Texte intégral
J.-P. Elkabbach.- La grève, la grève, la grève, des trains rares, bondés, disputés, des routes saturées et encombrées, cela vous concerne, D. Bussereau, bonjour. Des automobilistes qui mettent trois fois plus de temps pour rentrer dans les villes, pour arriver à leur travail, c'est une perte d'activité. A partir de quand cela coûte cher, à l'automobiliste, à l'entreprise ?
R.- Ça coûte cher à tous les Français, parce que partir plus tôt, cela veut dire plus d'électricité, plus de consommation, plus de temps en voiture. Les files de voitures en région parisienne sont multipliées par deux, c'est-à-dire que quand il y a 100 kilomètres d'embouteillages, il y en a 200, tout ça à un moment où le gasoil est cher, et chacun d'entre nous le sait bien, ou l'essence ordinaire. Ce sont des consommations supplémentaires, c'est de la pollution supplémentaire. Donc non seulement il y a un désagrément pour chacune et chacun des Français qui utilisent les transports publics ou la SNCF, mais il y a une perte de pouvoir d'achat liée à cet évènement, également une perte nette pour l'économie, parce que les entreprises n'ont pas les approvisionnements, ou l'activité qu'elles devraient avoir.
Q.- Vous parlez de pollution. Le mois dernier, avec J.-L. Borloo, c'était le Grenelle de l'environnement et le temps des promesses, on disait, pour les économies d'énergie, la lutte contre le CO2. En quelques jours il y a une augmentation forte de la pollution.
R.- Il y a deux choses. Il y a une augmentation de la pollution, qui est liée en plus à la période froide que nous traversons. Alors, on a dit - mais ça a été dit sur votre antenne également -, 10 tonnes de CO2 en plus par rapport à une journée normale, il faudra certainement affiner nos chiffres. Ce qui est plus ennuyeux, c'est que le Grenelle de l'environnement c'est dire, vous utilisez les transports collectifs, vous prenez le bus, le métro, le tramway, vous êtes un citoyen de l'environnement moderne, et puis qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui, tout le monde prend sa voiture.
Q.- Il n'y a pas de métros, de bus, de transports publics.
R.- Oui, voilà, mais cela a un autre inconvénient, parce que quand vous êtes une famille, vous habitez à 30 ou 40 kilomètres du centre de Paris ou de Lyon, et que vous avez l'habitude d'utiliser le TER ou le métro, cela veut dire que vous gardez à vie une deuxième voiture qui est plus ancienne, parfois moins sécuritaire, plus polluante, pour ce type de jours, donc cela veut dire...
Q.- C'est-à-dire que ce que l'on vit c'est le contraire du Grenelle.
R.- C'est exactement contraire au Grenelle de l'environnement, j'ajoute le fret, parce qu'il y a, chacune et chacun qui nous entend en ce moment, qui souffre dans sa vie quotidienne, mais il y a également les trains de fret. Or nous avions décidé au Grenelle, moins de camions sur les routes, plus de fret ferroviaire, plus de fluvial, plus de maritime, or le fret ferroviaire il est complètement arrêté, à quelques exceptions près.
Q.- La chance, c'est que le fret allemand est paralysé, par une grève importante.
R.- Oui, mais enfin, si vous voulez, il ne faut pas réjouir du malheur des autres. La situation de l'Allemagne est encore pire que la nôtre parce que le transport de fret ferroviaire est beaucoup plus important en Allemagne qu'en France.
Q.- Mais ce n'est pas un réconfort.
R.- Mais ce n'est pas un réconfort parce que nous devons faire mieux.
Q.- Vous avez très bien photographié la situation. Vous dites que pour les particuliers, les ménages, c'est du pouvoir d'achat en moins, est-ce que vous confirmez que l'Élysée est en train de préparer des mesures, ou un plan de mesures, pour améliorer le pouvoir d'achat ?
R.- Si vous le permettez, c'est du pouvoir d'achat en moins, et vous en avez été vous-même le témoin hier matin à la gare du Nord, et tous ceux qui nous écoutent en sont les témoins, c'est des désagréments importants de vies quotidiennes, il fait un froid de canard, voilà, les gens sont à vélo, sont à pied...
Q.- Oui, mais quelles solutions vous apportez, quelles compensations vous apportez, parce que c'est bien de dire qu'on a froid, on souffre, oui, vous êtes le ministre des Transports, qu'est-ce que vous apportez ? Avec un pétrole qui oscille entre 90 et 100 dollars, qui est en train d'augmenter, quelles compensations ?
R.- La question que vous posez, c'est la question du pouvoir d'achat des Français. Il y a, par rapport à l'augmentation du pétrole, incontestablement, des questions qui se posent sur le pouvoir d'achat, le président de la République, le Premier ministre, le gouvernement, y réfléchissent, on y travaille. Je pense par exemple à une autre profession...
Q.- Vous confirmez, vous dites on y travaille, c'est normal que vous y travaillez, mais vous confirmez qu'il y a quelque chose dans l'air ?
R.- Je vais dire des choses très concrètes. Les pêcheurs, problème de gasoil, puisque c'est 35, 40% de leur coût d'exploitation quotidien, mesure prise pour en tenir compte dans le prix du poisson, le président vient sur place, M. Barnier le met en oeuvre. Les routiers... mesures de détaxation du carburant. Je reçois cet après-midi les présidents de toutes les sociétés d'autoroutes de notre pays, pour leur dire de faire un certain nombre de gestes. Geste pour les camions les moins polluants, geste sur les prix à certaines heures de la nuit ou de la semaine, bref, il faut que nous fassions en sorte que tous les acteurs du transport profitent de tout ça. Si vous permettez, juste un mot, j'ai été à Dubaï, on en a beaucoup parlé de la vente historique des 290 Airbus, mais ces Airbus, on les vend avec un dollar peu cher, ce qui fait qu'à la limite les produire coûte encore plus cher, donc si on veut que cette grande victoire pour l'économie française se traduise par de l'emploi en plus, il faut qu'on règle ce problème de parité qui casse le système dans lequel nous fonctionnons.
Q.- Madame Lagarde avait reçu les pétroliers, on ne sait pas s'ils tiennent leurs promesses faites à Bercy, ceux que vous allez recevoir cet après-midi vont faire des promesses, qu'est-ce que vous attendez d'eux, concrètement ?
R.- Moi, j'attends d'eux des décisions très concrètes, faire en sorte que par exemple un camion, on appelle ça, pardon d'être technique, la norme euro IV ou euro V, c'est-à-dire moins polluants, ils payent moins cher sur un passage autoroute, que si un poids lourd circule plutôt la nuit, en soirée ou à des heures où nous ne sommes pas sur les autoroutes pour des déplacements familiaux, professionnels, il puisse payer moins, donc des choses très concrètes pour faciliter à la fois l'esprit du Grenelle de l'environnement, c'est-à-dire moins de pollution et moins de congestion, et en même temps correspondre à la difficulté actuelle de l'augmentation des prix du pétrole.
Q.- Dans le gouvernement Fillon, vous êtes responsable des transports, est-ce que vous confirmez qu'il y a eu des actes de malveillance, de provocation, ces derniers jours, et cette nuit, et peut-être ce matin, sur les voies ferrées pour empêcher les trains, pour gêner la circulation des trains ?
R.- Avec J.-L. Borloo nous avons été informés ce matin, en effet, et dès hier aussi, non pas d'actes de sabotage, le terme serait inexact et inapproprié, mais d'actes de malveillance, des intrusions, des gens sur la voie pour empêcher les quelques trains qui circulent, et déjà ils sont très peu nombreux, pour les empêcher de circuler, ou des gens avec des torches rouges, qui sont les torches d'alerte, dans tous les systèmes de circulation ferroviaires, sur les voies, et obligeant les trains... ce qui veut dire que les gens, les clients, nos concitoyens qui sont dans les rares trains, trop rares trains qui circulent, se trouvent en plus retardés ou empêchés d'avancer par ce type de comportements, qui naturellement doivent être dénoncés.
Q.- Dénoncés, c'est tout ? Je veux dire, on sent qu'il y a un durcissement. Est-ce que le gouvernement a intérêt au pourrissement de la grève ? Est-ce que c'est ce que vous jouez ?
R.- Vous savez, le président de la République l'a redit, et X. Bertrand le dit encore ce matin dans le Parisien-Aujourd'hui en France, le gouvernement veut qu'on en sorte de cette affaire, c'est évident ; la gêne est très importante, les coûts pour l'économie sont considérables, il faut en sortir, et les propositions concrètes ont été faites, c'est la lettre que X. Bertrand a adressée aux organisations, confédérations syndicales, leur disant "mettez-vous autour d'une table dans les entreprises, le gouvernement sera là, il sera autour de la table, et discutons". Simplement, pour que cela commence, et se fasse, il faut qu'il y ait d'abord des appels, des appels pour mettre fin à la grève.
Q.- Donc vous avez confirmé qu'il y avait des actes de malveillance.
R.- Oui, des actes de malveillances et des bêtises, mais des bêtises...
Q.- Dangereuses.
R.- Quand on se balade sur une voie ferrée, on met en cause la sécurité des autres.
Q.- C'est-à-dire que vous allez être encore plus, enfin le gouvernement, plus vigilant à la sécurité des trains qui circulent, et en même temps pour éviter que ça se renouvelle, si je comprends bien.
R.- La ministre de l'Intérieur, M. Alliot-Marie, est en alerte avec toutes celles et tous ceux qui travaillent à ses côtés, sur ces points, en effet.
Q.- D. Bussereau, si les syndicats décident dans 2 heures si la grève est reconduite, ou arrêtée, ou suspendue, ou s'ils décident de l'arrêter, est-ce que le gouvernement est prêt à reprendre les négociations, sans délai, sans conditions, instantanément ?
R.- La lettre de X. Bertrand est très claire.
Q.- Non, mais répondez-moi directement.
R.- Je vous réponds très directement.
Q.- Vous.
R.- S'il y a un appel, il y a d'abord deux entreprises aujourd'hui où les négociations commencent, Gaz de France...
Q.- EDF.
R.- EDF ; il faut quand même le savoir, et c'est important.
Q.- Il y a la CGT, là, qui y va.
R.- S'il y a un appel venant des organisations syndicales, dans les entreprises en cause, la SNCF et la RATP, à la reprise du travail, à ce moment-là les négociations tripartites, entreprises, organisations syndicales, en présence de représentants du gouvernement, pourront démarrer, mais il faut, il faut, et ça a été rappelé hier de manière très solennelle, et je le redis sur votre antenne, il faut qu'il y ait d'abord appel à la reprise du travail.
Q.- Dès qu'il y a appel ? Je veux dire, pas quand tout s'arrêtera, dès qu'il y a appel, on négocie...
R.- Ecoutez, c'est très clair...
Q.- Pour être précis et clair.
R.- Les Français l'ont bien compris, le gouvernement a fait un geste de bonne volonté, puisqu'au départ elles n'étaient pas prévues ces négociations tripartites, c'était prévu dans les entreprises, directions/syndicats. Il y a eu un geste de bonne volonté du gouvernement, et le gouvernement l'assume complètement, et bien nous attendons, en face, un geste de bonne volonté.
Q.- Hier vous étiez à l'Elysée chez le président de la République, vous avez entendu N. Sarkozy et F. Fillon ; est-ce qu'ils se préparent, même s'ils ne veulent pas, à céder, à plier ?
R.- Je crois que les Français qui nous écoutent connaissent le président de la République. Dans cette affaire, il est ferme, il est déterminé, mais il souhaite une société française apaisée. Donc le président de la République est à l'écoute de tout ce qui se passe. Il tient bon, comme toujours, sur ses projets, sur des réformes et sur ses engagements, mais il le fait dans un esprit de dialogue, et ce n'est pas une affaire dans laquelle la démocratie sociale doit s'opposer à la démocratie politique.
Q.- Ces derniers temps, pour être encore plus précis, le président de la République nous avait habitué à le voir se rendre sur tous les terrains en crise, on ne l'a pas vu dans les gares, est-ce qu'il est en train de changer ?
R.- Ecoutez, le président de la République est allé, il y a quelques jours, devant plusieurs centaines ou milliers de cheminots aux ateliers du Landy.
Q.- Non, c'était avant la grève.
R.- Oui, c'était avant, Oui, c'était entre deux grèves et dans une atmosphère où déjà le mouvement se préparait, donc v il est allé au contact avec courage.
Q.- Donc, vous nous avez dit, le gouvernement ne cède pas, que le président est à l'écoute, ça, c'est évident...
R.- Oui, le gouvernement ne cède pas et le gouvernement est à l'écoute.
Q.- La décision de reprendre le travail dépend de B. Thibault ou de la CGT, c'est apparemment un autre conflit, c'est le conflit interne à la CGT. Je ne vous demande pas ce que vous en pensez, mais est-ce que vous souhaitez qu'il s'engage enfin dans un syndicalisme réformiste, comme d'autres avant lui ?
R.- Vous savez, ce n'est pas au gouvernement de porter un jugement sur l'évolution du mouvement syndical français. Il y a eu des gestes de bonne volonté à un certain moment, lancés par des grands leaders syndicaux, puis ensuite, ça ne suit pas, ce que je souhaite c'est que tout ça se mette en route. Très franchement, on est vendredi, il y a des Français qui travaillent ce matin dans des conditions difficiles, le weekend va commencer, je le dis d'ailleurs, il vaut mieux éviter un certain nombre de déplacements ferroviaires pendant le week-end, sauf si on y est obligé, parce que l'offre ferroviaire...
Q.- Mais il vaut mieux qu'ils reprennent le travail...
R.- Malgré tous les efforts de la SNCF, qui communique comme elle le fait, l'offre ferroviaire ne sera pas à la hauteur, il faut que les choses s'arrêtent, mais il faut que personne ne soit humilié et que, dès que les choses s'arrêtent, le dialogue dans les entreprises commence.
Q.- Mais, les yeux dans les yeux là, est-ce que vous croyez qu'elle va s'arrêter...
R.- Les yeux dans les yeux, ça me rappelle quelque chose.
Q.- Qu'elle va s'arrêter ou qu'elle va se prolonger au-delà du weekend, lundi, mardi ?
R.- Je ne le sais pas, mais, une majorité des agents des entreprises le souhaitent certainement, puisque chaque jour le nombre de grévistes diminue, et très certainement, il y aura certainement à la fin de la semaine des sondages qui le montreront, la majorité de nos concitoyens, quelles que soient leurs opinions politiques, ou philosophiques, ou syndicales, le souhaitent ardemment.
Q.- Mais vous n'excluez pas que ça dure, puisqu'il y a la grève de mardi, et que le travail...
R.- Ecoutez, je n'exclus jamais qu'on soit de bon sens, et à l'écoute des préoccupations des Français, voilà. C'est ce que je souhaite de tout mon coeur.Q.- Très bien. Et vous tiendrez longtemps votre majorité politique UMP ?
R.- Ecoutez, la majorité politique soutient le gouvernement. J'observe d'ailleurs que l'opposition, sur l'affaire des régimes spéciaux, comprend très bien et écoute ce que fait le gouvernement.
Q.- Vous dites ça parce que vous ne l'entendez pas.
R.- Non non, parce que quand il y a des questions à l'Assemblée nationale, il y a peut-être des débats sur la forme, mais sur le fond on sent bien que chacun comprend la nécessité de cette réforme.
Q.- Les reporters d'Europe qui sont sur le terrain, ils voient les français aller à leur travail, à pied, en vélo, parfois en voiture, en covoiturage, par tous les moyens, ils voient la situation difficile dans les gares, elle devient insupportable. Sans faire de la démagogie, elle est insupportable.
R.- Le gouvernement le constate, je pense qu'on va l'entendre dans les questions de vos auditeurs. Si vous permettez, une petite réflexion personnelle, mon père, ma mère, mon grand-père, étaient cheminots, et quelque part, tout ça me fait très mal au coeur.
Q.- Donc aujourd'hui vous êtes en grève, avec eux.
Je suis un peu en grève dans mon coeur, oui, par rapport à des convictions et à des valeurs que j'ai vu défendre par ma famille.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 16 novembre 2007
R.- Ça coûte cher à tous les Français, parce que partir plus tôt, cela veut dire plus d'électricité, plus de consommation, plus de temps en voiture. Les files de voitures en région parisienne sont multipliées par deux, c'est-à-dire que quand il y a 100 kilomètres d'embouteillages, il y en a 200, tout ça à un moment où le gasoil est cher, et chacun d'entre nous le sait bien, ou l'essence ordinaire. Ce sont des consommations supplémentaires, c'est de la pollution supplémentaire. Donc non seulement il y a un désagrément pour chacune et chacun des Français qui utilisent les transports publics ou la SNCF, mais il y a une perte de pouvoir d'achat liée à cet évènement, également une perte nette pour l'économie, parce que les entreprises n'ont pas les approvisionnements, ou l'activité qu'elles devraient avoir.
Q.- Vous parlez de pollution. Le mois dernier, avec J.-L. Borloo, c'était le Grenelle de l'environnement et le temps des promesses, on disait, pour les économies d'énergie, la lutte contre le CO2. En quelques jours il y a une augmentation forte de la pollution.
R.- Il y a deux choses. Il y a une augmentation de la pollution, qui est liée en plus à la période froide que nous traversons. Alors, on a dit - mais ça a été dit sur votre antenne également -, 10 tonnes de CO2 en plus par rapport à une journée normale, il faudra certainement affiner nos chiffres. Ce qui est plus ennuyeux, c'est que le Grenelle de l'environnement c'est dire, vous utilisez les transports collectifs, vous prenez le bus, le métro, le tramway, vous êtes un citoyen de l'environnement moderne, et puis qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui, tout le monde prend sa voiture.
Q.- Il n'y a pas de métros, de bus, de transports publics.
R.- Oui, voilà, mais cela a un autre inconvénient, parce que quand vous êtes une famille, vous habitez à 30 ou 40 kilomètres du centre de Paris ou de Lyon, et que vous avez l'habitude d'utiliser le TER ou le métro, cela veut dire que vous gardez à vie une deuxième voiture qui est plus ancienne, parfois moins sécuritaire, plus polluante, pour ce type de jours, donc cela veut dire...
Q.- C'est-à-dire que ce que l'on vit c'est le contraire du Grenelle.
R.- C'est exactement contraire au Grenelle de l'environnement, j'ajoute le fret, parce qu'il y a, chacune et chacun qui nous entend en ce moment, qui souffre dans sa vie quotidienne, mais il y a également les trains de fret. Or nous avions décidé au Grenelle, moins de camions sur les routes, plus de fret ferroviaire, plus de fluvial, plus de maritime, or le fret ferroviaire il est complètement arrêté, à quelques exceptions près.
Q.- La chance, c'est que le fret allemand est paralysé, par une grève importante.
R.- Oui, mais enfin, si vous voulez, il ne faut pas réjouir du malheur des autres. La situation de l'Allemagne est encore pire que la nôtre parce que le transport de fret ferroviaire est beaucoup plus important en Allemagne qu'en France.
Q.- Mais ce n'est pas un réconfort.
R.- Mais ce n'est pas un réconfort parce que nous devons faire mieux.
Q.- Vous avez très bien photographié la situation. Vous dites que pour les particuliers, les ménages, c'est du pouvoir d'achat en moins, est-ce que vous confirmez que l'Élysée est en train de préparer des mesures, ou un plan de mesures, pour améliorer le pouvoir d'achat ?
R.- Si vous le permettez, c'est du pouvoir d'achat en moins, et vous en avez été vous-même le témoin hier matin à la gare du Nord, et tous ceux qui nous écoutent en sont les témoins, c'est des désagréments importants de vies quotidiennes, il fait un froid de canard, voilà, les gens sont à vélo, sont à pied...
Q.- Oui, mais quelles solutions vous apportez, quelles compensations vous apportez, parce que c'est bien de dire qu'on a froid, on souffre, oui, vous êtes le ministre des Transports, qu'est-ce que vous apportez ? Avec un pétrole qui oscille entre 90 et 100 dollars, qui est en train d'augmenter, quelles compensations ?
R.- La question que vous posez, c'est la question du pouvoir d'achat des Français. Il y a, par rapport à l'augmentation du pétrole, incontestablement, des questions qui se posent sur le pouvoir d'achat, le président de la République, le Premier ministre, le gouvernement, y réfléchissent, on y travaille. Je pense par exemple à une autre profession...
Q.- Vous confirmez, vous dites on y travaille, c'est normal que vous y travaillez, mais vous confirmez qu'il y a quelque chose dans l'air ?
R.- Je vais dire des choses très concrètes. Les pêcheurs, problème de gasoil, puisque c'est 35, 40% de leur coût d'exploitation quotidien, mesure prise pour en tenir compte dans le prix du poisson, le président vient sur place, M. Barnier le met en oeuvre. Les routiers... mesures de détaxation du carburant. Je reçois cet après-midi les présidents de toutes les sociétés d'autoroutes de notre pays, pour leur dire de faire un certain nombre de gestes. Geste pour les camions les moins polluants, geste sur les prix à certaines heures de la nuit ou de la semaine, bref, il faut que nous fassions en sorte que tous les acteurs du transport profitent de tout ça. Si vous permettez, juste un mot, j'ai été à Dubaï, on en a beaucoup parlé de la vente historique des 290 Airbus, mais ces Airbus, on les vend avec un dollar peu cher, ce qui fait qu'à la limite les produire coûte encore plus cher, donc si on veut que cette grande victoire pour l'économie française se traduise par de l'emploi en plus, il faut qu'on règle ce problème de parité qui casse le système dans lequel nous fonctionnons.
Q.- Madame Lagarde avait reçu les pétroliers, on ne sait pas s'ils tiennent leurs promesses faites à Bercy, ceux que vous allez recevoir cet après-midi vont faire des promesses, qu'est-ce que vous attendez d'eux, concrètement ?
R.- Moi, j'attends d'eux des décisions très concrètes, faire en sorte que par exemple un camion, on appelle ça, pardon d'être technique, la norme euro IV ou euro V, c'est-à-dire moins polluants, ils payent moins cher sur un passage autoroute, que si un poids lourd circule plutôt la nuit, en soirée ou à des heures où nous ne sommes pas sur les autoroutes pour des déplacements familiaux, professionnels, il puisse payer moins, donc des choses très concrètes pour faciliter à la fois l'esprit du Grenelle de l'environnement, c'est-à-dire moins de pollution et moins de congestion, et en même temps correspondre à la difficulté actuelle de l'augmentation des prix du pétrole.
Q.- Dans le gouvernement Fillon, vous êtes responsable des transports, est-ce que vous confirmez qu'il y a eu des actes de malveillance, de provocation, ces derniers jours, et cette nuit, et peut-être ce matin, sur les voies ferrées pour empêcher les trains, pour gêner la circulation des trains ?
R.- Avec J.-L. Borloo nous avons été informés ce matin, en effet, et dès hier aussi, non pas d'actes de sabotage, le terme serait inexact et inapproprié, mais d'actes de malveillance, des intrusions, des gens sur la voie pour empêcher les quelques trains qui circulent, et déjà ils sont très peu nombreux, pour les empêcher de circuler, ou des gens avec des torches rouges, qui sont les torches d'alerte, dans tous les systèmes de circulation ferroviaires, sur les voies, et obligeant les trains... ce qui veut dire que les gens, les clients, nos concitoyens qui sont dans les rares trains, trop rares trains qui circulent, se trouvent en plus retardés ou empêchés d'avancer par ce type de comportements, qui naturellement doivent être dénoncés.
Q.- Dénoncés, c'est tout ? Je veux dire, on sent qu'il y a un durcissement. Est-ce que le gouvernement a intérêt au pourrissement de la grève ? Est-ce que c'est ce que vous jouez ?
R.- Vous savez, le président de la République l'a redit, et X. Bertrand le dit encore ce matin dans le Parisien-Aujourd'hui en France, le gouvernement veut qu'on en sorte de cette affaire, c'est évident ; la gêne est très importante, les coûts pour l'économie sont considérables, il faut en sortir, et les propositions concrètes ont été faites, c'est la lettre que X. Bertrand a adressée aux organisations, confédérations syndicales, leur disant "mettez-vous autour d'une table dans les entreprises, le gouvernement sera là, il sera autour de la table, et discutons". Simplement, pour que cela commence, et se fasse, il faut qu'il y ait d'abord des appels, des appels pour mettre fin à la grève.
Q.- Donc vous avez confirmé qu'il y avait des actes de malveillance.
R.- Oui, des actes de malveillances et des bêtises, mais des bêtises...
Q.- Dangereuses.
R.- Quand on se balade sur une voie ferrée, on met en cause la sécurité des autres.
Q.- C'est-à-dire que vous allez être encore plus, enfin le gouvernement, plus vigilant à la sécurité des trains qui circulent, et en même temps pour éviter que ça se renouvelle, si je comprends bien.
R.- La ministre de l'Intérieur, M. Alliot-Marie, est en alerte avec toutes celles et tous ceux qui travaillent à ses côtés, sur ces points, en effet.
Q.- D. Bussereau, si les syndicats décident dans 2 heures si la grève est reconduite, ou arrêtée, ou suspendue, ou s'ils décident de l'arrêter, est-ce que le gouvernement est prêt à reprendre les négociations, sans délai, sans conditions, instantanément ?
R.- La lettre de X. Bertrand est très claire.
Q.- Non, mais répondez-moi directement.
R.- Je vous réponds très directement.
Q.- Vous.
R.- S'il y a un appel, il y a d'abord deux entreprises aujourd'hui où les négociations commencent, Gaz de France...
Q.- EDF.
R.- EDF ; il faut quand même le savoir, et c'est important.
Q.- Il y a la CGT, là, qui y va.
R.- S'il y a un appel venant des organisations syndicales, dans les entreprises en cause, la SNCF et la RATP, à la reprise du travail, à ce moment-là les négociations tripartites, entreprises, organisations syndicales, en présence de représentants du gouvernement, pourront démarrer, mais il faut, il faut, et ça a été rappelé hier de manière très solennelle, et je le redis sur votre antenne, il faut qu'il y ait d'abord appel à la reprise du travail.
Q.- Dès qu'il y a appel ? Je veux dire, pas quand tout s'arrêtera, dès qu'il y a appel, on négocie...
R.- Ecoutez, c'est très clair...
Q.- Pour être précis et clair.
R.- Les Français l'ont bien compris, le gouvernement a fait un geste de bonne volonté, puisqu'au départ elles n'étaient pas prévues ces négociations tripartites, c'était prévu dans les entreprises, directions/syndicats. Il y a eu un geste de bonne volonté du gouvernement, et le gouvernement l'assume complètement, et bien nous attendons, en face, un geste de bonne volonté.
Q.- Hier vous étiez à l'Elysée chez le président de la République, vous avez entendu N. Sarkozy et F. Fillon ; est-ce qu'ils se préparent, même s'ils ne veulent pas, à céder, à plier ?
R.- Je crois que les Français qui nous écoutent connaissent le président de la République. Dans cette affaire, il est ferme, il est déterminé, mais il souhaite une société française apaisée. Donc le président de la République est à l'écoute de tout ce qui se passe. Il tient bon, comme toujours, sur ses projets, sur des réformes et sur ses engagements, mais il le fait dans un esprit de dialogue, et ce n'est pas une affaire dans laquelle la démocratie sociale doit s'opposer à la démocratie politique.
Q.- Ces derniers temps, pour être encore plus précis, le président de la République nous avait habitué à le voir se rendre sur tous les terrains en crise, on ne l'a pas vu dans les gares, est-ce qu'il est en train de changer ?
R.- Ecoutez, le président de la République est allé, il y a quelques jours, devant plusieurs centaines ou milliers de cheminots aux ateliers du Landy.
Q.- Non, c'était avant la grève.
R.- Oui, c'était avant, Oui, c'était entre deux grèves et dans une atmosphère où déjà le mouvement se préparait, donc v il est allé au contact avec courage.
Q.- Donc, vous nous avez dit, le gouvernement ne cède pas, que le président est à l'écoute, ça, c'est évident...
R.- Oui, le gouvernement ne cède pas et le gouvernement est à l'écoute.
Q.- La décision de reprendre le travail dépend de B. Thibault ou de la CGT, c'est apparemment un autre conflit, c'est le conflit interne à la CGT. Je ne vous demande pas ce que vous en pensez, mais est-ce que vous souhaitez qu'il s'engage enfin dans un syndicalisme réformiste, comme d'autres avant lui ?
R.- Vous savez, ce n'est pas au gouvernement de porter un jugement sur l'évolution du mouvement syndical français. Il y a eu des gestes de bonne volonté à un certain moment, lancés par des grands leaders syndicaux, puis ensuite, ça ne suit pas, ce que je souhaite c'est que tout ça se mette en route. Très franchement, on est vendredi, il y a des Français qui travaillent ce matin dans des conditions difficiles, le weekend va commencer, je le dis d'ailleurs, il vaut mieux éviter un certain nombre de déplacements ferroviaires pendant le week-end, sauf si on y est obligé, parce que l'offre ferroviaire...
Q.- Mais il vaut mieux qu'ils reprennent le travail...
R.- Malgré tous les efforts de la SNCF, qui communique comme elle le fait, l'offre ferroviaire ne sera pas à la hauteur, il faut que les choses s'arrêtent, mais il faut que personne ne soit humilié et que, dès que les choses s'arrêtent, le dialogue dans les entreprises commence.
Q.- Mais, les yeux dans les yeux là, est-ce que vous croyez qu'elle va s'arrêter...
R.- Les yeux dans les yeux, ça me rappelle quelque chose.
Q.- Qu'elle va s'arrêter ou qu'elle va se prolonger au-delà du weekend, lundi, mardi ?
R.- Je ne le sais pas, mais, une majorité des agents des entreprises le souhaitent certainement, puisque chaque jour le nombre de grévistes diminue, et très certainement, il y aura certainement à la fin de la semaine des sondages qui le montreront, la majorité de nos concitoyens, quelles que soient leurs opinions politiques, ou philosophiques, ou syndicales, le souhaitent ardemment.
Q.- Mais vous n'excluez pas que ça dure, puisqu'il y a la grève de mardi, et que le travail...
R.- Ecoutez, je n'exclus jamais qu'on soit de bon sens, et à l'écoute des préoccupations des Français, voilà. C'est ce que je souhaite de tout mon coeur.Q.- Très bien. Et vous tiendrez longtemps votre majorité politique UMP ?
R.- Ecoutez, la majorité politique soutient le gouvernement. J'observe d'ailleurs que l'opposition, sur l'affaire des régimes spéciaux, comprend très bien et écoute ce que fait le gouvernement.
Q.- Vous dites ça parce que vous ne l'entendez pas.
R.- Non non, parce que quand il y a des questions à l'Assemblée nationale, il y a peut-être des débats sur la forme, mais sur le fond on sent bien que chacun comprend la nécessité de cette réforme.
Q.- Les reporters d'Europe qui sont sur le terrain, ils voient les français aller à leur travail, à pied, en vélo, parfois en voiture, en covoiturage, par tous les moyens, ils voient la situation difficile dans les gares, elle devient insupportable. Sans faire de la démagogie, elle est insupportable.
R.- Le gouvernement le constate, je pense qu'on va l'entendre dans les questions de vos auditeurs. Si vous permettez, une petite réflexion personnelle, mon père, ma mère, mon grand-père, étaient cheminots, et quelque part, tout ça me fait très mal au coeur.
Q.- Donc aujourd'hui vous êtes en grève, avec eux.
Je suis un peu en grève dans mon coeur, oui, par rapport à des convictions et à des valeurs que j'ai vu défendre par ma famille.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 16 novembre 2007