Texte intégral
A. Caron.- Jusqu'à présent, son nom était surtout associé au combat contre le Pacs, contre l'avortement ou contre le mariage homosexuel. Mais depuis quelques années, elle a pris un virage, elle a changé, de ton d'abord et puis de look ensuite, avec un hommage capillaire assumé à la chanteuse Morane, comme elle expliquait récemment dans un très bel article paru dans Paris-Match. Changement de ton, de look et de créneau : désormais elle veut incarner la frange sociale de la droite. Elle s'est donc battue pour l'amélioration des conditions carcérales et elle a défendu, avant les autres, dans son camp, le droit au logement opposable. Aujourd'hui, devenue ministre du Logement et de la Ville, elle doit faire face à la colère des SDF, des étudiants, et elle lance un projet qui pourrait être une petite révolution, ou un grand flop, à savoir la maison à 15 euros par jour. C. Boutin est notre invitée ce matin. Bonjour.
R.- Bonjour.
Q.- Et merci d'être avec nous. Cette nuit, une trentaine d'associations se sont rassemblées, Place de la République, à Paris, pour focaliser l'attention sur le problème des SDF, des mal logés. Ces associations réclament toujours plus de moyens de la part du Gouvernement. Ça sous-entend qu'il n'y en a pas assez.
R.- Ecoutez, tout d'abord, je tiens à les saluer, ces associations, car au quotidien, au-delà de soirées comme hier soir, elles s'occupent de toutes les personnes qui sont fragilisées dans notre pays, malheureusement il y en a beaucoup. Donc, je tiens à leur rendre hommage. La manifestation d'hier avait sans doute sa raison d'être, puisqu'elle a existé, je crois qu'elle s'est bien passée. Moi, personnellement, à chaque fois que l'on peut mobiliser nos petits conforts, par rapport à ceux qui sont dans la précarité, ça ne peut que m'aider dans l'action que j'essaie de mener au sein du Gouvernement. Alors, est-ce qu'il s'agit de problèmes de moyens ? Ce n'est pas uniquement des problèmes de moyens. Le Premier ministre avait reçu toutes ces associations il y a un mois, un petit mois. Il a abondé tous les crédits... Vous savez que nous sommes dans une période budgétaire assez restreinte, nous sommes obligés de faire très attention...
Q.- Les caisses sont vides.
R.- Ça, je ne sais pas, mais en tous les cas, nous sommes obligés de faire des économies...
Q.- C'est ce que disait le Président.
R.- Et le Premier ministre, malgré cette conjoncture, a abondé de 250 millions, les crédits qui étaient initialement prévus. Mais de plus...
Q.- Les associations réclament 1,5 milliard.
R.- Mais oui, mais je vais vous dire, le Premier ministre a même été, pour moi, en tous les cas, plus loin que leur demande, puisqu'il leur a dit : je vous donne 250 millions en plus, et s'il y a des projets concrets, qui ne sont pas financés par ces budgets supplémentaires, j'ouvre une ligne, pour pouvoir financer ces budgets concrets... ces projets concrets.
Q.- Quand les associations demandent 1,5 milliard, ça veut donc dire, selon vous, qu'il n'y a pas de projets concrets derrière.
R.- Ah non, non, je ne veux pas les mettre en accusation, je dis simplement que nous sommes pragmatiques. Nous sommes un Gouvernement pragmatique et que s'il y a des projets concrets qui ne seraient pas financés... Parce que ce n'est pas le tout d'avoir le projet dans la tête, après il faut le réaliser, et ça met toujours un petit peu de temps.
Q.- Ça veut dire aussi que ça pourrait être plus que 250 millions, selon vous.
R.- Absolument. S'il y a des projets qui n'étaient pas financés par les 250 millions supplémentaires, par rapport au budget initialement prévu, il y aurait le financement de ces projets. Le Premier ministre s'y est engagé. Il s'était engagé aussi à nommer un super Préfet, ce qui a été fait hier.
Q.- Tout à fait. Pourquoi vous n'êtes pas passée, vous, Place de la République ?
R.- Je me suis posée la question, vraiment, et puis j'ai pensé que peut-être ça les gênerait, et puis peut-être que ça aurait politisé les choses et je pense qu'il faut aller au-delà de tout cela. Il s'agit d'une cause humanitaire, bien sûr politique, nous y allons à fond, enfin, en tous les cas je crois qu'on ne peut pas mettre en doute notre volonté. Je tiens à saluer le travail du député Pinte, parlementaire en mission, qui continue du reste son travail. Nous travaillons vraiment de façon très sérieuse. Je vous dis, je respecte profondément ces associations, et je suis à leurs côtés.
Q.- Vous qui vous êtes battue, l'une des premières dans votre camp, pour le droit au logement opposable, où en est-on aujourd'hui ? Est-ce qu'il y a les moyens, vraiment, de mettre en place cette politique ?
R.- Alors, depuis que je suis ministre, on m'avait dit dès le départ qu'on n'y arriverait jamais. D'abord, même, déjà, [pour] la loi, on me disait : « ça n'est pas possible ». La loi a été votée. J'ai été ministre, on m'a dit « vous n'aurez pas le décret d'application, les commissions de médiation ne pourront pas être mises en place » etc. Tout est mis en place, même il y a eu des créations de postes, alors que nous sommes plutôt dans une tendance à diminuer les postes. Et aujourd'hui, eh bien dans tous les départements il y a... les dossiers ont été déposés, les commissions de médiation sont en train de l'examiner. Alors, je ne suis pas...
Q.- Et il y a les moyens ?
R.- Alors, je ne suis pas... mais qu'est-ce que c'est les moyens ? Qu'est-ce que c'est votre question « les moyens » ? Est-ce que c'est le logement ?
Q.- C'est-à-dire, voilà, suffisamment de logements ? Est-ce que chaque personne qui a déposé un dossier va avoir un logement ?
R.- Eh bien il va falloir que nous fassions. Alors, est-ce que nous y arriverons ? Je n'en suis pas certaine, ça fait 30 ans que nous avons un retard de constructions, ça fait 30 ans. En huit mois, je ne peux pas répondre à ce déficit. Je le savais très bien quand on a fait la loi, mais justement parce que depuis 30 ans la droite et la gauche, nous sommes responsables d'un manque de constructions, il fallait nous donner une obligation et c'est pour ça que j'ai déposé le droit au logement opposable.
Q.- Selon vous, combien d'années il faudrait pour justement que ce soit vraiment applicable, dans les faits ?
R.- Le Premier ministre et le président de la République m'ont donné des objectifs très clairs : 500 000 logements par an, moi je pense que c'est pendant dix ans. Il nous manque à peu près 5 millions de logements. Donc, il faut que nous fassions, je ne peux pas le faire en 8 mois, mais ce qui est certain c'est que nous introduisons une souplesse pour faire en sorte que l'on puisse loger le plus possible. Mon combat, vous savez, il y a un combat très important, dont on ne parle pas suffisamment et qui commence à porter ses fruits par rapport à l'action que je mène, c'est la traque aux marchands de sommeil et au logement insalubre. Ça c'est insupportable, parce que véritablement, parce qu'il manque des logements, il y a aujourd'hui des hommes et des femmes qui utilisent la pauvreté et la précarité.
Q.- Après les maisons à 100 000 euros, je le disais il y a quelques instants, voici donc les maisons à 15 euros par jour.
R.- Oui, absolument.
Q.- Pendant 20/25 ans à peu près, ce qui fait des maisons à 140 000, 180 000 euros au final, c'est ça, à peu près ?
R.- Absolument, oui.
Q.- Le premier dispositif, qui est un dispositif créé par J.-L. Borloo, n'a pas été un grand succès, il faut bien le dire, 4 maisons occupées à ce jour...
R.- C'est pour ça que je dis bien que ce n'est pas du tout la même chose que le projet Borloo...
Q.- Voilà, vous voulez vraiment faire la différence.
R.- Ah oui, absolument.
Q.- Pourquoi le vôtre, votre projet est meilleur ?
R.- Parce que d'abord c'est un projet qui a été préparé avec les professionnels, que ce soit ceux de la construction que du financement...
Q.- Ce qui n'était pas le cas du projet de J.-L. Borloo.
R.- Absolument. Et que deuxièmement c'est un projet global. La grande difficulté qu'il y avait eu dans la maison Borloo, c'est que le foncier, le terrain, n'était pas prévu, alors qu'on sait très bien que pour construire, il faut avoir du terrain et en particulier dans les zones tendues, c'est difficile à trouver.
Q.- Et c'est le plus cher.
R.- Là, c'est un projet global et ce qui me fait vraiment plaisir, voyez-vous, c'est que j'ai voulu et j'ai donné les orientations pour que nous ayons un concept qui soit ouvert aux personnes et aux foyers les plus modestes, c'est-à-dire qu'il faut avoir entre 1 500 et 2 000 euros par mois, pour pouvoir avoir cette maison. C'est vraiment peu et on devient propriétaire d'une maison très confortable, qui a même toute la technologie d'aujourd'hui.
Q.- Il faut répondre à certains critères. Cela concerne les ménages d'au moins trois personnes, un revenu mensuel net compris entre 1 500 et 2 100 euros, il faut acheter dans du neuf, il faut bénéficier par ailleurs d'aide au logement, donc ça concerne une partie très ciblée de la population, les ménages les plus modestes.
R.- Absolument. C'est une accession populaire à la propriété. Quel est l'avantage ? Nous avons décidé de lancer une première tranche de 5 000 maisons. S'il y a une demande plus forte, nous ferons... Moi, je ne veux pas faire des annonces, comme ça, pour faire bien dans le paysage. Pas du tout. Moi, je veux des choses concrètes et je m'engage. 5 000 maisons, si on a besoin de davantage, il y en aura davantage. Quelles sont ces personnes qui vont accéder à la propriété ? Ce sont actuellement des personnes qui sont locataires, soit dans le parc privé, soit dans le parc social. Ces 5 000 maisons, quand elles vont être vendues, car je suis convaincue qu'elles vont être vendues, vont libérer 5 000 logements, ce qui va me permettre, pour répondre aussi à ce qui a été fait hier soir, de mettre des personnes qui sont actuellement en centres d'hébergement sociaux, des travailleurs pauvres par exemple, qui ne peuvent pas aller dans le logement ordinaire, parce qu'il n'y a pas de places libres.
Q.- Ça concerne, si ce sont des maisons...
R.- Je vais en libérer 5 000. Ce n'est pas suffisant, bien sûr.
Q.- Si ce sont des maisons, en plus, ça concerne essentiellement des banlieues ou des villes de province, pas les grands centres urbains.
R.- Si. Ah ben si...
Q.- On ne construit pas de maisons dans les centres urbains.
R.- Je pense qu'à Paris, ce sera difficile, sincèrement, ce n'est pas un projet, un produit adapté pour Paris. Mais dans la région Ile de France, c'est tout à fait possible.
Q.- Alors, justement, comment on fait pour résoudre le problème ? Il y a le problème des SDF, on en a parlé, le problèmes des étudiants, on aura peut-être le temps d'en dire un mot, le problème des familles modestes. Mais comment on fait, par exemple, pour les familles moyennes, ce que l'on appelle les ménages moyens ?
R.- Alors, le concept de la maison, « Ma maison pour 15 euros », elle est 15 euros pour une personne qui est entre... enfin, trois personnes qui ont entre 1 500 et 2 000 euros. Si vous avez davantage et que vous bénéficiez de l'APL, tant que vous bénéficiez de l'APL, vous pourrez accéder à cette maison, mais pour 17, 18, 19 euros, ça va dépendre des revenus.
Q.- Mais l'un des problèmes du logement aujourd'hui, c'est vraiment pour les ménages à revenus moyens, notamment dans les grandes villes comme Paris etc. Les gens qui n'ont pas d'aide et qui donc sont exclus de tous les dispositifs actuels et qui sont obligés de rester locataires, est-ce que là, il y a des choses qui sont prévues ?
R.- Oui, je suis en train de réfléchir à d'autres produits. Vous savez, aujourd'hui, il faut n'éliminer aucun outil, il faut utiliser tous les outils. Celui-là était déjà difficile à mettre sur pieds, vous pouvez bien voir, il a fallu que je mette autour de la table, des financiers, des constructeurs, il faut mettre des élus, il y a le 1 % aussi. Tout cela, ça fait 5 mois que nous négocions. J'ai dans ma besace d'autres idées et du reste je vous annonce que je vais avoir un projet de loi fondateur d'une nouvelle politique du logement du 21ème siècle, qui va être discuté au printemps prochain au Parlement.
Q.- Une ou deux grandes lignes de ce projet ?
R.- Ecoutez, il y a la garantie du risque locatif, par exemple, pour les propriétaires : leur assurer qu'ils soient bien payés ; il y a tout le problème du foncier, il y a la gouvernance du 1 %, il y a des problèmes de fiscalité. J'espère que cette maison à 15 euros, je vais pouvoir faire ce concept pour le collectif, car la maison individuelle c'est très bien, mais aujourd'hui, quand il n'y a pas beaucoup de terrains, il faut aussi avoir le collectif. Le Parlement ne m'en a pas donné l'autorisation au mois de décembre dernier, donc il va falloir que je les convainque.
Q.- C. Boutin, 30 secondes pour deux questions. Ouh la, la, c'est dur. Une question sur les sectes, j'ai oublié de vous la poser : vous qui êtes une fervente supportrice de l'église catholique, que pensez-vous d'une autre église, l'église de Scientologie, qui fait...
R.- Je ne peux pas vous laisser faire un amalgame entre l'église catholique et...
Q.- Oh, c'est le mot « église » qui me permettait de le faire !
R.- D'accord, d'accord !
Q.- Mais justement, c'est intéressant que vous teniez à faire la différence.
R.- Oui, absolument parce que, si vous voulez, je pense que les sectes ce sont des privations de liberté...
Q.- Donc, pour vous, l'église de Scientologie est une secte.
R.- L'église de Scientologie, en tous les cas, elle a été mise dans cette liste qui avait été faite par la Commission à laquelle j'appartenais, du reste, en 1995.
Q.- Et vous pensez qu'il faut donc s'en méfier, qu'il faut être vigilant ?
R.- Je pense qu'il faut être très vigilant. Il y a effectivement des... mais il n'y a pas que la scientologie, il y a aussi d'autres associations. Il faut faire très attention, ça a des dégâts, ça fait des ravages dans certaines familles, donc il faut être très vigilant, oui.
Q.- Donc, les propos d'E. Mignon vous choquent un peu.
R.- Elle les a démentis. Moi je crois à ce que me dit madame Mignon.
Q.- Si elle les avait dits, ça vous aurait choquée, mais...
R.- Ah ben oui, mais elle ne les a pas dits.
Q.- Enfin, une dernière petite question : en octobre 2006, lorsque N. Sarkozy était encore ministre de l'Intérieur, vous aviez dénoncé le déficit de la philosophie humaine et sociale de la droite incarnée par Sarkozy. Est-ce que ça va mieux de ce côté-là ?
R.- Ecoutez, j'ai appris à connaître N. Sarkozy et je pense qu'il a un fonds très profondément humain, très profondément humain. Mais cela dit, de façon globale, la droite a des efforts à faire en ce qui concerne le côté social, oui, je le crois.
Q.- Merci beaucoup, C. Boutin, d'avoir été notre invitée ce matin. Je vous souhaite une très bonne journée.
R.- Merci à vous.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 22 février 2008
R.- Bonjour.
Q.- Et merci d'être avec nous. Cette nuit, une trentaine d'associations se sont rassemblées, Place de la République, à Paris, pour focaliser l'attention sur le problème des SDF, des mal logés. Ces associations réclament toujours plus de moyens de la part du Gouvernement. Ça sous-entend qu'il n'y en a pas assez.
R.- Ecoutez, tout d'abord, je tiens à les saluer, ces associations, car au quotidien, au-delà de soirées comme hier soir, elles s'occupent de toutes les personnes qui sont fragilisées dans notre pays, malheureusement il y en a beaucoup. Donc, je tiens à leur rendre hommage. La manifestation d'hier avait sans doute sa raison d'être, puisqu'elle a existé, je crois qu'elle s'est bien passée. Moi, personnellement, à chaque fois que l'on peut mobiliser nos petits conforts, par rapport à ceux qui sont dans la précarité, ça ne peut que m'aider dans l'action que j'essaie de mener au sein du Gouvernement. Alors, est-ce qu'il s'agit de problèmes de moyens ? Ce n'est pas uniquement des problèmes de moyens. Le Premier ministre avait reçu toutes ces associations il y a un mois, un petit mois. Il a abondé tous les crédits... Vous savez que nous sommes dans une période budgétaire assez restreinte, nous sommes obligés de faire très attention...
Q.- Les caisses sont vides.
R.- Ça, je ne sais pas, mais en tous les cas, nous sommes obligés de faire des économies...
Q.- C'est ce que disait le Président.
R.- Et le Premier ministre, malgré cette conjoncture, a abondé de 250 millions, les crédits qui étaient initialement prévus. Mais de plus...
Q.- Les associations réclament 1,5 milliard.
R.- Mais oui, mais je vais vous dire, le Premier ministre a même été, pour moi, en tous les cas, plus loin que leur demande, puisqu'il leur a dit : je vous donne 250 millions en plus, et s'il y a des projets concrets, qui ne sont pas financés par ces budgets supplémentaires, j'ouvre une ligne, pour pouvoir financer ces budgets concrets... ces projets concrets.
Q.- Quand les associations demandent 1,5 milliard, ça veut donc dire, selon vous, qu'il n'y a pas de projets concrets derrière.
R.- Ah non, non, je ne veux pas les mettre en accusation, je dis simplement que nous sommes pragmatiques. Nous sommes un Gouvernement pragmatique et que s'il y a des projets concrets qui ne seraient pas financés... Parce que ce n'est pas le tout d'avoir le projet dans la tête, après il faut le réaliser, et ça met toujours un petit peu de temps.
Q.- Ça veut dire aussi que ça pourrait être plus que 250 millions, selon vous.
R.- Absolument. S'il y a des projets qui n'étaient pas financés par les 250 millions supplémentaires, par rapport au budget initialement prévu, il y aurait le financement de ces projets. Le Premier ministre s'y est engagé. Il s'était engagé aussi à nommer un super Préfet, ce qui a été fait hier.
Q.- Tout à fait. Pourquoi vous n'êtes pas passée, vous, Place de la République ?
R.- Je me suis posée la question, vraiment, et puis j'ai pensé que peut-être ça les gênerait, et puis peut-être que ça aurait politisé les choses et je pense qu'il faut aller au-delà de tout cela. Il s'agit d'une cause humanitaire, bien sûr politique, nous y allons à fond, enfin, en tous les cas je crois qu'on ne peut pas mettre en doute notre volonté. Je tiens à saluer le travail du député Pinte, parlementaire en mission, qui continue du reste son travail. Nous travaillons vraiment de façon très sérieuse. Je vous dis, je respecte profondément ces associations, et je suis à leurs côtés.
Q.- Vous qui vous êtes battue, l'une des premières dans votre camp, pour le droit au logement opposable, où en est-on aujourd'hui ? Est-ce qu'il y a les moyens, vraiment, de mettre en place cette politique ?
R.- Alors, depuis que je suis ministre, on m'avait dit dès le départ qu'on n'y arriverait jamais. D'abord, même, déjà, [pour] la loi, on me disait : « ça n'est pas possible ». La loi a été votée. J'ai été ministre, on m'a dit « vous n'aurez pas le décret d'application, les commissions de médiation ne pourront pas être mises en place » etc. Tout est mis en place, même il y a eu des créations de postes, alors que nous sommes plutôt dans une tendance à diminuer les postes. Et aujourd'hui, eh bien dans tous les départements il y a... les dossiers ont été déposés, les commissions de médiation sont en train de l'examiner. Alors, je ne suis pas...
Q.- Et il y a les moyens ?
R.- Alors, je ne suis pas... mais qu'est-ce que c'est les moyens ? Qu'est-ce que c'est votre question « les moyens » ? Est-ce que c'est le logement ?
Q.- C'est-à-dire, voilà, suffisamment de logements ? Est-ce que chaque personne qui a déposé un dossier va avoir un logement ?
R.- Eh bien il va falloir que nous fassions. Alors, est-ce que nous y arriverons ? Je n'en suis pas certaine, ça fait 30 ans que nous avons un retard de constructions, ça fait 30 ans. En huit mois, je ne peux pas répondre à ce déficit. Je le savais très bien quand on a fait la loi, mais justement parce que depuis 30 ans la droite et la gauche, nous sommes responsables d'un manque de constructions, il fallait nous donner une obligation et c'est pour ça que j'ai déposé le droit au logement opposable.
Q.- Selon vous, combien d'années il faudrait pour justement que ce soit vraiment applicable, dans les faits ?
R.- Le Premier ministre et le président de la République m'ont donné des objectifs très clairs : 500 000 logements par an, moi je pense que c'est pendant dix ans. Il nous manque à peu près 5 millions de logements. Donc, il faut que nous fassions, je ne peux pas le faire en 8 mois, mais ce qui est certain c'est que nous introduisons une souplesse pour faire en sorte que l'on puisse loger le plus possible. Mon combat, vous savez, il y a un combat très important, dont on ne parle pas suffisamment et qui commence à porter ses fruits par rapport à l'action que je mène, c'est la traque aux marchands de sommeil et au logement insalubre. Ça c'est insupportable, parce que véritablement, parce qu'il manque des logements, il y a aujourd'hui des hommes et des femmes qui utilisent la pauvreté et la précarité.
Q.- Après les maisons à 100 000 euros, je le disais il y a quelques instants, voici donc les maisons à 15 euros par jour.
R.- Oui, absolument.
Q.- Pendant 20/25 ans à peu près, ce qui fait des maisons à 140 000, 180 000 euros au final, c'est ça, à peu près ?
R.- Absolument, oui.
Q.- Le premier dispositif, qui est un dispositif créé par J.-L. Borloo, n'a pas été un grand succès, il faut bien le dire, 4 maisons occupées à ce jour...
R.- C'est pour ça que je dis bien que ce n'est pas du tout la même chose que le projet Borloo...
Q.- Voilà, vous voulez vraiment faire la différence.
R.- Ah oui, absolument.
Q.- Pourquoi le vôtre, votre projet est meilleur ?
R.- Parce que d'abord c'est un projet qui a été préparé avec les professionnels, que ce soit ceux de la construction que du financement...
Q.- Ce qui n'était pas le cas du projet de J.-L. Borloo.
R.- Absolument. Et que deuxièmement c'est un projet global. La grande difficulté qu'il y avait eu dans la maison Borloo, c'est que le foncier, le terrain, n'était pas prévu, alors qu'on sait très bien que pour construire, il faut avoir du terrain et en particulier dans les zones tendues, c'est difficile à trouver.
Q.- Et c'est le plus cher.
R.- Là, c'est un projet global et ce qui me fait vraiment plaisir, voyez-vous, c'est que j'ai voulu et j'ai donné les orientations pour que nous ayons un concept qui soit ouvert aux personnes et aux foyers les plus modestes, c'est-à-dire qu'il faut avoir entre 1 500 et 2 000 euros par mois, pour pouvoir avoir cette maison. C'est vraiment peu et on devient propriétaire d'une maison très confortable, qui a même toute la technologie d'aujourd'hui.
Q.- Il faut répondre à certains critères. Cela concerne les ménages d'au moins trois personnes, un revenu mensuel net compris entre 1 500 et 2 100 euros, il faut acheter dans du neuf, il faut bénéficier par ailleurs d'aide au logement, donc ça concerne une partie très ciblée de la population, les ménages les plus modestes.
R.- Absolument. C'est une accession populaire à la propriété. Quel est l'avantage ? Nous avons décidé de lancer une première tranche de 5 000 maisons. S'il y a une demande plus forte, nous ferons... Moi, je ne veux pas faire des annonces, comme ça, pour faire bien dans le paysage. Pas du tout. Moi, je veux des choses concrètes et je m'engage. 5 000 maisons, si on a besoin de davantage, il y en aura davantage. Quelles sont ces personnes qui vont accéder à la propriété ? Ce sont actuellement des personnes qui sont locataires, soit dans le parc privé, soit dans le parc social. Ces 5 000 maisons, quand elles vont être vendues, car je suis convaincue qu'elles vont être vendues, vont libérer 5 000 logements, ce qui va me permettre, pour répondre aussi à ce qui a été fait hier soir, de mettre des personnes qui sont actuellement en centres d'hébergement sociaux, des travailleurs pauvres par exemple, qui ne peuvent pas aller dans le logement ordinaire, parce qu'il n'y a pas de places libres.
Q.- Ça concerne, si ce sont des maisons...
R.- Je vais en libérer 5 000. Ce n'est pas suffisant, bien sûr.
Q.- Si ce sont des maisons, en plus, ça concerne essentiellement des banlieues ou des villes de province, pas les grands centres urbains.
R.- Si. Ah ben si...
Q.- On ne construit pas de maisons dans les centres urbains.
R.- Je pense qu'à Paris, ce sera difficile, sincèrement, ce n'est pas un projet, un produit adapté pour Paris. Mais dans la région Ile de France, c'est tout à fait possible.
Q.- Alors, justement, comment on fait pour résoudre le problème ? Il y a le problème des SDF, on en a parlé, le problèmes des étudiants, on aura peut-être le temps d'en dire un mot, le problème des familles modestes. Mais comment on fait, par exemple, pour les familles moyennes, ce que l'on appelle les ménages moyens ?
R.- Alors, le concept de la maison, « Ma maison pour 15 euros », elle est 15 euros pour une personne qui est entre... enfin, trois personnes qui ont entre 1 500 et 2 000 euros. Si vous avez davantage et que vous bénéficiez de l'APL, tant que vous bénéficiez de l'APL, vous pourrez accéder à cette maison, mais pour 17, 18, 19 euros, ça va dépendre des revenus.
Q.- Mais l'un des problèmes du logement aujourd'hui, c'est vraiment pour les ménages à revenus moyens, notamment dans les grandes villes comme Paris etc. Les gens qui n'ont pas d'aide et qui donc sont exclus de tous les dispositifs actuels et qui sont obligés de rester locataires, est-ce que là, il y a des choses qui sont prévues ?
R.- Oui, je suis en train de réfléchir à d'autres produits. Vous savez, aujourd'hui, il faut n'éliminer aucun outil, il faut utiliser tous les outils. Celui-là était déjà difficile à mettre sur pieds, vous pouvez bien voir, il a fallu que je mette autour de la table, des financiers, des constructeurs, il faut mettre des élus, il y a le 1 % aussi. Tout cela, ça fait 5 mois que nous négocions. J'ai dans ma besace d'autres idées et du reste je vous annonce que je vais avoir un projet de loi fondateur d'une nouvelle politique du logement du 21ème siècle, qui va être discuté au printemps prochain au Parlement.
Q.- Une ou deux grandes lignes de ce projet ?
R.- Ecoutez, il y a la garantie du risque locatif, par exemple, pour les propriétaires : leur assurer qu'ils soient bien payés ; il y a tout le problème du foncier, il y a la gouvernance du 1 %, il y a des problèmes de fiscalité. J'espère que cette maison à 15 euros, je vais pouvoir faire ce concept pour le collectif, car la maison individuelle c'est très bien, mais aujourd'hui, quand il n'y a pas beaucoup de terrains, il faut aussi avoir le collectif. Le Parlement ne m'en a pas donné l'autorisation au mois de décembre dernier, donc il va falloir que je les convainque.
Q.- C. Boutin, 30 secondes pour deux questions. Ouh la, la, c'est dur. Une question sur les sectes, j'ai oublié de vous la poser : vous qui êtes une fervente supportrice de l'église catholique, que pensez-vous d'une autre église, l'église de Scientologie, qui fait...
R.- Je ne peux pas vous laisser faire un amalgame entre l'église catholique et...
Q.- Oh, c'est le mot « église » qui me permettait de le faire !
R.- D'accord, d'accord !
Q.- Mais justement, c'est intéressant que vous teniez à faire la différence.
R.- Oui, absolument parce que, si vous voulez, je pense que les sectes ce sont des privations de liberté...
Q.- Donc, pour vous, l'église de Scientologie est une secte.
R.- L'église de Scientologie, en tous les cas, elle a été mise dans cette liste qui avait été faite par la Commission à laquelle j'appartenais, du reste, en 1995.
Q.- Et vous pensez qu'il faut donc s'en méfier, qu'il faut être vigilant ?
R.- Je pense qu'il faut être très vigilant. Il y a effectivement des... mais il n'y a pas que la scientologie, il y a aussi d'autres associations. Il faut faire très attention, ça a des dégâts, ça fait des ravages dans certaines familles, donc il faut être très vigilant, oui.
Q.- Donc, les propos d'E. Mignon vous choquent un peu.
R.- Elle les a démentis. Moi je crois à ce que me dit madame Mignon.
Q.- Si elle les avait dits, ça vous aurait choquée, mais...
R.- Ah ben oui, mais elle ne les a pas dits.
Q.- Enfin, une dernière petite question : en octobre 2006, lorsque N. Sarkozy était encore ministre de l'Intérieur, vous aviez dénoncé le déficit de la philosophie humaine et sociale de la droite incarnée par Sarkozy. Est-ce que ça va mieux de ce côté-là ?
R.- Ecoutez, j'ai appris à connaître N. Sarkozy et je pense qu'il a un fonds très profondément humain, très profondément humain. Mais cela dit, de façon globale, la droite a des efforts à faire en ce qui concerne le côté social, oui, je le crois.
Q.- Merci beaucoup, C. Boutin, d'avoir été notre invitée ce matin. Je vous souhaite une très bonne journée.
R.- Merci à vous.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 22 février 2008