Texte intégral
L'examen en Conseil des Ministres constitue une étape importante de la démarche engagée il y a maintenant 14 mois par le Premier ministre et l'ensemble du Gouvernement.
Le texte du projet de loi est maintenant arrêté pour être soumis à l'examen du Parlement.
J'en rappellerai très brièvement le contexte, les objectifs et la méthode avant d'aborder de façon synthétique son contenu et , plus longuement, son actualité.
Le contexte
Il s'agit, il ne faut pas l'oublier, d'extraire la Corse des difficultés qu'elle rencontre depuis des décennies et d'assurer la paix civile en mettant un terme à la violence et aux situations de crise qui ont eu, ces vingt-cinq dernières années notamment, des conséquences graves sur le développement de la Corse, les équilibres sociaux dans l'île et ses rapports avec l'Etat.
Certains, restés passifs, s'en sont accommodés, d'autres ont envisagé la rupture du lien qui fait de la Corse un territoire de la République, d'autres encore, qui critiquent le projet du Gouvernement, oublient qu'ils ont été réduits à alterner, sans grand succès, un discours répressif et des tentatives d'apaisement en recourant à des négociations occultes assorties de contrepartie tenues secrètes.
La démarche et les objectifs du Gouvernement sont autres :
* dégager une solution politique à un problème politique,
* ancrer durablement la Corse dans la République, parce que celle-ci aura su reconnaître sa spécificité, valoriser son identité, l'accompagner sur la voie du développement tout en assurant la vitalité des principes républicains dans l'île.
Ces principes inspiraient déjà les auteurs du statut de 1991 reconnu comme fondateur d'une démarche qu'il convient maintenant d'approfondir.
Cette problématique particulière distingue ainsi clairement la Corse des réflexions et projets relatifs à la décentralisation qui cheminent par ailleurs.
La méthode enfin.
* Les discussions - et non les négociations - ont été menées dans la transparence, avec les élus de la Corse, choisis comme interlocuteurs parce qu'ils sont les élus du suffrage universel.
* Elles ont permis une mise à plat sans complaisance de l'ensemble des problèmes que rencontre l'île.
Ce que je viens de rappeler brièvement est important, car les principes qui ont sous-tendu l'action du Gouvernement ces derniers mois sont et restent constants.
Ainsi le projet qui vient d'être soumis à l'examen du Conseil des Ministres est fidèle au relevé de conclusions du 20 juillet dernier, comme l'était déjà l'avant-projet soumis à la consultation de l'Assemblée de Corse en décembre dernier. Les avis qu'elle a pu formuler à cette occasion ont été examinés avec attention et nous avons pu retenir ceux qui contribuaient à l'amélioration du texte au regard des objectifs poursuivis.
Le contenu du projet de loi
N'ayant pas changé substantiellement, je l'évoquerai là encore brièvement parce qu'il est maintenant bien connu.
Une première série de dispositions vise à clarifier les responsabilités dans la gestion des affaires de l'île et à améliorer l'efficacité et la lisibilité des politiques publiques.
C'est ainsi que le projet de loi organise de nouveaux transferts de compétences notamment dans les domaines de l'éducation et de la formation professionnelle, de la culture et de la communication, du sport et de l'éducation populaire, de l'aménagement du territoire, de l'aide au développement économique, du tourisme, de l'agriculture et de la forêt, de l'environnement et des transports.
L'Etat conservera naturellement la capacité de mettre en uvre ses politiques nationales et d'exercer ses missions de contrôle.
Ces transferts s'accompagnent, outre le transfert correspondant des moyens et ressources, de la possibilité donnée aux élus de la Corse d'adapter, dans le champ de leur compétence, quand la spécificité de la Corse le justifie, les normes réglementaires et, à titre expérimental, dans les conditions définies par la loi et sous le contrôle permanent du Parlement, certaines dispositions législatives.
Par ailleurs, prenant en compte le vitalité de la langue corse, composante essentielle de l'identité culturelle de l'île, le Gouvernement a inscrit dans le projet le principe de la généralisation de l'offre de l'enseignement du corse dans les écoles maternelles et élémentaires sans introduire toutefois le caractère obligatoire de cet apprentissage
Le projet de loi vise également à soutenir le développement de la Corse par des mesures à caractère fiscal orientées, sous la forme d'un crédit d'impôt, vers l'investissement, tout en ménageant une sortie progressive de l'actuelle zone franche.
Il prévoit aussi une incitation à la reconstitution des titres de propriété par un aménagement du délai de dépôt des déclarations de succession, devenues obligatoires et par une exonération totale puis partielle des droits de succession. Cette exonération est naturellement conditionnée à la publication des attestations notariées.
Il prévoit enfin la réalisation d'un programme exceptionnel d'investissement destiné à combler les retards de l'île en équipements collectifs et en infrastructures.
L'actualité du dossier
Avant son examen par le Conseil des Ministres, le projet de loi a été soumis à l'avis du Conseil d'Etat agissant en qualité de conseil du Gouvernement.
Sur 55 articles, 7 ont été totalement ou, plus souvent, partiellement disjoints.
Les autres ont donné lieu soit à simple validation, soit à des modifications de rédaction qui, ne dénaturant pas le projet et améliorant la qualité juridique du texte, ont été naturellement prises en considération.
Les observations essentielles du Conseil d'Etat portent sur les articles 1, 7 et 45.
* L'article 1er traite de l'adaptation des normes réglementaires et législatives.
Le Conseil d'Etat a considéré que le texte de portée générale relatif à l'adaptation des règlements n'encadrait pas suffisamment la compétence donnée à l'Assemblée de Corse. Il a par contre validé l'application particulière qui en était faite plus loin dans le texte, notamment en matière de droit de l'urbanisme, d'aide au développement économique et d'environnement, les considérant comme répondant aux exigences constitutionnelles.
S'agissant de l'adaptation des dispositions législatives, le Conseil d'Etat, en rappelant les principes posés par la Constitution, et notamment l'impossibilité d'une délégation de la compétence législative, ne s'est pas engagé plus avant dans l'interprétation des décisions du Conseil constitutionnel de 1993 et de 1996 relatives à l'expérimentation qui, pour le Gouvernement, fondent le dispositif proposé pour la Corse.
Le Gouvernement considère que le débat sur cette question reste ouvert.
* S'agissant de l'article 7, le Conseil d'Etat "a estimé devoir disjoindre" la disposition portant enseignement de la langue corse dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et élémentaires à tous les élèves, sauf volonté contraire des parents.
Le Gouvernement, éclairé par les réserves interprétatives du Conseil constitutionnel de 1991, déjà sur la langue corse, et de 1996 sur l'enseignement de la langue tahitienne, persiste à penser qu'un enseignement généralisé de la langue corse qu'on peut ne pas suivre si on ne le souhaite pas et sans qu'il soit nécessaire de motiver sa décision, ne saurait être considéré, sur le seul terrain du droit, comme un enseignement obligatoire de la langue.
Ce n'est pas une approche théorique du sujet puisque l'initiation déjà dispensée à une partie des élèves se fait sur ce mode sans poser de problème.
Toute autre considération, notamment sur l'opportunité de la mesure, relève de la responsabilité du Gouvernement.
* Reste enfin l'article 45 relatif aux droits de succession.
La question est complexe puisque nous héritons d'une situation existant en Corse depuis deux siècles, l'absence de sanction en cas de non dépôt de la déclaration de succession se traduisant par une exonération de fait des immeubles situés en Corse.
Cette longue tradition rend impossible un retour brutal au droit commun.
Le Gouvernement a souhaité néanmoins sortir des situations d'indivisions, d'une particulière importance en Corse, qui freinent la mutation du patrimoine immobilier et sont un obstacle au développement et notamment à la revitalisation de l'intérieur de l'île.
Aussi propose-t-il d'engager une démarche de reconstitution des titres de propriété, l'obligation de déclaration des successions étant accompagnée d'une exonération totale pendant10 ans, puis partielle pendant 5 ans, des droits de succession,
Ces délais doivent être considérés au regard des deux siècles écoulés.
Le Conseil d'Etat a du reste reconnu l'intérêt général d'une telle démarche et accepté l'idée d'une période transitoire, mais il a considéré ne pas pouvoir nous suivre sur l'allongement du délai de dépôt des déclarations de succession et la durée de l'exonération.
Je relève que certaines dispositions seulement du projet de loi, certes importantes, divisent entre eux les juristes depuis quelques temps. Elles ont aussi fait l'objet de débats approfondis au Conseil d'Etat révélant ainsi leur complexité.
Le Gouvernement n'a pas souhaité modifier unilatéralement son texte sur les sujets de principe pour privilégier le débat qui, au Parlement, va maintenant s'ouvrir.
Le texte devrait être examiné par l'Assemblée Nationale en première lecture à compter de début mai.
La Commission des lois s'en saisira dans les tout prochains jours et vous savez combien son Président, Bernard ROMAN, s'est déjà investi dans ce projet.
Je ferai en sorte qu'elle puisse disposer de l'ensemble des éléments juridiques éclairant le débat.
Je ne serais pas complet si je n'évoquais pas, même très rapidement, deux autres composantes importantes du dossier : les discussions avec l'Europe et le programme exceptionnel d'investissement.
* S'agissant des suites réservées au mémorandum "Pour une reconnaissance des spécificités insulaires de la Corse dans l'Union européenne" présenté conjointement par le Gouvernement et les élus de la Corse à la Commission Européenne le 26 juillet 2000, les conclusions de la réunion tenue le 12 février dernier à Bruxelles nous rendent raisonnablement optimistes.
Des avancées significatives sont possibles notamment en matière de fiscalité. Le sérieux du dossier déposé est reconnu. Le travail se poursuit pour, selon les questions, soit obtenir les dérogations que la spécificité de la Corse justifie, soit ménager les transitions, alors indispensables, vers un retour aux règles communautaires de droit commun.
Des sujets comme les aides publiques, les transports, l'agriculture, la pêche, l'industrie tabacole, sont importants pour le développement de la Corse.
Le Gouvernement, avec les élus de la Corse, ne ménagera pas ses efforts pour dégager des solutions durables et pertinentes.
* Enfin concernant le programme exceptionnel d'investissement, déjà évoqué à propos du projet de loi, le Préfet de Corse a adressé au Premier ministre et à moi-même un premier rapport d'évaluation des besoins.
Il est le résultat des discussions engagées, à ce stade, avec le Président du Conseil exécutif et confirme l'importance des retards à combler en matière d'équipements collectifs et d'infrastructures. Son montant total est significatif puisqu'il se traduirait par une dépense de l'ordre de 13 milliards de francs sur 15 ans.
Pour avoir lu avec attention ce premier rapport, je considère, pour ma part, qu'il identifie avec justesse les opérations indispensables au développement de l'île et qu'il constitue une excellente base de travail. J'en félicite le Préfet.
Il est naturellement trop tôt pour valider ce chiffre. Les expertises doivent se poursuivre et les principales collectivités de l'île se rapprocher pour finaliser ce programme.
Tenus, en effet, par une obligation de résultat autant que de moyens, il reste à nous assurer de la faisabilité des opérations dans les délais requis.
Ce sera la tâche des toutes prochaines semaines avant que le Gouvernement n'arrête sa position.
J'achève, avec ces considérations, mon propos liminaire non sans souligner qu'un travail considérable a été réalisé en quelques mois seulement.
Il se poursuit sans relâche tant nous sommes persuadés que cette voie est juste et qu'au demeurant il n'y a pas d'alternative sérieuse et crédible au projet du Gouvernement.
Les élus de Corse, toutes sensibilités confondues, l'ont très majoritairement compris et s'y sont impliqués avec détermination.
Ce projet les a rassemblés et ils m'ont dit, ces jours derniers encore, leur attachement à poursuivre, avec le Gouvernement, sur la voie tracée : celle d'une Corse apaisée, dans une République qui, sans faiblir sur les principes, aura su reconnaître sa spécificité et l'accompagner vers le développement.
Au-delà des débats juridiques et sans les minimiser, c'est ce qu'a tenu à rappeler le Premier Ministre dans sa déclaration en Conseil des Ministres.
(source http://www.interieur.gouv.fr, le 22 février 2001)
Le texte du projet de loi est maintenant arrêté pour être soumis à l'examen du Parlement.
J'en rappellerai très brièvement le contexte, les objectifs et la méthode avant d'aborder de façon synthétique son contenu et , plus longuement, son actualité.
Le contexte
Il s'agit, il ne faut pas l'oublier, d'extraire la Corse des difficultés qu'elle rencontre depuis des décennies et d'assurer la paix civile en mettant un terme à la violence et aux situations de crise qui ont eu, ces vingt-cinq dernières années notamment, des conséquences graves sur le développement de la Corse, les équilibres sociaux dans l'île et ses rapports avec l'Etat.
Certains, restés passifs, s'en sont accommodés, d'autres ont envisagé la rupture du lien qui fait de la Corse un territoire de la République, d'autres encore, qui critiquent le projet du Gouvernement, oublient qu'ils ont été réduits à alterner, sans grand succès, un discours répressif et des tentatives d'apaisement en recourant à des négociations occultes assorties de contrepartie tenues secrètes.
La démarche et les objectifs du Gouvernement sont autres :
* dégager une solution politique à un problème politique,
* ancrer durablement la Corse dans la République, parce que celle-ci aura su reconnaître sa spécificité, valoriser son identité, l'accompagner sur la voie du développement tout en assurant la vitalité des principes républicains dans l'île.
Ces principes inspiraient déjà les auteurs du statut de 1991 reconnu comme fondateur d'une démarche qu'il convient maintenant d'approfondir.
Cette problématique particulière distingue ainsi clairement la Corse des réflexions et projets relatifs à la décentralisation qui cheminent par ailleurs.
La méthode enfin.
* Les discussions - et non les négociations - ont été menées dans la transparence, avec les élus de la Corse, choisis comme interlocuteurs parce qu'ils sont les élus du suffrage universel.
* Elles ont permis une mise à plat sans complaisance de l'ensemble des problèmes que rencontre l'île.
Ce que je viens de rappeler brièvement est important, car les principes qui ont sous-tendu l'action du Gouvernement ces derniers mois sont et restent constants.
Ainsi le projet qui vient d'être soumis à l'examen du Conseil des Ministres est fidèle au relevé de conclusions du 20 juillet dernier, comme l'était déjà l'avant-projet soumis à la consultation de l'Assemblée de Corse en décembre dernier. Les avis qu'elle a pu formuler à cette occasion ont été examinés avec attention et nous avons pu retenir ceux qui contribuaient à l'amélioration du texte au regard des objectifs poursuivis.
Le contenu du projet de loi
N'ayant pas changé substantiellement, je l'évoquerai là encore brièvement parce qu'il est maintenant bien connu.
Une première série de dispositions vise à clarifier les responsabilités dans la gestion des affaires de l'île et à améliorer l'efficacité et la lisibilité des politiques publiques.
C'est ainsi que le projet de loi organise de nouveaux transferts de compétences notamment dans les domaines de l'éducation et de la formation professionnelle, de la culture et de la communication, du sport et de l'éducation populaire, de l'aménagement du territoire, de l'aide au développement économique, du tourisme, de l'agriculture et de la forêt, de l'environnement et des transports.
L'Etat conservera naturellement la capacité de mettre en uvre ses politiques nationales et d'exercer ses missions de contrôle.
Ces transferts s'accompagnent, outre le transfert correspondant des moyens et ressources, de la possibilité donnée aux élus de la Corse d'adapter, dans le champ de leur compétence, quand la spécificité de la Corse le justifie, les normes réglementaires et, à titre expérimental, dans les conditions définies par la loi et sous le contrôle permanent du Parlement, certaines dispositions législatives.
Par ailleurs, prenant en compte le vitalité de la langue corse, composante essentielle de l'identité culturelle de l'île, le Gouvernement a inscrit dans le projet le principe de la généralisation de l'offre de l'enseignement du corse dans les écoles maternelles et élémentaires sans introduire toutefois le caractère obligatoire de cet apprentissage
Le projet de loi vise également à soutenir le développement de la Corse par des mesures à caractère fiscal orientées, sous la forme d'un crédit d'impôt, vers l'investissement, tout en ménageant une sortie progressive de l'actuelle zone franche.
Il prévoit aussi une incitation à la reconstitution des titres de propriété par un aménagement du délai de dépôt des déclarations de succession, devenues obligatoires et par une exonération totale puis partielle des droits de succession. Cette exonération est naturellement conditionnée à la publication des attestations notariées.
Il prévoit enfin la réalisation d'un programme exceptionnel d'investissement destiné à combler les retards de l'île en équipements collectifs et en infrastructures.
L'actualité du dossier
Avant son examen par le Conseil des Ministres, le projet de loi a été soumis à l'avis du Conseil d'Etat agissant en qualité de conseil du Gouvernement.
Sur 55 articles, 7 ont été totalement ou, plus souvent, partiellement disjoints.
Les autres ont donné lieu soit à simple validation, soit à des modifications de rédaction qui, ne dénaturant pas le projet et améliorant la qualité juridique du texte, ont été naturellement prises en considération.
Les observations essentielles du Conseil d'Etat portent sur les articles 1, 7 et 45.
* L'article 1er traite de l'adaptation des normes réglementaires et législatives.
Le Conseil d'Etat a considéré que le texte de portée générale relatif à l'adaptation des règlements n'encadrait pas suffisamment la compétence donnée à l'Assemblée de Corse. Il a par contre validé l'application particulière qui en était faite plus loin dans le texte, notamment en matière de droit de l'urbanisme, d'aide au développement économique et d'environnement, les considérant comme répondant aux exigences constitutionnelles.
S'agissant de l'adaptation des dispositions législatives, le Conseil d'Etat, en rappelant les principes posés par la Constitution, et notamment l'impossibilité d'une délégation de la compétence législative, ne s'est pas engagé plus avant dans l'interprétation des décisions du Conseil constitutionnel de 1993 et de 1996 relatives à l'expérimentation qui, pour le Gouvernement, fondent le dispositif proposé pour la Corse.
Le Gouvernement considère que le débat sur cette question reste ouvert.
* S'agissant de l'article 7, le Conseil d'Etat "a estimé devoir disjoindre" la disposition portant enseignement de la langue corse dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et élémentaires à tous les élèves, sauf volonté contraire des parents.
Le Gouvernement, éclairé par les réserves interprétatives du Conseil constitutionnel de 1991, déjà sur la langue corse, et de 1996 sur l'enseignement de la langue tahitienne, persiste à penser qu'un enseignement généralisé de la langue corse qu'on peut ne pas suivre si on ne le souhaite pas et sans qu'il soit nécessaire de motiver sa décision, ne saurait être considéré, sur le seul terrain du droit, comme un enseignement obligatoire de la langue.
Ce n'est pas une approche théorique du sujet puisque l'initiation déjà dispensée à une partie des élèves se fait sur ce mode sans poser de problème.
Toute autre considération, notamment sur l'opportunité de la mesure, relève de la responsabilité du Gouvernement.
* Reste enfin l'article 45 relatif aux droits de succession.
La question est complexe puisque nous héritons d'une situation existant en Corse depuis deux siècles, l'absence de sanction en cas de non dépôt de la déclaration de succession se traduisant par une exonération de fait des immeubles situés en Corse.
Cette longue tradition rend impossible un retour brutal au droit commun.
Le Gouvernement a souhaité néanmoins sortir des situations d'indivisions, d'une particulière importance en Corse, qui freinent la mutation du patrimoine immobilier et sont un obstacle au développement et notamment à la revitalisation de l'intérieur de l'île.
Aussi propose-t-il d'engager une démarche de reconstitution des titres de propriété, l'obligation de déclaration des successions étant accompagnée d'une exonération totale pendant10 ans, puis partielle pendant 5 ans, des droits de succession,
Ces délais doivent être considérés au regard des deux siècles écoulés.
Le Conseil d'Etat a du reste reconnu l'intérêt général d'une telle démarche et accepté l'idée d'une période transitoire, mais il a considéré ne pas pouvoir nous suivre sur l'allongement du délai de dépôt des déclarations de succession et la durée de l'exonération.
Je relève que certaines dispositions seulement du projet de loi, certes importantes, divisent entre eux les juristes depuis quelques temps. Elles ont aussi fait l'objet de débats approfondis au Conseil d'Etat révélant ainsi leur complexité.
Le Gouvernement n'a pas souhaité modifier unilatéralement son texte sur les sujets de principe pour privilégier le débat qui, au Parlement, va maintenant s'ouvrir.
Le texte devrait être examiné par l'Assemblée Nationale en première lecture à compter de début mai.
La Commission des lois s'en saisira dans les tout prochains jours et vous savez combien son Président, Bernard ROMAN, s'est déjà investi dans ce projet.
Je ferai en sorte qu'elle puisse disposer de l'ensemble des éléments juridiques éclairant le débat.
Je ne serais pas complet si je n'évoquais pas, même très rapidement, deux autres composantes importantes du dossier : les discussions avec l'Europe et le programme exceptionnel d'investissement.
* S'agissant des suites réservées au mémorandum "Pour une reconnaissance des spécificités insulaires de la Corse dans l'Union européenne" présenté conjointement par le Gouvernement et les élus de la Corse à la Commission Européenne le 26 juillet 2000, les conclusions de la réunion tenue le 12 février dernier à Bruxelles nous rendent raisonnablement optimistes.
Des avancées significatives sont possibles notamment en matière de fiscalité. Le sérieux du dossier déposé est reconnu. Le travail se poursuit pour, selon les questions, soit obtenir les dérogations que la spécificité de la Corse justifie, soit ménager les transitions, alors indispensables, vers un retour aux règles communautaires de droit commun.
Des sujets comme les aides publiques, les transports, l'agriculture, la pêche, l'industrie tabacole, sont importants pour le développement de la Corse.
Le Gouvernement, avec les élus de la Corse, ne ménagera pas ses efforts pour dégager des solutions durables et pertinentes.
* Enfin concernant le programme exceptionnel d'investissement, déjà évoqué à propos du projet de loi, le Préfet de Corse a adressé au Premier ministre et à moi-même un premier rapport d'évaluation des besoins.
Il est le résultat des discussions engagées, à ce stade, avec le Président du Conseil exécutif et confirme l'importance des retards à combler en matière d'équipements collectifs et d'infrastructures. Son montant total est significatif puisqu'il se traduirait par une dépense de l'ordre de 13 milliards de francs sur 15 ans.
Pour avoir lu avec attention ce premier rapport, je considère, pour ma part, qu'il identifie avec justesse les opérations indispensables au développement de l'île et qu'il constitue une excellente base de travail. J'en félicite le Préfet.
Il est naturellement trop tôt pour valider ce chiffre. Les expertises doivent se poursuivre et les principales collectivités de l'île se rapprocher pour finaliser ce programme.
Tenus, en effet, par une obligation de résultat autant que de moyens, il reste à nous assurer de la faisabilité des opérations dans les délais requis.
Ce sera la tâche des toutes prochaines semaines avant que le Gouvernement n'arrête sa position.
J'achève, avec ces considérations, mon propos liminaire non sans souligner qu'un travail considérable a été réalisé en quelques mois seulement.
Il se poursuit sans relâche tant nous sommes persuadés que cette voie est juste et qu'au demeurant il n'y a pas d'alternative sérieuse et crédible au projet du Gouvernement.
Les élus de Corse, toutes sensibilités confondues, l'ont très majoritairement compris et s'y sont impliqués avec détermination.
Ce projet les a rassemblés et ils m'ont dit, ces jours derniers encore, leur attachement à poursuivre, avec le Gouvernement, sur la voie tracée : celle d'une Corse apaisée, dans une République qui, sans faiblir sur les principes, aura su reconnaître sa spécificité et l'accompagner vers le développement.
Au-delà des débats juridiques et sans les minimiser, c'est ce qu'a tenu à rappeler le Premier Ministre dans sa déclaration en Conseil des Ministres.
(source http://www.interieur.gouv.fr, le 22 février 2001)