Texte intégral
O. de Lagarde Et avec nous, le secrétaire d'Etat à la prospective et à l'évaluation des politiques publiques. Le Premier ministre vous a chargé, avec J.-L. Borloo, d'une mission sur ce que pourrait être cette fameuse TVA sociale, qui fait couler beaucoup d'encre et beaucoup de salive... Sur le sujet, F. Fillon a parlé d'une "mesure ni de droite ni de gauche". Sur notre antenne, à 7h30 ou juste avant, H. Emmanuelli vous a accusé d'être une sorte d'alibi du fait de votre passé de gauche.
R.- C'est curieux si d'avoir un passé de gauche nous donne vocation à être alibi. C'est surprenant de la part de H. Emmanuelli. H. Emmanuelli est un garçon d'habitude plus nuancé, mais là on est en période de campagne et d'élections législatives. Sur le fond, est-ce qu'il y a beaucoup d'économistes de gauche qui se posent la question ? Bien sûr, je peux en témoigner, j'ai travaillé avec beaucoup d'entre eux lorsque j'étais au Parti socialiste. Et puis, fondamentalement, regardez le projet du Parti socialiste pour l'élection présidentielle. Il comportait un basculement des cotisations patronales sur ce qu'on appelait la "cotisation valeur ajoutée". C'était bien la preuve que le Parti socialiste se posait la même question, et cette mesure-là avait été adoptée à l'unanimité au Congrès du Mans. Autrement dit, je crois que F. Fillon a raison : cette question d'asseoir la protection sociale sur autre chose que les salaires est une question qui transcende les clivages politiques.
Q.- Avez-vous gardé des amis au Parti socialiste ?
R.- Bien sûr.
Q.- Beaucoup ?
R.- Beaucoup.
[Pause]
R.- E. Besson, le Premier ministre vous a donc chargé d'une mission sur cette TVA sociale. Il faut que les gens qui nous écoutent comprennent bien de quoi il s'agit. En fait, il s'agit de faire financer une partie des assurances sociales par de la TVA. Cela signifie une hausse de la TVA de combien de points ?
Q.- Vous dites "il s'agit". A ce stade, on est à l'étude... Il s'agirait !
R.- Il s'agirait. Le candidat N. Sarkozy devenu président de la République n'avait jamais masqué le fait qu'il s'interrogeait sur le système de financement de la protection sociale. On a un système de financement de la protection en France qui est assis sur le salaire, c'est-à-dire sur le fruit du travail, c'est né au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à une époque où l'on ne connaissait pas le chômage et où le pays n'était pas ouvert, mondialisé comme on dit aujourd'hui. La question qui est posée, c'est : est-ce qu'il faut trouver ce qu'on appelle une autre assiette, une autre base au financement de notre protection sociale ? Est-ce qu'il faut augmenter la TVA et baisser les cotisations sociales ? Lorsque vous recevez 100 euros de salaire net, il faut savoir que le coût du travail, c'est à peu près 200 euros, autrement dit l'ensemble des cotisations que vous payez et que paie votre employeur, c'est à peu près l'équivalent de ce que vous percevez en salaire net. Donc la question est légitime : est-ce que pour défendre la production française, pour défendre l'emploi, pour défendre le pouvoir d'achat des salariés, il faut augmenter la TVA et baisser les cotisations sociales ? C'est cette question qui est posée, mais lorsqu'il m'a confié cette mission et lorsqu'il nous a confié à J.-L. Borloo et moi, puisqu'on a des études complémentaires, le Premier ministre ne nous a pas dit : il faut arriver à ce résultat. Nous avons entière liberté de réflexion et dans les six semaines qui viennent, je compte l'utiliser à plein.
Q.- Mais cela signifie quand même une hausse de la TVA ?
R.- Oui, ce serait, si c'est décidé ; vous avez entendu le Premier ministre à la télévision hier soir, il a dit que cela ne se ferait pas avant 2009 s'il prenait la décision. Ce serait une hausse de la TVA compensée par une baisse des cotisations sociales. Autrement dit, on n'augmente pas l'ensemble des prélèvements obligatoires, l'ensemble des impôts et des taxes, mais c'est un jeu de transferts : plus de TVA, moins de cotisations sociales.
Q.- Est-ce que tous les produits seront concernés ?
R.- Je ne sais pas. Je suis au premier jour de cette étude, vous posez des questions qui relèveraient de la fin de l'étude et qui relèveraient surtout de la décision du Premier ministre et du président de la République. Moi je vais faire une étude sur laquelle je vais dire : voilà les conditions dans lesquelles cela pourrait marcher, voilà ce que serait l'observation de ce qui a été fait à l'étranger, puisque vous savez que le Danemark d'une part, l'Allemagne plus récemment d'autre part, ont eu recours à cette formule dite de TVA sociale. Est-ce que cela a marché ? La réponse est plutôt oui d'après ce que disent les économistes...
Q.- Oui, mais en Allemagne la TVA était plus faible.
R.- Absolument. Ce n'est pas exactement les mêmes conditions. Donc il faut regarder ces expériences étrangères et se poser la question. Et puis il faut consulter les partenaires sociaux. Le Premier ministre y a largement insisté, il veut que nous travaillions avec les partenaires sociaux pour sonder leur réaction.
Q.- Est-ce que ce système, il ne s'agit pas simplement d'un nouveau cadeau fait aux entreprises ?
R.- Absolument pas. D'abord, le choix n'est pas fait, vous pouvez avoir des baisses de cotisations sociales, employeur ou salarié, ce sera au Premier ministre d'arbitrer le moment venu. Et deuxièmement, si vous faites baisser le coût du travail et vous favorisez la production en France, c'est un cadeau fait à l'emploi, c'est un cadeau fait à la lutte contre les délocalisations.
Q.- Mais comment vous pouvez être sûr que les entreprises baisseront leurs prix, une fois que vous aurez soulagé des charges sociales ?
R.- Vous n'êtes jamais certain. C'est pour ça que le Premier ministre a dit que dans les études qu'il attend de J.-L. Borloo et de moi, cette question est posée : est-ce que l'on peut trouver en accord avec les partenaires sociaux des mécanismes qui font que les prix n'augmenteront pas ? Il a mis cette condition comme condition sine qua non à une éventuelle mise en application de la TVA sociale.
Q.- J'en reviens sur cette idée du pouvoir d'achat, parce que les critiques sont très vives sur ce point. Une hausse de la TVA cela se traduit forcément par une baisse du pouvoir d'achat, la défense du pouvoir d'achat...
R.- Non, pas forcément ; si c'est compensé par une baisse des cotisations sociales et que votre salaire net augmente, ce n'est pas mécanique.
Q.- Mais cela va compenser véritablement ?
R.- A partir du moment où le Premier ministre dit : l'ensemble des prélèvements obligatoires, des impôts et des taxes n'augmenteront pas, j'augmente A et je baisse B dans un ensemble.
Q.- Donc vous prenez d'une main et vous donnez de l'autre ?
R.- Absolument. C'est un jeu de transfert interne. Il faudra voir quand le Premier ministre prendra la décision. Mais pour l'instant, au départ, on est bien à prélèvements obligatoires constants, c'est-à-dire sans augmenter les impôts et taxes. Et je vous rappelle qu'il a dit très clairement que la TVA n'augmenterait pas cet automne et que l'augmentation de la TVA ne serait pas inscrite dans le projet de loi de finances pour 2008.
Q.- E. Besson, alors vous le rappeliez au départ, pour l'heure cette idée de TVA sociale n'est qu'un projet. Bon, imaginons que vous l'abandonniez, comment est-ce que vous financeriez le déficit de la Sécurité sociale, 10 milliards d'euros par an ?
R.- Ce sont des choses totalement distinctes. Le Premier ministre et le ministre de la Santé vous répondront sur ce point précis. On est là sur une réflexion de moyen et de long terme : faut-il changer notre système de protection sociale ? Et puis vous avez un projet de loi de finances, et puis vous avez les comptes de la Sécurité sociale. Tout ça sera arbitré pour le projet de loi finances pour 2008. Ce n'est pas mon secteur ministériel, ce n'est pas à moi d'anticiper sur des décisions que prendront les ministres et le Premier ministre.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 13 juin 2007
R.- C'est curieux si d'avoir un passé de gauche nous donne vocation à être alibi. C'est surprenant de la part de H. Emmanuelli. H. Emmanuelli est un garçon d'habitude plus nuancé, mais là on est en période de campagne et d'élections législatives. Sur le fond, est-ce qu'il y a beaucoup d'économistes de gauche qui se posent la question ? Bien sûr, je peux en témoigner, j'ai travaillé avec beaucoup d'entre eux lorsque j'étais au Parti socialiste. Et puis, fondamentalement, regardez le projet du Parti socialiste pour l'élection présidentielle. Il comportait un basculement des cotisations patronales sur ce qu'on appelait la "cotisation valeur ajoutée". C'était bien la preuve que le Parti socialiste se posait la même question, et cette mesure-là avait été adoptée à l'unanimité au Congrès du Mans. Autrement dit, je crois que F. Fillon a raison : cette question d'asseoir la protection sociale sur autre chose que les salaires est une question qui transcende les clivages politiques.
Q.- Avez-vous gardé des amis au Parti socialiste ?
R.- Bien sûr.
Q.- Beaucoup ?
R.- Beaucoup.
[Pause]
R.- E. Besson, le Premier ministre vous a donc chargé d'une mission sur cette TVA sociale. Il faut que les gens qui nous écoutent comprennent bien de quoi il s'agit. En fait, il s'agit de faire financer une partie des assurances sociales par de la TVA. Cela signifie une hausse de la TVA de combien de points ?
Q.- Vous dites "il s'agit". A ce stade, on est à l'étude... Il s'agirait !
R.- Il s'agirait. Le candidat N. Sarkozy devenu président de la République n'avait jamais masqué le fait qu'il s'interrogeait sur le système de financement de la protection sociale. On a un système de financement de la protection en France qui est assis sur le salaire, c'est-à-dire sur le fruit du travail, c'est né au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à une époque où l'on ne connaissait pas le chômage et où le pays n'était pas ouvert, mondialisé comme on dit aujourd'hui. La question qui est posée, c'est : est-ce qu'il faut trouver ce qu'on appelle une autre assiette, une autre base au financement de notre protection sociale ? Est-ce qu'il faut augmenter la TVA et baisser les cotisations sociales ? Lorsque vous recevez 100 euros de salaire net, il faut savoir que le coût du travail, c'est à peu près 200 euros, autrement dit l'ensemble des cotisations que vous payez et que paie votre employeur, c'est à peu près l'équivalent de ce que vous percevez en salaire net. Donc la question est légitime : est-ce que pour défendre la production française, pour défendre l'emploi, pour défendre le pouvoir d'achat des salariés, il faut augmenter la TVA et baisser les cotisations sociales ? C'est cette question qui est posée, mais lorsqu'il m'a confié cette mission et lorsqu'il nous a confié à J.-L. Borloo et moi, puisqu'on a des études complémentaires, le Premier ministre ne nous a pas dit : il faut arriver à ce résultat. Nous avons entière liberté de réflexion et dans les six semaines qui viennent, je compte l'utiliser à plein.
Q.- Mais cela signifie quand même une hausse de la TVA ?
R.- Oui, ce serait, si c'est décidé ; vous avez entendu le Premier ministre à la télévision hier soir, il a dit que cela ne se ferait pas avant 2009 s'il prenait la décision. Ce serait une hausse de la TVA compensée par une baisse des cotisations sociales. Autrement dit, on n'augmente pas l'ensemble des prélèvements obligatoires, l'ensemble des impôts et des taxes, mais c'est un jeu de transferts : plus de TVA, moins de cotisations sociales.
Q.- Est-ce que tous les produits seront concernés ?
R.- Je ne sais pas. Je suis au premier jour de cette étude, vous posez des questions qui relèveraient de la fin de l'étude et qui relèveraient surtout de la décision du Premier ministre et du président de la République. Moi je vais faire une étude sur laquelle je vais dire : voilà les conditions dans lesquelles cela pourrait marcher, voilà ce que serait l'observation de ce qui a été fait à l'étranger, puisque vous savez que le Danemark d'une part, l'Allemagne plus récemment d'autre part, ont eu recours à cette formule dite de TVA sociale. Est-ce que cela a marché ? La réponse est plutôt oui d'après ce que disent les économistes...
Q.- Oui, mais en Allemagne la TVA était plus faible.
R.- Absolument. Ce n'est pas exactement les mêmes conditions. Donc il faut regarder ces expériences étrangères et se poser la question. Et puis il faut consulter les partenaires sociaux. Le Premier ministre y a largement insisté, il veut que nous travaillions avec les partenaires sociaux pour sonder leur réaction.
Q.- Est-ce que ce système, il ne s'agit pas simplement d'un nouveau cadeau fait aux entreprises ?
R.- Absolument pas. D'abord, le choix n'est pas fait, vous pouvez avoir des baisses de cotisations sociales, employeur ou salarié, ce sera au Premier ministre d'arbitrer le moment venu. Et deuxièmement, si vous faites baisser le coût du travail et vous favorisez la production en France, c'est un cadeau fait à l'emploi, c'est un cadeau fait à la lutte contre les délocalisations.
Q.- Mais comment vous pouvez être sûr que les entreprises baisseront leurs prix, une fois que vous aurez soulagé des charges sociales ?
R.- Vous n'êtes jamais certain. C'est pour ça que le Premier ministre a dit que dans les études qu'il attend de J.-L. Borloo et de moi, cette question est posée : est-ce que l'on peut trouver en accord avec les partenaires sociaux des mécanismes qui font que les prix n'augmenteront pas ? Il a mis cette condition comme condition sine qua non à une éventuelle mise en application de la TVA sociale.
Q.- J'en reviens sur cette idée du pouvoir d'achat, parce que les critiques sont très vives sur ce point. Une hausse de la TVA cela se traduit forcément par une baisse du pouvoir d'achat, la défense du pouvoir d'achat...
R.- Non, pas forcément ; si c'est compensé par une baisse des cotisations sociales et que votre salaire net augmente, ce n'est pas mécanique.
Q.- Mais cela va compenser véritablement ?
R.- A partir du moment où le Premier ministre dit : l'ensemble des prélèvements obligatoires, des impôts et des taxes n'augmenteront pas, j'augmente A et je baisse B dans un ensemble.
Q.- Donc vous prenez d'une main et vous donnez de l'autre ?
R.- Absolument. C'est un jeu de transfert interne. Il faudra voir quand le Premier ministre prendra la décision. Mais pour l'instant, au départ, on est bien à prélèvements obligatoires constants, c'est-à-dire sans augmenter les impôts et taxes. Et je vous rappelle qu'il a dit très clairement que la TVA n'augmenterait pas cet automne et que l'augmentation de la TVA ne serait pas inscrite dans le projet de loi de finances pour 2008.
Q.- E. Besson, alors vous le rappeliez au départ, pour l'heure cette idée de TVA sociale n'est qu'un projet. Bon, imaginons que vous l'abandonniez, comment est-ce que vous financeriez le déficit de la Sécurité sociale, 10 milliards d'euros par an ?
R.- Ce sont des choses totalement distinctes. Le Premier ministre et le ministre de la Santé vous répondront sur ce point précis. On est là sur une réflexion de moyen et de long terme : faut-il changer notre système de protection sociale ? Et puis vous avez un projet de loi de finances, et puis vous avez les comptes de la Sécurité sociale. Tout ça sera arbitré pour le projet de loi finances pour 2008. Ce n'est pas mon secteur ministériel, ce n'est pas à moi d'anticiper sur des décisions que prendront les ministres et le Premier ministre.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 13 juin 2007