Déclaration de M. Hervé Novellin sur la politique gouvernementale en direction des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME) et d'autres mesures envisagées, notamment sur le paiement des prélèvements obligatoires ou la protection du patrimoine personnel de l'auto-entrepreneur, Paris le 10 janvier 2008.

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Circonstance : Remise du rapport Hurel sur l'auto-entrepreneur à Paris le 10 janvier 2008

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je remercie vivement François Hurel pour la qualité et l'inventivité de ses propositions, qu'il va nous présenter dans quelques instants. Son rapport fait suite à la mission que je lui avais confiée sur la reconnaissance de l'auto-entrepreneur le 18 octobre dernier. L'auto-entrepreneur, c'est celui qui crée par lui-même son activité, et la conduit de façon indépendante.
Si j'ai confié cette mission à François Hurel , c'est parce que de nombreuses personnes souhaitent aujourd'hui mener une activité nouvelle, sans être salarié et sans pour autant créer une société propre, avec les contraintes qu'elle implique. Il nous faut permettre à nos concitoyens de développer les activités qu'ils souhaitent, sans pour autant avoir à créer de nouvelles structures, et sans devoir nécessairement s'engager sur une longue durée. Le rapport de François Hurel montre bien que malgré les progrès réalisés ces dernières années, il existe encore en France des réserves importantes de dynamisme et que la création de richesse ne demande qu'à être libérée. Ces propositions vont faire l'objet d'une instruction attentive, et je veillerai personnellement à ce qu'il y soit donné des suites concrètes et ambitieuses.
Je rappelle que la politique des pouvoirs publics en direction des TPE/PME a combiné, ces dernières années, trois approches :
- favoriser la création d'entreprises ;
- faciliter la transmission et la reprise des entreprises ;
- accompagner le développement et le financement des entreprises.
Ces objectifs ont été au coeur des deux lois adoptées lors de la précédente législature : la loi du 1er août 2003 sur l'initiative économique et la loi du 2 août 2005 en faveur des PME.
Les résultats atteints sont importants. Ils ont facilité l'initiative privée en permettant à des dizaines de milliers d'entrepreneurs de se révéler et de passer à l'acte de la création. Mais le rapport de François Hurel nous rappelle qu'il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Nombreux sont ceux de nos concitoyens, salariés, étudiants, chômeurs, ou jeunes des banlieues qui aspirent à exercer une activité indépendante, signe pour eux de liberté, de promotion sociale et d'opportunité d'enrichissement par le travail. Le rapport de François Hurel sera notre point de référence pour mieux les accompagner dans les mois à venir, car il démontre qu'il existe encore des réserves importantes d'activités dans notre pays, et nous propose des pistes concrètes pour les libérer.
Mais je laisse sans attendre la parole à François Hurel , qui va vous résumer le contenu et les principales conclusions de son rapport. Après son intervention, je vous présenterai nos orientations quant à sa mise en oeuvre. Je répondrai ensuite avec plaisir à vos questions.
[Présentation du rapport par François Hurel ]
Les propositions du rapport sont nombreuses, et elles sont aussi ambitieuses dans leur portée. Je retiendrai particulièrement quatre axes de travail :
- Créer les conditions pour qu'il soit facile et simple de créer mais également de cesser une activité économique indépendante ;
- Simplifier le paiement des prélèvements obligatoires ;
- Lever les barrières légales et réglementaires à la création d'entreprise indépendante ;
- Protéger efficacement le patrimoine personnel de l'auto-entrepreneur.
1. Créer les conditions pour qu'il soit facile de créer et le cas échéant de cesser une activité économique indépendante.
Les questions que se posent aujourd'hui tous les entrepreneurs tiennent aux conséquences financières et administratives de la création d'une activité indépendante. Lorsqu'ils le font de manière exclusive de tout autre travail, cette crainte existe évidemment, mais elle s'amplifie davantage lorsque cette activité s'exerce cumulativement ou alternativement à une autre.
Comme le montre le rapport qui m'a été remis aujourd'hui, la procédure de création d'une activité nouvelle doit reposer sur des principes simples : pouvoir lancer rapidement une activité, par une simple déclaration, pouvoir s'arrêter tout aussi vite si on le souhaite, et enfin pouvoir interrompre, mettre en sommeil sa qualité d'auto-entrepreneur en attendant de nouveaux contrats ou de nouvelles missions. Bref, les auto-entrepreneurs veulent pouvoir gérer facilement les conséquences administratives et financières de leur activité ou de sa cessation.
Comme le propose François Hurel , il nous faut utiliser cet outil utile que sont les Centres de formalités des entreprises (CFE) pour simplifier encore l'acte d'entreprendre. Je proposerai dans les prochaines semaines des mesures concrètes inspirées de ce rapport, pour faciliter les formalités de création et de cessation d'activité individuelle, en m'appuyant sur les CFE. Pour ne citer qu'un exemple, c'est concrètement à un kit du créateur d'entreprise qu'il nous faut réfléchir, avec l'Agence pour la création d'entreprise : une malette que le créateur pourra acquérir aisément et qui lui dira comment, en une heure, créer, interrompre, reprendre et cesser une activité indépendante.
2. Simplifier le paiement des prélèvements obligatoires.
Dans ce domaine d'importants progrès sont intervenus ces dernières années, avec la création de l'interlocuteur fiscal unique, du Régime social des indépendants et enfin de l'interlocuteur social unique dont j'ai assuré la mise en place avec mon collègue Eric Woerth le mois dernier.
Malgré cela notre système de prélèvements obligatoires demeure compliqué, difficile à comprendre et encore trop souvent détaché des réalités économiques. Le rapport propose donc un ensemble cohérent de mesures visant à répondre à des situations pratiques, que j'ai pu rencontrer personnellement en tant qu'entrepreneur, et en tant qu'élu local.
Laissez-moi vous en donner quelques exemples, qui montrent tout l'intérêt à mes yeux de ce rapport :
* Un salarié souhaite accroître son pouvoir d'achat et se propose de travailler quelques heures, quelques jours ou quelques semaines à son compte . Or l'exercice intermittent d'activités n'est pas aujourd'hui favorisé par la législation - c'est le moins que l'on puisse dire. Le rapport propose que le salarié puisse s'inscrire régulièrement et ne payer de charges sociales et fiscales que s'il enregistre effectivement des recettes.
* Autre exemple, un professionnel indépendant cesse son activité . Jusqu'à présent il devra s'acquitter de sa dernière cotisation sociale au plus tard 23 mois après avoir déclaré sa cessation d'activité. Le rapport propose de lui permettre de solder plus rapidement ses dettes fiscales et sociales d'activité indépendante.
* Dernier exemple, un créateur se lance dans une activité nouvelle : il acquitte aujourd'hui un forfait de cotisations sociales minimales, qu'il travaille effectivement ou non. Ce rapport propose la suppression de cette cotisation minimale au profit d'un pourcentage de charges payable dès le premier euro encaissé.
Ce rapport propose donc des pistes novatrices et surtout de bon sens pour répondre à ces difficultés pratiques, dont il nous faut étudier toutes les implications. L'idée d'instaurer une forme de « prélèvement à la source » pour le paiement des prélèvements sociaux et fiscaux de l'auto-entrepreneur mérite en particulier d'être étudiée de façon approfondie. Il nous faut dans les prochaines semaines mieux en évaluer toutes les implications, compte tenu, notamment, de la variabilité des revenus de ces professionnels.
Par voie de conséquence, je souhaite m'attaquer à la question des cotisations sociales minimales des travailleurs indépendants. Leur montant est important pour les très faibles revenus, fréquents en début d'activité, alors que de nombreux chefs d'entreprises qui travaillent pourtant avec acharnement, ne peuvent pas valider les quatre trimestres annuels d'activité en matière d'assurance-vieillesse. Je vous le dis sans détour : pour ma part, je suis favorable à ce que toute personne créant une nouvelle activité ne paie pas de charge avant d'avoir encaissé des revenus.
L'idée directrice d'une réforme en la matière doit être, comme dans le régime général, de rapprocher le taux des prélèvements sociaux des travailleurs indépendants du principe de la proportionnalité par rapport au revenu, que celui-ci corresponde au revenu réel ou qu'il soit, comme dans le régime micro, étroitement corrélé au montant du chiffre d'affaires.
3. Lever les barrières à la création d'entreprise :
En premier lieu, je suis particulièrement sensible à la préoccupation exprimée dans le rapport d'instaurer un droit au rebond. Trop souvent, en effet, notre droit positif fait obstacle à la réinsertion professionnelle de celui qui a été victime d'un échec économique ou qui a subi une condamnation pénale. Nous pourrions notamment réfléchir à un ajustement du régime des incapacités commerciales suite à une condamnation pénale, qui me paraît parfois excessivement rigoureux et qui ne permet pas suffisamment aux juges de prendre en considération les situations individuelles.
Il me semble également que le moment est venu de nous interroger sur l'assouplissement du régime de la qualification professionnelle artisanale. Il nous faut vérifier que ce régime ne conduit pas, dans certains secteurs, à rationner l'offre, alors qu'une demande existe, notamment dans les services aux personnes, et que des opérateurs économiques seraient prêts à la satisfaire, si ces activités leur étaient ouvertes. Je propose donc de mener avec les professionnels de l'artisanat une réflexion approfondie sur ce sujet, que je sais complexe. Il ne s'agit d'ailleurs pas de remettre en cause de façon générale l'exigence de qualification pour la création d'une entreprise artisanale, mais de distinguer, dans la réglementation actuelle, ce qui est indispensable pour garantir la sécurité des personnes et la qualité des prestations, et ce qui peut au contraire freiner le développement des activités artisanales dans les secteurs en tension. Je sais que c'est une question délicate, pour laquelle il ne faut pas prendre de décision sans une concertation approfondie au préalable, mais je souhaite que, dès à présent, les services consulaires ainsi que les organisations professionnelles de l'artisanat se saisissent de ce sujet. Il y a là, en effet, à la fois un gisement significatif d'activités et un enjeu pour le consommateur, ainsi que l'atteste d'ailleurs le succès du dispositif des services à la personne.
Enfin, François Hurel propose de revisiter les conditions d'installation de son activité professionnelle dans son propre logement. En particulier, il est vrai que dans les villes de plus de 200 000 habitants, le changement d'affectation d'un local d'habitation en local commercial est aujourd'hui soumis à autorisation préfectorale, alors même que le règlement de co-propriété de l'immeuble ne l'interdit pas. De même, le rapport estime que l'utilisation des locaux d'habitation pour une activité professionnelle pourrait être moins contrainte dans les HLM. Cette question de l'utilisation de son local d'habilitation à des fins professionnelles mérite d'être étudiée, et je l'évoquerai avec mon collègue en charge du logement et de l'urbanisme.
4. Protéger efficacement le patrimoine personnel du chef d'entreprise.
François Hurel propose d'introduire en droit français un nouveau concept juridique, celui du patrimoine professionnel affecté. Il souhaite ainsi trouver une solution à une demande ancienne et justifiée des entrepreneurs individuels de protéger leur patrimoine personnel des aléas de leur activité économique, en créant un véritable patrimoine de l'entreprise individuelle, réceptacle à des capitaux propres dédiés.
C'est une préoccupation légitime. Nous y réfléchirons sans a priori. Nous devons faire en sorte que l'échec économique n'entraîne pas nécessairement un échec sur le plan personnel et matériel. Je vous le dis clairement : je ne veux pas que le seul moyen pour un artisan ou un commerçant de protéger ses biens personnels soit de créer une société. 40% des artisans n'ont pas adopté la forme sociétale, et ils en ont parfaitement le droit.
C'est dans la même perspective que la loi du 1er août 2003 avait autorisé le créateur d'entreprise à mettre sa résidence principale à l'abri de ses créanciers. Il s'agissait d'un premier pas dans le sens de la réforme plus ambitieuse que propose François Hurel. Bien évidemment, il ne s'agit pas de remettre en cause le droit des entrepreneurs à pouvoir créer une société unipersonnelle s'ils le souhaitent.
Les quatre axes de propositions que je viens d'esquisser répondent aux préoccupations exprimées par François Hurel. Ils s'inscrivent dans les orientations du Président de la République visant à favoriser la création de richesse par le travail. Il n'est pas normal que le dynamisme et l'enrichissement de nos concitoyens soient bornés par la complexité administrative, le poids des charges et le sentiment d'insécurité juridique.
Libérer et rassurer me semblent répondre aux attentes des Français et aux objectifs d'une économie de liberté et de la connaissance. Dans les semaines qui suivent, ces propositions feront l'objet d'une étude et d'un suivi attentifs, afin qu'elles trouvent rapidement une suite concrète dans des dispositions législatives qui seront proposées au cours de ce semestre.
Il s'agit bien d'engager une démarche cohérente qui vise :
- à sécuriser l'entrepreneur indépendant,
- à faciliter la création, l'interruption ou la cessation d'activités,
- à simplifier le paiement des prélèvements sociaux et fiscaux et
- à lever les barrières à l'exercice des activités artisanales et commerciales lorsqu'elles sont injustifiées.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 10 janvier 2008