Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur les aides apportées aux filières agricole et touristique après le cyclone Dean, le projet de loi de développement économique de l'outre-mer et la lutte contre la pollution des sols par les pesticides, Fort de France le 5 janvier 2007.

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Circonstance : Visite en Guadeloupe et à la Martinique du 3 au 5 janvier 2008-intervention en Martinique le 5

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Mesdames et messieurs les parlementaires, mesdames et messieurs les élus, mesdames et messieurs les chefs de service, je voudrais d'abord vous dire que c'est une grande joie pour moi de revenir quelques mois après la promesse que j'avais faite, ici, en Martinique, de constater que les dégâts les plus importants du cyclone sont effacés grâce à la mobilisation de tous et que surtout les collectivités locales sont debout, réfléchissent, proposent et je veux tout de suite dire au président du Conseil général et au président du Conseil régional que naturellement le document stratégique qu'ils viennent de me remettre sera au coeur de la concertation qui va se poursuivre sur la loi de programmation.
Permettez-moi un petit mot sentimental pour saluer ce magnifique complexe dans lequel nous sommes accueillis et qui me rappelle une famille, la famille Elizé, qui symbolise pour moi la ville dont j'ai été le maire pendant vingt ans et qui avant moi, en 1934, avait élu un antillais, Raphaël Elizé, maire de cette ville. Un homme qui fut un héros, un héros de la Résistance et qui mourut en camp de concentration à la fin de la Seconde guerre mondiale. J'avais dit que je reviendrais en Martinique pour vérifier que les engagements que nous avions pris, les mesures qui avaient été décidées pour effacer les conséquences du cyclone Dean seraient bien mises en oeuvre. Et je suis heureux aujourd'hui de débuter avec vous, ici, l'année 2008. La vérité c'est que j'ai pas tout à fait tenu mon engagement puisqu'on est en 2008 et que j'avais promis de venir avant la fin de l'année 2007, mais c'est pour moi l'occasion d'abord de vous présenter tous mes voeux, les miens, personnels, les voeux du Gouvernement, ceux du président de la République, et puis c'est l'occasion, au fond, de montrer que la Martinique c'est une priorité du Gouvernement que je dirige puisque je commence l'année en venant ici, en Martinique. Et, je ne viens pas tout seul, je viens accompagner de quatre membres de mon Gouvernement. Michel Barnier qui a en charge le dossier de l'agriculture, stratégique pour la Martinique naturellement. Il est venu d'ailleurs à la suite du cyclone Dean travailler avec les professionnels et avec les élus sur le terrain, stratégique aussi pour notre pays tout entier au moment où se négocie la nouvelle politique agricole commune. C'est une force pour nous d'avoir un ministre de l'Agriculture qui a été commissaire européen et qui est l'interface du travail entre l'Union européenne et les professionnels de l'agriculture. Christian Estrosi, je n'ai pas besoin de vous le présenter, c'est le ministre de l'Outre-Mer sans doute qui est le plus réactif depuis bien longtemps, il est en permanence sur le terrain, je le constate tous les jours et vous le constatez tous les jours et je suis heureux de lui rendre hommage. Luc Chatel qui conduit deux dossiers qui sont très importants pour la Martinique, le dossier du tourisme naturellement, mais aussi le dossier de la consommation et des prix.
Il y dans le modèle de développement martiniquais, dans le modèle de développement des départements d'Outre-Mer des mécanismes qui se sont mis en place au fil des années et qui conduisent à une vie plus chère qu'ailleurs.
Alors, naturellement, il y a les conditions d'éloignement mais il n'y a pas que les conditions d'éloignement et de ce point de vue-là Luc Chatel doit travailler avec vous pour trouver les moyens de lutter, grâce notamment à la concurrence, contre une vie chère qui est d'autant plus injuste que le niveau de vie des habitants des départements d'Outre-Mer n'est pas le même que celui de la Métropole, même si un rattrapage important a été effectué. Et puis enfin, je suis venu accompagné de Bernard Laporte, qui est le secrétaire d'Etat en charge des Sports. La Martinique a donné beaucoup de grands sportifs à notre pays, Bernard Laporte a une responsabilité très importante, développer le sport en France, développer le sport en Métropole, le développer ici, en Martinique, et puis chacun sait que c'est une figure du sport français. L'année 2007 n'a pas été une année très favorable pour les Antilles. Elle ne vous a pas épargnés. Le cyclone, l'épidémie de dengue, le séisme ont durement frappé de très nombreuses familles martiniquaises, et je veux avoir une pensée pour tous ceux qui ont souffert de ces évènements douloureux. Je veux saluer aussi les hommes et les femmes de tous les services publics qui se sont mobilisés avec beaucoup de courage et avec beaucoup d'efficacité. C'est très à la mode dans notre pays de critiquer les services publics, de critiquer ceux qui les servent, mais quand les choses sont difficiles, quand on est au coeur de catastrophes naturelles comme celle que l'on vient de connaître, alors on mesure l'importance du professionnalisme, du dévouement, de l'engagement des hommes et des femmes qui constituent nos services publics. Avec le cyclone Dean, tous les secteurs ont subi des dommages importants, évalués à plus de 500 millions d'euros par la mission interministérielle qui avait été dépêchée sur place. Ces conséquences justifiaient des mesures rapides d'aides dans le cadre de la solidarité nationale et dans le cadre de la solidarité européenne. Comme je l'avais souhaité, la commission interministérielle a examiné dès le 20 septembre les dossiers de demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle transmises par les communes de la Martinique. Une instruction complémentaire a permis d'éviter que certaines communes soient exclues du dispositif grâce à un travail approfondi des ministères concernés, de la préfecture et des services de Météo France. Au total, l'état de catastrophe naturelle a été constaté pour les 34 communes de la Martinique. Le fonds de secours géré par le secrétaire d'Etat à l'Outre-Mer nous a permis d'indemniser les particuliers, les entreprises à caractère familial et les collectivités territoriales. J'avais fixé à trois mois les délais d'engagement de ce fonds de secours, ils ont été tenus.
Je veux vous dire que trois mois ça peut paraître long pour ceux qui attendent les fonds, mais c'est exceptionnel, ça n'est jamais arrivé qu'un fonds de secours fonctionne dans un délai aussi court. Alors, ils ont été tenus, ces délais, grâce à la mise en place pour la première fois d'un système d'avance forfaitaire en faveur du monde agricole et grâce à une mobilisation exceptionnelle des services instructeurs en Martinique comme à Paris. Le fonds de secours est intervenu en Martinique à hauteur de 50 millions d'euros ; 2 700 exploitants agricoles, pêcheurs ou aquaculteurs ont été indemnisés pour un montant de 38 millions d'euros ; 4 000 particuliers et 500 entreprises familiales ont bénéficié d'un peu plus de 2 millions d'euros ; enfin, les collectivités ont obtenu une aide d'environ 10 millions d'euros à travers un peu plus de 300 dossiers acceptés. Avec Michel Barnier, nous avons porté une attention particulière à l'ensemble des filières agricoles, des aides exceptionnelles du ministère de l'Agriculture et de la Pêche ont permis de soutenir plus de 850 exploitants agricoles, les échéances des avances accordées à la filière banane ont été repoussées. Nous avons aussi accordé une attention particulière au secteur du tourisme. Sous l'impulsion de Luc Chatel, des actions de relance de la destination ont été réalisées avec le soutien financier de l'Etat à hauteur de 2,4 millions euros. D'autres dispositifs, l'intervention du FISAC, les outils mis en place par l'Agence française de développement, ont été ou sont encore en train d'être mobilisés. 340 entreprises, enfin, ont bénéficié des mesures de chômage partiel mises en place pour un coût de 3 millions d'euros. Enfin, comme prévu, un dossier de demande d'intervention du fonds de solidarité de l'Union européenne a été transmis à la Commission européenne. Le Gouvernement a donc tenu ses engagements. Si je veux le souligner avec autant de force ce n'est pas pour m'en féliciter, c'est parce que je crois que nous devons entrer dans la relation que nous entretenons avec les collectivités locales dans cette culture du résultat et de l'engagement tenu. Les grands discours c'est formidable, mais la réalité c'est ce qu'on peut faire ensemble sur le terrain. Et je pense qu'on a trop vécu dans le passé le non-respect des engagements des uns et des autres, notre pays a connu une vraie crise politique pendant près de vingt ans, s'il a connu une crise de confiance, c'est justement parce que les citoyens avaient le sentiment que les responsables politiques ne tenaient jamais leurs engagements. Je pense que le retour de la confiance s'appuie sur le respect des engagements et sur la précision des discours et sur la culture de résultat.
La presse française et l'opposition en France sont, paraît-il, affolés par l'idée d'évaluation des ministères que j'ai décidée avec le président de la République, mais enfin c'est normal d'évaluer des politiques. Il ne s'agit pas d'évaluer les hommes, bien entendu - ça ce sont les électeurs qui le font - il s'agit d'évaluer les politiques. On prend des engagements à l'occasion des élections présidentielles, des élections législatives, ce ne sont pas des engagements en l'air, simplement pour gagner les élections, c'est un projet. On est choisis par les Français, par une majorité de Français, on peut être favorable à ce projet ou ne pas y être, mais enfin c'est celui que les Français ont choisi. Alors, ensuite, il faut le mettre en oeuvre, et il faut vérifier mois après mois, année après année, que le projet, les engagements sont tenus, le projet est mis en oeuvre. C'est la culture de mon Gouvernement, c'est la culture que le chef de l'Etat nous a demandé de mettre en oeuvre.
Je veux saluer tous les agents de la préfecture, Monsieur le préfet, et des services déconcentrés sans qui ce résultat n'aurait pas été possible. Ils ont porté très haut les valeurs du service public, je veux dire que cette action a été, évidemment, éminemment partenariale et je veux saluer le rôle déterminant du Conseil régional, monsieur le président, et le rôle du Conseil général, comme de chacune des communes.
Mesdames et messieurs, le propre des catastrophes c'est de souligner les faiblesses ou les handicaps des territoires qui les subissent. Le cyclone Dean a durement rappelé la précarité de certains logements. Les actions de relogement provisoire ont permis de redonner un toit aux 400 ménages concernés par la destruction de leur logement. Des actions de réhabilitation lourde ou de reconstruction doivent maintenant être engagées en lien étroit avec les communes concernées, celle de Fort de France au premier chef puisque c'est elle qui concentre la moitié des besoins. Deux maîtrises d'oeuvre urbaines et sociales sont constituées pour suivre les dossiers individuels. Elles permettront de chiffrer précisément les besoins en crédits supplémentaires dont la Martinique aura besoin en 2008 sur la ligne budgétaire unique.
Au-delà de l'action directement ciblée sur les conséquences de Dean, la réhabilitation et la production de logements sociaux restent un défi pour l'Outre-Mer et pour la Martinique tout particulièrement. Le budget pour l'Outre-Mer que Christian Estrosi a préparé a tenu compte de cette priorité avec une augmentation de 25 millions d'euros, soit une augmentation de 12 % des crédits inscrits en loi de finances initiale. Il faut aussi trouver de nouveaux leviers de financement du logement social. Ca sera un chapitre important de la loi de programmation avec notamment une réorientation du dispositif de défiscalisation vers le logement social et vers le logement intermédiaire. Le séisme du 29 novembre, sans provoquer, fort heureusement, des dégâts majeurs, a lui aussi rappelé la vulnérabilité particulière de l'habitat face à ce risque. Il n'y a évidemment pas de méthode, hélas, scientifiquement établie pour prédire le moment précis d'un séisme, et donc la meilleure prévention contre ce risque reste la construction parasismique. C'est la raison pour laquelle le plan national 2005-2010 est centré sur le développement de la construction parasismique avec un effort tout particulier ces dernières années sur les Antilles. Il s'agit de faire partager à tous les maîtres d'ouvrage l'idée que la réponse à long terme se trouve dans le strict respect des normes de construction. Le renforcement des bâtiments existants est une question encore plus délicate à traiter, qui a justifié la mise en place en janvier 2007 d'un plan spécifique pour les Antilles centré sur les logements sociaux, les écoles et les bâtiments nécessaires à la gestion de crise. Les travaux prévus au titre de la première phase sont pour sept ans estimés à 343 millions d'euros, financés à hauteur de 73 % par l'Etat et c'est un engagement que je prends à nouveau devant vous, le reste relevant des fonds européens ou des collectivités territoriales. Sous l'impulsion d'une cellule d'appui des actions ont d'ores et déjà été engagées sur les trois composantes de ce plan. L'Etat pour ce qui le concerne a délégué 38 millions d'euros.
Mais le rythme d'exécution de ce plan, je le dis, n'est pas satisfaisant, et il faut en particulier accélérer le rythme des opérations pour les écoles. J'ai donc demandé à Jean-Louis Borloo de veiller à ce que les équipes d'animation de ce plan soient renforcées pour achever le plus vite possible les diagnostics et accompagner les communes maîtres d'ouvrage, dans les travaux de confortement que l'Etat comme prévu accompagnera et qui commenceront dès 2008. C'est un sujet, mesdames et messieurs, sur lequel nous avons pris beaucoup de retard, je pense que la responsabilité est très collective. Franchement, cela fait plus de deux ans qu'on sait qu'il y a des risques de séismes, notamment sur le territoire de la Martinique et sur le territoire de la Guadeloupe. Alors, voilà, on est maintenant dans cette situation ensemble et il faut rattraper ce retard. Mesdames et messieurs, nous sommes en train de réformer notre pays en profondeur et je sais que cette ambition c'est aussi la vôtre. En 2007, nous avons déjà engagé une première série de réformes structurelles, réforme des universités, réforme des régimes spéciaux de retraite, réforme du marché du travail. En 2008, nous allons aller beaucoup plus loin parce que nous voulons atteindre une croissance saine et durable, parce que nous voulons gagner la bataille du pouvoir d'achat, la bataille de l'emploi et la bataille de la lutte contre la précarité. Pour cela, nous allons continuer à libérer partout où c'est possible le fantastique gisement de talents et d'énergie que recèle notre pays et qui reste insuffisamment valorisé.
Nous voulons libérer le travail en allant vers ce qu'on appelle la flexsécurité, c'est-à-dire plus de souplesse pour que chacun puisse travailler plus facilement et en même temps plus de sécurité pour que chacun puisse construire son parcours professionnel en étant accompagné et aidé quand il en a besoin. Nous voulons lever tous les freins qui empêchent la concurrence de se développer au service des consommateurs, au service des salariés, au service de notre dynamisme économique. J'ai bien entendu les questions qui étaient posées ou les inquiétudes ou les interrogations, en particulier par le président du Conseil général sur les emplois aidés et je reconnais bien volontiers qu'il y a une situation spécifique à la Martinique qui doit être prise en compte s'agissant du niveau de chômage élevé de ce territoire et s'agissant de la nécessité d'y maintenir un nombre important d'emplois aidés. Mais je veux vous dire que sur le long terme c'est un modèle économique qui n'a aucune chance de réussir, ça n'est pas en multipliant les emplois aidés et en multipliant la dépense publique que nous pourrons donner à la Martinique une économie adulte, une économie autonome, une économie qui produit des richesses et une économie qui réussit à faire vivre son territoire. Ce qui est vrai pour la Martinique est vrai naturellement pour l'ensemble de la Métropole. Regardez autour de vous, regardez en Europe les pays qui ont réussi à atteindre le plein emploi, il y en a dix aujourd'hui, dix pays européens qui sont au plein emploi et qui ne sont pas des pays qui ont plus de richesse que nous, et qui ne sont pas des pays qui ont une culture plus ancienne que la nôtre ou qui ont une formation meilleure que la nôtre, ce sont des pays qui sont comparables et qui sont même bien souvent moins riches que nous, et pourtant ils ont réussi à atteindre le plein emploi. Et comment est-ce qu'ils ont réussi le plein emploi ? En réformant, en changeant les structures, en revenant sur des idées acquises qui au fil du temps sont devenues des freins au développement. Vous savez, quand une politique ne marche pas il faut la changer. Vouloir maintenir envers et contre tout des politiques qui ne fonctionnent pas simplement parce que c'est l'habitude et parce que on a du mal à imaginer une autre façon de penser, eh bien ça conduit à aggraver de plus en plus la situation. Donc, nous allons regarder avec beaucoup d'attention la situation de la Martinique s'agissant des emplois aidés pour tenir compte des besoins spécifiques, pour tenir compte du niveau de chômage qui est très important et pour tenir compte du délai nécessaire pour mettre en oeuvre les mesures que la loi de programmation va proposer pour donner à l'économie martiniquaise un dynamisme plus grand, une autonomie plus forte, mais je veux que nous ayons tous en tête cet objectif. Cet objectif, c'est une économie qui produit des richesses, une économie qui donne de la croissance et une économie qui permet de distribuer à tous ceux que la vie a moins gâté que les autres des ressources qui ont été produites par la collectivité. Enfin, il faut reconstituer les marges de manoeuvre de nos finances publiques, j'ai bien entendu les présidents des deux assemblées me dire, et le représentant des présidents des maires, que la situation financière des collectivités locales étaient difficile, je le sais bien, j'ai l'avantage d'avoir présidé un conseil régional, un conseil général et d'avoir été maire. Et donc, je sais qu'il est assez facile de se tourner vers l'Etat en disant que la situation des collectivités locales est difficile. Moi, je veux vous dire que celle de l'Etat est plus difficile que celle des collectivités locales parce que l'Etat aujourd'hui il est tellement endetté qu'il porte une charge qui pèse naturellement sur son dynamisme, qui pèse sur ses investissements et qui pèse sur l'économie nationale tout entière. Il faut qu'ensemble nous ayons à coeur, en étant juste, en mettant l'argent public là où c'est nécessaire, et ici il y a des besoins qui sont des besoins spécifiques, il faut que nous ayons à coeur de revenir à l'équilibre budgétaire. Ce n'est pas un choix qui devrait nous diviser. Personne ne peut vivre à crédit éternellement. Cela fait 33 ans que la France n'a pas connu un budget équilibré, ça n'est plus possible. J'ai l'habitude de dire que les jeunes qui ont moins de 33 ans pensent qu'ils ont toujours vécu avec le déficit, donc ils pensent que ça peut durer toujours, et ceux qui ont plus de 33 ans se disent que si ça a duré 33 ans ça durera bien encore quelques années. La vérité c'est que ça ne durera pas encore quelques années parce que le poids de ce déficit écrase la croissance, écrase l'économie, et empêche l'Etat d'accomplir ses missions.
Si nous avions retrouvé l'équilibre de nos finances publiques nous serions en mesure d'investir massivement, d'investir beaucoup plus lourdement, en particulier dans des territoires qui en ont besoin comme c'est le cas de la Martinique. Notre projet, mesdames et messieurs, c'est un projet pour la France, il n'y a pas pour l'Outre-Mer d'autres projets même si bien sûr il faut tenir compte des spécificités de l'Outre-Mer. Plus de soixante ans après son accession au statut de département, la Martinique a beaucoup changé, permettez-moi de revenir un instant en arrière, la démocratie locale y est solidement installée avec des collectivités qui sont désormais en charge de responsabilités élargies, dans un cadre institutionnel rendu plus souple par la réforme constitutionnelle de 2003. Sur ce point, je veux vous dire que le Gouvernement ne compte pas ouvrir de nouveaux chantiers constitutionnels pour l'Outre-Mer. Il nous semble, mais naturellement c'est un débat ouvert entre nous, que la palette des outils juridiques inscrits dans la Constitution, la loi organique ou la loi, est déjà très large, qu'elle peut être utilisée et je serai très attentif aux propositions qui pourraient être faites en ce sens. La départementalisation et l'égalité sociale ont également permis aux Martiniquais d'accéder à des infrastructures et à des services de qualité, le niveau de vie s'est amélioré, l'économie de la Martinique a connu une véritable métamorphose. Tous ces progrès, mesdames et messieurs, ils ont été obtenus grâce à une politique active de transferts financiers et grâce à une forte intégration de l'économie martiniquaise à l'économie métropolitaine. C'est un modèle qu'il ne faut pas rejeter, qui a répondu à une exigence légitime de solidarité et d'égalité mais je veux dire qu'aujourd'hui ce modèle montre ses limites. Il montre ses limites parce que les ressources publiques sont plus rares, il montre ses limites parce qu'en instaurant une relation économique quasi exclusive avec la Métropole, en privilégiant des secteurs protégés de la concurrence, en tirant des structures de prix vers le haut, ce modèle a aussi créé ses propres freins sur l'emploi et sur la réduction des inégalités. Il faut donc maintenant ensemble réfléchir à une autre logique, à un autre modèle économique pour l'Outre-Mer. Il faut en réalité donner à la Martinique une capacité de développement plus autonome. C'est la stratégie du Gouvernement conformément au programme du président de la République. Il ne s'agit pas, je vous rassure, de renoncer à une logique de solidarité, mais il s'agit de permettre aux entreprises martiniquaises non seulement de consolider leur position sur le marché intérieur, mais aussi de relever le défi de l'export, et en particulier dans la région. Cette stratégie doit être fondée sur la formation, sur la recherche et sur l'innovation. Le Gouvernement veut permettre à la Martinique d'accéder à une capacité de développement économique plus autonome sans laquelle la responsabilité politique aurait moins de sens.
L'autonomie en matière économique elle va de pair avec la responsabilité politique. C'est le coeur de la loi programme pour le développement économique et la promotion de l'excellence Outre-Mer que prépare actuellement Michèle Alliot-Marie et Christian Estrosi.
L'avant-projet de loi sera transmis au Conseil économique et social et aux collectivités concernées d'ici le mois de février. Et je dis oui par avance à toutes les demandes que vous ferez de réunions, de concertations, avec les élus et les forces économiques de la Martinique pour améliorer ce texte et pour le rendre conforme aux aspirations que vous avez vous-mêmes dégagées puisque, au fond, c'est à vous d'écrire, de dessiner l'avenir de votre territoire et le modèle économique que vous voulez mettre en oeuvre et au Gouvernement d'apporter les outils qui vous donneront l'autonomie dont vous avez besoin s'agissant de l'économie. Vous allez donc pouvoir poursuivre tout au long du mois de janvier et tout au long du mois de février la concertation qui a déjà été engagée avec Christian Estrosi. L'idéal serait que nous puissions adopter ce texte au Conseil des ministres en mars ou en avril pour qu'il soit voté par le Parlement avant l'été. Cette loi correspondra malgré le contexte financier tendu que j'ai évoqué il y a quelques instants, c'est un engagement que je prends devant vous solennellement, à un effort financier supplémentaire de l'Etat pour l'Outre-Mer. Elle gardera le socle de la loi programme de 2003 qu'il s'agisse de la défiscalisation ou des exonérations de charges. Elle orientera les aides publiques vers les leviers d'un développement économique durable tout en supprimant les situations de rente.
Enfin, les marges de manoeuvre dégagées seront intégralement destinées à combler le déficit en logements sociaux ou le retard dans les équipements publics de base. Cette promotion de l'excellence Outre-Mer se traduira notamment par la création de zones franches globales d'activité, les zones franches globales seront un levier puissant pour impulser des dynamiques dans des secteurs prioritaires que les élus et les acteurs économiques ont identifiés pour la Martinique : le tourisme, les énergies renouvelables et l'environnement. Mais naturellement l'outil fiscal, je veux vous le dire, ne sera pas suffisant à lui seul, il faut aussi des outils d'accompagnement et tous les partenaires sont bien évidemment concernés. De ce point de vue, l'Etat ne peut être qu'attentif aux documents de prospective que le Conseil régional et le Conseil général ont adopté et à la synthèse commune que vous venez de me remettre. Le schéma régional martiniquais de développement économique tout comme l'Agenda 21 du département tracent des perspectives et définissent des priorités cohérentes avec les axes du contrat de projet Etat/région et du programme opérationnel européen. Je prends l'exemple de la mise en place des pôles de compétitivité sur les thématiques de l'environnement et de la prévention des risques.
L'innovation et la recherche sont aujourd'hui les piliers sur lesquels se construit l'avenir des économies ultramarines. De même, la volonté d'ouvrir l'économie martiniquaise sur son environnement régional est une priorité largement partagée. La signature de l'accord de partenariat économique avec les pays du Cariforum le 18 décembre dernier ouvre de ce point de vue de réelles perspectives. Cet accord prévoit la libéralisation progressive du marché du Cariforum, il s'agit surtout du seul accord qui couvre le secteur des services pour lesquels la Martinique a justement des atouts et pourra les faire valoir. Il nous faut maintenant analyser en détail cet accord et saisir ensemble pleinement les opportunités qu'il ouvre. Mesdames et messieurs, aujourd'hui, l'excellence environnementale est également une priorité pour la Martinique. Le grenelle de l'environnement a débouché sur un programme spécifique consacré à l'Outre-Mer. C'est un enjeu de société mais c'est aussi un enjeu financier pour l'Etat comme pour les collectivités pour lesquelles il faudra regagner les marges de manoeuvre budgétaires nécessaires. L'enjeu c'est aussi de diffuser des nouvelles pratiques dans tous les secteurs, c'est prendre à bras le corps le dossier des pesticides, et bien sûr celui du chlordécone dont je souhaite vous parler un instant. La question de la pollution des sols par les pesticides n'est pas une question nouvelle, et je veux vous dire que c'est pas une question spécifique aux Antilles. A l'issue du Grenelle de l'environnement, le Gouvernement a donc décidé de mettre en place un plan très ambitieux de réduction de l'usage des pesticides, c'est un des défis que Michel Barnier doit relever puisqu'il s'agit en quelques années de réduire de moitié les intrants dans ce domaine. Mais c'est vrai, la question du chlordécone suscite des inquiétudes plus spécifiques aux Antilles qui justifie que le Gouvernement lui accorde la plus grande attention.
Depuis la découverte de la pollution en 1999, des rapports d'information ont été produits, de nombreuses actions ont été mises en oeuvre que les polémiques récentes ont eu tendance à occulter. Je veux être clair, la transparence sera totale. La pollution des sols elle est avérée, elle pose une vraie difficulté pour les filières agricoles traditionnelles dont les Antilles ont besoin. L'impact sur la santé de cette pollution est encore trop largement méconnu. Il est totalement inexact d'invoquer comme certains l'on fait la notion d'empoisonnement parce que cela supposerait un acte délibéré et un lien avéré avec des troubles sanitaires.
Mais il serait tout aussi irresponsable de nier qu'un impact sanitaire est possible. Nous devons donc suivre le principe de précaution et renforcer les mesures de protections de la population. J'ai donc chargé le directeur général de la Santé, le professeur Didier Houssin, de préparer un plan d'action sur trois ans dont je veux vous présenter les grands volets. Le premier volet, c'est le renforcement de la connaissance des milieux. Nous allons équiper les laboratoires sur place, en Martinique, pour effectuer des analyses de sol qui sont aujourd'hui toujours réalisées en Métropole. Le deuxième volet, c'est la diminution de l'exposition de la population et de l'impact sur la santé avec d'abord un arrêté qui sera publié très prochainement et qui permettra d'abaisser les valeurs maximales des résidus pouvant être retrouvés dans les productions végétales et animales. Il est absolument indispensable de restaurer la confiance des consommateurs. Ensuite, nous mènerons des actions de sensibilisation sur les produits des jardins familiaux. Et enfin, les programmes de recherche étudiant les effets sur la santé seront renforcés et seront pilotés par l'INVS et par l'INSERM au sein d'un comité scientifique. Il ne faut pas laisser de place à l'improvisation sur ces sujets. Le troisième volet du plan vise à garantir une alimentation saine par un renforcement de la traçabilité des produits mais aussi par un meilleur accompagnement des exploitations agricoles. Des actions spécifiques seront mises en oeuvre par le ministère de l'Agriculture pour accompagner, si nécessaire, la reconversion des terres et pour appuyer les programmes de promotion des produits. Le coût estimatif de ce plan d'action est de 36 millions d'euros, je souhaite naturellement que les collectivités territoriales concernées puissent y participer dans les domaines qui sont de leurs compétences. J'ai demandé au préfet de la Martinique et au professeur Houssin de présenter le contenu détaillé de ce plan devant le groupe régional élargi aux élus, et ça sera l'occasion, au fond, d'en faire l'explication et la promotion devant tous les habitants de la Martinique le 22 janvier prochain.
Mesdames et messieurs, voilà les messages que je voulais vous adresser à l'occasion de ma visite en Martinique. Je sais les difficultés qui peuvent être encore celles des Martiniquais, je sais les enjeux que sont pour la Martinique le maintien des filières agricoles traditionnelles, le rôle du secteur commercial et artisanal, la satisfaction des besoins en logements sociaux ou le renouvellement urbain, mais je veux vous dire que la satisfaction de tous ces besoins passe maintenant par un nouveau modèle de développement, par de nouveaux modes de création de richesse et de valeur ajoutée. Mesdames et messieurs, le Gouvernement est aux côtés de la Martinique pour avancer sur le chemin de la transformation, pour valoriser au mieux les atouts de cette île d'exception. Il est à vos côtés, mais, vous le savez, l'avenir dépend aussi de vous, de votre énergie, de votre capacité d'innovation, de votre volonté de bâtir votre destin. Après avoir rencontré ce matin Aimé Cesaire, après avoir parlé à l'instant avec les élus de la Martinique, après avoir reçu le résultat des réflexions que vous avez conduites dans votre plan stratégique, je n'ai pas d'inquiétude sur l'espoir qui est au coeur de votre projet économique et politique. Je veux que vous sachiez que le Gouvernement est là pour vous accompagner, pour vous aider, que vous avez en face de vous une équipe gouvernementale qui est ouverte, une équipe gouvernementale qui est ouverte à la discussion, qui est ouverte à la concertation et qui n'a qu'un seul objectif : permettre qu'on améliore les conditions d'existence, les conditions de vie de tous les habitants sur notre territoire et en particulier ici, en Martinique.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 16 janvier 2008