Déclaration de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur les deux objectifs majeurs du budget 2008 : redresser les finances publiques et mettre en oeuvre la politique de croissance, Paris le 26 septembre 2007.

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Circonstance : Projet de loi de finances pour 2008 à Paris le 26 septembre 2007

Texte intégral

Madame le Ministre,
Mesdames et Messieurs,
Ce projet de loi de finances pour 2008, premier budget de la législature et du quinquennat, poursuit deux objectifs majeurs :
- s'inscrire puissamment dans la trajectoire de redressement de nos finances publiques en respectant nos engagements ;
- mettre en oeuvre la politique de croissance voulue par le Président et le gouvernement, en valorisant le travail et en investissant dans l'avenir.
Il n'y a aucune contradiction dans ces objectifs, pour autant que le budget soit l'occasion de faire des choix clairs et de réduire les dépenses inutiles.
Une démarche de redressement des finances publiques a été engagée sous la précédente législature. Mais nous n'avons pas su infléchir durablement la progression des dépenses publiques, nous n'avons pas suffisamment modernisé l'État et réformé nos politiques publiques. Les marges de manoeuvre nous ont donc manqué pour préparer l'avenir.
Le projet de budget que je viens vous présenter avec Christine Lagarde traduit cettenécessité de réviser à la hausse nos ambitions. C'est un projet de loi responsable dans ses objectifs, volontaire dans ses choix, innovant dans ses dispositions et sa méthode.
Car il n'y a pas d'alternative : nous devons être aussi exigeants pour le rétablissement de nos comptes publics que pour la croissance . La croissance à crédit, cela ne marche pas ; la réforme non financée, ce n'est pas crédible.
Il n'y a, à vrai dire, qu'une seule voie : maîtriser la dépense publique , en la rendant plus efficace. Chacun peut comprendre que lorsque les dépenses publiques représentent plus de la moitié de la richesse nationale, l'efficacité de cette dépense est cruciale pour l'efficacité de l'ensemble de l'économie.
Notre effort s'inscrit dans la durée ; notre objectif, c'est de diviser par deux le rythme de croissance de la dépense publique pendant les cinq prochaines années, c'est de ramener la progression de la dépense publique à un peu plus de 1 % en volume alors qu'elle était supérieure à 2 % par an ces dix dernières années.
Si nous parvenons à libérer la croissance en relançant le travail, en favorisant l'innovation, en stimulant notre compétitivité, nous parviendrons à restaurer l'équilibre des finances publiques avant la fin du quinquennat, et si possible dès 2010.
Le PLF 2008 marque le coup d'envoi de cette stratégie. Sa première marque de fabrique, c'est d'investir massivement dans la baisse des prélèvements, au service de la croissance, sans compromettre le rétablissement des finances publiques .
Il n'y a aucun truc pour y parvenir, si ce n'est une grande discipline dans l'évolution globale des dépenses : les dépenses suivront la règle du « 0 % volume ». Concrètement, cela veut dire qu'elles ne progresseront pas plus vite que l'inflation, ce qui est du déjà vu, mais l'innovation est ailleurs :
cette règle s'appliquera pour la première fois sur un périmètre élargi, qui dépasse les dépenses du budget général pour couvrir aussi les prélèvements sur recettes à destination de l'Union européenne et des collectivités locales . C'est logique car ces prélèvements sur recettes ont bien vocation à financer des dépenses publiques. C'est donc sur un ensemble qui représente 335 Mdeuros en 2007 que cette règle s'appliquera.
Avec une hypothèse d'inflation à 1,6 %, nous ne pourrons engager, en tout et pour tout, que 5,5 Mdeuros de dépenses supplémentaires. Sur un périmètre aussi large, le « 0 volume » représente donc un effort nettement supérieur à celui qui a été fait au cours des années précédentes : la croissance du budget sur ce périmètre a en effet été de 1,1 % en volume en moyenne entre 1999 et 2006 et encore de 0,2 % en 2007.
Avec une telle ambition dans la maîtrise de la dépense, le PLF 2008 permet à la fois d'afficher une légère amélioration du déficit budgétaire et de financer intégralement la baisse des prélèvements prévue par la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, à hauteur de 9 Mdeuros pour l'État.
Il assure aussi le financement de baisses d'impôt décidées antérieurement comme la baisse de la taxe professionnelle engagée il y a deux ans, et dont le coût, pas moins de 2 Mdeuros, sera perceptible pour la première fois en 2008.
Globalement, le surcroît de recettes fiscales, qu'on estime à 18 Mdeuros par rapport à ce qui était inscrit dans la loi de finances initiale de 2007, est utilisé aux deux tiers pour baisser les impôts et les charges en faveur du travail et de la croissance, et seulement au tiers pour financer un accroissement des dépenses dont la plupart sont inéluctables à court terme.
Le PLF a évidemment été élaboré en cohérence avec le PLFSS présenté avant-hier : avec un déficit budgétaire ramené à 41,7 Mdeuros, en deçà des 42 Mdeuros affichés dans la LFI de 2007, et un déficit du régime général revenu à 8,9 Mdeuros, nous tenons l'engagement du Président de la République de faire baisser le déficit public à 2,3 points de PIB en 2008 .
Je signale, en outre, que cet effort de réduction du déficit, nous l'avons engagé dès cette année, puisque nous allons ramener le déficit des administrations publiques à 2,4 points de PIB, au lieu des 2,5 % affichés en loi de finances initiale.
Cet effort drastique de maîtrise de la dépense nous permet de ramener le poids de la dépense publique dans le PIB de 53,4 % en 2006 à 52,6 % en 2008. Les prélèvements obligatoires vont quant à eux s'alléger, passant de 44,2 % du PIB en 2006 à 43,7 % du PIB l'année prochaine.
La deuxième marque de fabrique de ce budget, c'est de financer de vraies priorités, les dépenses d'avenir, par un effort inédit de maîtrise et de redéploiement des dépenses.
- Cet effort, il s'imposait parce qu'en face de ces dépenses d'avenir, il y a les dépenses du passé, auxquelles il faut faire face ; et cet effort est d'autant plus notable que ces dépenses croissent très fortement en 2008 : les pensions de 2 Mdseuros et la charge des intérêts de la dette de 1,6 Mdeuros.
Il était de plus indispensable de remettre à niveau les crédits destinés à plusieurs dispositifs sociaux - minima sociaux et aides au logement -afin de cesser de constituer chaque année des dettes vis-à-vis de la sécurité sociale. Leur dotation progresse à hauteur de 1,2 Mdeuros. J'y reviendrai.
Ces trois postes saturant presque à eux seuls la progression de 5,5 Mdeuros autorisée pour la dépense, il aurait pu être tentant d'éviter les choix, de céder au saupoudrage et de sacrifier les dépenses les plus malléables, les dépenses d'investissement. Il n'en a rien été.
Le PLF 2008 consacre très clairement une priorité à l'enseignement supérieur et la recherche, qui bénéficie de 1,8 Mdeuros de moyens supplémentaires pour accompagner notamment la réforme des universités adoptée cet été.
Si on y ajoute les dépenses d'investissement, les dépenses qui fondent notre avenir progressent de 6%, soit près de quatre fois plus vite que l'ensemble des dépenses de l'État. Ces dépenses d'avenir s'élèvent désormais à 39 Mdeuros .
Le PLF fait aussi des efforts importants :
- pour l'éducation nationale , avec les études dirigées et la scolarisation des enfants handicapés ;
- et pour la justice , avec l'ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires.
- Si nous sommes parvenus à dégager ces moyens pour l'enseignement supérieur et la recherche, c'est parce que l'ensemble des ministères s'est engagé, sans attendre la RGPP , dans une démarche de réforme structurelle et de recherche de la performance :
- les effectifs de l'État sont réduits, dans des proportions très supérieures à ce qui avait été fait au cours des dernières années, avec le non-remplacement d'un départ à la retraite sur trois (soit 22.900 non-remplacements) ; je précise que ces réductions d'emploi ne seront pas détournées par des créations dans les établissements publics qui sont opérateurs de l'État ;
- au sein des dépenses d'intervention de la politique de l'emploi, des efforts de rationalisation sont opérés, notamment par une réduction raisonnée et progressive du nombre des emplois aidés, pour tenir compte de la poursuite de l'amélioration du marché du travail.
Quant aux collectivités territoriales, elles sont davantage associées à l'effort de tenue des dépenses publiques, avec pour la première fois une indexation des concours de l'État sur les prix seuls, soit la norme que l'État s'impose à lui-même.
En contrepartie, elles seront davantage associées, grâce à la Conférence nationale des exécutifs, aux décisions de l'État qui peuvent avoir un impact financier sur leurs comptes, notamment les règlementations liées à la sécurité ou à l'environnement.
La troisième marque de fabrique de ce PLF, c'est aussi d'avoir fait des choix en matière de fiscalité .
- Il y a bien sûr les mesures fiscales qui traduisent les deux grandes priorités que j'ai évoquées :
- priorité à la croissance, avec la loi du 21 août 2007 sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat que ce PLF 2008 met pleinement en oeuvre.
- priorité au soutien à l'effort de recherche et d'innovation des entreprises : Christine y reviendra, en présentant notamment la mesure phare qu'est la simplification et l'amplification du crédit d'impôt recherche.
- Quant aux autres dispositions fiscales, en nombre limité, elles obéissent toutes à une priorité d'équité ou de simplification. Je n'en citerai que trois :
- la modernisation de la fiscalité des dividendes, qui propose un prélèvement forfaitaire libératoire optionnel analogue à ce qui existe déjà pour les obligations, en vue de dynamiser l'épargne et de l'orienter vers le financement des entreprises ;
- la simplification et l'harmonisation des règles relatives aux pactes d'actionnaires pour favoriser la pérennité des entreprises, notamment des PME, qui sont si souvent fragilisées au moment de leur transmission.
- et la décharge de solidarité fiscale entre les époux, pour tenir compte de situations parfois dramatiques.
La quatrième et dernière marque de fabrique de ce PLF, c'est qu'il s'accompagne de nouvelles méthodes d'action et de réforme, au service de la clarté et de l'efficacité.
La crédibilité de notre stratégie de redressement des comptes publics et de renforcement de la croissance tient en effet à l'emploi de méthodes nouvelles ou plus poussées. Le but, c'est d'en finir définitivement avec les politiques de la rustine et du ripolin.
- Nous avons d'abord voulu plus de clarté dans la présentation du budget. C'est pourquoi nous faisons un nouvel effort d'amélioration des documents transmis au Parlement. Les enseignements tirés des premiers rapports annuels de performances ont été scrupuleusement pris en compte. Les indicateurs sont mieux documentés. Un effort de transparence particulier a été fourni en matière d'effectifs.
Ce budget procède en outre à une clarification inédite des relations entre l'État et la sécurité sociale. L 'augmentation de la dette à l'égard du régime général nécessitait de revoir les règles du jeu. Ce que nous faisons, avec trois grandes mesures :
- une mesure très forte, tout d'abord, puisque l'État va payer l'intégralité de sa dette : 5,1 Mdeuros seront remboursés au régime général dans les tout prochains jours.
- je veux aussi que ce phénomène ne se reproduise pas . Nous avons donc remis à niveau la budgétisation des dispositifs gérés par la Sécurité sociale mais financés par l'État. Par exemple, le budget de l'aide médicale d'État inscrit en loi de finances initiale passe de 233 Meuros à 413 Meuros.
- enfin, toutes les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires déjà existantes et celles sur les heures supplémentaires inscrites dans la loi dite TEPA seront intégralement compensées à la sécurité sociale par un transfert de recettes de plus de 5,5 Mdeuros en 2008.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : c'est un effort de clarification sans précédent que j'entends mener à bien !
- Ce projet de loi est aussi le fruit d'une plus grande collégialité, parce que c'est une condition d'efficacité de notre action. Si nous sommes parvenus, dans un temps limité, à construire un budget en pleine cohérence avec la nouvelle architecture gouvernementale, si nous sommes parvenus à dégager les marges de manoeuvre indispensable pour financer les priorités, c'est que l'ensemble des membres du gouvernement et des administrations se sont approprié ces objectifs.
J'ai rencontré moi-même chaque ministre pour discuter des moyens humains et financiers nécessaires à son action. Cette réflexion s'est poursuivie dans des séminaires présidés par le Premier ministre. Je crois pouvoir témoigner de l'efficacité de cette méthode collégiale. Et je tiens d'ailleurs à dire bravo à l'ensemble de mes collègues, qui ont tous joué le jeu à fond.
- C'est dans le même esprit qu'il nous faudra travailler pour que la révision générale des politiques publiques, désormais bien engagée, soit un succès. Les résultats à venir de cet exercice d'une ampleur inégalée dans notre pays sont les clés qui ouvriront les portes de l'équilibre et du désendettement, en nous permettant d'aller plus loin dans la construction des budgets suivants.
Il est en effet indispensable de revisiter chaque dépense de façon systématique, à la lumière de son efficacité, pour pouvoir continuer de privilégier l'investissement dans l'avenir et le redressement de nos comptes.
Mesdames et Messieurs,
Le budget 2008 que je viens de vous présenter dans ces grandes lignes est le premier jalon, un jalon sérieux et ambitieux, sur le chemin de l'assainissement durable et nécessaire de nos finances publiques.
Si j'avais à en résumer l'esprit, je dirais qu'il est finalement fondé sur une double démarche :
- une démarche de lucidité : nous affrontons la réalité telle qu'elle est et pas telle que nous voudrions qu'elle soit. Nous prenons en main les finances publiques et nous reprenons la main sur l'économie, avec l'ambition de gagner ce point de croissance en plus qui nous fait défaut depuis si longtemps ;
- et une démarche d'optimisme aussi, parce que notre pays recèle un potentiel formidable qui ne demande qu'à s'exprimer, pour peu que nous engagions les réformes indispensables.
La plus grande et la plus belle équipe de France, ce sont les 64 millions de Français.
Aller chercher la croissance et l'équilibre de nos finances nous concerne tous.
Vous pouvez compter sur la détermination du Gouvernement et sur la mienne. Elles sont sans faiblesses. Je vous remercie.

Source http://www.budget.gouv.fr, le 27 septembre 2007