Interview de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur "RMC Info" le 9 octobre 2007, sur la taxation des stocks options et la rémunération des fonctionnaires.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin.- E. Woerth, bonjour. Merci d'être avec nous. Alors, on va parler évidemment des fonctionnaires, E. Woerth, on va parler des stock-options, mais je voudrais commencer par EADS. Franchement, est-ce que vous imaginez la Caisse des Dépôts et Consignations acheter pour 600 millions d'euros d'actions sans l'aval du Ministère des Finances ?
R.- Ecoutez, moi, je ne peux pas m'exprimer là-dessus parce que d'abord les uns et les autres sont auditionnés par les commissions parlementaires concernées, voilà. Et puis, il y a des ministres en charge du sujet.

Q.- Ah bon !
R.- Ce n'est pas mon sujet.

Q.- Vous êtes à Bercy quand même, vous savez comment ça se passe à Bercy, E. Woerth.
R.- Oui, je suis à Bercy, mais vous savez, chacun dans son domaine et dans sa matière.

Q.- Chacun dans son domaine, oui.
R.- C. Lagarde est responsable de cela, elle a d'ailleurs mandaté une enquête de l'Inspection générale des finances.

Q.- Elle a eu raison ?
R.- Oui, bien sûr. Bien sûr, elle a raison, il faut éclaircir ce qui s'est passé. On doit une situation de clarté absolue sur le sujet.

Q.- « Ou monsieur Breton ment ou c'est un incompétent », dit F. Chérèque.
R.- Moi, je ne veux pas rentrer dans ce genre de chose. Il y a une enquête et on saura la vérité très, très vite. Les parlementaires font ce qu'ils doivent faire. En tout cas, il doit y avoir toute la clarté sur le sujet, évidemment.

Q.- Bien. Les stock-options. Il est peut-être prévu de les taxer pour financer la Sécurité Sociale. C'est une bonne idée ou pas ?
R.- Oui, je crois que c'est une...

Q.-... un amendement va être déposé. Est-ce que vous soutiendrez cet amendement ?
R.- On verra de quelle teneur est l'amendement en question.

Q.- Oui, c'est D. Migaud qui veut le déposer.
R.- C'est en soi une bonne idée. Le Président d'ailleurs l'a rappelé, le Premier ministre aussi. Vous savez, les stock-options il y a deux choses : il y a d'un côté ce que paie celui qui en bénéficie, et celui-là il est taxé normalement, plutôt au-dessus d'ailleurs de ce qui se passe dans d'autres pays, il paie les cotisations normales. Par contre, le patron, celui qui donne le stock-option, l'action, lui, a très, très peu de cotisations dessus, quasiment pas. Donc, l'idée est de remettre cela un peu au niveau. Alors, on verra à quel niveau. Mais il faut aussi que ça reste compétitif, c'est-à-dire que la distribution reste possible, et notamment de bien regarder ce qui se passe dans d'autres pays. Je voudrais aussi dire que ce n'est pas uniquement les stock-options, c'est aussi les distributions gratuites d'actions qui sont elles aussi très souvent employées, voilà. Chaque revenu extra salarial doit participer au financement de la Sécurité Sociale.

Q.- C'est l'idée. Donc, c'est acquis la taxation des stock-options ? Dans l'idée du Gouvernement, c'est acquis.
R.- Ecoutez, c'est encore une option, si vous me le permettez, puisque ce n'est pas dans le texte. J'imagine qu'il y aura des amendements et puis on va regarder ça de près et plutôt avec un regard bienveillant, en même temps sans toucher la compétitivité de la place de Paris. Vous voyez bien qu'il faut aussi que les entreprises continuent à pouvoir faire cela parce que ça améliore d'une certaine façon le rapport entre l'entreprise et ses salariés, sinon ça se délocalise.

Q.- Vous savez que le Medef n'est pas très content.
R.- Oui, enfin, ça dépendra... vous savez, dans ce domaine-là, personne n'est jamais content d'un changement de système. Ce qui est très important c'est de faire en sorte que les systèmes que nous mettons en oeuvre ils soient à la fois justes et en même temps qu'ils ne nuisent pas à la compétitivité des entreprises.

Q.- Bien, E. Woerth, parlons des fonctionnaires. Vous les avez rencontrés, vous avez commencé à rencontrer les syndicats, et ce n'est pas fini. Les syndicats disent, avant d'engager vraiment toute concertation sur l'avenir, et notamment sur des changements dans la façon de rémunérer les fonctionnaires, il faut absolument faire un effort pour 2007, certains syndicats disent ça, notamment Force ouvrière. Est-ce que vous êtes prêt à, je ne sais pas, moi, à augmenter le point d'indice pour 2007 ? Est-ce que vous êtes prêt à faire un effort ?
R.- On a lancé une série de conférences, c'est-à-dire de lieux de dialogue, la semaine dernière, sur les valeurs de la fonction publique, ce n'est pas tellement anodin, c'est pas un colloque, c'est pas un truc tout à fait conceptuel, c'est de se poser la question de savoir - depuis 1946 il y a un statut - quelles sont les valeurs que porte aujourd'hui un fonctionnaire ? L'égalité mais aussi à beaucoup d'autres choses, la mobilité, la responsabilité, et tout cela ça doit donner lieu à des modifications, enfin à remettre au goût du jour d'une certaine façon le statut, par exemple, de la fonction publique. Tout le monde y a intérêt.

Q.- Mais, apparemment, les syndicats de fonctionnaires sont prêts à ça, mais ils disent, « oui, d'accord, mais notre pouvoir d'achat ? ».
R.- En même temps, je n'ai pas voulu édulcorer le sujet puisque j'ai lancé une conférence aussi sur le pouvoir d'achat et sur le dialogue social la semaine prochaine. Donc, sur le pouvoir d'achat, moi, je remarque que ça fait dix ans - dis ans pour être exact, dix ans - qu'il n'y a plus d'accord salarial dans la fonction publique. Ce n'est pas très normal. Vous l'admettrez avec moi. Donc, ça veut dire qu'il y a un truc qui ne va pas. D'un côté, l'Etat employeur il donne une augmentation, souvent au travers d'une augmentation du point d'indice ; et de l'autre, les organisations syndicales, en général, disent qu'elles ne sont pas d'accord. C'est ça depuis dix ans. Il faut sortir de cela. Et l'idée de la conférence sur le pouvoir d'achat c'est au fond de parler de cela. Qu'est-ce que c'est que la rémunération d'un fonctionnaire, de quoi est-elle composée ? Elle est composée du point d'indice, c'est là-dessus souvent que les syndicats mettent l'accent, et pourquoi pas, mais elle est aussi composée du glissement vieillesse technicité, c'est-à-dire la prise en compte de l'expérience, de l'ancienneté des fonctionnaires, pour tout le monde, et puis il y a le régime indemnitaire, il y a l'action sociale qui est menée. Tout cela ça vous donne en bout de feuille de paie un chiffre. Et nous, on a envie de regarder le chiffre qui est en bout de feuille de paie parce que c'est celui-là qui compose votre rémunération, alors que les organisations syndicales souhaitent finalement d'une certaine façon limiter la discussion uniquement au point d'indice, considérant qu'il est plus égalitaire. Alors, on doit discuter de toute cela.

Q.- Alors, est-ce que la feuille de paie, puisque vous parlez de cela, d'un fonctionnaire en 2007, est-ce que le chiffre en bas est plus élevé qu'en 2006 ?
R.- Oui.

Q.- Beaucoup plus élevé qu'en 2006 ?
R.- Oui, le chiffre en bas il est plus élevé qu'en 2006 ?

Q.- De combien en moyenne ?
R.- L'Etat a consacré 2,9 milliards d'euros de plus en 2007 par rapport à 2006 pour payer les fonctionnaires, donc évidemment il y a d'une part des mesures catégorielles. Par exemple un instituteur, prenons un cas concret. Un instituteur, il est devenu professeur des écoles, ça veut dire qu'il est passé de la catégorie B à la catégorie A, donc il a plus d'avantages, il est mieux payé, et donc au bout du compte, il va gagner en pouvoir d'achat. Un policier, il y a eu beaucoup de mesures catégorielles réservées à un certain nombre de catégories de fonctionnaires qui étaient plus mal traités, ou en tout cas dont on a voulu améliorer le statut, et qui ont gagné de l'argent. De l'autre cas, il y a eu une augmentation du point d'indice en février, en février 2007. Alors je dois dire que les fonctionnaires, les associations, enfin les organisations syndicales estiment que l'augmentation du point d'indice c'est pour le rattrapage de 2006. Vous voyez, c'était en 2007 mais c'est le rattrapage de 2006 et tout ça est très compliqué. Il faut prendre dans l'année civile quelles sont les augmentations. Alors, en 2007, il y a eu 0,8 % d'augmentation du point d'indice, mais il y a eu aussi ce glissement vieillesse technicité, c'est-à-dire cette ancienneté, cette prise en compte de l'ancienneté. Ca équivaut à 1,6 milliard d'euros distribués, c'est-à-dire 50 % de l'augmentation, c'est plus que le point d'indice. Donc, tout ça donne sur 2007 à peu près une augmentation moyenne de 3,5 %. Si vous retirez l'inflation, il en reste quelque chose.

Q.- E. Woerth, est-ce que vous allez revenir sur 2007, est-ce que vous allez accorder un petit peu plus ?
R.- Oui, on va revenir. Moi, je ne veux pas mettre sous le tapis...

Q.-... vous allez accorder un petit plus, oui ou non, franchement ?
R.- Je ne veux pas mettre sous le tapis.
Q.- Vous êtes prêt à faire un effort ?

R.- Donc, puisque les fonctionnaires considèrent qu'en 2007... les fonctionnaires, les organisations syndicales considèrent qu'on aurait pu faire plus en 2007, alors on va en discuter en marge de la conférence sur le fond.

Q.- Mais vous êtes prêt à faire un petit effort ?
R.- On va faire un effort.

Q.- Ah, pour 2007 !
R.- On va regarder ce qui se passe, on va prendre des mesures, il faut regarder quelles mesures on peut prendre, des mesures concrètes, des mesures ciblées, des mesures qui réparent un certain nombre d'injustices. Il y a un certain nombre d'idées que nous pourrons avoir. On va en discuter d'ici la fin du mois d'octobre.

Q.- Donc, certains fonctionnaires vont être augmentés...
R.- Nous allons en discuter d'ici la fin du mois d'octobre et nous proposerons un certain nombre d'améliorations.

Q.- Les syndicats vous écoutent, enfin il n'y pas que les syndicats.
R.- Oui, je le sais mais...

Q.-... surtout les fonctionnaires vous écoutent, E. Woerth.
R.- On va surtout en discuter. Vous savez qu'on prend un fonctionnaire par exemple d'une année sur l'autre, il a une augmentation, donc ce n'est pas vrai de dire qu'il n'a pas d'augmentation, donc il y a une augmentation. Sauf que nous on a envie que le pouvoir d'achat il augmente pour tous les Français, pour les fonctionnaires aussi. Mais pour que ce soit le cas, il faut vraiment en discuter sur le fond, et par exemple renvoyer aux fonctionnaires les économies que nous faisons en limitant les effectifs de la fonction publique. Ce sera le cas en 2008.

Q.- On va en parler après, E. Woerth, mais franchement, est-ce que les fonctionnaires à vos yeux sont bien payés en France ?
R.- Ecoutez, moi, je crois qu'en France il y a un problème de pouvoir d'achat, je fais partie d'un Gouvernement qui l'a mis au coeur de son action, donc je serai vraiment le premier à le dire. Il y a un problème de pouvoir d'achat et les fonctionnaires ont un problème également de pouvoir d'achat. De pouvoir d'achat, ils ne gagnent pas assez. Oui, ils ne gagnent pas assez comme les salariés du secteur privé. Par rapport à d'autres pays, le pouvoir d'achat en France il a plutôt diminué ces dix ou quinze dernières années, on a perdu en termes de pouvoir d'achat par rapport à d'autres pays. Donc, il faut prendre des mesures structurelles.

Q.- Les fonctionnaires aussi ont perdu en termes de pouvoir d'achat.
R.- Il faut prendre des mesures structurelles. C'est en changeant la France, en lui donnant le point de croissance supplémentaire dont on parle souvent, mais ce point de croissance qu'on va chercher en nous-mêmes, qu'on n'attend pas venu de l'extérieur. C'est ça qui permettra durablement d'augmenter le pouvoir d'achat. Et les fonctionnaires aujourd'hui par rapport à un salarié du secteur privé, en moyenne un fonctionnaire gagne un peu plus qu'un salarié du secteur privé. Quand on prend la moyenne des salaires dans le privé et la moyenne des salaires dans le public, c'est un peu plus important dans le public. Par contre, la composition même par exemple des fonctionnaires par rapport au privé, il y a plus de qualifications chez les fonctionnaires et ils ont un âge un petit peu plus élevé, ce qui veut dire qu'il y a quand même une explication en soi, voilà.

Q.- J'avais quand même ce matin un agent territorial, 1.080 euros net après dix ans d'ancienneté. Fonctionnaire territorial.
R.- Un fonctionnaire public de collectivité locale, un fonctionnaire public territorial, est effectivement moins bien payé qu'un fonctionnaire public d'Etat ou qu'un fonctionnaire public hospitalier. Donc, il y a des situations extrêmement différentes. On ne peut pas... moi, je ne veux pas dire qu'untel est plus confortablement... et puis, je crois qu'il y a un problème global de pouvoir d'achat, il faut pouvoir vraiment s'attaquer à cela et il faut le faire d'une façon juste. Je pense que les fonctionnaires, à partir du moment où on redit quelles sont les valeurs qui sous-tendent leur métier et qu'en même temps on diminue les effectifs de la fonction publique mais qu'on améliore les conditions de travail, on doit aussi pouvoir améliorer le pouvoir d'achat. C'est tout cela qu'on veut faire.

Q.- E. Woerth est notre invité ce matin, ministre du Budget et de la Fonction publique. Vous pouvez l'interroger : 32 16, RMC.FR. [...]

Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 9 octobre 2007