Déclaration de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, sur le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, à l'Assemblée nationale le 19 janvier 1999.

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Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les Députés,
La venue devant votre assemblée dune Loi consacrée au cadre général de laménagement du territoire nest jamais un moment ordinaire. Elle fait souvent date. Les plus anciens parmi vous disent y retrouver à chaque fois une atmosphère particulière.
Par la variété des sujets quembrasse ce type de débat ; par la force des images ou des référents didentité quil sollicite ; par lattention forcément respectueuse quil accorde à la diversité des espaces et des communautés constitutifs de la tradition française ; se trouvent mises en éveil nos mémoires, nos passions, nos perceptions du quotidien, notre projection vers le futur.
Nous voilà au croisement de multiples regards :
Comment ignorer, même quand elles semblent aplanies par lactivité des hommes, les contraintes et les richesses de notre géographie, alors même que les bouleversements en cours sur notre continent atténuent les frontières et permettent délargir notre vision ?
Comment ne pas intégrer à nos raisonnements, le sens et parfois les ruses de lHistoire, qui ont vu naître et créer ici tel inventeur, installé là telle industrie, rassemblé ailleurs encore tel pôle de savoir-faire ou de technologie ?
Est-il possible de négliger, sous prétexte que le monde change, notre patrimoine, dont la seule valorisation digne dintérêt est évidemment celle à laquelle nous invitent la jeunesse et lavenir ?
Et dans ce patrimoine, enfin, comment ne pas rénover notre pratique démocratique, dont les cadres sadaptent sans cesse aux évolutions sociales, économiques et culturelles ?
Géographie, histoire, mémoire, art du gouvernement : laménagement du territoire en appelle aux mille et une facettes de notre culture commune.
Il saccommode donc mal de la simplification technocratique, de la défense dintérêts catégoriels ou des particularismes, et a fortiori de polémiques politiciennes.
Je suis fière quaujourdhui une ministre écologiste vienne défendre devant vous, avec conviction, une conception de laménagement du territoire peut-être un peu en distance par rapport à celle qui a prévalu jusque-là.
Mais je sais également quaucune mutation ou rupture ne saffranchit de la continuité dans laquelle elle sinscrit ; il mest donc impossible ici de ne pas saluer ceux qui sont montés avant moi à cette tribune pour apporter leur contribution à la naissance et à la reconnaissance de notre commune passion pour les territoires en mouvement.
Dans son discours de politique générale de juin 1997, le Premier ministre avait indiqué que son Gouvernement préparerait un projet de loi visant à réformer la loi du 4 février 1995, afin de donner un cadre nouveau à la politique daménagement du territoire de notre pays.
Le projet que jai lhonneur de vous présenter aujourdhui traduit cet engagement. Vous savez que ce texte sinscrit dans un ensemble de textes législatifs qui, ensemble, vont dessiner pour notre pays le cadre nouveau de la politique daménagement du territoire, de planification territoriale, de contractualisation entre lEtat et les Régions.
Je veux parler de la loi dorientation agricole que vous avez examinée au mois doctobre dernier ; de la loi qui sera présentée par Jean-Pierre Chevènement devant votre assemblée au début du mois prochain ; de la loi quEmile Zuccarelli présentera au Sénat dès le mois de mars ; et, bien sûr, du projet que je vous présente aujourdhui.
Ces textes semboîtent les uns dans les autres, comme des poupées gigognes. Ils sont cohérents et complémentaires.
La loi dorientation agricole, adoptée en première lecture par votre assemblée, a posé les termes dune réorientation de la politique agricole. Celle-ci sera mise au service dune redynamisation du monde rural et dun rééquilibrage du développement des différentes parties de notre territoire.
La loi Chevènement fixera les modalités nouvelles du développement de lintercommunalité, et donnera des moyens daction nouveaux et renforcés aux communes et à leurs groupements.
La loi présentée par Emile Zuccarelli redéfinira léquilibre des relations entre les citoyens et ladministration, avec la volonté affirmée de renforcer les droits des citoyens dans cette relation. Elle précisera également les conditions nouvelles de lintervention économique des collectivités locales.
En lançant la discussion sur tous ces sujets, jai conscience dévoquer devant vous des préoccupations majeures pour les élus que vous êtes : nous aurons loccasion, au cours de ces jours de débat, dévoquer au fond lensemble des questions que vous vous posez sur lavenir des politiques publiques daménagement du territoire.
La première de ces questions est de savoir sil existe encore aujourdhui une place pour une politique daménagement du territoire. En effet, alors quon ne parle plus que de mondialisation de léconomie, de délocalisation dentreprises ou dactivités, de fusions massives et accélérées entre groupes multinationaux financiers ou industriels, quelle marge de manuvre reste-t-il au pouvoir politique ?
La volonté de conduire une politique daménagement du territoire nexprime-t-elle pas simplement lambition un peu désuète des pouvoirs publics sinon dagir, du moins de feindre dagir sur des choses quils ne maîtrisent plus ? Nest-elle pas lexpression dune illusion sur leurs capacités à infléchir ces évolutions, à en modifier le cours ?
Je ne le pense pas.
Bien sûr, la mondialisation de léconomie se poursuit. Les marchandises et les capitaux circulent de plus en plus rapidement, les êtres humains aussi. La mobilité professionnelle, choisie ou subie, est devenue un fait " de société ", et lidée sest installée selon laquelle les jeunes entrant dans la vie active aujourdhui devront changer plusieurs fois de métier.
Tout cela contribue à affaiblir les solidarités traditionnelles, à renforcer lindifférence, voire le rejet, à multiplier les situations de solitude. Mais cette mobilité permet aussi délargir les horizons, et denrichir les rapports sociaux et humains.
La mondialisation de léconomie est un processus complexe. Elle na pas supprimé lexistence des Etats nations ; elle na pas effacé les territoires qui constituent le cadre de la vie quotidienne des populations.
La mondialisation renforce la compétition entre les nations et entre les territoires. Elle rend plus nécessaire que jamais leur organisation pour les rendre attractifs, pour rendre leur économie plus compétitive. Cest au moment où les frontières souvrent sous la pression de forces économiques de plus en plus concentrées, que les femmes et les hommes expriment leur besoin dappartenance à des entités quils maîtrisent, leur volonté de donner corps à des projets de développement sur lesquels ils aient prise.
Cest pourquoi une politique daménagement du territoire me semble encore aujourdhui non seulement possible mais nécessaire.
Elle est nécessaire en premier lieu parce que nous partageons en France une certaine conception de la République. Et cette conception ne va pas sans laffirmation de la solidarité nationale à légard des catégories de populations ou des parties du territoire se trouvant en situation de retard ou de décrochage.
Notre conception de la République ne va pas non plus sans affirmation de la volonté de tout mettre en uvre pour permettre légalité des chances entre les citoyens. Cela suppose que lon puisse bénéficier des mêmes possibilités dépanouissement individuel et professionnel, où que lon vive dans notre pays. Cela ne se fera pas tout seul, cela ne se fera pas sans une politique qui rende ce résultat possible.
Une politique daménagement du territoire est nécessaire parce que le libre jeu des forces économiques ne conduit pas spontanément à la meilleure affectation possible des ressources et des richesses. Chacun dentre nous peut le constater au quotidien : la seule logique économique conduit à la concentration en quelques points des richesses et des populations au-delà de ce quil est possible de gérer convenablement, et par contre à une trop grande rareté dans dautres espaces, situés plus à lécart des grands flux de production et déchanges.
Au bout du compte, le laisser-faire gaspille les ressources et appauvrit notre économie. Cela a été dit avant moi : " il ny a pas de territoires condamnés, il ny a que des territoires sans projet ". Je partage cette affirmation. Négliger certaines parties de notre territoire national serait une solution de facilité inacceptable. Les aider à construire un projet de développement, et à le mettre en uvre, cest la voie du courage et de la responsabilité politiques.
On a beaucoup parlé ces dernières semaines de leuro, la monnaie unique européenne. Cest un pas en avant pour mieux coordonner les politiques économiques et fiscales au sein de lUnion européenne.
Beaucoup détapes seront encore nécessaires pour construire une Europe qui soit à la fois une Europe politique, une Europe sociale et une Europe des citoyens. Dans ce processus, il est nécessaire de penser et dorganiser le développement de notre territoire, pour assurer convenablement son intégration à une Europe élargie.
Mobiliser toutes les énergies sur cet enjeu, cest le seul moyen déviter un développement de lEurope qui se ferait, sinon sans la France, en tout cas sans une grande partie de la France, celle qui se trouve à distance de la grande zone de prospérité européenne que chacun connaît, allant du sud de lAngleterre au nord de lItalie en passant par les pays rhénans.
Notre projet est que la construction et lélargissement de lEurope intègrent comme facteur de prospérité et de stabilité ses liens et son histoire avec le bassin méditerranéen, ainsi que le développement de ses échanges maritimes, sans pour autant que la France ne devienne un simple territoire de transit entre lAtlantique et lOural, ou entre le nord et le sud de lEurope.
Mais si une politique daménagement du territoire est possible et nécessaire, encore faut-il dire en quoi elle consiste.
La politique daménagement du territoire nest pas un domaine à part de laction de lEtat, réservée à quelques spécialistes, géographes ou sociologues, essayant après coup de raisonner laction publique, ou inventant dans leurs bureaux des schémas théoriques dorganisation de lespace.
En réalité, toutes les politiques publiques ont un impact sur laménagement du territoire : quil sagisse de la fiscalité, bien entendu, de la politique des transports, lorganisation des postes et des télécommunications, du logement, de lagriculture, de lenvironnement, de la culture, des aides au développement économique des entreprises. Chaque décision prise dans ces différents domaines conduit à un certain type dorganisation du territoire.
La politique du Gouvernement dans ce domaine ne se juge donc pas à laune des crédits accordés au travers du Fonds national daménagement du territoire (FNADT) ou à limportance des primes daménagement du territoire (PAT). Ces outils financiers en constituent bien sûr un volet incitatif important, mais dun poids bien relatif face à limpact des moyens mis en uvre dans les autres domaines que je viens dévoquer.
La première responsabilité du Gouvernement est donc de coordonner lensemble des politiques publiques quil maîtrise, en cohérence avec celles des collectivités locales, pour les faire converger vers les objectifs quil sest fixés.
Et puis, par-delà les politiques nationales de lEtat ou des collectivités territoriales, il faut avoir le souci dassurer la cohérence entre les actions nationales et les politiques communautaires. Ces dernières représentent des financements déjà significatifs, et leurs réglementations ont un impact chaque jour plus important sur notre vie quotidienne.
À quoi peut servir, par exemple, leffort de tel ou tel gouvernement pour revitaliser les campagnes, si dans le même temps la politique agricole commune, avec des moyens financiers beaucoup plus importants, contribue à les vider ?
Laménagement du territoire est donc lune des actions publiques les plus difficiles à conduire. Il faut en effet assurer la cohérence entre les politiques sectorielles et les politiques territoriales conduites par les différents intervenants publics. Une fois cette cohérence établie, il faut quelle soit suffisamment convaincante pour inciter les acteurs privés à aller dans le même sens.
Cest sans doute cette complexité et cette difficulté qui expliquent les limites des précédentes politiques daménagement du territoire, et lécart très important, toujours constaté, entre les objectifs affichés par les gouvernements successifs, et les résultats obtenus.
Pour bien comprendre nos propres orientations, il est difficile, à ce point, de ne pas évoquer, brièvement, les conditions historiques dans lesquelles se sont développées les politiques qui les ont précédées.
Je veux dabord parler des " Trente glorieuses ", de cette époque où les ambitions des gouvernements successifs épousaient, en matière daménagement du territoire, les grands objectifs, dailleurs consensuels, de la planification nationale : réduire les écarts entre la France et ses voisins en matière industrielle et déquipements lourds ; accompagner la mutation agricole ; loger les Français dans les agglomérations ; stabiliser les standards de consommation des couches moyennes urbaines ; opérer mieux la rencontre entre lindustrie et une main-duvre souvent peu qualifiée ; élever le niveau de formation, etc.
Nous pouvons, avec le recul, tirer un bilan objectif de cette période : si nous lui sommes redevables dune bonne part de la place et de la puissance française dans le concert des nations, nous lui devons aussi des factures impayées qui se sont accumulées et qui restent à solder.
Lexode rural, lurbanisation désordonnée, lallongement continu des distances domicile-travail, la surconsommation énergétique, la fragilité de notre tissu de PME-PMI, la reprise de la concentration des centres de décision en région parisienne, ou encore lappauvrissement environnemental ont été, et restent à ce jour, le prix à payer de cette façon de concevoir la production de richesses.
Dès la période ouverte par la rupture du système monétaire issu de laprès-guerre, puis par la première crise pétrolière en 1973, lidée quil fallait procéder autrement sest imposée.
Les conditions dramatiques dans lesquelles durent commencer à sopérer les reconversions de la mine et de la sidérurgie, ces symboles de notre histoire industrielle, accélérèrent certainement notre prise de conscience.
Pendant quelques années, nous eûmes à subir une mutation dont la compréhension ne fut pas simple : les politiques daménagement du territoire apparurent alors davantage comme des politiques réparatrices, de compensation, daccompagnement, de correction. Elles perdirent tout à la fois une partie de leur ambition et de leur prestige, et parurent condamnées à un certain déclin.
Ce nest que depuis quelques années, alors quil apparaît que nous sommes placés devant de véritables défis de civilisation, où ce qui change, ce sont les conditions de production et de partage de la richesse, que la nécessité dune relance de laménagement du territoire semble simposer.
La persistance dun chômage massif, le constat que la croissance est une condition nécessaire mais non suffisante de la pleine activité, les nouvelles mobilités et pratiques territoriales nées de linventivité des populations, tout cela a contribué à remettre à lordre du jour des réflexions politiques, les préoccupations dun usage plus équilibré des territoires.
Mais les conditions dans lesquelles lEtat agit se sont profondément transformées.
Ce nest pas seulement le contexte économique qui sest modifié. LEtat ne peut plus agir seul. Il ne peut plus conduire une politique en demandant à un certain nombre de ses grands commis de penser la carte de la France à une échéance donnée, et de dessiner la carte de loccupation de lespace français dans le futur.
La décentralisation, adoptée au début des années 1980, est devenue un fait. Les régions, les départements et les communes se sont habitués à un exercice libre des compétences qui leur ont été transférées, et auxquelles, à juste titre, ils nentendent pas renoncer. Parmi ces compétences, lintervention économique et laménagement de lespace figurent bien entendu au premier chef.
Dun autre côté, lintégration européenne de notre pays ne cesse de sapprofondir. Le champ dintervention des politiques communes sélargit, et cela correspond à la volonté politique affirmée par la France et par les autres pays européens. Quoique ce champ dintervention ne soit pas, dans les faits, une préoccupation communautaire, un schéma européen daménagement du territoire est en cours délaboration.
Enfin, lEtat doit compter avec la demande des citoyens, qui aspirent à un mode dexercice renouvelé de la démocratie. Cette demande doit être prise en compte par nous tous. Il faut trouver les modalités permettant dy répondre, si nous voulons réduire la fracture, souvent dénoncée, entre les citoyens et la classe politique.
Nous devons avoir en tête ce cadre général, pour aborder la discussion sur les objectifs et les méthodes que nous entendons mettre en uvre en matière daménagement du territoire.
Jen viens précisément maintenant aux objectifs de la loi dorientation pour laménagement et le développement durable du territoire.
Il sagit de consolider les acquis de la décentralisation, en renforçant les capacités dorganisation des territoires et la mobilisation des énergies au niveau local.
Cela peut se décliner en plusieurs points :
- favoriser linsertion de notre pays dans lensemble européen et dans les relations économiques internationales : jen ai déjà parlé.
- créer les conditions dun développement économique durable, valorisant notre territoire en le " ménageant " pour les générations futures ; - lutter contre le chômage et créer des emplois ;
- réduire les inégalités territoriales et renforcer la cohésion sociale ;
- améliorer la qualité de la vie de nos concitoyens ;
- donner à tous les mêmes chances de participer au développement économique, social et culturel de notre pays ;
- favoriser le développement local, par une offre de services de qualité, accessibles et mieux répartis sur lensemble du territoire, en ville comme à la campagne.
Le projet, que jai préparé avec mes collègues du Gouvernement, traduit lensemble de ces objectifs et de ces orientations.
Pour y parvenir, la planification territoriale et la programmation des actions doivent être le produit dune réflexion décentralisée et dun dialogue avec lEtat.
La planification territoriale à long terme sera élaborée dans le cadre de huit schémas de service collectif.
Ces huit schémas de services remplaceront le schéma national daménagement du territoire et les schémas sectoriels, prévus par la loi du 4 février 1995.
Afin dêtre en phase avec la renégociation des contrats de plan Etat-régions, des comités stratégiques ont dores et déjà été constitués. Ils réunissent, autour des ministères concernés et des administrations, leurs principaux interlocuteurs. Ces comités stratégiques ont établi des cahiers des charges : ils serviront de cadre à la réflexion qui va maintenant se dérouler dans les régions, sous limpulsion des préfets de région.
Il sagit bien de définir les priorités à long terme, puisque lhorizon de cette réflexion est de vingt ans. Bien entendu, ces prévisions devront être régulièrement actualisées dans le temps, en prenant en compte les résultats constatés des prochains contrats de plan Etat-régions.
En utilisant cette notion de " services collectifs ", le gouvernement veut inciter ses administrations et lensemble de ses interlocuteurs à une réflexion, qui ne se limite pas à laddition de projets dinfrastructures ou déquipements, mais qui permette la confrontation de diverses offres.
La planification territoriale doit sappuyer sur une évaluation des besoins exprimés par la population et les acteurs socio-économiques, des capacités existantes pour y répondre, et des solutions nouvelles qui peuvent être mises en uvre pour les satisfaire.
En dautres termes, il ne sagit pas de plaquer des réponses toutes faites à des situations particulières, mais de dialoguer, et dinnover.
Il ne sagit pas de piocher au coup par coup dans le stock des projets, mais de privilégier lajustement aux demandes, la rigueur dans la dépense publique, le contenu en emplois et linsertion environnementale. Il sagit donc de faire des choix, de dire ce qui est prioritaire et ce qui ne lest pas.
Les huit schémas de services collectifs prévus par la loi correspondent aux domaines privilégiés daction conjointe entre lEtat et les collectivités locales. Ils correspondent également à des domaines dintervention qui nécessitent une collaboration inter-régionale et une réflexion dans le cadre européen.
Ces schémas de services seront élaborés, comme vous le voyez, dans le cadre dun va-et-vient entre léchelon national et léchelon décentralisé.
À ce point de mon intervention, je voudrais répondre par avance à une question que vous vous posez : en abandonnant le schéma national daménagement du territoire prévu par la loi Pasqua, ne risque-t-on pas de perdre la nécessaire cohérence des grands choix de la politique daménagement du territoire ?
Je ne le pense pas, pour plusieurs raisons. La première cest que le schéma national prévu par la loi de 1995 établissait en réalité une fausse cohérence. Au bout du compte, il sest avéré nêtre que laddition de schémas sectoriels qui ne constituaient pas une politique densemble daménagement du territoire ; cest sans doute la raison pour laquelle cette démarche na jamais pu aller jusquà son terme.
La loi du 4 février 1995 a beaucoup fait rêver, elle a aussi déçu. Je pourrai détailler devant vous, si vous le souhaitez, toutes les dispositions de cette loi qui nont pas pu être traduites dans les faits. La bonne volonté de ceux qui lont soutenue nest pas en cause. Si cette loi est restée inaboutie, cest quelle a été élaborée à partir dun diagnostic unilatéral. Elle aura marqué la fin dun cycle plutôt que lavènement dune vision nouvelle.
Elle était fondée sur le postulat simplificateur dune France fracturée, écartelée entre la désertification des campagnes et lhyperconcentration de ses agglomérations. Enfin, elle exagérait le risque déclatement communautaire de notre identité nationale.
Cette vision ne traduit pas le constat lucide quil faut porter sur la quatrième puissance économique mondiale. La France dispose dune agriculture puissante, de villes performantes, dune population inventive, de réseaux efficaces de communications, de services publics de bon niveau, et despaces dont la qualité et la diversité en font la première destination touristique du monde.
De cette vision partielle et politiquement orientée, ne pouvaient naître que des stratégies défensives, oublieuses de la réalité. Et ce nest pas tout à fait un hasard si la loi de 1995 ne comporte aucune référence à lUnion européenne ni au fait urbain.
La vision tutélaire et, je vous laccorde, rassurante, du schéma national daménagement du territoire, de même que la conception recentralisatrice dans les faits, traduite par la loi Pasqua, ne correspondent ni à la réalité de lorganisation administrative et politique de notre pays depuis les lois de décentralisation, ni aux principes daction dun Etat moderne.
La démarche que je vous propose est donc aussi ambitieuse que celle de mes prédécesseurs. Elle permet une approche plus fine des problèmes, elle privilégie la concertation plutôt que la proclamation, lévaluation des solutions proposées, la mobilisation des partenaires autour de projets collectifs, plutôt que des décisions unilatérales se révélant ensuite inapplicables.
Laménagement du territoire doit sinscrire dans une démarche collective vers le développement durable.
Bien sûr, tout le monde est pour le développement durable. Cest devenu un thème à la mode, et la France, qui la adopté avec retard, a pris des engagements dans ce domaine au cours de diverses grandes conférences internationales. Mais au fond, quest-ce-que cela veut dire ? Il ne suffit pas de parler de durabilité pour faire effectivement évoluer les choses en ce sens.
Le terme même de développement intègre lidée de qualité, ignorée par le terme de croissance ; une politique de développement se choisit des objectifs plus ambitieux, plus complets, plus cohérents, et conformes à une haute idée de la richesse, de la diversité et de la dignité humaines.
Mais un développement nest durable que sil ne sécrète pas lui-même ses propres obstacles sociaux, environnementaux, économiques ou culturels : une vision trop exclusivement quantitative et sectorielle du progrès peut créer des situations insupportables, par exemple de graves déboires économiques.
Une telle vision peut endommager ou détruire de façon irréversible des ressources précieuses, qui ne sont pas toutes renouvelables, comme la diversité du vivant, source de son adaptabilité, ou le climat de la planète. Les exemples, hélas ! ne manquent pas dans le monde, mais aussi sur notre territoire, depuis les littoraux jusquaux montagnes.
Le développement durable implique donc, pour chacun de ses acteurs, la conscience forte de sa responsabilité vis-à-vis des autres. Nest-ce-pas dailleurs au premier chef le devoir et le mandat des élus ?
Pour ne donner que deux exemples, la garantie dune qualité de leau suffisante dans un bassin versant est un bien meilleur atout pour limplantation dactivités agro-alimentaires que toutes les aides financières imaginables ; il sagit dun comportement de prévention de base.
Dans un autre domaine, notre responsabilité à légard du climat que nous fabriquons pour nos enfants, responsabilité affirmée dans nos engagements internationaux quinspire lesprit de précaution, doit se traduire avec constance et raison dans les décisions daménagement du territoire.
Il faut donc, dans chacune de nos régions, une approche de développement durable pour les projets, une approche globale qui prenne en compte toutes leurs facettes, et valorise les opportunités en anticipant et limitant les risques. Une démarche qui respecte la diversité régionale, en garantissant une grande cohérence dans nos objectifs généraux.
Cest pourquoi je vous propose dadopter, à loccasion des prochains contrats de plan Etat-régions, une méthode commune de définition, de discussion et dévaluation de leur contenu. Cette méthode est exposée dans les schémas de services collectifs de transports, de santé, dénergie, des espaces naturels et ruraux, de culture, des télécommunications, de la recherche, qui ont été ou seront adressés aux préfets de région pour la concertation.
Ainsi, les projets dinvestissements, tels que la création dune infrastructure, passeront par un examen a priori de toutes les alternatives, à laune des conditions dun développement durable. Jinsiste sur cet examen a priori car, encore trop souvent, la concertation légale revient à demander lavis de la population sur un seul projet, décidé par quelques-uns, et quil nest plus possible de corriger quà la marge.
En outre, les facettes du développement, durable ou non, sont multiples, et les maires par exemple savent combien une décision prise à la hâte peut produire deffets pervers dans le fonctionnement de leur commune, parfois dans un tout autre domaine que celui duquel dépendait la décision initiale.
Il en est de même pour le fonctionnement des écosystèmes. Par exemple quand une pollution azotée en amont dune rivière peut faire apparaître des algues toxiques près de son embouchure, au grand dam des conchyliculteurs locaux.
Cest aussi le cas pour les décisions socio-économiques, puisque le Conseil général des Ponts Chaussées a montré, dès 1994, que le passage dune autoroute dans une région économiquement fragile présentait de forts risques de vider cette zone plus rapidement encore, au profit des pôles urbains reliés par cette voie.
Quel expert pourra garantir quil balaie lensemble des difficultés possibles, quil a en mémoire un nombre suffisant dexemples pour couvrir tous les champs danalyse ? Il faut donc recourir davantage à lexpertise contradictoire et multidisciplinaire, appuyée sur des experts indépendants.
Enfin, si lon veut que le développement durable ne soit pas quune figure de style, dans lintérêt même des décideurs et de ceux au nom desquels ils exercent leurs fonctions, les modes dévaluation et de suivi devront être définis simultanément aux projets quils visent, dans tous les domaines auxquels fait référence le développement durable. Il faudra élaborer des indicateurs, adaptés notamment aux objectifs généraux que sest assignée la collectivité nationale, dans un comportement de pleine responsabilité de la part des pouvoirs publics.
Je suis convaincue que cette méthode et ces principes seront mis en uvre avec dautant plus de succès que les représentants de lEtat dans les régions auront à cur de transmettre ce message de responsabilité, dorganiser dans cet esprit les débats publics nécessaires, et dassocier les citoyens, sous des formes appropriées, à lélaboration des décisions.
Quels meilleurs lieux et moments, pour cette participation, que les Conférences régionales daménagement et de développement du territoire (CRADT), auxquelles le présent projet de loi donne un rôle élargi, une légitimité accrue ?
Le gouvernement entend bien que sy trouvent reconnues toutes les facettes et tous les acteurs de linnovation : les représentants les plus dynamiques des PME-PMI ; les associations, avec lesquelles se construit aussi un partage plus équitable de lexpertise et un accès plus égal à de nouveaux services ; les entrepreneurs de la nouvelle économie sociale et solidaire, etc.
À la France qui monte et qui invente son avenir, nous proposons ainsi de prendre acte de sa diversité et de ses nouvelles formes de coopération.
Dans cet esprit, la politique daménagement du territoire doit favoriser lémergence et la concrétisation de projets fondés sur la valorisation des ressources, plutôt que la compensation de handicaps et la réparation des dégâts.
La politique daménagement du territoire a été longtemps dominée par les idées de compensation entre zones riches et zones pauvres, de péréquation, dimplantations autoritaires, soit ex nihilo, soit par le biais de " délocalisations ", dinfrastructures ou déquipements dans des régions réputées " défavorisées ".
Cest aussi lidée qui domine à Bruxelles, idée que traduisent les différents zonages avec lesquels vous avez dû vous habituer à vivre.
Je ne conteste pas la nécessité de ce rééquilibrage entre les moyens des uns et des autres. Mais si le rééquilibrage, notamment fiscal, est nécessaire, il nest pas suffisant.
Une conception de laménagement du territoire qui sen tiendrait à ce seul principe conduirait à installer des zones entières dans ce que jappellerais " la culture du handicap ".
LHistoire nous a appris que le caractère favorisé ou handicapé dune région était relatif et pouvait évoluer dans le temps. Telle région, hier prospère grâce à ses mines de charbon, sest trouvée soudain handicapée par ses friches industrielles et contrainte à de douloureux efforts de reconversion, alors que des zones réputées enclavées ont bénéficié du développement du tourisme, notamment du tourisme vert, et se sont enrichies.
Cest pourquoi jinsiste : aucune région ne peut concevoir un avenir résidant durablement et uniquement dans des ressources provenant de la péréquation entre régions. De même, le fait de brider la région parisienne ne garantit nullement une dynamique de développement pour les autres régions.
Le zonage du territoire communautaire ne constitue pas un but en soi, pas plus que le fait pour une région dêtre incluse dans une ou plusieurs zones.
La délimitation de zones na dintérêt que si elle permet, pendant une période de temps limitée, daccorder des moyens publics spécifiques pour mettre en place les conditions dun développement autonome des régions considérées. Dès lors quun zonage recouvre une part trop importante du territoire, ou quil devient pérenne, il manque son objectif.
Cest avec cette compréhension des choses quil nous faut aborder les négociations européennes sur la réforme des fonds structurels et la réforme des zonages qui laccompagnera. Avec le souci également de bien distinguer ce qui doit relever de la nécessaire solidarité européenne, et ce qui incombe aux solidarités locales.
Nous ne pouvons pas tout attendre des transferts nationaux ou communautaires. Ils sont là pour accompagner des démarches, mais ils ne peuvent remplacer la prise en charge, par chacun des niveaux de responsabilité, de la part dinitiatives qui lui revient. Cest ce quon appelle la subsidiarité.
Je rappelais tout à lheure quil ny a pas de territoires condamnés, mais des territoires sans projet. Bien entendu, il faut que les projets soient réalisables sur le territoire en question, quils y soient adaptés, et quils concourent à en exprimer les potentialités.
Lidée qui sous-tend le projet du Gouvernement, cest que lEtat aidera prioritairement ceux qui sorganisent pour élaborer un projet. LEtat récompensera la créativité, linitiative, la coopération entre les acteurs, la synergie des efforts, parce quen faisant cela, les dépenses publiques contribueront effectivement au développement de la richesse produite, à loccupation équilibrée du territoire, et pas simplement à la compensation des retards de développement.
Je suis consciente du fait que la capacité de mobilisation dépend aussi des moyens dont on dispose. Des moyens financiers, mais aussi et surtout des moyens en matière grise. Cest pourquoi le gouvernement a décidé, lors du dernier Comité interministériel daménagement et de développement du territoire (CIADT), de créer une section spéciale du FNADT, pour le financement de lingénierie de projets.
Laccès à linitiative est fondamental. Il sagit de redonner le goût dentreprendre, la culture de lautonomie.
Je propose un cadre favorable à cette culture, à lélaboration et au développement des projets que je viens dévoquer : ce cadre, cest celui des pays et des agglomérations.
Je souligne à cet égard que la cohérence entre le texte que je vous présente aujourdhui et celui que Jean-Pierre Chevènement vous proposera dans quelques semaines est totale. Il sagit de définir des conditions de création, de gestion, et de développement de ce nouveau cadre de coopération au service du développement des territoires que sont les pays et les agglomérations.
Le pays peut être défini très simplement comme un territoire de projet. Il ne sagit pas dun nouvel échelon dadministration territoriale, ni dune nouvelle collectivité locale. Ce qui définit le pays, cest son projet, traduit par une charte acceptée et signée par lensemble des partenaires.
Cest donc un cadre très souple, permettant dunir des volontés sur des territoires considérés par les acteurs eux-mêmes comme ayant une cohérence suffisante. Ces projets, ces territoires et la concrétisation de leur volonté seront accompagnés par lEtat dans le cadre des contrats de plan Etat-régions.
Le gouvernement souhaite encourager le développement des pays, sans faire preuve du moindre dogmatisme. Je nai pas en tête un quadrillage de la France en pays aux frontières établies. Plus modestement, et avec pragmatisme, je vous propose daccompagner un processus déjà à luvre avec lintercommunalité et la constitution déjà effective de nombreux pays. Cela ne fait que traduire le besoin largement ressenti de traiter un certain nombre de questions de développement local en dépassant les limites communales.
Pour sinscrire dailleurs dans une démarche de développement durable, les pays bénéficient de lexpérience irremplaçable des Parcs naturels régionaux : la capacité de ceux-ci à piloter de façon transversale des politiques locales intégrant lenvironnement est unanimement reconnue.
Les Parcs naturels régionaux, dont le nombre doit encore augmenter, profiteront eux-mêmes beaucoup de lémergence de nouveaux pays, avec lesquels les ajustements, pour autant que les uns et les autres jouent le jeu, devraient offrir de nouvelles opportunités de partenariat.
Les agglomérations, quant à elles, correspondent à un niveau dexigence supérieur. Elles ne pourront être constituées que sil existe dans un cadre territorial donné une agglomération centre de plus de 15 000 habitants et un ensemble de communes avoisinantes qui, au total, regroupent une population de 50 000 habitants, dotées dune taxe professionnelle unique, dans le cadre dun établissement public de coopération intercommunal (EPCI).
Ces agglomérations, elles aussi, auront la possibilité de passer des contrats avec lEtat en vue de réaliser les objectifs quelles se seront fixées.
Le Gouvernement voit dans ces communautés dagglomérations le cadre qui permettra réellement de développer la politique de la ville dont nous avons besoin pour faire face aux difficultés graves nées de lurbanisation incontrôlée. Ce que lon baptise hâtivement " crise des banlieues " est en effet une crise de la ville et du développement urbain. Elle ne pourra être traitée quen appréhendant cette réalité dans sa totalité, en faisant jouer effectivement les solidarités locales de projet dont je parlais tout à lheure.
Or, si lintercommunalité sest développée dans le monde rural, elle reste embryonnaire dans les aires urbaines. Il est urgent de donner limpulsion qui permettra la mise en place de ces structures indispensables à la maîtrise de la croissance urbaine, à la reconquête de la qualité de la vie, et à de meilleures relations entre les êtres humains dans les quartiers et les villes.
En fixant ce cadre pour les pays et les agglomérations, le Gouvernement ne définit pas de nouvelles collectivités territoriales, et ne modifie pas la répartition des compétences entre les collectivités locales issues des lois de décentralisation.
Il sagit dun pas en avant mesuré, et dune démarche pragmatique à laquelle le Gouvernement entend bien se tenir. Sans doute faudra-t-il un jour aller plus loin. La question de lexercice de la démocratie dans les instances de coopération intercommunale est posée avec de plus en plus dinsistance. Il faudra y répondre dans un futur proche. Le gouvernement a considéré que la discussion sur ce point nétait pas encore aboutie.
Mais, dores et déjà, le champ de leurs compétences feront des pays et des agglomérations, avec les régions, de vrais partenaires des contrats de plan.
Cest une des principales novations introduites dans la négociation des prochains contrats de plan Etat-régions. Elle fait suite au rapport élaboré par Jacques Chérèque à la demande du Gouvernement.
Les futurs contrats de plan Etat-régions comprennent donc deux volets : un volet régional, qui touche essentiellement aux équipements dintérêt général pour lensemble de la région, et un volet territorial, qui vise à encourager le développement et la concrétisation des projets des pays et des agglomérations.
Cette conception des futurs contrats de plan découle très naturellement de ce que jai dit tout à lheure sur la volonté du Gouvernement dencourager le développement local. La construction dinfrastructures est indispensable, mais elle ne suffira pas demain, pas plus quelle na suffi hier, pour assurer le développement harmonieux de tout le territoire. Cest pourquoi le volet territorial des contrats de plan est aussi important à mes yeux pour les contrats à venir.
Pour quils puissent voir le jour, encore faut-il laisser aux pays et aux agglomérations le temps de se constituer et de travailler, cest pourquoi ils disposeront de trois années pour élaborer leur projet, et ils pourront signer avec lEtat des contrats de plan jusquen 2003.
De même quelle introduit de nouveaux espaces de projet, la LOADDT fixe le cadre de lévolution sur le territoire des services rendus aux publics pour les années qui viennent.
Chacun en conviendra aisément : le " moratoire " décidé par le Gouvernement Balladur ne pouvait constituer une réponse définitive aux questions relatives à lévolution des services publics sur notre territoire. Peut-être a-t-il permis déviter des décisions dont les conséquences auraient pu être difficilement réparables pendant une période de réflexion. Mais, ce faisant, il a figé les inégalités et empêché lévolution des services, qui passe par la mise en adéquation des moyens et des besoins. Il a freiné les dynamismes des territoires, là où ils auraient pu émerger.
Cette réponse de lEtat na pas été satisfaisante. Toutes les enquêtes le montrent aujourdhui : les Français privilégient en effet la proximité des services publics et légalité de traitement entre les citoyens. Notre devoir est de répondre à cette demande.
Cest pourquoi la loi Pasqua avait prévu un certain nombre de dispositions pour organiser la sortie du moratoire. Nombre de ces dispositions sont restées lettre morte, notamment celle qui prévoyait lélaboration de schémas départementaux dévolution des services publics.
Les décisions du CIADT du mois de décembre, et le projet de loi que je vous soumets, fixent les règles de cette évolution future.
Les administrations devront élaborer des plans pluriannuels dévolution de leurs services. Elles transmettront ces plans à la Datar, qui les examinera et en vérifiera la cohérence.
La Datar conduira la concertation avec les préfets, et vérifiera avec eux les conséquences des programmes qui leur sont présentés dans lensemble des départements.
Les préfets, quant à eux, seront responsables de la conduite des négociations de la concertation, au niveau local, sur les évolutions souhaitables du service public.
Aucun service ne pourra être supprimé sans une étude dimpact préalable. Si un désaccord apparaît entre telle ou telle administration et les autorités territoriales, le préfet aura la possibilité dintroduire un recours suspensif auprès du ministre concerné, après une phase de négociations pour trouver une solution satisfaisante pour tous.
Dans le même temps, le Gouvernement a décidé de présenter, dans le projet que je défends devant vous, un certain nombre damendements permettant de constituer des maisons de service public, qui pourront être un cadre satisfaisant permettant doffrir un service de qualité sur lensemble du territoire.
Enfin, le Gouvernement a entendu les interrogations que se posaient beaucoup dentre vous sur la nécessité de fixer un cadre à lévolution de certains services publics comme, par exemple, le service postal. Cest pourquoi je vous proposerai des amendements permettant de transposer dans notre droit interne une directive communautaire intervenue dans ce domaine. Cette transposition est loccasion de répondre aux préoccupations qui sont les vôtres, et de vous apporter des garanties sur une offre de service équitablement répartie sur lensemble du territoire.
Le projet de loi que je vous présente aujourdhui sera discuté avec passion dans les jours qui viennent, si jen juge par le nombre des amendements qui ont été déposés. Cela ne me surprend pas, car il sagit dun enjeu essentiel pour notre société.
Je voudrais dailleurs rendre hommage à la qualité du travail accompli par le rapporteur, Philippe Duron, et par la Commission de la production et des échanges, que préside André Lajoinie. Elle a examiné plus de 500 amendements, et en a adopté 129. Je men félicite. Jy vois la traduction des relations normales entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Dans cette relation, il est juste et efficace que le travail parlementaire contribue à enrichir les projets du gouvernement.
Mesdames, Messieurs,
Il y a dans le projet que je soumets à votre approbation une certaine idée de la démocratie, de la République, et de la France
Elle ne sénonce ni au clairon, ni au canon, mais sinscrit comme contribution à un véritable projet global de développement pour notre pays.
Elle repose sur une confiance également répartie entre lEtat et le mouvement de toute la société civile, dont elle équilibre les rôles et les responsabilités.
Au lieu dentretenir les oppositions idéologiques binaires et caduques entre le national et le local, entre la société et la communauté, entre le petit et le grand, entre la mobilité et lidentité, elle sattache à ce qui relie, au contrat qui fait passerelle, cest-à-dire aux conditions contemporaines par lesquelles se produit et saffiche lintérêt général.
Loin de sinscrire dans lapologie de la nouveauté sans critique, elle redonne du contenu et de la matière aux cadres traditionnels de notre démocratie, que sont par exemple la commune et les départements.
Mais elle considère aussi que lexercice de la responsabilité des individus, des groupes et des collectivités, ne fonctionne bien quà des niveaux adaptés. Nous avons à faire lapprentissage des formes de plus en plus fines dorganisation quimpliquent des flux et des gestions de plus en plus complexes : on ne pilote pas la biodiversité aux mêmes échelles que le traitement social du chômage, le patrimoine culturel comme les déchets, les échanges transfrontaliers comme les bassins demplois.
En ce sens, lambition que je vous propose, cest de revisiter notre façon commune de faire de la politique, par un dialogue renouvelé avec nos concitoyens, leur quotidien, leurs savoir-faire.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Jespère vous avoir convaincus que par notre démarche, cest la politique elle-même qui retrouvera une part de son crédit et de sa dignité.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.environnement.gouv.fr )