Texte intégral
O. Mazerolle 400 000 personnes en France ne connaissent pas vraiment les noms de leurs parents et vous voulez modifier cet état de fait ?
- "Oui, cela fait très longtemps que l'on en parle puisque ces familles, ces jeunes ou ces adultes sont en recherche depuis très longtemps, en demande, depuis peut-être une vingtaine d'années, d'une réforme de l'accouchement secret qui est un décret-loi du Gouvernement de Vichy - je le rappelle. Si la politique sert aussi à apporter des solutions aux souffrances qui sont parfois les plus enfouies, je considère que ce projet est un des plus beaux projets politiques que j'ai eu à porter."
Votre projet de loi prévoit que l'identité de la mère sera désormais obligatoirement consignée ?
- "Obligatoirement, non. Je pense avoir trouvé une solution d'équilibre. Puisque jusqu'alors s'affrontait, dans ce terrible secret, cette revendication du secret par les familles adoptives qui avaient peur qu'un enfant qui retrouve sa mère naturelle que s'affaiblisse ce lien de filiation, ce lien d'adoption et puis, les enfants qui étaient en recherche de leur histoire. Car un enfant qui n'a pas de passé n'a pas d'avenir. Cette souffrance, ce sentiment de vide qui est parfois douloureusement traîné pendant des années, pendant toute la vie, va enfin trouver une solution. Il y a aujourd'hui encore des dossiers d'identité qui existent dans les administrations, dans les institutions d'adoption privée qui ne peuvent pas être communiqués aux enfants ou aux adultes qui en font la demande."
Concrètement les choses vont se passer comment ?
- "Concrètement, l'accouchement sous X n'est pas complètement supprimé parce que dans certains cas, la sécurité de la mère et de l'enfant doit être préservée. En revanche, ce qui est très nouveau, c'est que je créé un Conseil national des origines personnelles, avec un correspondant par département. Chaque mère qui va venir dans un hôpital pour accoucher dans le secret, qui va demander cet anonymat, va rencontrer ce correspondant des origines qui va d'abord lui expliquer quels sont ses droits, comment elle peut bénéficier d'un certain nombre de soutiens pour élever son enfant. Et si elle ne se sent pas capable d'élever son enfant, il va lui dire que le consentement à l'adoption est un geste d'amour très fort mais qu'en contrepartie, il ne faut pas priver son enfant de son identité. Elle remettra donc sous pli confidentiel son identité et son histoire, le nom du père aussi, si elle le souhaite, et ce document sera communiqué au Conseil supérieur d'accès aux origines. Ce qui fait que l'enfant pourra à tous moments, au moment de sa minorité - si ses parents adoptifs en sont d'accord - ou dès sa majorité, avoir accès à son histoire et à ses origines."
Néanmoins, cela ne sera pas vraiment une obligation. On observe que dans huit pays de l'Union européenne sur quinze, le nom de la mère est obligatoirement consigné sur l'acte de naissance. Pourquoi n'allez-vous pas jusque là ?
- "La France est même le seul pays à avoir ce système d'accouchement secret. En faisant cette réforme, j'applique en droit français la convention internationale des droits de l'Enfant qui prévoit que chaque enfant a le droit de connaître son histoire."
Pourquoi ne pas aller aussi loin que certains de nos voisins ?
- "Parce que je crois que les choses doivent évoluer. Je fais le pari que ce nouveau dispositif va entraîner une disparition de l'accouchement secret, parce qu'il y aura la qualité du dialogue avec la mère, parce que je crois que dans ces sujets très délicats il ne faut pas brutaliser les choses, parce que s'il m'a été possible de réformer, c'est parce que j'ai fait un travail minutieux de contacts avec les associations de familles adoptives. Elles reconnaissent aussi qu'il n'est pas évident d'élever des enfants qui n'ont pas accès à leurs origines et à leurs histoires et que, finalement, on ne peut pas bien éduquer un enfant dans le secret ou dans le fait de cacher quelque chose. C'est donc cette évolution vers plus de tolérance qui m'a aussi permis de faire converger les différents points de vue."
Autre décision que vous voulez prendre, c'est ce que vous appelez "la résidence alternée", c'est-à-dire permettre aux pères et aux mères qui ont divorcé de pouvoir garder alternativement leurs enfants. Est-ce que cela préserve suffisamment le droit des enfants ? Est-ce qu'ils ne vont pas se trouver ballotter d'une résidence à l'autre, pour le bon plaisir de leurs parents ?
- "Mon rôle, en tant que ministre de la Famille et de l'Enfance, est de faciliter la vie des familles. D'abord faciliter la vie des couples, bien sûr, - répondre à leurs attentes par rapport à la façon dont on peut les épauler pour surmonter les périodes de crise - et puis aussi faciliter les relations parents-enfants. Les familles évoluent beaucoup aujourd'hui. Je vois plutôt cette évolution de la famille comme une mutation heureuse. En même temps, je crois qu'il faut accompagner cette mutation en garantissant les libertés de choix des adultes mais aussi en protégeant les enfants, c'est-à-dire en renforçant et en stabilisant le lien de filiation avec le père et avec la mère."
Mais un enfant qui se retrouve avec deux résidences est-il justement préservé dans ses droits ?
- "La réforme du droit de la Famille consistera, non pas à imposer des solutions, mais à ouvrir plus de solutions dans la loi. Aujourd'hui, la possibilité de résidence alternée n'est pas inscrite en tant que telle dans la loi. Mon idée, c'est qu'elle soit inscrite pour que les parents aient plus de choix ; pour qu'au cours des procédures de divorce, il y ait plus de choix également et que plus systématiquement, en effet, cette solution de résidence alternée soit choisie, si les parents sont d'accord et si les enfants s'y retrouvent bien. Imposer un choix serait maladroit puisque selon l'âge de l'enfant, la résidence alternée ne se pose pas de la même façon. Je pense aussi qu'au cours des procédures de divorce, beaucoup de parents mettent en place des procédures et des modes de vie équilibrés. Et par conséquent, les juges peuvent très bien décider que lorsque les parents se sont mis d'accord et lorsque les enfants - je le répète - s'y retrouvent bien, à ce moment-là, les décisions juridiques peuvent suivre les pratiques mises en place par les familles. On rentre dans un système avec davantage de responsabilités pour les adultes, davantage de travail de médiation aussi - on peut davantage les aider pour trouver des solutions. On doit donc s'orienter vers des familles où l'égalité entre le père et la mère est plus fortement établie qu'aujourd'hui."
Tout autre sujet : la pédophilie. Récemment vous avez rencontré Monseigneur David, l'évêque d'Evreux, après la découverte des activités du père Vadeboncoeur. Vous comprenez maintenant la situation de l'Eglise qui a voulu "donner sa chance", dit Monseigneur Gaillot, à ce prêtre ?
- "Monseigneur David a demandé à me voir, et dans le cadre de la lutte contre toutes les formes de maltraitance en général et de la pédophilie en particulier, c'est bien volontiers que je l'ai rencontré dans le cadre du respect de toutes les convictions religieuses. Je prends acte d'une très forte volonté de l'Eglise d'abattre le mur du silence, d'être sans faiblesse par rapport aux problèmes de pédophilie. Monseigneur David m'a demandé de les aider à mettre au point des documents d'information, de sensibilisation et de formation. Et je vais les y aider."
Comment pouvez-vous les aider ?
"Je vais les aider en faisant en sorte qu'ils puissent faire à l'intérieur de l'Eglise ce que j'ai fait dans le système scolaire et ce que je suis en train de faire dans les institutions qui accueillent des enfants. C'est-à-dire, être sans naïveté à l'égard de toutes les professions liées à l'enfance qui attirent, par définition, des pédophiles. Et non plus sans faiblesse - parce que c'est un équilibre - à l'égard des suspicions illégitimes ou des rumeurs infondées. Je crois qu'il faut maintenir cet équilibre de façon très vigoureuse. Il faut les aider à maintenir cet équilibre dans l'Eglise ; les aider aussi à former les personnes qui veulent être prêtre, pour bien identifier leurs motivations. Aider aussi les jeunes au contact de l'Eglise à adhérer à un certain nombre de principes. Ils sont, par exemple, très intéressés par les outils pédagogiques que j'ai mis en place à l'école, pour apprendre aux élèves que leur corps, c'est leur corps et qu'aucun adulte n'a le droit d'y toucher. Il faut rappeler le contenu du code pénal à tous les adultes qui sont au contact des enfants. Je crois que tout cela ne s'est jamais fait dans l'Eglise. Il a aujourd'hui une forte détermination et je m'en réjouis. Je vais aider les prêtres qui me demandent de mettre en place cette démarche."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 16 janvier 2001)
- "Oui, cela fait très longtemps que l'on en parle puisque ces familles, ces jeunes ou ces adultes sont en recherche depuis très longtemps, en demande, depuis peut-être une vingtaine d'années, d'une réforme de l'accouchement secret qui est un décret-loi du Gouvernement de Vichy - je le rappelle. Si la politique sert aussi à apporter des solutions aux souffrances qui sont parfois les plus enfouies, je considère que ce projet est un des plus beaux projets politiques que j'ai eu à porter."
Votre projet de loi prévoit que l'identité de la mère sera désormais obligatoirement consignée ?
- "Obligatoirement, non. Je pense avoir trouvé une solution d'équilibre. Puisque jusqu'alors s'affrontait, dans ce terrible secret, cette revendication du secret par les familles adoptives qui avaient peur qu'un enfant qui retrouve sa mère naturelle que s'affaiblisse ce lien de filiation, ce lien d'adoption et puis, les enfants qui étaient en recherche de leur histoire. Car un enfant qui n'a pas de passé n'a pas d'avenir. Cette souffrance, ce sentiment de vide qui est parfois douloureusement traîné pendant des années, pendant toute la vie, va enfin trouver une solution. Il y a aujourd'hui encore des dossiers d'identité qui existent dans les administrations, dans les institutions d'adoption privée qui ne peuvent pas être communiqués aux enfants ou aux adultes qui en font la demande."
Concrètement les choses vont se passer comment ?
- "Concrètement, l'accouchement sous X n'est pas complètement supprimé parce que dans certains cas, la sécurité de la mère et de l'enfant doit être préservée. En revanche, ce qui est très nouveau, c'est que je créé un Conseil national des origines personnelles, avec un correspondant par département. Chaque mère qui va venir dans un hôpital pour accoucher dans le secret, qui va demander cet anonymat, va rencontrer ce correspondant des origines qui va d'abord lui expliquer quels sont ses droits, comment elle peut bénéficier d'un certain nombre de soutiens pour élever son enfant. Et si elle ne se sent pas capable d'élever son enfant, il va lui dire que le consentement à l'adoption est un geste d'amour très fort mais qu'en contrepartie, il ne faut pas priver son enfant de son identité. Elle remettra donc sous pli confidentiel son identité et son histoire, le nom du père aussi, si elle le souhaite, et ce document sera communiqué au Conseil supérieur d'accès aux origines. Ce qui fait que l'enfant pourra à tous moments, au moment de sa minorité - si ses parents adoptifs en sont d'accord - ou dès sa majorité, avoir accès à son histoire et à ses origines."
Néanmoins, cela ne sera pas vraiment une obligation. On observe que dans huit pays de l'Union européenne sur quinze, le nom de la mère est obligatoirement consigné sur l'acte de naissance. Pourquoi n'allez-vous pas jusque là ?
- "La France est même le seul pays à avoir ce système d'accouchement secret. En faisant cette réforme, j'applique en droit français la convention internationale des droits de l'Enfant qui prévoit que chaque enfant a le droit de connaître son histoire."
Pourquoi ne pas aller aussi loin que certains de nos voisins ?
- "Parce que je crois que les choses doivent évoluer. Je fais le pari que ce nouveau dispositif va entraîner une disparition de l'accouchement secret, parce qu'il y aura la qualité du dialogue avec la mère, parce que je crois que dans ces sujets très délicats il ne faut pas brutaliser les choses, parce que s'il m'a été possible de réformer, c'est parce que j'ai fait un travail minutieux de contacts avec les associations de familles adoptives. Elles reconnaissent aussi qu'il n'est pas évident d'élever des enfants qui n'ont pas accès à leurs origines et à leurs histoires et que, finalement, on ne peut pas bien éduquer un enfant dans le secret ou dans le fait de cacher quelque chose. C'est donc cette évolution vers plus de tolérance qui m'a aussi permis de faire converger les différents points de vue."
Autre décision que vous voulez prendre, c'est ce que vous appelez "la résidence alternée", c'est-à-dire permettre aux pères et aux mères qui ont divorcé de pouvoir garder alternativement leurs enfants. Est-ce que cela préserve suffisamment le droit des enfants ? Est-ce qu'ils ne vont pas se trouver ballotter d'une résidence à l'autre, pour le bon plaisir de leurs parents ?
- "Mon rôle, en tant que ministre de la Famille et de l'Enfance, est de faciliter la vie des familles. D'abord faciliter la vie des couples, bien sûr, - répondre à leurs attentes par rapport à la façon dont on peut les épauler pour surmonter les périodes de crise - et puis aussi faciliter les relations parents-enfants. Les familles évoluent beaucoup aujourd'hui. Je vois plutôt cette évolution de la famille comme une mutation heureuse. En même temps, je crois qu'il faut accompagner cette mutation en garantissant les libertés de choix des adultes mais aussi en protégeant les enfants, c'est-à-dire en renforçant et en stabilisant le lien de filiation avec le père et avec la mère."
Mais un enfant qui se retrouve avec deux résidences est-il justement préservé dans ses droits ?
- "La réforme du droit de la Famille consistera, non pas à imposer des solutions, mais à ouvrir plus de solutions dans la loi. Aujourd'hui, la possibilité de résidence alternée n'est pas inscrite en tant que telle dans la loi. Mon idée, c'est qu'elle soit inscrite pour que les parents aient plus de choix ; pour qu'au cours des procédures de divorce, il y ait plus de choix également et que plus systématiquement, en effet, cette solution de résidence alternée soit choisie, si les parents sont d'accord et si les enfants s'y retrouvent bien. Imposer un choix serait maladroit puisque selon l'âge de l'enfant, la résidence alternée ne se pose pas de la même façon. Je pense aussi qu'au cours des procédures de divorce, beaucoup de parents mettent en place des procédures et des modes de vie équilibrés. Et par conséquent, les juges peuvent très bien décider que lorsque les parents se sont mis d'accord et lorsque les enfants - je le répète - s'y retrouvent bien, à ce moment-là, les décisions juridiques peuvent suivre les pratiques mises en place par les familles. On rentre dans un système avec davantage de responsabilités pour les adultes, davantage de travail de médiation aussi - on peut davantage les aider pour trouver des solutions. On doit donc s'orienter vers des familles où l'égalité entre le père et la mère est plus fortement établie qu'aujourd'hui."
Tout autre sujet : la pédophilie. Récemment vous avez rencontré Monseigneur David, l'évêque d'Evreux, après la découverte des activités du père Vadeboncoeur. Vous comprenez maintenant la situation de l'Eglise qui a voulu "donner sa chance", dit Monseigneur Gaillot, à ce prêtre ?
- "Monseigneur David a demandé à me voir, et dans le cadre de la lutte contre toutes les formes de maltraitance en général et de la pédophilie en particulier, c'est bien volontiers que je l'ai rencontré dans le cadre du respect de toutes les convictions religieuses. Je prends acte d'une très forte volonté de l'Eglise d'abattre le mur du silence, d'être sans faiblesse par rapport aux problèmes de pédophilie. Monseigneur David m'a demandé de les aider à mettre au point des documents d'information, de sensibilisation et de formation. Et je vais les y aider."
Comment pouvez-vous les aider ?
"Je vais les aider en faisant en sorte qu'ils puissent faire à l'intérieur de l'Eglise ce que j'ai fait dans le système scolaire et ce que je suis en train de faire dans les institutions qui accueillent des enfants. C'est-à-dire, être sans naïveté à l'égard de toutes les professions liées à l'enfance qui attirent, par définition, des pédophiles. Et non plus sans faiblesse - parce que c'est un équilibre - à l'égard des suspicions illégitimes ou des rumeurs infondées. Je crois qu'il faut maintenir cet équilibre de façon très vigoureuse. Il faut les aider à maintenir cet équilibre dans l'Eglise ; les aider aussi à former les personnes qui veulent être prêtre, pour bien identifier leurs motivations. Aider aussi les jeunes au contact de l'Eglise à adhérer à un certain nombre de principes. Ils sont, par exemple, très intéressés par les outils pédagogiques que j'ai mis en place à l'école, pour apprendre aux élèves que leur corps, c'est leur corps et qu'aucun adulte n'a le droit d'y toucher. Il faut rappeler le contenu du code pénal à tous les adultes qui sont au contact des enfants. Je crois que tout cela ne s'est jamais fait dans l'Eglise. Il a aujourd'hui une forte détermination et je m'en réjouis. Je vais aider les prêtres qui me demandent de mettre en place cette démarche."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 16 janvier 2001)