députés UDF qui ont voté la censure, et j'en suis sûr aussi,
l'immense majorité de ceux qui n'ont pas osé, ou pas voulu encore (je
cite presque entre guillemets) les suivre jusque là, tout en pensant la
même chose, tout en étant contents de l'audace de leurs collègues,
l'ont fait pour une raison : ils n'ont pas voulu qu'on leur dise un
jour : « Vous qui saviez, vous n'avez rien fait ! »
C'est parce que nous savons que nous avons agi !
Nous avions sous les yeux le spectacle triste de la décomposition du
pouvoir en France.
Nous savons que la France se fracture. Nous savons que, depuis vingt
ans - depuis vingt ans ! - l'État n'est pas impartial, l'État est
partisan ! Le pouvoir est confisqué. L'esprit de parti, l'esprit de
clan, l'esprit de famille, est partout. On nomme des copains, on fait
campagne de manière éhontée avec les moyens de l'Etat. Et pendant ce
temps, tout le monde voit bien que la France recule, qu'il n'est aucun
domaine où notre pays ait avancé, dans aucun classement international.
Et nous mesurons l'immensité de la tâche à accomplir, nous savons la
dimension de l'effort de redressement.
Et c'est parce que cet effort est immense qu'il demande une réponse
nouvelle !
L'effort à accomplir, que mes amis avant moi ont rappelé :
- il faut réparer la France, socialement, territorialement - la rupture
entre les vallées qui se dépeuplent, je pense à notre ami Jean
Lassalle, mais c'est la même chose pour les banlieues, qui pour
certaines retrouvent le sens étymologique du terme, le lieu des bannis
- il faut recoudre et réparer la France
- il faut s'occuper de la feuille de paie et s'occuper des petites
retraites
- il faut créer les emplois dont on a besoin et que notre croissance
interdit
- il faut cesser la croissance de la dette, et maîtriser la dépense
publique
- il faut retrouver les conditions de la croissance
- il faut la meilleure éducation et la meilleure recherche du monde et
nous pouvons les avoir
- il faut la confiance dans nos institutions
- il faut que la France devienne une démocratie
- il faut faire de la France le premier pays qui défende réellement l'
atmosphère de la planète
- il faut économiser l'énergie, nous allons dans le mur sur les
énergies fossiles, sur le pétrole
- il faut l'Europe démocratique
Il y a un projet français. Il est de bon ton de brocarder le « modèle
français ». C'est de bon ton hors de France, dans les journaux anglo-
saxons. Et c'est hélas de bon ton en France.
Et quand on le moque, que moque-t-on ? On se moque de ses valeurs, et
on se moque de sa visée universelle, de sa prétention universaliste.
La France est sommée de renoncer à son modèle. Autrement dit, la France
est sommée de renoncer à elle-même.
Je ne crois pas que les Français renonceront à ce modèle.
Que dit le modèle français ? Que disent les mots qui le symbolisent ?
Ils disent trois choses qui, pour des Français, ne sont pas
remplaçables !
Ils disent que la liberté vient en premier. Ils disent que l'égalité ne
se divise pas. Ils disent que la fraternité permet à la liberté et à
l'égalité de vivre ensemble.
Ce projet que l'on traite par dessus la jambe, ce projet libéral,
égalitaire et fraternel, est un projet de résistance.
Parce que la pente naturelle du monde, quand on laisse les choses se
faire elles-mêmes, ce n'est pas la liberté, c'est la domination des
puissants, des groupes de pression.
La pente naturelle, ce n'est pas l'égalité, ni des chances, ni des
droits - et je tiens aux deux : égalité des chances, égalité des droits
- c'est l'inégalité et l'abus des privilèges.
La pente naturelle, ce n'est pas la fraternité, c'est l'indifférence à
l'autre, l'indifférence à l'étranger.
Et je suis fier d'appartenir au peuple qui a donné au monde, en trois
mots, un idéal de résistance qui fait à lui tout seul l'humanisme et la
civilisation.
Cette résistance est nécessaire à la France, elle nécessaire aussi au
monde.
Nous ne bâtissons pas seulement une économie (c'est très important,
aucun doute). Nous ne rémunérons pas seulement du capital. Nous élevons
des enfants. Nous transmettons un pays. Et nous façonnons un monde, en
bâtissant une société de justice et d'équilibre, nous agissons pour la
France, mais nous devons agir comme un exemple pour le monde.
La crise est plus grave chez nous qu'ailleurs. Car nous avons une
caractéristique : l'identité de notre pays, c'est l'unité.
La France ne se satisfait pas de la déchirure. Il y a beaucoup de pays
qui se satisfont des ghettos, raciaux, religieux, des ghettos d'
éducation, des ghettos de l'argent ; ghettos de l'argent surabondant où
l'on s'enferme, avec des gardes privés et des caméras partout ; ghettos
de l'argent qui manque, où l'on est enfermé malgré soi.
Pas la France. La France, elle veut l'égalité des citoyens. Elle veut
l'égalité des territoires. Et elle souffre quand, comme aujourd'hui,
elle voit que cette égalité a disparu.
Et regardez comme c'est intéressant et comme c'est drôle, cette
égalité, c'est de la fraternité.
La France est un pays d'unité ; nous sommes quelques-uns à penser
qu'elle a confondu parfois unité et uniformité.
Parmi les devoirs qui sont les nôtres, il y a celui de défendre la
diversité culturelle, pas seulement dans le monde, c'est un juste
combat, mais sur notre sol. C'est pourquoi je suis favorable au respect
de la charte des langues et des cultures régionales et minoritaires.
Il y a des pays qui se satisfont de la victoire du matérialisme et de
la domination de l'argent. Pas la France. La France, elle veut qu'on
mette les choses à leur place. L'argent à sa place, et l'esprit à sa
place qui lui est supérieure, et le coeur à sa place qui est encore plus
haute.
Et à tous ceux qui sur notre sol veulent que la France renie son
modèle, les Français répondent, ont répondu et répondront : nous avons
le droit d'avoir nos propres valeurs.
Et nous, nous disons aux Français : ce n'est pas seulement que nous
avons le droit de nos propres valeurs, mais nous avons le devoir de les
entretenir et de les défendre. Parce que ce sont des valeurs qui
manquent au monde.
Parce que quand le monde se déshumanise, il faut que le pays de l'
humanisme se lève et résiste. Et c'est sa vocation.
Mais ce sont des valeurs qui exigent aussi la réussite.
Parce que si la France échoue, ce sont ses valeurs qui plongent avec
elle.
Et c'est pourquoi nous avons besoin de liberté, et notamment de liberté
en économie. Nous sommes la famille qui veut que la liberté en économie
soit réhabilitée.
Est-ce que la France échoue en économie parce qu'elle a trop de liberté
? Elle échoue parce qu'elle n'a pas assez de liberté, pas assez de
confiance.
Demandez aux artisans s'ils ont plus ou moins de contraintes
administratives, de papiers à remplir, qu'il y a des années. Ils en ont
davantage, tous les jours davantage, insupportablement davantage.
Demandez aux agriculteurs s'ils ont plus ou moins de contraintes et de
contrôles, de papiers à remplir, de déclarations de toute nature, qu'il
y a quelques années. Ils croulent sous une charge de travail qui ne
devrait pas être la leur, qui est notre démission sous la bureaucratie
universelle.
Les Français, qui ne sont pas dupes, savent que les chiffres sont de la
communication, ils savent que le chômage réel ne baisse pas, ils savent
que ce sont les classes nombreuses qui partent à la retraite, que ce
sont les emplois aidés qui subviennent pour le reste, que la création
d'emplois nouveaux n'est pas au rendez-vous.
Je veux donner la feuille de route de notre politique de l'emploi. Le
but de notre politique est de créer l'emploi, tout l'emploi, dont notre
économie a besoin. Je ne crois pas à la création d'emplois artificiels.
Et il y a des millions d'emplois dont notre économie a besoin, mais qui
ne peuvent pas être créés, spécialement dans les petites entreprises,
parce que travail + charges, comme c'est organisé dans la société
française, il y a des entrepreneurs pour qui c'est trop lourd ! Je suis
prêt à nuancer : c'est trop lourd pour certains, trop lourd pour les
plus petits, pas trop lourd aujourd'hui pour les très grandes
entreprises qui marchent bien, qui intègrent le coût du travail,
parfois sans difficulté dans son modèle économique.
Parfois... car les délocalisations sont générales (j'adresse une pensée à
Jean Arthuis qui a eu un petit incident cardiaque) ; elles ne sont pas
toutes mauvaises. Je visitais hier près de Strasbourg, à Pfaffenhoffen,
une entreprise formidable qui numérise des centaines de milliers de
volumes quel que soit leur format. C'étaient des volumes de près de 1
mètre : les volumes manuscrits du cadastre d'Alsace Moselle (40 000
volumes), la numérisation se fait à Pfaffenhoffen, avec une vingtaine
d'emplois, mais la saisie qui vient derrière se fait à Madagascar avec
plusieurs centaines d'emplois. Et si l'entreprise n'existait pas en
Alsace, il n'y aurait pas les emplois à Madagascar. Et si les emplois
n'avaient pas été créés à Madagascar, il n'y aurait pas d'entreprise à
Pfaffenhoffen.
C'est un bon sujet de compréhension du monde. Les simplistes qui
prétendent que les problèmes de délocalisation n'existent pas, ou pour
les autres qu'il n'y a que des difficultés, se trompent tous les deux,
c'est être adulte que de saisir le bien et la difficulté dans le même
sujet.
Nous avons ouvert à juste titre une réflexion de long terme sur le
transfert des charges sociales qui pèsent sur le travail sur d'autres
bases.
Mais je considère qu'il ne faut pas attendre les résultats d'une
réflexion de long terme qui demande la participation de toute la
société française. Il y a urgence.
Et en face d'une situation d'urgence, je propose une mesure d'urgence :
l'ouverture du droit pour chacune des entreprises de notre pays, de
créer deux emplois nouveaux sans charges. Pour une entreprise
artisanale, deux emplois, c'est beaucoup. Pour une entreprise moyenne,
ce n'est pas rien. Pour une très grande entreprise, c'est symbolique.
Autrement dit nous proposons un rééquilibrage en faveur des créateurs
d'emploi potentiels.
Contrat garanti pendant cinq ans, n'assumant que les charges de
retraite (10 % de charges en tout et pour tout), sans autre condition,
ouverte à tous les types d'emplois, à tous les âges, à toutes les
formations. Des cadres si votre petite entreprise a besoin de cadres,
qualifiés si vous avez besoin de qualifiés, des designers, des
commerciaux, comme vous voudrez. Un immense appel d'air, qui ne demande
ni dix pages d'explication, ni un volume d'explication mais simple, d'
application immédiate et infiniment prometteur, prometteur de centaines
de milliers d'emplois d'après les simulations que nous avons faites.
La question de la feuille de paie. Le niveau de la feuille de paie est
un souci pour la nation. Et pas seulement pour les petits salaires. C'
est un souci même, nous avons été parmi les premiers à le mettre en
évidence il y a quelque dix-huit mois, lors de notre congrès de la
Mutualité, c'est un souci pour les salaires moyens. Il y a eu un temps
où en France, un salaire moyen, quand on vivait normalement, c'était
sans souci. Le salaire moyen était convenable. On vivait, et même on
arrivait à mettre de l'argent de côté. Aujourd'hui, les salaires moyens
n'y arrivent plus, n'arrivent plus à joindre les deux bouts, ils ont
beaucoup de mal. Et cela est un souci pour la nation tout entière.
Et comment se fait-il que ce souci soit un souci uniquement français ?
Que cette inquiétude, cette difficulté du salaire moyen, elle ne se
retrouve pas chez nos voisins européens ?
C'est que la réalité a rattrapé la fiction. On nous avait dit : nous
allons faire les 35 heures sans baisse de salaire. Vous aurez les 35
heures payées 39. Personne n'y perdra rien. Et nous dans cette maison,
nous disions : c'est un leurre. De toutes façons, il faudra que
quelqu'un paye. Et au bout du compte, celui qui paiera, d'une manière
ou d'une autre, c'est celui qui travaille. Car, ou bien il travaillera
plus, et il paiera en stress. Ou bien il travaillera pareil et il
paiera en valeur réelle sur la feuille de paie.
Eh bien, c'est à cela que nous sommes arrivés.
Alors nous avons vu cette semaine un de ces jeux de dupes habituels sur
le sujet. Le Parti socialiste a paru, l'espace de quelques heures,
accepter la leçon de cette dure réalité. Ségolène Royal a fait la liste
des insuffisances et des échecs des 35 heures. Elle a dressé un
réquisitoire. Elle a dit ce que tous les Français savent : les 35
heures, comme elles sont organisées sont pleines d'inconvénients. Et
elle en a tiré aussitôt la conclusion la plus inattendue : nous allons
étendre les 35 heures à tout le monde !
Pour nous, au contraire, si les 35 heures sont pleines d'inconvénients,
ce qui est la vérité, il faut les corriger. Et les corriger simplement,
sans forcer la main à quiconque. Car nous savons bien que beaucoup de
salariés ont trouvé dans les 35 heures des avantages pour leur vie,
pour leur vie de famille, pour leur vie de loisir.
Nous proposons donc, comme nous l'avons fait en 2002, que l'on permette
aux Français qui le souhaitent, aux salariés qui le souhaitent,
librement, d'améliorer leur revenu par le jeu libre des heures
supplémentaires. Pour le Parti socialiste, les heures supplémentaires
il faut les combattre, les sanctionner et les réprimer. Pour nous, c'
est la liberté de l'accord, dans une marge raisonnable, entre le
salarié et l'entrepreneur. Nous proposons donc de changer le régime des
heures supplémentaires : nous proposons d'élargir à toutes les
entreprises, même celles de moins de vingt salariés, le régime des
heures supplémentaires à 25 % de prime. Il est scandaleux pour nous que
l'heure supplémentaire dans une petite entreprise rapporte moins au
salarié que dans une entreprise de plus de vingt ! Ça n'est pas juste !
Et nous proposons que cette prime de 25 % soit intégralement déduite
des charges sociales. Parce que quand un salarié a travaillé 35 heures,
il a déjà payé sa quote-part de la protection sociale.
Ainsi, pour une heure normale, quand le salarié est payé 100, l'
entreprise paie charges comprises, à peu près 190. Pour une heure
supplémentaire, sous notre régime, le salarié recevra 125 quelle que
soit la taille de l'entreprise. Et l'entreprise paiera toujours 190.
Personne n'y perdra ! Tout le monde y gagnera !
Je veux dire un mot du smic. Le Parti socialiste fait une grande
annonce de smic à 1500 euros par mois : ou bien cette annonce est
truquée, ou bien elle est nocive pour la société. Cette annonce est
truquée, parce que comme les syndicats l'ont dit, l'inflation va amener
naturellement à ce montant. Ou bien elle est nocive, parce que si on le
fait brutalement, il ne sera plus possible de pourvoir certains emploi
; et que le smic va devenir la situation majoritaire des salariés.
Nous avons besoin de simplicité et de stabilité dans le temps.
J'ai approuvé ce qu'Hervé Morin a dit à cette tribune.
Nous avons besoin de simplicité et de stabilité du droit fiscal et
social.
Nous recevions, Hervé et moi, le responsable d'un fonds de pension
américain spécialisé dans les sièges sociaux. Il me disait : quand il
s'agit de choisir un lieu, la France est toujours sur la liste à cause
de sa douceur de vivre, et jamais retenue car on ne sait jamais, chez
vous, de quoi demain sera fait.
Les socialistes nous disent : nous allons augmenter massivement les
impôts. Ils ont même trouvé une nouvelle appellation, je ne sais pas si
ça adoucira la sensation de ceux qui seront imposés : l'impôt citoyen
sur le revenu !
La plus basse estimation sur le coût du programme socialiste, celle
qu'a faite Strauss-Kahn, la plus basse, pas celle de Bercy, c'est 50
milliards d'euros.
Comparez cette somme à ce que rapporte l'impôt sur le revenu : un peu
moins de 50 milliards. Pour financer un programme aussi dispendieux, il
faut multiplier par deux l'impôt sur le revenu !
Nous qui avions mis en garde sur la baisse aventureuse des impôts, nous
disons qu'augmenter les prélèvements obligatoires, augmenter la
ponction sur la richesse produite, c'est paralyser à coup sûr,
lentement le pays, c'est alourdir à coup sûr, le poids de son
administration !
Il y a des millions de Français qui attendaient que le Parti socialiste
change ! Eh bien le Parti socialiste a passé la marche arrière. Ce
n'est pas une bonne nouvelle pour la France, pour les Français qui
découvrent une gauche régressive.
Et ce n'est pas le seul sujet : qu'en 2006, alors que tout le monde
sait que la réforme Fillon sur les retraites n'a fait qu'une (petite)
partie du chemin nécessaire, on prétende que l'on va abroger cette loi,
je ne vois pas d'autre mot que de dire que c'est purement et simplement
honteux, et qu'il est de notre devoir de le dénoncer, que c'est un
mauvais service à notre pays.
Il y a des millions de Français qui sont généreux, mais qui ne veulent
pas de cette politique de mensonge et de retour en arrière !
Et nous pouvons maintenant le dire de manière crédible, parce que tout
le monde sait désormais que ce n'est pas l'esprit partisan qui nous
guide.
Nous pouvons le dire, parce que tout le monde sait que notre choix, ce
n'est pas de faire la guerre d'un camp contre l'autre, pas de nous
enfermer dans un camp, c'est de construire une majorité nouvelle, une
majorité plus large dont la France a besoin pour changer et progresser
vers l'avenir auquel elle a droit.
Les grandes directions économiques et sociales, pour moi ce n'est pas
l'essentiel, ou du moins ça ne suffira pas.
La Révolution civique
La France a besoin d'une révolution civique, et c'est de cette
révolution civique que je voudrais vous parler maintenant.
Nous sommes des défenseurs d'un service civil universel, de six mois,
qui concerne l'ensemble des jeunes. Nous défendons cette idée, non pas
depuis aujourd'hui, mais depuis 2001 !
L'UMP nous dit que l'on ne peut pas faire le service civil universel !
Elle nous dit que cela coûte plusieurs milliards d'euros et que donc il
faut y renoncer. Cela coûtera sans doute plusieurs milliards d'euros,
quatre ou cinq milliards d'euros, c'est vrai. Mais il faut le faire,
parce que la France, et les jeunes qui vivent sur notre territoire en
ont le plus urgent besoin. Tous.
Ils ont besoin de sortir des ghettos. Les ghettos pauvres et les
ghettos riches. Ils ont besoin de rencontrer des jeunes d'autres
milieux sociaux que le leur, qu'il soit défavorisé, ou favorisé ! Ils
ont besoin de bouger. Ils ont besoin de donner quelque chose d'eux-
mêmes à la communauté civique.
Et il y a des domaines entiers d'activité civique ou sociale qui ont
besoin de ce don de quelques mois.
Par exemple la sécurité dans les transports en commun dans les grandes
agglomérations, est-ce que ça n'a pas besoin de jeunes qui soient là
avec des talkies-walkies qui assureront aux gens qu'il ne leur arrive
rien, sur le territoire de la France ? La surveillance des massifs
forestiers au moment où on doit craindre les incendies de forêt. L'aide
aux personnes âgées, ou handicapées, à mobilité réduite, comme on dit,
dans les gares ou les aéroports.
Et cette idée, qui est en effet difficile à mettre en oeuvre, qui sera
discutée à droite et à gauche, ne réalisera pas son plein effet si on
ne lui donne pas une légitimité forte. Une légitimité indiscutable.
Comme je suis partisan de réhabiliter le référendum, de réhabiliter les
approches collectives du peuple, je suis décidé à soumettre l'idée d'un
service civil à référendum pour lui donner la base populaire nécessaire
à une si grande idée.
Et j'ajoute que je suis partisan que ce service civique ne concerne pas
seulement les jeunes Français nationaux détenteurs d'une carte
d'identité française. Je suis partisan qu'il concerne tous les jeunes,
y compris les jeunes immigrés qui ont grandi en France et que l'
accomplissement de ce service soit une clé de l'attribution de la
nationalité française.
Deuxième idée de la Révolution civique nécessaire pour la France : l'
activité universelle.
L'exclusion est un processus beaucoup plus pernicieux, beaucoup plus
rapide qu'on ne le croit. L'exclusion n'est pas évitée par l'
attribution des minima sociaux. On n'est pas quitte avec quelqu'un,
avec une famille, lorsqu'on a donné un chèque !
Pour sortir les exclus de l'exclusion, il faut un immense effort
national.
Il faut un effort qui demandera une mobilisation d'énergies collectives
sans précédent à l'échelle d'un pays comme le nôtre.
Il faut inverser le mouvement. À chacun de ceux qui se trouvent ainsi
parqués, n'osant pas sortir de chez eux, n'osant pas se lever le matin,
en lisière de la société, il faut demander non pas : « que pouvons-nous
faire pour toi ? », mais « que peux-tu faire pour tes semblables, que
peux-tu faire pour ton pays ? »
Tu connais l'informatique, viens enseigner l'informatique, il y a une
association pour cela. Tu es sportif, viens être moniteur. Tu sais
garder des enfants, il y a des associations d'aide pour les familles.
Tu es valide, viens surveiller la sortie des écoles. Tu sais remplir
des papiers, viens aider ceux qui ne savent pas. Tu sais conduire une
voiture, viens transporter des personnes invalides, ou viens faire des
courses pour des personnes seules et malades.
C'est une révolution du lien dans la société française.
Bien sûr, cela ne peut pas concerner le secteur de l'emploi marchand.
Cela ne peut concerner que le secteur associatif et celui des
collectivités locales. Mais c'est un immense secteur, qui a besoin d'un
immense coup de main. Et il y faudra, c'est vrai, beaucoup d'
encadrement ! C'est exactement ce dont a besoin un pays comme le nôtre,
qui va voir partir à la retraite les générations les plus importantes
du baby-boom, avec plein d'énergie, avec une grande expérience de la
vie, et avec la volonté de servir.
C'est la solitude qui est l'ennemie, la dispersion, l'isolation,
l'enfermement : c'est à cette solitude que nous nous attaquons avec le
service civique et l'activité universelle.
Et cette participation à la vie de la cité, elle n'est pas une option,
elle est une condition de l'aide que tu recevras en retour, et elle se
verra encouragée par une contrepartie qui viendra de l'association, du
club sportif, de la municipalité. Ce qui améliorera là encore, un peu,
les fins de mois.
Et peu à peu, je le crois, l'activité appellera l'activité, le respect
des horaires appellera le respect des horaires, le vêtement changera,
l'idée que l'on se fait de soi-même changera, la confiance reviendra.
Ceci est une révolution : la révolution civique dont la France a
besoin.
Et cela ne s'arrête pas là.
J'ai beaucoup hésité sur cette question. On trouvera même sans doute
des déclarations de moi sur le même sujet, très sceptiques, dans le
passé. Mais après avoir beaucoup réfléchi sur la désaffection de la
démocratie française, je pense qu'au point où nous en sommes arrivés,
il faut franchir un pas. Je suis partisan du vote obligatoire, avec en
contrepartie, évidemment, la reconnaissance du vote blanc.
Je suis pour le vote obligatoire parce qu'il faut bien changer les
choses, parce qu'on ne peut pas laisser des infimes minorités décider à
la place des majorités, car dans un pays où l'école est obligatoire, où
l'assurance sociale est obligatoire, la participation aux choix de la
cité ne peut pas être optionnelle.
Cella veut dire que pour obtenir une majorité de premier tour, il
faudra regarder l'ensemble de l'expression, le vote blanc en faisant
partie.
Peut-être découvrira-t-on alors que certains votes extrémistes
n'étaient pas autre chose que des votes blancs.
Je suis partisan de l'égalité des droits en matière de suffrage. Tout
le monde en France a le droit d'être représenté au Parlement, dès
l'instant que le courant politique pour lequel il a voté dépasse le
seuil reconnu partout dans le monde, de 5 % des voix. Le déséquilibre
est désormais ridicule : 19 % des voix au premier tour, 70 % des sièges
à l'Assemblée nationale. Avec 50 % des voix - extrême gauche, extrême
droite, verts... - vous avez 0 siège. Ceci n'est pas normal et nous
sommes décidés à ne plus l'accepter.
Notre conviction est celle-ci : que tout courant politique - et cela
est vrai aussi en pensant aux courants que j'ai toujours combattus, que
nous avons toujours combattus ensemble, tout courant politique qui
dépasse 5 % des voix - c'est beaucoup plus d'un million de voix sur l'
ensemble du territoire national - a le droit d'être dûment représenté à
l'Assemblée nationale. Je suis partisan du principe de la
représentation proportionnelle, comme en Allemagne, 50 % des sièges par
circonscription, qui représentent les territoires, 50 % des sièges par
liste qui représentent les opinions.
Et je suis pour qu'il y ait dans notre démocratie, des changements
immédiats, simples, lisibles par tous : présence obligatoire des
députés à l'Assemblée pour participer aux votes, comme au Parlement
européen, qu'on ne puisse pas être compté comme votant, si on n'est pas
présent pour défendre son vote. Et si l'on n'est pas présent,
suspension de l'indemnité parlementaire.
Personne ne doit pouvoir confisquer le pouvoir. La vraie séparation des
pouvoirs, c'est le principe de la République nouvelle que nous voulons
construire. Cela veut dire la maîtrise par les Assemblées de leur ordre
du jour, la fin du passage en force par la suppression du 49-3 et des
ordonnances.
Et responsabilité effective du président de la République, responsable
de la politique de la nation, et donc doté de la faculté de s'adresser
au Parlement réuni en Congrès, comme il a la faculté de s'adresser à la
nation.
Ce volet institutionnel de la révolution civique devra lui aussi, dans
les six mois de l'élection présidentielle, être soumis à référendum
auprès des Français, et on verra qui prend ses responsabilités.
Et dans les principes de cette révolution civique, il y a l'Etat
impartial. L'utilisation de l'Etat à des fins partiales et partisanes
est partout.
La première des choses à conduire, la plus urgente, c'est la
décolonisation de l'État. L'État PS ou l'État UMP, l'État Chirac ou l'
État Mitterrand, il est d'urgence nationale de rendre impossible la
prorogation d'une situation qui fait que la cour est partout, dans
toutes les nominations, comme dans toutes les amnisties, ce qui est une
honte pour la République !
C'est l'ancien régime qui nous accable, nous devons être des militants
de la révolution civique dont la France a besoin.
Je n'ai aucune envie, après que l'État Chirac eût remplacé l'État
Mitterrand, je n'ai aucune envie de voir l'État Chirac remplacé par l'
État Sarkozy. Vous l'aurez compris, je ne suis pas un royaliste.
La révolution civique, c'est au plein sens du mot, la République et la
démocratie !
Et tout le monde y gagnera. Je voudrais vous en faire la très rapide
démonstration.
Si la révolution civique avait eu lieu, il n'y aurait pas eu la crise
du CPE, parce que la loi aurait obligé à alerter l'opinion, à engager
le Conseil économique et social, à ouvrir des discussions avec les
partenaires sociaux, et cette immense bêtise et cet immense enlisement,
où l'État a montré son impuissance, auraient été évités.
Si la révolution civique avait eu lieu, il n'y aurait pas eu d'affaire
Clearstream, parce que les services secrets n'auraient pas pu être
dévoyés dans des affaires de parti, parce que les écoutes téléphoniques
auraient été effectivement interdites, parce que les officines auraient
été pourchassées et ceux qui les animent mis à la place où ils
devraient être, c'est-à-dire en prison.
Si la révolution civique avait eu lieu, il n'y aurait pas eu d'affaire
Vinci, parce que la privatisation des autoroutes aurait été soumise à
débat et à vote au Parlement, et qu'il serait apparu clairement que les
bénéfices devaient être réservés aux Français qui avaient payé cet
investissement, et non pas servir désormais au bénéfice d'intérêts
privés. Et personne n'aurait imaginé qu'un tel appel d'offres puisse
être accepté avec un seul candidat, opportunément un seul, avec les
bakchichs que cette solitude appelait par la suite !
Si la révolution civique avait eu lieu, il n'y aurait pas eu l'amnistie
de Guy Drut, parce qu'on aurait considéré avec raison que ce n'est pas
l'intérêt de la France de donner d'elle le visage d'un pays où le
trafic d'influence et les emplois fictifs ne sont considérés que comme
un léger handicap pour représenter notre pays au Comité International
Olympique !
Et si tous les enjeux de la révolution civique avaient été pris en
compte, l'Europe aurait pris son élan, et la face du monde en aurait
été changée.
Je veux m'arrêter à la lumière de la révolution civique sur la crise
européenne. Le référendum organisé sur la constitution européenne a
répondu non il y a exactement un an. Et comme nous l'avions prédit,
hélas, la France a dit non, et l'Europe s'est arrêtée.
Il convient de prendre la mesure de ce « non ». Beaucoup de nos amis,
et des plus estimables, se bercent de l'idée consolante que c'est le
contexte qui a entraîné le non et non le texte, comme le disent du même
mouvement deux hommes que j'admire beaucoup, Jean-Claude Juncker et
Valéry Giscard d'Estaing.
Je voudrais qu'ils aient raison, mais au fond de moi je ne le crois
pas.
Je pense que le peuple français a répondu non, pour des raisons qui
sont liées à la perception qui est la sienne de l'évolution de
l'Europe. Une raison de forme et trois raisons de fond, qui se
rejoignent.
Il a répondu non, raison de forme, parce que le texte était illisible.
Les Français ont répondu non parce qu'ils ont craint que l'Europe ne
les dépossède de la maîtrise de leur destin.
Ils ont répondu non parce qu'ils ont craint qu'un modèle de société ne
leur soit imposé qui ne soit pas le modèle de société auquel ils
adhèrent.
Ils ont répondu non parce qu'ils ont eu peur de perdre leur identité.
Une raison politique, une raison sociale, une raison identitaire.
Eh bien, ces trois raisons, j'en appelle à ceux qui sont dans cette
salle, militants européens depuis le premier jour, sont désolantes pour
un promoteur de l'Europe que nous avons voulu construire.
Car si l'Europe a été construite, c'est précisément, au contraire, pour
ces raisons.
L'Europe a été construite pour que nous conservions la maîtrise de
notre propre destin.
L'Europe a été construite pour défendre notre modèle de société,
européen à défaut d'être français.
L'Europe a été construite pour protéger et projeter dans l'avenir nos
identités.
Quand il y a une si grande incompréhension, il ne sert à rien de ruser.
Il faut lever l'incompréhension.
C'est pourquoi, malgré toute la sympathie, et l'admiration, et l'
amitié, que j'ai pour les promoteurs du texte examiné, je ne crois pas
beaucoup aux tentatives de récupération subreptice du processus de
ratification.
Je crois à l'inspiration. Je crois au mouvement qui va ranimer
l'inspiration européenne, je crois à un texte nouveau, simple, dense,
court, dépouillé, qui donnera toutes les garanties nécessaires aux
peuples européens.
Et je crois, ce ne sera pas un mince enjeu de l'élection présidentielle
que ce texte peut être soumis à un nouveau référendum, par exemple -
bien que je sache que c'est un idéal - au moment des élections
européennes de 2009. Pour que l'Europe sorte de la crise des racines,
qu'elle est en train de vivre.
Voilà pour la révolution civique, qui touche bien des aspects de notre
vie nationale et européenne :
Transparence, débats publics, connaissance des sujets traités, respect
des partenaires nationaux et même régionaux, les vertus qui ont manqué
à l'Europe de Nice, à l'Europe du traité rejeté, ce sont les vertus
mêmes de la révolution civique, qui n'est pas autre chose que la
démocratie enfin prise au sérieux.
Nous avons beaucoup parlé de valeurs.
Je le dis à tous les marchands du modèle qui domine aujourd'hui le
monde. Il y a une bonne et une mauvaise nouvelle pour eux. La mauvaise
nouvelle, c'est que les Français sont rétifs et continueront à être
rétifs : ils ne veulent pas renoncer à leur idéal. Ils ne renonceront
pas à leur idéal, et ils ont bien raison. Et la bonne nouvelle, c'est
que la défense de cet idéal fera du bien à tout le monde. Le monde a
besoin de diversité et de valeurs. En résistant, les Français, et nous
avec eux, apporteront l'une et l'autre.
C'est un projet de changement de la société française.
Evidemment, cela demande des conditions politiques.
Cela demande un mouvement assez autonome pour présenter ces idées, qui
sont aussi distantes, aussi opposées, aussi concurrentes de l'UMP
qu'elles le sont du PS.
Ce mouvement, grâce à vous, nous l'avons, c'est pourquoi, malgré son
absence, je dis, en votre nom, à Gilles de Robien, que ceux, de l'
extérieur ou de l'intérieur, qui voudront faire revenir l'UDF dans la
soumission à l'UMP, ceux qui voudront désormais enfermer l'UDF dans la
domination d'un camp, ceux-là se trompent de parti et se trompent d'
époque !
Ce temps est révolu. Notre liberté de penser, de juger, de voter, n'est
pas négociable. C'est vrai, nous avons payé cher, le prix de notre
liberté ! Mais désormais nous sommes affranchis, et il faut que tout le
monde en prenne acte dans la vie politique française.
Il faut un projet, il faut un parti, il faut un candidat.
Je vais vous dire, du fond du coeur, un mot personnel. Le chemin a été
rude, depuis cinq ans. Rude. Mais, avec vous, et grâce à vous, grâce
aussi aux milliers de Français qui dans la rue, ou par écrit, m'ont dit
: « on est avec vous. Ne changez pas. Allez jusqu'au bout. », j'ai fait
ce chemin. J'ai fait ce chemin de liberté, avec eux, qui sont là aux
premiers rangs, comme c'était la traversée du désert, je les appelle «
les bédouins » ; ceux qui ont traversé le désert ensemble, et dont je
n'oublierai jamais le visage, quand ils étaient, rarement, sur le
chameau, ou quand ils étaient plus souvent à côté du chameau, ou même
quelquefois quand il fallait qu'ils portent le chameau, ils ont formé
un ordre, une fraternelle des bédouins. Et c'est une belle équipe. Et
je ne vois pas de meilleure équipe gouvernementale et parlementaire en
France. J'en vois peut-être de plus nombreuse, mais je n'en vois pas de
meilleure.
Et je n'oublie pas que parmi les bédouins, il y a ma famille, et il y a
mes enfants.
Et quand on a fait ce chemin, on n'est plus tout à fait le même. Parce
que tout d'un coup il se passe quelque chose, on se met à entendre un
pays, non pas par les sondages, ou par les clameurs, mais par l'âme d'
un peuple. On se met à le comprendre, non plus par les étiquettes, ou
par les camps, ou par la servilité des appartenances. On comprend son
pays par toutes les sources qui y jaillissent, par toutes les couleurs
qui le tissent.
J'ai donné ma vie à changer l'image dévoyée du centre en France - image
amollie, courbée, servile, que tout le monde caricaturait. C'est un
grand courant de la démocratie française, c'est le grand courant
humaniste français, démocrate et humaniste français, et nous l'avons
reconstruit. Mais ayant donné ma vie à rendre au centre l'image qui
aurait dû être la sienne, je sais aussi qu'il n'y a pas que le centre
en France.
Je reconnais, j'entends, les femmes et les hommes de gauche. Je sais
combien ils ont été humiliés, pour avoir apporté dans un geste
républicain, leur voix républicaine à Jacques Chirac, de voir qu'à
peine installé au Château, on les tenait désormais pour quantité
négligeable, pire, comme ennemis de l'intérêt national. C'était un
effort pour eux. Eh bien ils ont été rejetés dans leur effort. Et cet
idéal de solidarité, je le partage avec eux.
Je reconnais, et j'entends, même si parfois je le sais bien qu'en
raison des vieilles habitudes ils sont souvent en colère contre moi, je
reconnais, j'entends et je respecte les femmes et les hommes de droite.
Je les connais. Je les respecte. Je reconnais le goût de l'ordre. C'est
un goût français. Je reconnais le goût de l'effort. Ils ont raison de
le défendre. Ils ont raison de vouloir un État et une société qui se
tiennent - alors qu'ils se décomposent aujourd'hui.
Je vais vous dire : je reconnais et j'entends même ceux qui croient
qu'il n'y a que par les votes les plus durs, d'un côté ou de l'autre,
que leur colère pourra se faire entendre, pour donner un coup de pied
au cul du système. Je pense et j'estime, même si je les combats depuis
la première heure, que citoyens français, ils doivent être représentés
au Parlement de la République.
Le président de la République, dans la conception qui est la mienne, ce
n'est pas le Président de ceux, un sur cinq, un sur dix en vérité, qui
ont voté pour lui. Le président de la République, il est le Président
de tous. Chargé de les entendre tous. Non pas de les suivre tous, comme
une girouette au gré du vent des sondages. Mais de les faire respecter
tous, dans leurs droits, dans leur inquiétude, et dans leurs
aspirations.
Et comme le Général de Gaulle autrefois, comme tous ceux qui ont fait
de la France ce qu'elle est, comme Henri IV, je crois que les seuls
projets qui vaillent sont les projets rassembleurs, réconciliateurs.
Il est des moments dans l'histoire d'un peuple où il ne faut pas trier.
Il est des moments dans l'histoire d'un peuple où il est criminel de
trier, d'opposer les Français entre eux. Il est des moments dans l'
histoire d'un peuple où il faut rassembler, dépasser les clivages du
passé.
Naturellement, beaucoup de gens le refusent.
Le parti socialiste, à la demande de Laurent Fabius, a fait adopter
dans sa synthèse, fait inouï, l'engagement de ne jamais gouverner qu'
avec la gauche ! L'UMP, par la voix éminente et éclairée de M. Accoyer,
a promis que ceux qui traverseraient le Rubicon, on le leur ferait
payer ! Eh bien cette thèse, chacun chez soi, on gouverne pour les
siens, surtout on ne travaille jamais avec d'autres, cette thèse, la
thèse Fabius, la thèse Accoyer, la thèse Chirac, la thèse Robien, cette
thèse de l'apartheid dans la politique française, cette thèse il faut
l'appeler par son nom : si l'on y réfléchit, cette thèse est celle d'
une offensante et désolante connerie.
Qui peut croire que les vingt ou trente misérables pour cent de la
droite à droite, que les vingt ou trente pour cent, divisés,
désaccordés, de la gauche à gauche, vont pouvoir répondre seuls à une
seule des questions dont dépend aujourd'hui l'avenir de la France, ou
la souffrance de la France ? Et que j'ai énoncées dans ce propos ?
Il y a vingt-cinq ans qu'on nous fait le coup de l'apartheid. Et il y a
vingt-cinq ans qu'on échoue misérablement et que les Français, à chaque
alternance, renvoient dans leur ghettos ceux qui ne veulent pas qu'on
en sorte.
Eh bien, nous allons proposer à la France de se débarrasser d'un coup
non pas seulement d'un parti, non pas seulement d'un régime, mais de la
connerie de l'apartheid, qui l'empêche d'être ce à quoi elle a le droit
d'être.
C'est pourquoi je prends l'engagement, si je suis élu président de la
République, de former un gouvernement avec des personnalités de
qualité, d'où qu'elles viennent, pourvu qu'elles soient compétentes et
qu'elles acceptent les principes de la révolution civique.
En proposant cela, je ne fais pas autre chose que de reprendre la trace
qui fut celle des plus grands de la République française, celle par
exemple du Général de Gaulle en 1958, qui pour reconstruire la France,
associa au pouvoir le parti socialiste de l'époque, le centre de
l'époque et la droite de l'époque, et c'est cela qui a redressé la
France parce c'est cela qui a donné à tous la conviction que ce qu'on
faisait, on le faisait pas pour un parti mais pour un pays.
Alors j'entends l'objection, on me dit : c'était la guerre d'Algérie.
Et aujourd'hui, ce n'est pas la guerre, on n'a pas décrété l'état d'
urgence il y a six mois ? Ce n'est pas signe de guerre quand l'
extrémisme est entre 35 et 40 % ? Ce n'est pas signe de guerre quand on
a cinq millions de chômeurs et qu'on renonce à leur trouver du travail
au point de prétendre qu'il n'y a pas d'autre possibilité, pour remplir
les postes de travail de notre pays, de plus urgent, que l'immigration
choisie ?
Je prends l'engagement de former une majorité d'entente, avec tous les
courants, et les personnalités qui accepteront ces principes : les
principes de l'Etat impartial, de la représentation authentique du
peuple, de l'obligation de négocier, de la démocratie sociale, de la
liberté économique, de la modération fiscale, de l'équilibre des
finances publiques, de l'activité universelle, et de la révolution
civique. Chacun y aura sa place, et nul ne sera obligé de se renier, de
renier ses racines, ses valeurs et son identité.
Je prends l'engagement de débattre et de discuter plutôt que de passer
en force, comme on le fait dans tous les autres pays de l'Union
européenne, comme on le fait aux États-Unis, comme on le fait dans
toutes les démocraties où le peuple est respecté comme un partenaire et
non pas traité comme un sujet servile, et qui n'a d'autre choix, quand
il refuse d'être servile, que de s'affirmer rebelle. Et ne cherchez pas
ailleurs la fortune des extrêmes.
Et pour moi, cela, « réformistes ou civiques de tous les camps unissez
-vous ! », je dois vous avouer que cela va assez loin à droite et assez
loin à gauche.
Ce projet ne ressemble à aucun autre !
Naturellement il est combattu par tous les autres, parce que c'est un
projet de rupture ! Ce n'est pas un projet partisan, c'est un projet
national ! Celui-là crée une majorité, une vraie majorité, non pas une
majorité étriquée, la majorité restreinte, impuissante, d'un électeur
sur cinq, ou d'un Français sur dix. Cela crée une majorité large,
populaire, pour sortir la France de son échec.
J'ai fait beaucoup de chemin, depuis cinq ans, avec vous et avec tous
les Français qui attendent les temps nouveaux.
Il y a deux conditions pour une candidature valable à la présidence de
la République française : la vision et le courage. Avec vous, grâce à
vous, ces cinq années m'ont permis de mûrir la vision et d'éprouver le
courage. Ni l'un, ni l'autre, ne sont de la fausse monnaie.
La France a besoin d'un projet qui la respecte, qui la rassemble et qui
l'entraîne. La France a besoin d'un projet qui change pas seulement les
équipes, mais la vision, les règles, et les pratiques.
La France a besoin d'une équipe qui la comprenne, et qui l'entende, et
qui ait le courage de la conduire.
La France a besoin d'un Président qui la comprenne et la rassemble, et
l'estime, et l'entraîne.
Les temps nouveaux ont commencé.Source http://www.udf.org, le 12 juin 2006
« Allez la France ! », ce n'est pas seulement un clin d'oeil au mondial
de foot.
Cela dit quelque chose de notre mission !
Rassembler, entraîner, sélectionner le meilleur, ne plus regarder les
clubs d'origine, mais fondre les talents en une stratégie offensive.
C'est vrai en sport. Mais c'est vrai pour tout un pays.
L'état de la démocratie française est un chagrin pour tous les
Français. Un chagrin : sentiment personnel d'échec et de vexation.
La séquence que nous venons de vivre, CPE, Clearstream, amnistie d'un
député du parti majoritaire, manoeuvres au sein du même parti
majoritaire, a fait du gouvernement actuel qui, il y a un an jour pour
jour, prétendait reconstruire la confiance en cent jours, l'un des plus
faibles des dernières décennies.
Et cette faiblesse est la preuve par 9, la démonstration absolue, de ce
que notre analyse de la situation française est juste.
Le même parti a tous les pouvoirs, la présidence de la République, le
Premier ministre, quasiment tout le gouvernement, la présidence de l'
Assemblée et la majorité absolue à l'Assemblée, la présidence du Sénat
et la majorité absolue au Sénat, la maîtrise de tous les corps de
contrôle, et il ne peut même pas faire le lundi de Pentecôte !
Pire encore : ce sont les mêmes ministres qui ont pris la décision de
faire du lundi de Pentecôte un jour travaillé, le même un an après
prennent la décision que ce jour sera férié pour les écoliers, et
interdit de rouler pour les routiers, autrement dit le pays en panne
par leur décision.
Tout le monde sait que le pouvoir est dans cet état, tout le monde le
dit !
Et le seul endroit où l'on fait semblant de l'ignorer, c'est là où on
devrait agir, sur les bancs de velours rouge de l'Assemblée nationale !
Tout cela, on le chuchote dans les couloirs, on fait chorus à la
buvette, on le clame dans toutes les oreilles de journalistes, mais
dans l'hémicycle, où l'on représente les Français, c'est silence dans
les rangs.
Et c'est pour cela que nous avons pris nos responsabilités. C'est pour
cela que nous avons voté la censure, que nous avons fait la rupture,
non pas dans les mots, mais dans les actes !
Pas la rupture avec Dominique de Villepin, le Premier ministre seul,
avec l'UMP seule, mais la rupture symbolique avec les causes de l'
impuissance et du malheur français.
Les douze députés UDF qui ont voté la censure, et j'en suis sûr aussi,
l'immense majorité de ceux qui n'ont pas osé, ou pas voulu encore (je
cite presque entre guillemets) les suivre jusque là, tout en pensant la
même chose, tout en étant contents de l'audace de leurs collègues,
l'ont fait pour une raison : ils n'ont pas voulu qu'on leur dise un
jour : « Vous qui saviez, vous n'avez rien fait ! »
C'est parce que nous savons que nous avons agi !
Nous avions sous les yeux le spectacle triste de la décomposition du
pouvoir en France.
Nous savons que la France se fracture. Nous savons que, depuis vingt
ans - depuis vingt ans ! - l'État n'est pas impartial, l'État est
partisan ! Le pouvoir est confisqué. L'esprit de parti, l'esprit de
clan, l'esprit de famille, est partout. On nomme des copains, on fait
campagne de manière éhontée avec les moyens de l'Etat. Et pendant ce
temps, tout le monde voit bien que la France recule, qu'il n'est aucun
domaine où notre pays ait avancé, dans aucun classement international.
Et nous mesurons l'immensité de la tâche à accomplir, nous savons la
dimension de l'effort de redressement.
Et c'est parce que cet effort est immense qu'il demande une réponse
nouvelle !
L'effort à accomplir, que mes amis avant moi ont rappelé :
- il faut réparer la France, socialement, territorialement - la rupture
entre les vallées qui se dépeuplent, je pense à notre ami Jean
Lassalle, mais c'est la même chose pour les banlieues, qui pour
certaines retrouvent le sens étymologique du terme, le lieu des bannis
- il faut recoudre et réparer la France
- il faut s'occuper de la feuille de paie et s'occuper des petites
retraites
- il faut créer les emplois dont on a besoin et que notre croissance
interdit
- il faut cesser la croissance de la dette, et maîtriser la dépense
publique
- il faut retrouver les conditions de la croissance
- il faut la meilleure éducation et la meilleure recherche du monde et
nous pouvons les avoir
- il faut la confiance dans nos institutions
- il faut que la France devienne une démocratie
- il faut faire de la France le premier pays qui défende réellement l'
atmosphère de la planète
- il faut économiser l'énergie, nous allons dans le mur sur les
énergies fossiles, sur le pétrole
- il faut l'Europe démocratique
Il y a un projet français. Il est de bon ton de brocarder le « modèle
français ». C'est de bon ton hors de France, dans les journaux anglo-
saxons. Et c'est hélas de bon ton en France.
Et quand on le moque, que moque-t-on ? On se moque de ses valeurs, et
on se moque de sa visée universelle, de sa prétention universaliste.
La France est sommée de renoncer à son modèle. Autrement dit, la France
est sommée de renoncer à elle-même.
Je ne crois pas que les Français renonceront à ce modèle.
Que dit le modèle français ? Que disent les mots qui le symbolisent ?
Ils disent trois choses qui, pour des Français, ne sont pas
remplaçables !
Ils disent que la liberté vient en premier. Ils disent que l'égalité ne
se divise pas. Ils disent que la fraternité permet à la liberté et à
l'égalité de vivre ensemble.
Ce projet que l'on traite par dessus la jambe, ce projet libéral,
égalitaire et fraternel, est un projet de résistance.
Parce que la pente naturelle du monde, quand on laisse les choses se
faire elles-mêmes, ce n'est pas la liberté, c'est la domination des
puissants, des groupes de pression.
La pente naturelle, ce n'est pas l'égalité, ni des chances, ni des
droits - et je tiens aux deux : égalité des chances, égalité des droits
- c'est l'inégalité et l'abus des privilèges.
La pente naturelle, ce n'est pas la fraternité, c'est l'indifférence à
l'autre, l'indifférence à l'étranger.
Et je suis fier d'appartenir au peuple qui a donné au monde, en trois
mots, un idéal de résistance qui fait à lui tout seul l'humanisme et la
civilisation.
Cette résistance est nécessaire à la France, elle nécessaire aussi au
monde.
Nous ne bâtissons pas seulement une économie (c'est très important,
aucun doute). Nous ne rémunérons pas seulement du capital. Nous élevons
des enfants. Nous transmettons un pays. Et nous façonnons un monde, en
bâtissant une société de justice et d'équilibre, nous agissons pour la
France, mais nous devons agir comme un exemple pour le monde.
La crise est plus grave chez nous qu'ailleurs. Car nous avons une
caractéristique : l'identité de notre pays, c'est l'unité.
La France ne se satisfait pas de la déchirure. Il y a beaucoup de pays
qui se satisfont des ghettos, raciaux, religieux, des ghettos d'
éducation, des ghettos de l'argent ; ghettos de l'argent surabondant où
l'on s'enferme, avec des gardes privés et des caméras partout ; ghettos
de l'argent qui manque, où l'on est enfermé malgré soi.
Pas la France. La France, elle veut l'égalité des citoyens. Elle veut
l'égalité des territoires. Et elle souffre quand, comme aujourd'hui,
elle voit que cette égalité a disparu.
Et regardez comme c'est intéressant et comme c'est drôle, cette
égalité, c'est de la fraternité.
La France est un pays d'unité ; nous sommes quelques-uns à penser
qu'elle a confondu parfois unité et uniformité.
Parmi les devoirs qui sont les nôtres, il y a celui de défendre la
diversité culturelle, pas seulement dans le monde, c'est un juste
combat, mais sur notre sol. C'est pourquoi je suis favorable au respect
de la charte des langues et des cultures régionales et minoritaires.
Il y a des pays qui se satisfont de la victoire du matérialisme et de
la domination de l'argent. Pas la France. La France, elle veut qu'on
mette les choses à leur place. L'argent à sa place, et l'esprit à sa
place qui lui est supérieure, et le coeur à sa place qui est encore plus
haute.
Et à tous ceux qui sur notre sol veulent que la France renie son
modèle, les Français répondent, ont répondu et répondront : nous avons
le droit d'avoir nos propres valeurs.
Et nous, nous disons aux Français : ce n'est pas seulement que nous
avons le droit de nos propres valeurs, mais nous avons le devoir de les
entretenir et de les défendre. Parce que ce sont des valeurs qui
manquent au monde.
Parce que quand le monde se déshumanise, il faut que le pays de l'
humanisme se lève et résiste. Et c'est sa vocation.
Mais ce sont des valeurs qui exigent aussi la réussite.
Parce que si la France échoue, ce sont ses valeurs qui plongent avec
elle.
Et c'est pourquoi nous avons besoin de liberté, et notamment de liberté
en économie. Nous sommes la famille qui veut que la liberté en économie
soit réhabilitée.
Est-ce que la France échoue en économie parce qu'elle a trop de liberté
? Elle échoue parce qu'elle n'a pas assez de liberté, pas assez de
confiance.
Demandez aux artisans s'ils ont plus ou moins de contraintes
administratives, de papiers à remplir, qu'il y a des années. Ils en ont
davantage, tous les jours davantage, insupportablement davantage.
Demandez aux agriculteurs s'ils ont plus ou moins de contraintes et de
contrôles, de papiers à remplir, de déclarations de toute nature, qu'il
y a quelques années. Ils croulent sous une charge de travail qui ne
devrait pas être la leur, qui est notre démission sous la bureaucratie
universelle.
Les Français, qui ne sont pas dupes, savent que les chiffres sont de la
communication, ils savent que le chômage réel ne baisse pas, ils savent
que ce sont les classes nombreuses qui partent à la retraite, que ce
sont les emplois aidés qui subviennent pour le reste, que la création
d'emplois nouveaux n'est pas au rendez-vous.
Je veux donner la feuille de route de notre politique de l'emploi. Le
but de notre politique est de créer l'emploi, tout l'emploi, dont notre
économie a besoin. Je ne crois pas à la création d'emplois artificiels.
Et il y a des millions d'emplois dont notre économie a besoin, mais qui
ne peuvent pas être créés, spécialement dans les petites entreprises,
parce que travail + charges, comme c'est organisé dans la société
française, il y a des entrepreneurs pour qui c'est trop lourd ! Je suis
prêt à nuancer : c'est trop lourd pour certains, trop lourd pour les
plus petits, pas trop lourd aujourd'hui pour les très grandes
entreprises qui marchent bien, qui intègrent le coût du travail,
parfois sans difficulté dans son modèle économique.
Parfois... car les délocalisations sont générales (j'adresse une pensée à
Jean Arthuis qui a eu un petit incident cardiaque) ; elles ne sont pas
toutes mauvaises. Je visitais hier près de Strasbourg, à Pfaffenhoffen,
une entreprise formidable qui numérise des centaines de milliers de
volumes quel que soit leur format. C'étaient des volumes de près de 1
mètre : les volumes manuscrits du cadastre d'Alsace Moselle (40 000
volumes), la numérisation se fait à Pfaffenhoffen, avec une vingtaine
d'emplois, mais la saisie qui vient derrière se fait à Madagascar avec
plusieurs centaines d'emplois. Et si l'entreprise n'existait pas en
Alsace, il n'y aurait pas les emplois à Madagascar. Et si les emplois
n'avaient pas été créés à Madagascar, il n'y aurait pas d'entreprise à
Pfaffenhoffen.
C'est un bon sujet de compréhension du monde. Les simplistes qui
prétendent que les problèmes de délocalisation n'existent pas, ou pour
les autres qu'il n'y a que des difficultés, se trompent tous les deux,
c'est être adulte que de saisir le bien et la difficulté dans le même
sujet.
Nous avons ouvert à juste titre une réflexion de long terme sur le
transfert des charges sociales qui pèsent sur le travail sur d'autres
bases.
Mais je considère qu'il ne faut pas attendre les résultats d'une
réflexion de long terme qui demande la participation de toute la
société française. Il y a urgence.
Et en face d'une situation d'urgence, je propose une mesure d'urgence :
l'ouverture du droit pour chacune des entreprises de notre pays, de
créer deux emplois nouveaux sans charges. Pour une entreprise
artisanale, deux emplois, c'est beaucoup. Pour une entreprise moyenne,
ce n'est pas rien. Pour une très grande entreprise, c'est symbolique.
Autrement dit nous proposons un rééquilibrage en faveur des créateurs
d'emploi potentiels.
Contrat garanti pendant cinq ans, n'assumant que les charges de
retraite (10 % de charges en tout et pour tout), sans autre condition,
ouverte à tous les types d'emplois, à tous les âges, à toutes les
formations. Des cadres si votre petite entreprise a besoin de cadres,
qualifiés si vous avez besoin de qualifiés, des designers, des
commerciaux, comme vous voudrez. Un immense appel d'air, qui ne demande
ni dix pages d'explication, ni un volume d'explication mais simple, d'
application immédiate et infiniment prometteur, prometteur de centaines
de milliers d'emplois d'après les simulations que nous avons faites.
La question de la feuille de paie. Le niveau de la feuille de paie est
un souci pour la nation. Et pas seulement pour les petits salaires. C'
est un souci même, nous avons été parmi les premiers à le mettre en
évidence il y a quelque dix-huit mois, lors de notre congrès de la
Mutualité, c'est un souci pour les salaires moyens. Il y a eu un temps
où en France, un salaire moyen, quand on vivait normalement, c'était
sans souci. Le salaire moyen était convenable. On vivait, et même on
arrivait à mettre de l'argent de côté. Aujourd'hui, les salaires moyens
n'y arrivent plus, n'arrivent plus à joindre les deux bouts, ils ont
beaucoup de mal. Et cela est un souci pour la nation tout entière.
Et comment se fait-il que ce souci soit un souci uniquement français ?
Que cette inquiétude, cette difficulté du salaire moyen, elle ne se
retrouve pas chez nos voisins européens ?
C'est que la réalité a rattrapé la fiction. On nous avait dit : nous
allons faire les 35 heures sans baisse de salaire. Vous aurez les 35
heures payées 39. Personne n'y perdra rien. Et nous dans cette maison,
nous disions : c'est un leurre. De toutes façons, il faudra que
quelqu'un paye. Et au bout du compte, celui qui paiera, d'une manière
ou d'une autre, c'est celui qui travaille. Car, ou bien il travaillera
plus, et il paiera en stress. Ou bien il travaillera pareil et il
paiera en valeur réelle sur la feuille de paie.
Eh bien, c'est à cela que nous sommes arrivés.
Alors nous avons vu cette semaine un de ces jeux de dupes habituels sur
le sujet. Le Parti socialiste a paru, l'espace de quelques heures,
accepter la leçon de cette dure réalité. Ségolène Royal a fait la liste
des insuffisances et des échecs des 35 heures. Elle a dressé un
réquisitoire. Elle a dit ce que tous les Français savent : les 35
heures, comme elles sont organisées sont pleines d'inconvénients. Et
elle en a tiré aussitôt la conclusion la plus inattendue : nous allons
étendre les 35 heures à tout le monde !
Pour nous, au contraire, si les 35 heures sont pleines d'inconvénients,
ce qui est la vérité, il faut les corriger. Et les corriger simplement,
sans forcer la main à quiconque. Car nous savons bien que beaucoup de
salariés ont trouvé dans les 35 heures des avantages pour leur vie,
pour leur vie de famille, pour leur vie de loisir.
Nous proposons donc, comme nous l'avons fait en 2002, que l'on permette
aux Français qui le souhaitent, aux salariés qui le souhaitent,
librement, d'améliorer leur revenu par le jeu libre des heures
supplémentaires. Pour le Parti socialiste, les heures supplémentaires
il faut les combattre, les sanctionner et les réprimer. Pour nous, c'
est la liberté de l'accord, dans une marge raisonnable, entre le
salarié et l'entrepreneur. Nous proposons donc de changer le régime des
heures supplémentaires : nous proposons d'élargir à toutes les
entreprises, même celles de moins de vingt salariés, le régime des
heures supplémentaires à 25 % de prime. Il est scandaleux pour nous que
l'heure supplémentaire dans une petite entreprise rapporte moins au
salarié que dans une entreprise de plus de vingt ! Ça n'est pas juste !
Et nous proposons que cette prime de 25 % soit intégralement déduite
des charges sociales. Parce que quand un salarié a travaillé 35 heures,
il a déjà payé sa quote-part de la protection sociale.
Ainsi, pour une heure normale, quand le salarié est payé 100, l'
entreprise paie charges comprises, à peu près 190. Pour une heure
supplémentaire, sous notre régime, le salarié recevra 125 quelle que
soit la taille de l'entreprise. Et l'entreprise paiera toujours 190.
Personne n'y perdra ! Tout le monde y gagnera !
Je veux dire un mot du smic. Le Parti socialiste fait une grande
annonce de smic à 1500 euros par mois : ou bien cette annonce est
truquée, ou bien elle est nocive pour la société. Cette annonce est
truquée, parce que comme les syndicats l'ont dit, l'inflation va amener
naturellement à ce montant. Ou bien elle est nocive, parce que si on le
fait brutalement, il ne sera plus possible de pourvoir certains emploi
; et que le smic va devenir la situation majoritaire des salariés.
Nous avons besoin de simplicité et de stabilité dans le temps.
J'ai approuvé ce qu'Hervé Morin a dit à cette tribune.
Nous avons besoin de simplicité et de stabilité du droit fiscal et
social.
Nous recevions, Hervé et moi, le responsable d'un fonds de pension
américain spécialisé dans les sièges sociaux. Il me disait : quand il
s'agit de choisir un lieu, la France est toujours sur la liste à cause
de sa douceur de vivre, et jamais retenue car on ne sait jamais, chez
vous, de quoi demain sera fait.
Les socialistes nous disent : nous allons augmenter massivement les
impôts. Ils ont même trouvé une nouvelle appellation, je ne sais pas si
ça adoucira la sensation de ceux qui seront imposés : l'impôt citoyen
sur le revenu !
La plus basse estimation sur le coût du programme socialiste, celle
qu'a faite Strauss-Kahn, la plus basse, pas celle de Bercy, c'est 50
milliards d'euros.
Comparez cette somme à ce que rapporte l'impôt sur le revenu : un peu
moins de 50 milliards. Pour financer un programme aussi dispendieux, il
faut multiplier par deux l'impôt sur le revenu !
Nous qui avions mis en garde sur la baisse aventureuse des impôts, nous
disons qu'augmenter les prélèvements obligatoires, augmenter la
ponction sur la richesse produite, c'est paralyser à coup sûr,
lentement le pays, c'est alourdir à coup sûr, le poids de son
administration !
Il y a des millions de Français qui attendaient que le Parti socialiste
change ! Eh bien le Parti socialiste a passé la marche arrière. Ce
n'est pas une bonne nouvelle pour la France, pour les Français qui
découvrent une gauche régressive.
Et ce n'est pas le seul sujet : qu'en 2006, alors que tout le monde
sait que la réforme Fillon sur les retraites n'a fait qu'une (petite)
partie du chemin nécessaire, on prétende que l'on va abroger cette loi,
je ne vois pas d'autre mot que de dire que c'est purement et simplement
honteux, et qu'il est de notre devoir de le dénoncer, que c'est un
mauvais service à notre pays.
Il y a des millions de Français qui sont généreux, mais qui ne veulent
pas de cette politique de mensonge et de retour en arrière !
Et nous pouvons maintenant le dire de manière crédible, parce que tout
le monde sait désormais que ce n'est pas l'esprit partisan qui nous
guide.
Nous pouvons le dire, parce que tout le monde sait que notre choix, ce
n'est pas de faire la guerre d'un camp contre l'autre, pas de nous
enfermer dans un camp, c'est de construire une majorité nouvelle, une
majorité plus large dont la France a besoin pour changer et progresser
vers l'avenir auquel elle a droit.
Les grandes directions économiques et sociales, pour moi ce n'est pas
l'essentiel, ou du moins ça ne suffira pas.
La Révolution civique
La France a besoin d'une révolution civique, et c'est de cette
révolution civique que je voudrais vous parler maintenant.
Nous sommes des défenseurs d'un service civil universel, de six mois,
qui concerne l'ensemble des jeunes. Nous défendons cette idée, non pas
depuis aujourd'hui, mais depuis 2001 !
L'UMP nous dit que l'on ne peut pas faire le service civil universel !
Elle nous dit que cela coûte plusieurs milliards d'euros et que donc il
faut y renoncer. Cela coûtera sans doute plusieurs milliards d'euros,
quatre ou cinq milliards d'euros, c'est vrai. Mais il faut le faire,
parce que la France, et les jeunes qui vivent sur notre territoire en
ont le plus urgent besoin. Tous.
Ils ont besoin de sortir des ghettos. Les ghettos pauvres et les
ghettos riches. Ils ont besoin de rencontrer des jeunes d'autres
milieux sociaux que le leur, qu'il soit défavorisé, ou favorisé ! Ils
ont besoin de bouger. Ils ont besoin de donner quelque chose d'eux-
mêmes à la communauté civique.
Et il y a des domaines entiers d'activité civique ou sociale qui ont
besoin de ce don de quelques mois.
Par exemple la sécurité dans les transports en commun dans les grandes
agglomérations, est-ce que ça n'a pas besoin de jeunes qui soient là
avec des talkies-walkies qui assureront aux gens qu'il ne leur arrive
rien, sur le territoire de la France ? La surveillance des massifs
forestiers au moment où on doit craindre les incendies de forêt. L'aide
aux personnes âgées, ou handicapées, à mobilité réduite, comme on dit,
dans les gares ou les aéroports.
Et cette idée, qui est en effet difficile à mettre en oeuvre, qui sera
discutée à droite et à gauche, ne réalisera pas son plein effet si on
ne lui donne pas une légitimité forte. Une légitimité indiscutable.
Comme je suis partisan de réhabiliter le référendum, de réhabiliter les
approches collectives du peuple, je suis décidé à soumettre l'idée d'un
service civil à référendum pour lui donner la base populaire nécessaire
à une si grande idée.
Et j'ajoute que je suis partisan que ce service civique ne concerne pas
seulement les jeunes Français nationaux détenteurs d'une carte
d'identité française. Je suis partisan qu'il concerne tous les jeunes,
y compris les jeunes immigrés qui ont grandi en France et que l'
accomplissement de ce service soit une clé de l'attribution de la
nationalité française.
Deuxième idée de la Révolution civique nécessaire pour la France : l'
activité universelle.
L'exclusion est un processus beaucoup plus pernicieux, beaucoup plus
rapide qu'on ne le croit. L'exclusion n'est pas évitée par l'
attribution des minima sociaux. On n'est pas quitte avec quelqu'un,
avec une famille, lorsqu'on a donné un chèque !
Pour sortir les exclus de l'exclusion, il faut un immense effort
national.
Il faut un effort qui demandera une mobilisation d'énergies collectives
sans précédent à l'échelle d'un pays comme le nôtre.
Il faut inverser le mouvement. À chacun de ceux qui se trouvent ainsi
parqués, n'osant pas sortir de chez eux, n'osant pas se lever le matin,
en lisière de la société, il faut demander non pas : « que pouvons-nous
faire pour toi ? », mais « que peux-tu faire pour tes semblables, que
peux-tu faire pour ton pays ? »
Tu connais l'informatique, viens enseigner l'informatique, il y a une
association pour cela. Tu es sportif, viens être moniteur. Tu sais
garder des enfants, il y a des associations d'aide pour les familles.
Tu es valide, viens surveiller la sortie des écoles. Tu sais remplir
des papiers, viens aider ceux qui ne savent pas. Tu sais conduire une
voiture, viens transporter des personnes invalides, ou viens faire des
courses pour des personnes seules et malades.
C'est une révolution du lien dans la société française.
Bien sûr, cela ne peut pas concerner le secteur de l'emploi marchand.
Cela ne peut concerner que le secteur associatif et celui des
collectivités locales. Mais c'est un immense secteur, qui a besoin d'un
immense coup de main. Et il y faudra, c'est vrai, beaucoup d'
encadrement ! C'est exactement ce dont a besoin un pays comme le nôtre,
qui va voir partir à la retraite les générations les plus importantes
du baby-boom, avec plein d'énergie, avec une grande expérience de la
vie, et avec la volonté de servir.
C'est la solitude qui est l'ennemie, la dispersion, l'isolation,
l'enfermement : c'est à cette solitude que nous nous attaquons avec le
service civique et l'activité universelle.
Et cette participation à la vie de la cité, elle n'est pas une option,
elle est une condition de l'aide que tu recevras en retour, et elle se
verra encouragée par une contrepartie qui viendra de l'association, du
club sportif, de la municipalité. Ce qui améliorera là encore, un peu,
les fins de mois.
Et peu à peu, je le crois, l'activité appellera l'activité, le respect
des horaires appellera le respect des horaires, le vêtement changera,
l'idée que l'on se fait de soi-même changera, la confiance reviendra.
Ceci est une révolution : la révolution civique dont la France a
besoin.
Et cela ne s'arrête pas là.
J'ai beaucoup hésité sur cette question. On trouvera même sans doute
des déclarations de moi sur le même sujet, très sceptiques, dans le
passé. Mais après avoir beaucoup réfléchi sur la désaffection de la
démocratie française, je pense qu'au point où nous en sommes arrivés,
il faut franchir un pas. Je suis partisan du vote obligatoire, avec en
contrepartie, évidemment, la reconnaissance du vote blanc.
Je suis pour le vote obligatoire parce qu'il faut bien changer les
choses, parce qu'on ne peut pas laisser des infimes minorités décider à
la place des majorités, car dans un pays où l'école est obligatoire, où
l'assurance sociale est obligatoire, la participation aux choix de la
cité ne peut pas être optionnelle.
Cella veut dire que pour obtenir une majorité de premier tour, il
faudra regarder l'ensemble de l'expression, le vote blanc en faisant
partie.
Peut-être découvrira-t-on alors que certains votes extrémistes
n'étaient pas autre chose que des votes blancs.
Je suis partisan de l'égalité des droits en matière de suffrage. Tout
le monde en France a le droit d'être représenté au Parlement, dès
l'instant que le courant politique pour lequel il a voté dépasse le
seuil reconnu partout dans le monde, de 5 % des voix. Le déséquilibre
est désormais ridicule : 19 % des voix au premier tour, 70 % des sièges
à l'Assemblée nationale. Avec 50 % des voix - extrême gauche, extrême
droite, verts... - vous avez 0 siège. Ceci n'est pas normal et nous
sommes décidés à ne plus l'accepter.
Notre conviction est celle-ci : que tout courant politique - et cela
est vrai aussi en pensant aux courants que j'ai toujours combattus, que
nous avons toujours combattus ensemble, tout courant politique qui
dépasse 5 % des voix - c'est beaucoup plus d'un million de voix sur l'
ensemble du territoire national - a le droit d'être dûment représenté à
l'Assemblée nationale. Je suis partisan du principe de la
représentation proportionnelle, comme en Allemagne, 50 % des sièges par
circonscription, qui représentent les territoires, 50 % des sièges par
liste qui représentent les opinions.
Et je suis pour qu'il y ait dans notre démocratie, des changements
immédiats, simples, lisibles par tous : présence obligatoire des
députés à l'Assemblée pour participer aux votes, comme au Parlement
européen, qu'on ne puisse pas être compté comme votant, si on n'est pas
présent pour défendre son vote. Et si l'on n'est pas présent,
suspension de l'indemnité parlementaire.
Personne ne doit pouvoir confisquer le pouvoir. La vraie séparation des
pouvoirs, c'est le principe de la République nouvelle que nous voulons
construire. Cela veut dire la maîtrise par les Assemblées de leur ordre
du jour, la fin du passage en force par la suppression du 49-3 et des
ordonnances.
Et responsabilité effective du président de la République, responsable
de la politique de la nation, et donc doté de la faculté de s'adresser
au Parlement réuni en Congrès, comme il a la faculté de s'adresser à la
nation.
Ce volet institutionnel de la révolution civique devra lui aussi, dans
les six mois de l'élection présidentielle, être soumis à référendum
auprès des Français, et on verra qui prend ses responsabilités.
Et dans les principes de cette révolution civique, il y a l'Etat
impartial. L'utilisation de l'Etat à des fins partiales et partisanes
est partout.
La première des choses à conduire, la plus urgente, c'est la
décolonisation de l'État. L'État PS ou l'État UMP, l'État Chirac ou l'
État Mitterrand, il est d'urgence nationale de rendre impossible la
prorogation d'une situation qui fait que la cour est partout, dans
toutes les nominations, comme dans toutes les amnisties, ce qui est une
honte pour la République !
C'est l'ancien régime qui nous accable, nous devons être des militants
de la révolution civique dont la France a besoin.
Je n'ai aucune envie, après que l'État Chirac eût remplacé l'État
Mitterrand, je n'ai aucune envie de voir l'État Chirac remplacé par l'
État Sarkozy. Vous l'aurez compris, je ne suis pas un royaliste.
La révolution civique, c'est au plein sens du mot, la République et la
démocratie !
Et tout le monde y gagnera. Je voudrais vous en faire la très rapide
démonstration.
Si la révolution civique avait eu lieu, il n'y aurait pas eu la crise
du CPE, parce que la loi aurait obligé à alerter l'opinion, à engager
le Conseil économique et social, à ouvrir des discussions avec les
partenaires sociaux, et cette immense bêtise et cet immense enlisement,
où l'État a montré son impuissance, auraient été évités.
Si la révolution civique avait eu lieu, il n'y aurait pas eu d'affaire
Clearstream, parce que les services secrets n'auraient pas pu être
dévoyés dans des affaires de parti, parce que les écoutes téléphoniques
auraient été effectivement interdites, parce que les officines auraient
été pourchassées et ceux qui les animent mis à la place où ils
devraient être, c'est-à-dire en prison.
Si la révolution civique avait eu lieu, il n'y aurait pas eu d'affaire
Vinci, parce que la privatisation des autoroutes aurait été soumise à
débat et à vote au Parlement, et qu'il serait apparu clairement que les
bénéfices devaient être réservés aux Français qui avaient payé cet
investissement, et non pas servir désormais au bénéfice d'intérêts
privés. Et personne n'aurait imaginé qu'un tel appel d'offres puisse
être accepté avec un seul candidat, opportunément un seul, avec les
bakchichs que cette solitude appelait par la suite !
Si la révolution civique avait eu lieu, il n'y aurait pas eu l'amnistie
de Guy Drut, parce qu'on aurait considéré avec raison que ce n'est pas
l'intérêt de la France de donner d'elle le visage d'un pays où le
trafic d'influence et les emplois fictifs ne sont considérés que comme
un léger handicap pour représenter notre pays au Comité International
Olympique !
Et si tous les enjeux de la révolution civique avaient été pris en
compte, l'Europe aurait pris son élan, et la face du monde en aurait
été changée.
Je veux m'arrêter à la lumière de la révolution civique sur la crise
européenne. Le référendum organisé sur la constitution européenne a
répondu non il y a exactement un an. Et comme nous l'avions prédit,
hélas, la France a dit non, et l'Europe s'est arrêtée.
Il convient de prendre la mesure de ce « non ». Beaucoup de nos amis,
et des plus estimables, se bercent de l'idée consolante que c'est le
contexte qui a entraîné le non et non le texte, comme le disent du même
mouvement deux hommes que j'admire beaucoup, Jean-Claude Juncker et
Valéry Giscard d'Estaing.
Je voudrais qu'ils aient raison, mais au fond de moi je ne le crois
pas.
Je pense que le peuple français a répondu non, pour des raisons qui
sont liées à la perception qui est la sienne de l'évolution de
l'Europe. Une raison de forme et trois raisons de fond, qui se
rejoignent.
Il a répondu non, raison de forme, parce que le texte était illisible.
Les Français ont répondu non parce qu'ils ont craint que l'Europe ne
les dépossède de la maîtrise de leur destin.
Ils ont répondu non parce qu'ils ont craint qu'un modèle de société ne
leur soit imposé qui ne soit pas le modèle de société auquel ils
adhèrent.
Ils ont répondu non parce qu'ils ont eu peur de perdre leur identité.
Une raison politique, une raison sociale, une raison identitaire.
Eh bien, ces trois raisons, j'en appelle à ceux qui sont dans cette
salle, militants européens depuis le premier jour, sont désolantes pour
un promoteur de l'Europe que nous avons voulu construire.
Car si l'Europe a été construite, c'est précisément, au contraire, pour
ces raisons.
L'Europe a été construite pour que nous conservions la maîtrise de
notre propre destin.
L'Europe a été construite pour défendre notre modèle de société,
européen à défaut d'être français.
L'Europe a été construite pour protéger et projeter dans l'avenir nos
identités.
Quand il y a une si grande incompréhension, il ne sert à rien de ruser.
Il faut lever l'incompréhension.
C'est pourquoi, malgré toute la sympathie, et l'admiration, et l'
amitié, que j'ai pour les promoteurs du texte examiné, je ne crois pas
beaucoup aux tentatives de récupération subreptice du processus de
ratification.
Je crois à l'inspiration. Je crois au mouvement qui va ranimer
l'inspiration européenne, je crois à un texte nouveau, simple, dense,
court, dépouillé, qui donnera toutes les garanties nécessaires aux
peuples européens.
Et je crois, ce ne sera pas un mince enjeu de l'élection présidentielle
que ce texte peut être soumis à un nouveau référendum, par exemple -
bien que je sache que c'est un idéal - au moment des élections
européennes de 2009. Pour que l'Europe sorte de la crise des racines,
qu'elle est en train de vivre.
Voilà pour la révolution civique, qui touche bien des aspects de notre
vie nationale et européenne :
Transparence, débats publics, connaissance des sujets traités, respect
des partenaires nationaux et même régionaux, les vertus qui ont manqué
à l'Europe de Nice, à l'Europe du traité rejeté, ce sont les vertus
mêmes de la révolution civique, qui n'est pas autre chose que la
démocratie enfin prise au sérieux.
Nous avons beaucoup parlé de valeurs.
Je le dis à tous les marchands du modèle qui domine aujourd'hui le
monde. Il y a une bonne et une mauvaise nouvelle pour eux. La mauvaise
nouvelle, c'est que les Français sont rétifs et continueront à être
rétifs : ils ne veulent pas renoncer à leur idéal. Ils ne renonceront
pas à leur idéal, et ils ont bien raison. Et la bonne nouvelle, c'est
que la défense de cet idéal fera du bien à tout le monde. Le monde a
besoin de diversité et de valeurs. En résistant, les Français, et nous
avec eux, apporteront l'une et l'autre.
C'est un projet de changement de la société française.
Evidemment, cela demande des conditions politiques.
Cela demande un mouvement assez autonome pour présenter ces idées, qui
sont aussi distantes, aussi opposées, aussi concurrentes de l'UMP
qu'elles le sont du PS.
Ce mouvement, grâce à vous, nous l'avons, c'est pourquoi, malgré son
absence, je dis, en votre nom, à Gilles de Robien, que ceux, de l'
extérieur ou de l'intérieur, qui voudront faire revenir l'UDF dans la
soumission à l'UMP, ceux qui voudront désormais enfermer l'UDF dans la
domination d'un camp, ceux-là se trompent de parti et se trompent d'
époque !
Ce temps est révolu. Notre liberté de penser, de juger, de voter, n'est
pas négociable. C'est vrai, nous avons payé cher, le prix de notre
liberté ! Mais désormais nous sommes affranchis, et il faut que tout le
monde en prenne acte dans la vie politique française.
Il faut un projet, il faut un parti, il faut un candidat.
Je vais vous dire, du fond du coeur, un mot personnel. Le chemin a été
rude, depuis cinq ans. Rude. Mais, avec vous, et grâce à vous, grâce
aussi aux milliers de Français qui dans la rue, ou par écrit, m'ont dit
: « on est avec vous. Ne changez pas. Allez jusqu'au bout. », j'ai fait
ce chemin. J'ai fait ce chemin de liberté, avec eux, qui sont là aux
premiers rangs, comme c'était la traversée du désert, je les appelle «
les bédouins » ; ceux qui ont traversé le désert ensemble, et dont je
n'oublierai jamais le visage, quand ils étaient, rarement, sur le
chameau, ou quand ils étaient plus souvent à côté du chameau, ou même
quelquefois quand il fallait qu'ils portent le chameau, ils ont formé
un ordre, une fraternelle des bédouins. Et c'est une belle équipe. Et
je ne vois pas de meilleure équipe gouvernementale et parlementaire en
France. J'en vois peut-être de plus nombreuse, mais je n'en vois pas de
meilleure.
Et je n'oublie pas que parmi les bédouins, il y a ma famille, et il y a
mes enfants.
Et quand on a fait ce chemin, on n'est plus tout à fait le même. Parce
que tout d'un coup il se passe quelque chose, on se met à entendre un
pays, non pas par les sondages, ou par les clameurs, mais par l'âme d'
un peuple. On se met à le comprendre, non plus par les étiquettes, ou
par les camps, ou par la servilité des appartenances. On comprend son
pays par toutes les sources qui y jaillissent, par toutes les couleurs
qui le tissent.
J'ai donné ma vie à changer l'image dévoyée du centre en France - image
amollie, courbée, servile, que tout le monde caricaturait. C'est un
grand courant de la démocratie française, c'est le grand courant
humaniste français, démocrate et humaniste français, et nous l'avons
reconstruit. Mais ayant donné ma vie à rendre au centre l'image qui
aurait dû être la sienne, je sais aussi qu'il n'y a pas que le centre
en France.
Je reconnais, j'entends, les femmes et les hommes de gauche. Je sais
combien ils ont été humiliés, pour avoir apporté dans un geste
républicain, leur voix républicaine à Jacques Chirac, de voir qu'à
peine installé au Château, on les tenait désormais pour quantité
négligeable, pire, comme ennemis de l'intérêt national. C'était un
effort pour eux. Eh bien ils ont été rejetés dans leur effort. Et cet
idéal de solidarité, je le partage avec eux.
Je reconnais, et j'entends, même si parfois je le sais bien qu'en
raison des vieilles habitudes ils sont souvent en colère contre moi, je
reconnais, j'entends et je respecte les femmes et les hommes de droite.
Je les connais. Je les respecte. Je reconnais le goût de l'ordre. C'est
un goût français. Je reconnais le goût de l'effort. Ils ont raison de
le défendre. Ils ont raison de vouloir un État et une société qui se
tiennent - alors qu'ils se décomposent aujourd'hui.
Je vais vous dire : je reconnais et j'entends même ceux qui croient
qu'il n'y a que par les votes les plus durs, d'un côté ou de l'autre,
que leur colère pourra se faire entendre, pour donner un coup de pied
au cul du système. Je pense et j'estime, même si je les combats depuis
la première heure, que citoyens français, ils doivent être représentés
au Parlement de la République.
Le président de la République, dans la conception qui est la mienne, ce
n'est pas le Président de ceux, un sur cinq, un sur dix en vérité, qui
ont voté pour lui. Le président de la République, il est le Président
de tous. Chargé de les entendre tous. Non pas de les suivre tous, comme
une girouette au gré du vent des sondages. Mais de les faire respecter
tous, dans leurs droits, dans leur inquiétude, et dans leurs
aspirations.
Et comme le Général de Gaulle autrefois, comme tous ceux qui ont fait
de la France ce qu'elle est, comme Henri IV, je crois que les seuls
projets qui vaillent sont les projets rassembleurs, réconciliateurs.
Il est des moments dans l'histoire d'un peuple où il ne faut pas trier.
Il est des moments dans l'histoire d'un peuple où il est criminel de
trier, d'opposer les Français entre eux. Il est des moments dans l'
histoire d'un peuple où il faut rassembler, dépasser les clivages du
passé.
Naturellement, beaucoup de gens le refusent.
Le parti socialiste, à la demande de Laurent Fabius, a fait adopter
dans sa synthèse, fait inouï, l'engagement de ne jamais gouverner qu'
avec la gauche ! L'UMP, par la voix éminente et éclairée de M. Accoyer,
a promis que ceux qui traverseraient le Rubicon, on le leur ferait
payer ! Eh bien cette thèse, chacun chez soi, on gouverne pour les
siens, surtout on ne travaille jamais avec d'autres, cette thèse, la
thèse Fabius, la thèse Accoyer, la thèse Chirac, la thèse Robien, cette
thèse de l'apartheid dans la politique française, cette thèse il faut
l'appeler par son nom : si l'on y réfléchit, cette thèse est celle d'
une offensante et désolante connerie.
Qui peut croire que les vingt ou trente misérables pour cent de la
droite à droite, que les vingt ou trente pour cent, divisés,
désaccordés, de la gauche à gauche, vont pouvoir répondre seuls à une
seule des questions dont dépend aujourd'hui l'avenir de la France, ou
la souffrance de la France ? Et que j'ai énoncées dans ce propos ?
Il y a vingt-cinq ans qu'on nous fait le coup de l'apartheid. Et il y a
vingt-cinq ans qu'on échoue misérablement et que les Français, à chaque
alternance, renvoient dans leur ghettos ceux qui ne veulent pas qu'on
en sorte.
Eh bien, nous allons proposer à la France de se débarrasser d'un coup
non pas seulement d'un parti, non pas seulement d'un régime, mais de la
connerie de l'apartheid, qui l'empêche d'être ce à quoi elle a le droit
d'être.
C'est pourquoi je prends l'engagement, si je suis élu président de la
République, de former un gouvernement avec des personnalités de
qualité, d'où qu'elles viennent, pourvu qu'elles soient compétentes et
qu'elles acceptent les principes de la révolution civique.
En proposant cela, je ne fais pas autre chose que de reprendre la trace
qui fut celle des plus grands de la République française, celle par
exemple du Général de Gaulle en 1958, qui pour reconstruire la France,
associa au pouvoir le parti socialiste de l'époque, le centre de
l'époque et la droite de l'époque, et c'est cela qui a redressé la
France parce c'est cela qui a donné à tous la conviction que ce qu'on
faisait, on le faisait pas pour un parti mais pour un pays.
Alors j'entends l'objection, on me dit : c'était la guerre d'Algérie.
Et aujourd'hui, ce n'est pas la guerre, on n'a pas décrété l'état d'
urgence il y a six mois ? Ce n'est pas signe de guerre quand l'
extrémisme est entre 35 et 40 % ? Ce n'est pas signe de guerre quand on
a cinq millions de chômeurs et qu'on renonce à leur trouver du travail
au point de prétendre qu'il n'y a pas d'autre possibilité, pour remplir
les postes de travail de notre pays, de plus urgent, que l'immigration
choisie ?
Je prends l'engagement de former une majorité d'entente, avec tous les
courants, et les personnalités qui accepteront ces principes : les
principes de l'Etat impartial, de la représentation authentique du
peuple, de l'obligation de négocier, de la démocratie sociale, de la
liberté économique, de la modération fiscale, de l'équilibre des
finances publiques, de l'activité universelle, et de la révolution
civique. Chacun y aura sa place, et nul ne sera obligé de se renier, de
renier ses racines, ses valeurs et son identité.
Je prends l'engagement de débattre et de discuter plutôt que de passer
en force, comme on le fait dans tous les autres pays de l'Union
européenne, comme on le fait aux États-Unis, comme on le fait dans
toutes les démocraties où le peuple est respecté comme un partenaire et
non pas traité comme un sujet servile, et qui n'a d'autre choix, quand
il refuse d'être servile, que de s'affirmer rebelle. Et ne cherchez pas
ailleurs la fortune des extrêmes.
Et pour moi, cela, « réformistes ou civiques de tous les camps unissez
-vous ! », je dois vous avouer que cela va assez loin à droite et assez
loin à gauche.
Ce projet ne ressemble à aucun autre !
Naturellement il est combattu par tous les autres, parce que c'est un
projet de rupture ! Ce n'est pas un projet partisan, c'est un projet
national ! Celui-là crée une majorité, une vraie majorité, non pas une
majorité étriquée, la majorité restreinte, impuissante, d'un électeur
sur cinq, ou d'un Français sur dix. Cela crée une majorité large,
populaire, pour sortir la France de son échec.
J'ai fait beaucoup de chemin, depuis cinq ans, avec vous et avec tous
les Français qui attendent les temps nouveaux.
Il y a deux conditions pour une candidature valable à la présidence de
la République française : la vision et le courage. Avec vous, grâce à
vous, ces cinq années m'ont permis de mûrir la vision et d'éprouver le
courage. Ni l'un, ni l'autre, ne sont de la fausse monnaie.
La France a besoin d'un projet qui la respecte, qui la rassemble et qui
l'entraîne. La France a besoin d'un projet qui change pas seulement les
équipes, mais la vision, les règles, et les pratiques.
La France a besoin d'une équipe qui la comprenne, et qui l'entende, et
qui ait le courage de la conduire.
La France a besoin d'un Président qui la comprenne et la rassemble, et
l'estime, et l'entraîne.
Les temps nouveaux ont commencé.Source http://www.udf.org, le 12 juin 2006