Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur les perspectives et le développement de l'intercommunalité, Paris le 22 novembre 2006.

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Circonstance : 89ème congrès des maires et des présidents de communautés de France, à Paris le 22 novembre 2006

Texte intégral

Monsieur le Premier Ministre, cher Dominique de VILLEPIN,
Monsieur le Ministre, cher Brice HORTEFEUX,
Monsieur le Président de l'association des Maires de France, cher Jacques PÉLISSARD,
Madame la Présidente, chère Jacqueline GOURAULT,
Monsieur le Président de l'assemblée des communautés de France, cher Marc CENSI,
Mesdames et Messieurs les Maires et Présidents de communautés de France métropolitaine et d'Outre-Mer,
Mes chers amis,
D'emblée, je veux vous dire tout le plaisir qui est le mien d'être parmi vous aujourd'hui, à l'occasion du 89ème Congrès des Maires et des Présidents de communautés de France, pour la clôture de cette matinée de débats consacrée à l'intercommunalité.
Permettez-moi, tout d'abord, d'adresser un salut amical à votre président, Jacques PÉLISSARD. Il mène sans relâche un combat exaltant, à la tête de l'Association des maires de France, pour faire entendre la voix des maires et porter toujours plus haut les couleurs de nos communes.
Je tiens également à saluer très chaleureusement Jacqueline GOURAULT. Première vice-présidente de l'AMF dont chacun s'accorde à reconnaître le talent et à louer la détermination, Jacqueline GOURAULT est aussi une sénatrice particulièrement compétente, efficace et exemplaire.
En tant que Président du Sénat, assemblée parlementaire à part entière dotée d'un bonus constitutionnel de représentant des collectivités locales, je veux enfin saisir l'occasion de cette grande « fête des maires » (M.A.I.R.E.S), pour « tirer mon chapeau » à toute l'armée des maires de France, dont l'engagement au quotidien s'apparente à un véritable sacerdoce !
Merci à vous qui, ceints de votre écharpe tricolore, incarnez chaque jour la devise républicaine inscrite au fronton de nos mairies.
Mes chers amis, je voudrais, en conclusion de vos travaux, vous livrer mes réflexions et vous faire partager ma conception exigeante et ambitieuse de l'intercommunalité.
Afin de répondre à la question « comment faire de l'intercommunalité le levier de l'organisation et de l'aménagement du territoire », il m'apparaît, dans un premier temps, indispensable de dresser un rapide état des lieux de l'intercommunalité.
Un premier constat s'impose : l'intercommunalité est aujourd'hui pleinement ancrée dans notre paysage institutionnel. En effet, près de 90 % des communes ont franchi le pas de l'intercommunalité !
Je vais vous faire une confidence : je m'en réjouis, car « l'union fait la force ».
Le Sénat a largement contribué au succès de cette véritable « révolution intercommunale ». En effet, lors de l'examen de la loi Chevènement en 1999, le Sénat a tenu à rééquilibrer le texte, à l'origine davantage axé sur les zones urbaines que sur le monde rural.
Au final, le renforcement de l'intercommunalité constitue, à mon sens, un double motif de satisfaction pour notre pays.
- Premier motif de satisfaction : la dynamique intercommunale corrige efficacement les effets de l'atomisation de notre territoire entre quelque 36.500 communes.
En l'espace de quelques années, l'intercommunalité a profondément transformé notre paysage institutionnel dans le respect de l'identité communale.
A cet égard, tous ceux qui affirmaient que l'essor de l'intercommunalité sonnerait le glas des communes se sont lourdement trompés.
Cellule de base de l'organisation décentralisée de notre République, pilier de notre démocratie locale et espace de citoyenneté au quotidien, la commune est et demeurera pour nos concitoyens un véritable « port » d'attache.
- Second motif de satisfaction : l'intercommunalité est devenue, au fil du temps, un catalyseur de projets et un espace de solidarité.
L'intercommunalité est désormais une réalité concrète pour le quotidien de nos concitoyens. Les structures intercommunales exercent des compétences de proximité essentielles.
Un chiffre : 75 % des intercommunalités assument la responsabilité de la gestion des ordures ménagères.
Par ailleurs, l'intercommunalité permet de redessiner, -j'allais dire redimensionner-, la carte des services publics locaux. Elle constitue, à cet égard, un atout formidable pour garantir leur présence sur tout le territoire, et notamment en milieu rural.
Enfin, les intercommunalités sont chargées de responsabilités structurantes. En ce sens, elles participent à l'effort d'équipement de nos collectivités et contribuent à un aménagement plus harmonieux du territoire.
Ce bilan, plutôt positif, ne doit pas nous empêcher d'effectuer un second constat, moins élogieux. En effet, force est de reconnaître l'existence de quelques imperfections.
A cet égard, plusieurs voix s'élèvent pour stigmatiser la présence de nombreux doublons, l'insuffisance des économies réalisées, l'absence de projets communautaires ou encore l'incohérence de certains périmètres.
Je le dis sans ambages : si je trouve les critiques formulées parfois excessives, elles ne sont jamais infondées.
Premièrement, je considère que l'intercommunalité doit permettre de réduire certaines dépenses de fonctionnement, par le jeu des économies d'échelle et de la mutualisation des moyens.
Deuxièmement, je pense que l'intercommunalité ne peut se résumer, pour nos concitoyens, à une ligne de plus sur leur avis d'imposition et, encore moins, à un niveau supplémentaire d'administration locale !
Troisièmement, j'estime que seule l'existence d'un véritable projet communautaire garantit le succès de l'intercommunalité.
Le diagnostic établi, j'en viens, dans un second temps, à la question proprement dite de l'avenir de l'intercommunalité.
Faire de l'intercommunalité le « levier de l'organisation et de l'aménagement du territoire » constitue, à mon sens, un enjeu capital.
La concrétisation de cette ambition intercommunale passe par le suivi d'un chemin balisé en quatre étapes.
- Première étape : poursuivre et intensifier l'effort de rationalisation des périmètres des intercommunalités.
Il s'agit d'une véritable priorité qui devrait accompagner l'achèvement de la carte intercommunale.
Je me félicite du travail de rationalisation d'ores et déjà accompli dans le cadre des schémas départementaux d'orientation de l'intercommunalité.
Je veux juste rappeler la nécessité de concilier cet effort indispensable avec le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales.
L'intercommunalité doit, en effet, clairement procéder d'une volonté conjointe des communes concernées.
Je considère que cette exigence ne constitue pas un frein à la dynamique intercommunale. Au contraire, l'adhésion volontaire garantit la définition et le partage d'un véritable
« projet de territoire ».
On ne peut pas s'unir durablement sans consentement mutuel clairement établi. Alors, je le dis, une nouvelle fois, en matière d'intercommunalité non plus, nous n'acceptons pas les « mariages forcés » !
Je suis, par ailleurs, tout à fait favorable aux fusions d'intercommunalités. Je crois même utile d'encourager et de simplifier ces regroupements.
- Deuxième étape : engager une réforme ambitieuse des finances et de la fiscalité locales.
Je ne veux pas empiéter sur vos travaux de demain qui porteront sur ce sujet.
Je rappellerai simplement que l'enjeu est, ni plus ni moins, de confier aux élus locaux des moyens financiers suffisants et adaptés à « l'organisation décentralisée de la République ».
Je suis personnellement très attaché au régime de la taxe professionnelle unique car ce mode de financement intégré permet de neutraliser certains égoïsmes fiscaux en favorisant un développement économique plus harmonieux et plus solidaire.
Alors je le dis très clairement : le plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée renforce l'urgence d'une remise à plat de l'ensemble de la fiscalité locale.
- Troisième étape : confier de nouvelles responsabilités aux intercommunalités.
Ces transferts de compétences pourraient notamment s'opérer, entre collectivités territoriales, par le jeu de l'appel à compétences, défini, à l'initiative du Sénat, par la loi du 13 août 2004 relative « aux libertés et responsabilités locales ».
Il s'agit, tout simplement, de faire vivre la subsidiarité comme mode de gestion locale adapté aux spécificités des territoires.
Dans cette perspective, je crois qu'en fonction des caractéristiques locales, les intercommunalités pourraient, à l'initiative de la région, assumer de nouvelles responsabilités en matière de développement économique.
De même, les intercommunalités pourraient investir un peu plus encore le champ social, aux côtés et en complément des départements.
Ces transferts de responsabilités, entre collectivités territoriales, n'excluent pas une nouvelle phase de décentralisation.
Je considère, en effet, que le processus de décentralisation n'est pas encore achevé.
Après une nécessaire période de digestion et d'évaluation des transferts réalisés en 2004, nous devrons réfléchir, ensemble, à terme, à une nouvelle phase de décentralisation.
J'ajoute, à cet égard, que la décentralisation, c'est bel et bien du gagnant-gagnant, à condition toutefois qu'elle s'accompagne d'une véritable réforme de l'État car il va de soi qu'elle ne saurait à elle seule valoir réforme de l'État.
Les intercommunalités pourraient, par ailleurs, être davantage associées à la négociation des contrats de projet. En effet, cette participation contribuerait à asseoir leur mission « d'aménageur de territoires » à part entière, aux côtés des départements et des régions.
- Enfin, quatrième étape : consacrer l'intercommunalité dans notre architecture institutionnelle.
J'ai bien noté qu'une majorité d'entre vous reste, pour l'heure, opposée à l'élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires.
Je partage pleinement votre avis.
Pour autant, je ne pense pas que l'on puisse éternellement faire l'impasse sur l'évolution de leur mode de représentation.
En conclusion, Mesdames et Messieurs les Maires et Présidents de communautés de France, je veux vous renouveler ma foi en « l'intercommunalité de projets ». Je suis convaincu que l'intercommunalité constitue « le levier de l'organisation et de l'aménagement du territoire » dont notre pays a tant besoin.
Je veux également vous redire combien la France compte sur vous pour conforter le socle de notre démocratie et satisfaire l'immense besoin d'enracinement et de proximité qu'expriment nos concitoyens.
Nous pouvons compter sur l'action déterminée et éclairée de Dominique de VILLEPIN, pour nous accompagner dans nos missions.
Mes chers amis, tournons-nous résolument vers l'avenir pour tracer, ensemble, la ligne bleue d'une France humaine, d'une France moderne, d'une France solidaire.
Source http://www.senat.fr, le 24 novembre 2006