Interview de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat à l'écologie, à France 2, sur les propositions des groupes de travail du Grenelle de l'environnement.

Prononcé le

Circonstance : Présentation des propositions des groupes de travail du Grenelle de l'environnement, à Paris le 27 septembre 2007

Média : France 2

Texte intégral

F. Laborde.- Nous allons parler, ce matin, avec [vous] d'environnement et plus précisément du "Grenelle de l'environnement". Hier, les six groupes de travail ont présenté leurs différentes propositions. Un mot, peut-être, quand même, sur la procédure de ce "Grenelle de l'environnement". On est à la phase des propositions, et vont s'engager maintenant les débats, c'est cela ?

R.- En fait, hier, c'était à la fois le bilan d'une première phase - les groupes de travail présentaient leurs propositions - mais c'est surtout le lancement de la deuxième qui est peut-être la plus importante, qui est la consultation des Français. Et donc, depuis hier, sur le site Internet dédié à cet effet, mais aussi dans les forums en régions - il va y en avoir une vingtaine un peu partout en France -, il faut aller s'exprimer et dire quelles sont les propositions qui vous intéressent, sur lesquelles vous êtes prêts à vous engager, quels sont les sujets, dont vous trouvez d'ailleurs qu'on n'en a pas assez parlé, parce que il y en a aussi.

Q.- Cela veut dire que vous tiendrez compte des suggestions des Français, de leur opinion, favorable ou défavorable ?

R.- Bien sûr. En fait, là, il y a une série de...il y a plus d'une centaine de propositions, et la question est, finalement, sur quoi on est prêt à se mobiliser, qu'est-on prêt à mettre en oeuvre ? Les Français ont vocation à éclairer un petit peu ce qui a été fait avec leur choix, et puis éventuellement l'enrichir. Parce que, je le disais, je pense qu'il y a des sujets qui n'ont peut-être pas été complètement abordés, et sur lesquels les Français ont une sensibilité particulière.

Q.- Il y a un certain nombre de sujets sur lesquels il y a, semble-t-il, un consensus. Par exemple, la réduction de la vitesse : on s'est rendus compte que les Français n'y étaient pas fondamentalement opposés. L'écopastille, là encore, c'est pour les automobiles.

R.- L'écopastille, cela consiste à avoir un petit bonus, quand vous êtes à moins, par exemple, de 120 g/km, 120 g de dioxyde de carbone, et puis un malus quand vous êtes à plus de 140 gr.

Q.- La taxe sur les poids-lourds ?

R.- La taxe sur les poids-lourds, c'est une "écoredevance", en fait, une "écoredevance" kilométrique. L'idée c'est de faire payer le juste prix écologique, c'est quelque chose qui traverse les propositions du "Grenelle de l'environnement" : faire payer le juste prix écologique aux poids-lourds, et puis, éventuellement, de lever aussi des nouveaux fonds pour pouvoir, par exemple, financer le transport alternatif, le ferroutage, le transport fluvial, tout cela coûte cher.

Q.- Y compris les poids-lourds étrangers, qui traversent le territoire ?

R.- Y compris les poids-lourds étrangers. Oui. C'est la force de la proposition en fait. Actuellement, on a une fiscalité qui pèse seulement sur nos poids-lourds nationaux. Les poids-lourds étrangers ne payent rien. Or, dans les pays voisins, ils payent et donc, ils ont tendance à se déporter chez nous. Evidemment, ce n'est pas...

Q.- Ce n'est pas juste. Vous parliez justement du "prix écologique", c'est cette prise de conscience-là aussi que vous voudriez que les Français aient, à chacun de leurs gestes de consommateur de tous les jours ?

R.- Oui, c'est un problème, qui est qu'on a... On a beaucoup d'envie de faire bien en matière d'environnement, mais on se demande aussi : mais, finalement, que peut-on faire ? Et parfois, on est un petit peu schizophrène, c'est-à-dire qu'on a des grands objectifs, on a des grands principes, et finalement, quand on est avec son caddy au supermarché, eh bien on achète le tout-venant. L'idée du "prix écologie", c'est mettre à côté du prix économique - celui qu'on va payer - qu'est-ce que cela coûte à la planète ? Il y a une grande marque de distribution récemment qui s'est engagée là-dessus, à mettre sur chacun de ses produits sous marque combien de kilomètres ont été parcourus par un produit. Et là, on se rend compte de choses intéressantes.

Q.- Par exemple, le poisson n'arrive pas tout seul sous vide ?

R.- Le poisson, alors là, je me souviens, le filet de cabillaud il avait fait 3.000 km, parce qu'en fait, entre l'endroit où il a été pêché, l'endroit où il a été décortiqué, l'endroit où il a été mis sous vide, 3.000 km. Vous vous rendez compte, pour un petit filet de cabillaud ! Cela veut dire qu'il a dépensé beaucoup, beaucoup de gaz à effet de serre. Et c'est la même chose avec les fruits de saison, par exemple. On a oublié beaucoup, certains ont oublié, que les pommes et les poires poussent à l'automne, et quand elles sont là au printemps sur les étalages, c'est qu'elles viennent du Chili et qu'elles sont venues avec beaucoup de dioxyde de carbone.

Q.- Justement, cette agriculture biologique, en France on est dépendant d'importations cela veut dire qu'on est obligé de s'adresser essentiellement aux pays européens. Ce qui est absurde, parce que par définition l'agriculture biologique, on doit la manger fraîche.

R.- C'est assez aberrant. C'est un marché qui est très dynamique, l'agriculture biologique et avec raison. C'est intéressant. En fait, plus de 50 % de l'agriculture biologique consommée en France est importée. Elle est notamment importée d'Allemagne et importée par camions. Alors, ce n'est pas contre les Allemands, mais c'est vrai que ce serait mieux que ce soit en proximité. On a réussi à être autosuffisants en produits alimentaires après la Seconde Guerre mondiale, cela a été une démarche même collective, cela a été un projet national. On doit avoir maintenant comme projet national d'être autosuffisants et même ( ?) en agriculture bio. Donc, c'est l'un des objectifs qui ressort très fortement des groupes de travail du "Grenelle de l'environnement". C'est : soyons d'abord très vite autosuffisants en agriculture bio, et puis donnons-nous des objectifs en matière d'alimentation biologique et d'alimentation de qualité, notamment dans les cantines scolaires.

Q.- Alors, les cantines cela c'est important mais je voudrais qu'on revienne aussi aux bâtiments. Parce que vous avez beaucoup d'objectifs en terme de bâtiments écologiques. Mais la difficulté, c'est que, si moi, par exemple, je veux installer un chauffe-eau électrique, je m'adresse à qui, concrètement ?

R.- En fait, le problème qui a été identifié, c'est qu'on va avoir des objectifs très ambitieux sur les bâtiments neufs et sur la rénovation des bâtiments anciens, mais ce n'est pas seulement un problème financier, c'est aussi parfois un problème technique. C'est vrai que, si vous voulez mettre un chauffe-eau électrique, je ne vous le conseille pas, mettez un chauffe eau solaire.

Q.- Un chauffe-eau solaire, oui !

R.- Si vous voulez mettre un chauffe-eau solaire, vous n'aurez pas nécessairement le bon technicien. Et donc, l'idée c'est d'avoir un grand plan de formation et de créer une nouvelle spécialité. Je donne juste un exemple : si vous voulez mettre un chauffe-eau solaire, il faut en fait des raccordements d'eau. Le plombier qui peut les faire, il n'a pas l'assurance pour monter sur votre toit, et le couvreur qui a l'assurance pour monter sur votre toit ne sait pas nécessairement raccorder. Il faut arranger cela.

Q.- Mais, est-ce qu'au fond, on ne va pas revenir, avec cela avec un petit côté "made in France" des années 70, où en effet il y avait une prise de conscience des consommateurs qui disaient - alors c'était là, en l'occurrence : "Achetons français". Mais là, ça va être : "Faisons des achats de proximité et achetons écolo." ?

R.- Achetons qualité. Moi, je le disais, quand j'étais parlementaire, je recevais dans la permanence parlementaire des gens qui se plaignaient de la mondialisation et des délocalisations. Mais [je leur disais] : "S'il vous plaît, regardez l'étiquette. Sur votre veste, c'est tout du made in China". Il y a un moment, il faut qu'on soit cohérent. On ne peut pas être très fortement militant en faveur de l'environnement, et ne pas se poser de question au moment de pratiquer sa consommation, mais aussi tout simplement de se déplacer le matin.

Q.- Déplacement au biocarburant. Sur le biocarburant, il n'y a pas eu d'accord. Tout le monde ne dit pas forcément c'est la solution alternative. Parce que, finalement, il y a quand même des polluants dans les biocarburants ?

R.- Non. Quand J.-L. Borloo et moi on a lancé les groupes de travail au mois de juillet, on a dit très clairement : "on ne veut pas de consensus mou, on préfère que vous ne soyez pas d'accord et que vous disiez, on n'est pas d'accord plutôt que d'aller vers un consensus mou". Et, c'est cela qui ressort des groupes de travail. C'est qu'il y a des sujets sur lesquels il y a un accord, il y a des sujets sur lesquels cela se décide, puis il y a des sujets sur lesquels on n'a pas réussi à se rencontrer.

Q.- C'est quoi ? Le nucléaire ?

R.- Le nucléaire et les biocarburants. Les biocarburants, il n'y a pas eu de rencontre.

Q.- Et les OGM, finalement, qu'est ce qui va se passer ?

R.- Les OGM, cela a été plus intéressant. Il y a eu un groupe ad hoc qui a été mis en place, et il y a la convergence, au moins sur le point de vue qu'on ne peut pas rester comme on est, que ce qui s'est passé cet été avec le début d'affrontements dans les campagnes, que cela n'allait pas, qu'il faut probablement faire une loi, qu'il faut refondre - J.-L. Borloo l'a annoncé - les instances d'expertise en matière d'évaluation d'OGM. Tout cela de toute façon maintenant est mis à la consultation du publique. Il y aura le "Grenelle de l'environnement" lui-même, à la fin du mois d'octobre, puis le président de la République arbitrera et tranchera.

Q.- L'adresse pour s'exprimer, si on veut donner son point de vue.

R.- Legrenelle-environnement.fr. Et puis tous les forums en région. Déplacez-vous et venez dire que vous êtes prêt à voter pour la planète.

Q.- Voilà. Legrenelle-environnement.fr, pour écrire à N. Kosciusko- Morizet ou faire toutes les suggestions dont vous avez envie sur l'environnement.

Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 28 septembre 2007