Déclaration de M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, sur le statut et le développement de Saint-Martin, Saint-Martin le 15 juillet 2007.

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Circonstance : Déplacement de M. Christian Estrosi en Guadeloupe et déclaration devant le conseil territorial de Saint-Martin, le 15 juillet 2007

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les conseillers,

Je suis très heureux, pour mon premier déplacement en outre-mer en ma qualité de ministre chargé de l'outre-mer, de m'exprimer devant vous ce 15 juillet.
Cette journée est, en effet, historique. Avec l'installation de votre conseil territorial, c'est une nouvelle page de l'histoire de votre communauté qui s'ouvre aujourd'hui. Comme vous l'avez rappelé, Monsieur le Président, des occasions ont été manquées, dans le passé, de doter Saint-Martin d'un statut adapté à sa situation et à ses potentialités.
Le temps passant, l'inadaptation du statut communal s'appliquant à la partie française d'une île partagée entre deux Etats, mais sans frontière réelle, s'est révélée avec éclat, au détriment de vos intérêts. Du côté néerlandais, la souplesse de l'autonomie et la faiblesse des contraintes européennes ont conduit à un développement spectaculaire.
Le statut nouveau permettra de mener plus facilement les politiques nécessaires à un développement harmonieux de Saint-Martin.
Heureusement, la révision constitutionnelle de mars 2003, que Brigitte GIRARDIN a présentée et défendue avec conviction, pour l'application des engagements de Jacques CHIRAC, vous a ouvert les portes d'une évolution qui apparaissait de plus en plus souhaitable. Cette évolution, Nicolas SARKOZY l'a toujours approuvée, comme membre du Gouvernement, tant au moment de la révision constitutionnelle qu'à celui de la discussion de la loi organique. J'ai voté la première comme député ; j'ai approuvé la seconde en ma qualité de ministre.
L'adhésion des élus de la Guadeloupe au projet d'évolution, son acceptation par les électeurs le 7 décembre 2003, son adoption à la quasi-unanimité du Parlement et sa validation par le Conseil constitutionnel ont marqué les étapes d'un processus qui s'est achevé dimanche dernier, 8 juillet, par l'élection de votre conseil territorial.
Un chapitre nouveau s'ouvre donc, celui de la mise en oeuvre du statut défini par la loi organique du 21 février 2007.
Vous serez, Monsieur le Président, en charge de cette mise en oeuvre, à la tête de la collectivité et soutenu par la large majorité que les électeurs vous ont accordée le 8 juillet.
Je connais votre attachement viscéral à votre île, et votre engagement personnel très fort, durant de longues années, cher Louis-Constant, en faveur de l'évolution statutaire. Je mesure donc la joie qui est la vôtre, aujourd'hui, de pouvoir enfin entamer l'oeuvre de redressement de Saint-Martin, tout comme j'ai moi-même l'honneur, au sein du Gouvernement de la République, de contribuer, à l'application des engagements du Président de la République. Nicolas SARKOZY m'a chargé de vous transmettre le témoignage renouvelé de son amitié et de la confiance qu'il place en vous dans la lourde tâche qui vous attend.

Cette tâche, elle sera immense.
D'abord en raison de l'importance des compétences qui vont ou qui vous seront conférées : des compétences des communes, du département et de la région. Mais aussi les compétences du législateur. Les décisions que prendra votre assemblée vous rendent largement maîtres de votre destin au sein de la République.
Les défis à relever sont nombreux, car la nouvelle collectivité d'outre-mer hérite d'une situation qui peut être améliorée.
Ainsi, dans le domaine de la lutte contre la délinquance ou contre l'immigration illégale, ce serait mentir que d'affirmer que tout va bien... Certaines insuffisances des services publics, certes d'origine ancienne, continuent de produire leurs effets. Il faut donc y remédier.
D'abord, et bien naturellement, par l'application à Saint-Martin, avec les adaptations nécessaires, de l'ensemble des mesures que le Parlement et le Gouvernement prendront pour tout le territoire de la République. L'oeuvre de redressement engagée au niveau de la Nation doit donc porter ses fruits à Saint-Martin comme partout en France.
Mais aussi par la mise en place de dispositifs adaptés. Ainsi, dès qu'aura été adoptée la loi sur l'immigration présentée par Brice HORTEFEUX, je proposerai une ordonnance fixant, pour Saint-Martin, une législation spécifique pour l'entrée et le séjour des étrangers. Ce texte vous sera soumis pour avis. Dans ce domaine encore, la ratification prochaine par les autorités néerlandaises du traité sur le contrôle conjoint des aéroports de l'île, nous permettra une avancée significative dans le contrôle de l'immigration clandestine.
Dans le domaine de la lutte contre la délinquance, le renforcement des institutions judiciaires présentes à Saint-Martin s'impose. J'en saisirai personnellement ma collègue Rachida DATI afin d'accélérer ce dossier. Mais il faut savoir que ces évolutions posent des problèmes d'ordre budgétaire et d'affectation des ressources humaines qui ne se règlent pas si aisément.

Je rappelle que :
Le terrain pour la maison d'arrêt est réservé (le projet doit cependant être accéléré : horizon 2012 actuellement).
Le projet de visio-conférence entre la gendarmerie de Saint-Martin et le parquet Basse-Terre sera réalisé fin 2007.
L'ouverture d'un local de rétention administrative se fera en janvier 2008.
La création d'une antenne OCRTIS à St Martin (10 gendarmes et policiers) se fera au premier trimestre 2008.
La réflexion est en cours sur un accroissement des effectifs de la gendarmerie à St Martin déjà renforcés en 2006.
L'Etat est donc bien décidé à procéder à des efforts conséquents pour Saint-Martin, car l'autonomie n'a pas été conçue et ne doit pas avoir pour conséquence un quelconque désengagement de l'Etat ; bien au contraire, nous voulons à Saint-Martin comme dans tout l'outre-mer, un Etat fort, un Etat efficace et qui remplisse ses missions. La nomination d'un préfet délégué en a constitué l'un des premiers signes ; la réorganisation des services de l'Etat et le renforcement de ses effectifs suivront. L'arrivée prochaine d'un inspecteur d'académie, puis d'un directeur du travail, constituent également des avancées importantes, qu'il convient de souligner.
Votre collectivité devra faire face, dans les années à venir, à d'importants programmes d'investissement en matière d'équipements publics de base. Les besoins en financement sont donc importants. Je prépare actuellement une loi de programme, qui viendra compléter et améliorer la loi GIRARDIN. Je ferai en sorte que les dispositifs que nous proposerons puissent produire à Saint-Martin tous leurs effets, même si, en matière fiscale, il conviendra naturellement de faire le partage entre ce qui relève désormais de la collectivité d'outre-mer et ce qui relève de l'Etat. Sans doute faudra-t-il envisager des actions spécifiques pour Saint-Martin, compte tenu de vos retards dans divers secteurs. Je sais que le Gouvernement peut compter sur la nouvelle équipe dirigeante pour lui proposer les éléments d'un plan de rattrapage prévu dans son principe par la loi organique. Nous étudierons ensuite comment le mettre en oeuvre, dans le contexte budgétaire difficile que connaît notre pays.
Mais le redressement de Saint-Martin doit passer également par des efforts consentis ici. Il faut rompre avec certaines habitudes du passé : ainsi le taux de recouvrement des impôts, notoirement insuffisant, doit-il être amélioré. De même pour la gestion des finances locales. Je sais, Monsieur le Président, que nous pouvons tous compter sur votre résolution pour mettre en place, ici, une nouvelle gouvernance.
Cette confiance renouvelée entre les institutions locales et l'Etat nous permettra de mener, ensemble et en étroite concertation, Saint-Martin sur la voie du redressement et du développement, car votre ??le ne manque pas d'atouts, et la partie française peut parfaitement relever les défis, nombreux, qui s'adressent à elle.
Nommé depuis moins d'un mois, sous l'autorité du Président de la République qui a pris ses fonctions il y a tout juste deux mois, je ne suis pas venu, aujourd'hui, vous apporter des réponses complètes et des solutions toutes préparées aux nombreuses questions qui se posent à votre collectivité. La présente séance et son caractère, à la fois historique et solennel, ne s'y prêtent d'ailleurs pas. Nous entamons aujourd'hui une phase nouvelle, dont chacun doit bien mesurer l'importance politique. Cohabitant sur la même île avec une collectivité étrangère fortement autonome, votre collectivité change aujourd'hui totalement de dimension politique : vous avez les pouvoirs de trois niveaux de collectivité territoriale ; vous avez une part du pouvoir législatif. Vous êtes l'une des douze composantes de la France d'outre-mer, et non plus seulement l'une des 36 000 communes de la République.
Forts de cette nouvelle « visibilité », et du statut que la Constitution reconnaît à vos « intérêts propres », vous pouvez mieux faire valoir votre point de vue dans les processus de détermination des politiques publiques. L'entrée en vigueur progressive de votre représentation parlementaire spécifique y contribuera également.
Dans l'attente de nouveaux contacts entre nous, je souhaite attirer votre attention sur deux points :
d'abord sur la question de l'évaluation des charges afférentes aux compétences qui vous sont accordées par la loi organique : une fois ces charges évaluées, elles seront intégralement compensées, comme l'exige la Constitution. Les nouvelles compétences ne seront exercées qu'après cette évaluation, qui se fera dès la mise en place de la commission prévue à cet effet, c'est-à-dire en septembre.
Vos dotations pour 2008 tiendront naturellement compte de cette évaluation.
Ensuite sur votre statut européen et votre éligibilité aux fonds structurels : notre position est bien que vous êtes toujours soumis au statut de R.U.P. et que vous êtes bien éligibles à ces fonds. Nous avons, en ce sens, des arguments très solides. A ce stade, nous en discutons avec la Commission et l'accueil que j'y ai reçu sur ce point, dans mes contacts avec la Commissaire Danuta HUBNER, sont très positifs. Nous allons encore discuter pour arriver à la solution la meilleure. Mais nous devons aussi savoir quel est votre souhait sur votre avenir européen. Votre assemblée possède la légitimité politique nécessaire pour nous le dire.
Je vous invite donc à vous exprimer sur ce point, dans le cadre d'un voeu, dès que possible, car les négociations vont bientôt s'ouvrir sur la révision des traités et nous devons pouvoir défendre votre position.
Voilà, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les conseillers, quelques éléments que je souhaitais porter à votre connaissance. Je connais vos attentes, dans de nombreux domaines, vis à vis de l'Etat. Elles seront satisfaites, dans la mesure du possible, pour ce qui concerne les compétences régaliennes. Mais l'autonomie impose aussi des devoirs, et d'abord celui d'exercer les compétences que l'on a réclamées et obtenues à ce titre. Je suis certain que vous saurez, sous l'impulsion du Président Louis-Constant FLEMING, relever ce formidable défi.
Au nom du Gouvernement de la République, je forme devant vous les voeux les plus forts et les plus chaleureux de succès dans cette formidable entreprise.
Vive Saint-Martin,
Vive la République,
Vive la France.

Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 16 juillet 2007