Déclaration de M. François Baroin, ministre de l'outre-mer, sur le projet sur l'outre-mer notamment les évolutions statutaires et institutionnelles, à l'Assemblée nationale le 23 janvier 2007.

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Circonstance : Présentation du projet de loi sur l'outre-mer à l'Assemblée nationale le 23 janvier 2007

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés,
J'ai l'honneur de vous présenter le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer adopté par le Sénat. Qu'il me soit tout d'abord permis de remercier, Didier Quentin, rapporteur de ces projets de lois qui témoigne, comme à l'accoutumée d'une profonde maîtrise des enjeux ultramarins. Mes remerciements vont également au Président Philippe Houillon pour l'intérêt bienveillant qu'il porte à l'outre-mer.
Ces deux projets de lois organiques et ordinaires constituent une étape importante dans la modernisation statutaire de nos collectivités ultramarines et s'articulent autour de trois grands objectifs :
Mettre en oeuvre les dispositions de la Constitution qui structurent le nouveau cadre institutionnel et statutaire de l'outre-mer au sein de la République, conformément aux engagements pris par le Chef de l'Etat, et inscrits par le Parlement dans notre loi fondamentale ;
Traduire en droit la volonté exprimée le 7 décembre 2003 par les populations de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy de créer deux nouvelles collectivités d'outre-mer ;
Et, enfin, renforcer l'Etat de droit outre-mer, par une clarification des statuts en vigueur et l'amélioration de la démocratie locale.
Les projets de loi organique et de loi ordinaire portant diverses dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer visent d'abord à permettre l'entrée en vigueur de la révision constitutionnelle de 2003.
Cette révision constitutionnelle, pour sa partie relative à l'outre-mer, a apporté à nos collectivités deux garanties essentielles : d'abord, celle de leur appartenance à la République, consacrée de manière solennelle par la désignation nominative de chacune d'elles dans notre Constitution ; ensuite, celle de la garantie démocratique fondamentale selon laquelle chaque évolution importante ne pourra se faire sans le consentement des électeurs concernés.
Ces garanties étant posées, la Constitution révisée a, par ailleurs, notablement assoupli le cadre institutionnel et juridique de l'outre-mer, en créant des marges de manoeuvre et d'adaptation jamais atteintes auparavant.
En effet, si le principe d'identité législative est réaffirmé avec force pour les départements et régions d'outre-mer, il est prévu que les lois et règlements puissent faire l'objet « d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ». La Constitution prévoit que les départements et régions d'outre-mer pourront être habilités par la loi à adapter localement les lois et règlements et à fixer des règles dans un nombre limité de matières, à l'exception de celles dites de souveraineté (ordre public, défense, droit pénal, nationalité...). L'habilitation préalable du Parlement ne pourra intervenir qu'à la demande des assemblées locales. Le Parlement demeurera en tout état de cause libre de sa décision.
Compte tenu de l'importance des nouveaux pouvoirs, de nature quasi législative, donnés aux assemblées départementales et régionales, il était bien naturel que quelques règles viennent en assurer l'encadrement. L'article 1er du projet de loi organique y pourvoit.
La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 a par ailleurs érigé Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon en collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution : il convient d'en tirer les conséquences en mettant leur statut en conformité avec cet article, qui renvoie au législateur organique le soin d'en déterminer les principales dispositions.
Il s'agit, enfin, comme je l'ai indiqué, de tirer toutes les conséquences des consultations locales du 7 décembre 2003 en ce qui concerne Saint-Barthélemy et Saint-Martin et les ériger en Collectivités d'Outre-mer.
Ces objectifs ainsi posés, je souhaite insister sur la démarche qui a animé le gouvernement.
Tout d'abord : Rendre le droit applicable plus lisible. Dans un souci de clarté nous avons choisi de codifier les statuts des quatre collectivités concernées dans le code général des collectivités territoriales, afin de bien montrer que, pour spécifique que soit parfois leur statut, elles font partie du grand ensemble des collectivités territoriales de la République.
Deux lois vous sont présentées, une organique et une ordinaire, afin de respecter le partage opéré par la Constitution dans notre hiérarchie des normes.
Ces deux projets peuvent paraître complexes et volumineux. C'est là tout le paradoxe : ils offrent ainsi l'avantage d'être exhaustifs et de rassembler des dispositions éclatées dans plusieurs codes. On notera des ajustements du code général des collectivités territoriales, du code électoral et du code des juridictions financières
Dans un certain nombre de domaine, des habilitations à prendre des ordonnances sont nécessaires d' où l'article final du projet de loi.
Sont également rendues applicables des règles modernes et claires d'application et de publication locale des textes nationaux, ou encore l'harmonisation des règles de consultation des autorités territoriales sur les projets de textes législatifs et réglementaires qui éviteront de nombreux et inutiles contentieux.
La présentation détaillée des nombreuses dispositions que comportent ces deux projets demanderait beaucoup de temps. Aussi, je me limiterai à en souligner les plus importantes.
S'agissant de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, l'évolution statutaire des deux îles était attendue avec beaucoup d'impatience par les populations locales. Ce projet répond à leur attente.
Conformément aux documents d'orientation rédigés par les conseils municipaux des deux îles, il est prévu que deux collectivités d'outre-mer de l'article 74 de la Constitution se substitueront aux deux actuelles communes de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.
La collectivité de Saint-Barthélemy exercera les compétences dévolues aux communes, départements et régions. Ses compétences normatives propres s'exerceront notamment en matière fiscale, d'urbanisme, d'environnement, de tourisme, d'accès au travail des étrangers. Elle sera dotée de l'« autonomie » définie par l'article 74 de la Constitution : elle pourra, à ce titre, saisir le Conseil constitutionnel lorsqu'une disposition législative ordinaire postérieure à la loi organique statutaire lui paraîtra menacer ses compétences propres. Pour l'essentiel, les lois et règlements continueront à s'y appliquer de plein droit, à l'exception des domaines relevant de la compétence normative de la collectivité.
Saint-Martin disposera également de l'autonomie et donc d'une compétence normative propre. Les lois et règlements s'y appliqueront de plein droit, dans les mêmes conditions qu'à Saint-Barthélemy.
Les institutions des deux collectivités seront organisées autour d'un « conseil territorial », -nom choisi par le Sénat - doté des attributions des conseils municipaux, généraux et régionaux et dont le président sera l'exécutif de la collectivité. La démocratie locale est confortée par la mise au niveau de la métropole des garanties accordées aux élus minoritaires, ou encore par la fixation des conditions d'application des consultations et des référendums locaux, notamment du droit de pétition. Les deux nouvelles collectivités seront consultées sur les projets ou propositions de loi, d'ordonnance ou de décret comportant des dispositions qui leur sont spécifiques.
Le Sénat a souhaité que ces deux collectivités soient représentées à la haute assemblée. Je vous précise que le Gouvernement déposera une nouvelle fois, pour se conformer à la décision du Conseil Constitutionnel sur la recevabilité financière des amendements, l'article déjà adopté sur l'élection des Sénateurs.
S'agissant de la création des sièges de députés, j'écouterai avec attention les propositions de chaque groupe politique et du rapporteur au cours de cette discussion générale et je vous indiquerai à l'issue de cette discussion si le gouvernement dépose un amendement de création.
Je voudrais, ici, lever quelques malentendus concernant la fiscalité. L'autonomie qui sera accordée à Saint-Martin et Saint-Barthélemy sur ce point n'est pas exceptionnelle : toutes les collectivités d'outre-mer ainsi que la Nouvelle-Calédonie disposent du droit de déterminer leur régime fiscal et douanier. Il était donc logique que les deux nouvelles collectivités bénéficiassent également de cette compétence. De surcroît, le projet de loi organique permettra de mettre un terme à la situation actuelle, qui voyait une partie de la législation inappliquée.
Bien qu'il y ait autonomie fiscale, celle-ci n'érige pas chacune des deux collectivités en « paradis fiscal » ou centre « offshore ». En effet, je rappelle que l'État conservera toutes ses compétences en matière de droit pénal et de procédure pénale, de droit monétaire et bancaire, de droit des sociétés et de droit des assurances. Tous les engagements internationaux en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux auxquels la France a adhéré continueront d'être applicables de plein droit, comme la réglementation communautaire sur ce même sujet. Le risque d'évasion fiscale au détriment de la métropole est également nul, puisque le droit fiscal de l'État continuera de s'appliquer aux personnes qui ne seront pas résidentes depuis au moins cinq ans.

Cette réforme statutaire s'accompagnera simultanément d'un renforcement de la présence de l'Etat et d'une déconcentration accrue des moyens alloués aux services publics sur les deux îles. J'ai sur ce point plaisir à vous indiquer qu'un préfet délégué sera prochainement nommé, chargé de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Pour Saint-Martin, le nouveau statut constituera l'occasion pour l'État de mieux jouer son rôle, notamment en matière de traitement de la délinquance ou des conséquences directes de l'immigration clandestine massive que subit l'île.
S'agissant de Mayotte, le principal apport du projet de loi organique consiste dans la modification du régime législatif de la collectivité, qui sera désormais fondé sur le principe d'identité législative avec quelques exceptions : fiscalité, droit du travail et protection sociale, propriété foncière, urbanisme et entrée et séjour des étrangers, notamment.
Cette réforme ne signifiera donc pas un désengagement de l'Etat, mais bien au contraire un renforcement de son rôle.
Je profite de l'occasion qui m'est ici donnée pour rappeler que toute évolution institutionnelle de l'île suppose que les électeurs - consultés sur décision du chef de l'État - donnent leur consentement préalable à cette évolution. Dans le contexte actuel, le présent projet reprend et complète le statut de Mayotte dans le cadre de l'article 74 de la Constitution.
Le présent projet de loi organique ne préjuge donc en rien une éventuelle évolution vers le régime de l'article 73. Il ne l'empêche pas. Je dirais même qu'il la favorise et c'est un nouveau pas vers le droit commun en faisant évoluer le régime législatif de la spécialité vers l'identité.
Il s'agit là, je le répète, d'une disposition essentielle pour favoriser le rapprochement de Mayotte avec le droit commun, dans la logique de la démarche entreprise par des élus de l'île en faveur d'une évolution progressive vers le statut de département d'outre-mer, une évolution à laquelle je suis, en ma qualité de ministre de l'outre-mer, favorable. Et je salue, puisque l'occasion m'en est donné l'excellent et l'efficace travail du député Kamardine.
Saint-Pierre-et-Miquelon quand à elle voit son statut, issu de la loi du 11 juin 1985, repris intégralement, avec une actualisation des dispositions relatives à la démocratie locale, qui avaient peu évolué depuis lors. Les compétences normatives propres de la collectivité se trouvent également précisées.
Enfin, les Terres Australes et Antarctiques Française (T.A.A.F.) font l'objet d'une actualisation de leur statut, issu d'une loi de 1955, afin de préciser leur régime législatif et leur organisation administrative, comme l'exige désormais l'article 72-3 de la Constitution. Les îles dites « éparses » de l'Océan indien (Tromelin, Bassas da India, Europa, Juan de Nova et les Glorieuses) sont rattachées pour leur administration aux T.A.A.F. dans un souci de rationalisation de leur gestion et de leur statut.
Avec ces projets de lois, le Gouvernement tient son engagement de tirer toutes les conséquences de la révision constitutionnelle de 2003. Ces projets ont fait l'objet d'améliorations par le Sénat. Je suis donc tout à fait ouvert aux suggestions et compléments qui pourraient être apportés par l'Assemblée nationale.
Je voudrais saluer, une nouvelle fois, le travail considérable effectué par votre rapporteur, M. Didier Quentin et à travers lui les services de la commission des lois, et je peux d'ores et déjà annoncer que je serai favorable à la très grande majorité de ses propositions.
Je souhaite que la discussion de ces deux projets de loi puisse faire l'objet d'un accord aussi large que possible. Le débat, je le sais, sera ici riche et dense, témoignant de l'attention particulière que porte l'Assemblée nationale aux aspirations et aux besoins spécifiques de nos compatriotes d'outre-mer.
Je me réjouis donc de nos échanges, mesdames et messieurs les députés, qui illustrent une fois de plus l'attachement que nous partageons à l'égard de la France de l'outre-mer.Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 25 janvier 2007