Texte intégral
Ce projet de loi sur la modernisation de la fonction publique concrétise les accords, les 1ers depuis 8 ans, conclus le 25 janvier 2006, par le gouvernement de Dominique de Villepin avec la CFDT, l'UNSA et la CFTC, sur l'amélioration des déroulements de carrière, la prise en compte de l'expérience professionnelle et la formation des fonctionnaires. Les partenaires sociaux se sont accordés sur une nouvelle approche du pouvoir d'achat des fonctionnaires, qui découle tout autant des mesures salariales décidées par le Gouvernement que des améliorations statutaires en faveur des agents et des mesures sociales, comme la mise en place du chèque emploi service universel.
Ce qui a animé le Gouvernement, la CFDT, la CFTC et l'UNSA, c'est ensuite l'idée que les fonctionnaires veulent aujourd'hui de réelles perspectives de carrières. Cela passe par le renouvellement de la formation professionnelle. Le volet formation du projet de loi décline donc trois concepts importants avec la Reconnaissance de l'Expérience Professionnelle (REP), la Validation des Acquis de l'Expérience (VAE) et le droit individuel à la formation (DIF).
Les perspectives de carrière seront aussi obtenues par une plus grande mobilité, entre ministères, entre fonctions publiques ou entre organismes publics. Cette souplesse, le présent projet de texte propose de l'offrir en clarifiant les règles de mise à disposition des fonctionnaires.
Beaucoup de fonctionnaires sont prêts à tenter l'expérience du secteur privé, ce que souhaitent d'ailleurs la majorité des Français. C'est pourquoi le présent projet de loi traitera aussi de la déontologie. Enfin, les fonctionnaires et leurs employeurs attendent aussi aujourd'hui plus de souplesse pour cumuler leurs activités, professionnelles et personnelles. Le projet de loi offrira donc une simplification des règles de cumuls d'activité.
Voilà les grands traits du projet de loi que j'ai l'honneur de présenter à votre assemblée. Face aux défis du départ massif des fonctionnaires à la retraite, dans les prochaines années, il fallait inventer des dispositifs nouveaux de recrutement et de gestion de carrière.
Il s'agit donc bien, par une approche pragmatique, de mettre en valeur la richesse humaine de notre fonction publique dont tout le monde s'accorde à dire qu'elle est de grande qualité et constitue un atout pour la France. C'est pour cette raison que les débats sur le nombre de fonctionnaires me paraissent relever de la meilleure approche. Le Gouvernement, à l'initiative du Premier ministre, a décidé d'être pragmatique sur cette question, en ayant pour seule ligne de conduite la qualité du service rendu. Dans certains cas, il convient d'avoir plus de fonctionnaires pour obtenir la même qualité de service. Dans d'autres services, une prestation égale ou supérieure peut être rendue avec moins d'agents : qui dira sérieusement que la télédéclaration de l'impôt sur le revenu n'améliore pas le service rendu aux citoyens ? Approche pragmatique, raisonnement en terme de qualité de service et gestion qualitative des ressources humaines, notamment en améliorant la formation, tels sont les concepts qui relèvent d'une fonction publique moderne et qui sous-tendent ce projet de loi.
Conformément aux orientations de Dominique de VILLEPIN, je souhaite enfin vous préciser que ce projet de loi est en totale adéquation avec le projet de loi relatif à la fonction publique territoriale, adopté par le Sénat en 1ère lecture le 16 mars dernier.
Le premier chapitre traite de la formation professionnelle des agents publics tout au long de la vie.
La formation occupe une place centrale dans le cadre de l'accord conclu le 25 janvier dernier avec la CFDT, la CFTC et l'UNSA. A l'issue du vote de ce texte de loi, nous travaillerons à la rédaction des décrets en étroite concertation. Ces dispositions sur la formation sont vraiment très attendues par les fonctionnaires. Ainsi, et conformément à l'accord du 25 janvier 2006, le projet de loi :
- dans son article 1, étend aux fonctionnaires le bénéfice du congé pour validation des acquis de l'expérience (VAE), ainsi que le congé pour bilan de compétence. Les fonctionnaires bénéficieront en la matière des droits ouverts par la loi de modernisation sociale aux salariés du privé depuis le 17 janvier 2002.
- l'article 2 de la loi introduit le droit individuel à la formation (DIF) dans la fonction publique. Là aussi, il s'agit d'étendre aux fonctionnaires des avancées sociales bénéficiant aux salariés du privé.
- les articles 5 et 6 autorisent la reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle (REP) dans les parcours professionnels, notamment en substitution d'une épreuve d'un concours ou au titre de la promotion interne. Cette prise en compte de l'expérience ne signifie en rien l'abandon du concours, mais la manière dont les concours doivent évoluer comme l'a souligné le Président de la République : les épreuves sont parfois trop académiques et déconnectées de la vie professionnelle. Des dérogations aux conditions de diplôme seront donc possibles pour l'inscription aux concours, en fonction de l'expérience des personnels.
La prise en compte de l'expérience professionnelle facilitera aussi les « secondes carrières », notamment de personnels venant du secteur privé.
Le second chapitre adapte les règles de la mise à disposition des fonctionnaires pour faciliter leur mobilité.
Il est très important de favoriser la mobilité des fonctionnaires en levant les verrous et en clarifiant les règles. La mise à disposition constituera donc désormais un principe général de gestion et il sera désormais possible de mettre un fonctionnaire à disposition d'une fonction publique à une autre, entre ministères, au sein des établissements publics mais aussi en faveur d'organismes qui contribuent à la mise en oeuvre des politiques de l'Etat, des collectivités territoriales ou des établissements publics. Les pôles de compétitivité, par exemple, pourront bénéficier de mises à disposition.
Afin que ceci soit possible, sont notamment prévus :
- le principe du remboursement de la rémunération de l'agent mis à disposition hors de l'administration par l'employeur ;
- un conventionnement obligatoire entre l'administration d'origine et l'employeur.
Il est naturel qu'un agent public puisse aisément travailler pour une autre administration. Ainsi, dans une même ville, on peut avoir un agent comptable en mairie, un dans la sous-préfecture et un à l'hôpital. Tous trois font un métier très semblable. Chacun de ces agents doit pouvoir évoluer, s'il le souhaite, par exemple de la mairie vers l'hôpital ou de l'hôpital vers la sous-préfecture.
Il fallait aussi permettre aux administrations de trouver les compétences dont elles ont besoin c'est pourquoi nous mettons en place des passerelles entre les 3 fonctions publiques.
Afin d'encourager les échanges public/privé, le troisième chapitre modernise les règles de déontologie.
L'objectif est d'encourager les échanges entre le secteur public et le secteur privé, afin de permettre aux fonctionnaires d'effectuer des parcours professionnels plus riches et aux employeurs de tirer profit des nouvelles compétences qu'ils auront acquises. Les articles 10 et 11 instituent donc un nouveau dispositif dont les caractéristiques sont les suivantes :
- le renforcement de l'autorité de la commission de déontologie, car elle sera maintenant unique et son indépendance sera garantie par la loi ;
- les agents qui exercent des fonctions de contrôle ou de responsabilité auront l'obligation de passer en commission de déontologie et seront sanctionnés pénalement s'ils ne se plient pas à cette règle.
- le respect des avis de la commission de déontologie deviendra obligatoire pour l'administration.
La réduction du délai d'incompatibilité, que le gouvernement souhaite placer à deux ans, à l'instar des règles appliquées dans les pays de l'OCDE, entre des fonctions de responsabilité ou de contrôle dans l'administration et des fonctions similaires dans le secteur privé. Votre commission a proposé de retenir plutôt un délai de 3 ans. Je n'y suis pas fermé. On peut légitimement considérer que 5 ans, dans une carrière, c'est long. C'est d'ailleurs un frein à la mobilité des agents.
Afin d'offrir plus de souplesse aux employeurs comme aux agents, le quatrième chapitre simplifie le régime des cumuls d'activités et encourage la création d'entreprises par des agents publics.
Le projet de loi simplifie sensiblement le régime des cumuls d'activité. Il s'agit de rénover le dispositif qui remonte à un décret loi de 1936. Le principe général est celui de l'interdiction : un fonctionnaire doit se consacrer à son travail. De même, il ne peut pas participer à des organes de direction d'une société, ni dans le cadre de litiges, donner des consultations, procéder à une expertise ou plaider contre l'administration. Ces interdictions ne sont pas nouvelles. Parallèlement, des dérogations sont possibles notamment pour les activités intellectuelles (les cours, la création artistique...). Quant aux autorisations d'exercer des activités publiques accessoires, la façon de les accorder sera assouplie : ce sera à chaque chef de service d'apprécier si un cumul nuit à l'intérêt du service ou à sa bonne exécution.
Le projet de loi vise aussi à favoriser les liens public/privé :
- autorisation de cumul d'une activité publique et d'une activité privée, pendant un an, pour créer une entreprise ; l'agent pourra, soit rester employé à temps plein dans la fonction publique, soit bénéficier, de droit, d'une autorisation de travail à temps partiel ;
- autorisation de cumul, dans les conditions de droit commun, pour les agents à temps partiel. Je rappelle à cet égard que le temps partiel est trop souvent un temps contraint pour les femmes, particulièrement dans les petits grades.
Je ne vais pas énumérer toutes les dispositions diverses du chapitre V.
Je voudrais mentionner l'article 18 qui facilite le regroupement des Commissions administratives paritaires, les CAP. La fusion des corps de fonctionnaires constitue l'un des outils favorisant la mobilité puisqu'il s'agit de rapprocher les règles de gestion, par exemple entre attachés du ministère des finances et attachés de l'équipement, qui n'ont, pour l'heure, ni les mêmes règles d'entrée, ni les mêmes règles de promotion ou de rémunération. La fonction publique d'Etat compte aujourd'hui 1200 corps dont plus de 900 recrutent. Nous nous sommes donnés un objectif réaliste, celui de fusionner 10 % de corps par an. Nous supprimerons donc cette année entre 80 et 100 corps. L'article 18, en permettant de regrouper des CAP communes à plusieurs corps, facilitera ce travail.
Je voudrais pour finir, évoquer quelques amendements que le Gouvernement souhaite présenter.
Ils ont souvent émergé des discussions que nous avons eues avec vous. En premier lieu le Gouvernement a l'intention de vous proposer un amendement afin de permettre aux employeurs publics d'aider la protection sociale complémentaire des fonctionnaires. Cette disposition est très attendue par le monde mutualiste depuis les décisions du Conseil d'Etat et de la Commission européenne. Cet amendement est une première étape dans la définition d'un dispositif nouveau, en étroite concertation avec les syndicats et les mutuelles de la fonction publique. La protection sociale des fonctionnaires pourra ainsi devenir un nouveau champ de discussion entre les employeurs publics et les partenaires sociaux.
Le Gouvernement propose aussi un amendement pour Mayotte, qui vise, en cohérence avec le basculement des fonctionnaires de Mayotte sur des corps de l'Etat, à permettre le transfert du versement de leur retraite aux régimes de retraite des fonctionnaires. La commission de codification du droit de la fonction publique devrait achever ses travaux fin 2007 et, comme toujours en pareil cas, le nouveau code devrait pouvoir être adopté par voie d'ordonnance ; un amendement vous est donc proposé en ce sens.
En conclusion, je voudrais vraiment insister pour dire que le gouvernement est attaché à donner une nouvelle impulsion à la modernisation de la fonction publique, au bénéfice des usagers comme des agents et en étroite concertation avec les partenaires sociaux. Comme je m'y suis engagé, je souhaite une application la plus rapide possible des mesures de ce projet de loi. J'ai donc demandé à mes services de préparer l'ensemble des décrets nécessaires à l'application de cette loi pour la fin de l'année.Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 30 juin 2006