Texte intégral
J.-P. Elkabbach.- Monsieur le Premier ministre F. Fillon, bonjour.
R.- Bonjour J.-P. Elkabbach.
Q.- Merci d'être avec nous. Vous n'avez pas été exaucé, et j'ai envie de dire heureusement, vous qui souhaitiez la disparition du Premier ministre, vous ne seriez pas ici, avocat du Président et dans cette forme.
R.- Non, J.-P. Elkabbach, il y a deux régimes politiques différents possibles dans une démocratie moderne : il y a un régime présidentiel ou il y a un régime parlementaire. La France a un régime qui est un petit peu entre les deux. Moi, j'aurais souhaité qu'on aille vers un vrai régime présidentiel, ça n'est pas le souhait des Français, manifestement, ça n'a pas été au coeur de la campagne présidentielle. Donc on reste dans le système de fonctionnement qui a été celui de la 5ème République, où il y a un président de la République qui impulse, qui prend les décisions, qui répond devant les Français au fond de la mise en oeuvre de son projet, et puis il y a un Premier ministre qui est chargé de la mise en oeuvre et qui est chargé tous les jours de rendre des comptes à la majorité parlementaire.
Q.- Mais dans le prochain sondage Ipsos-Le Point, vous gagnez 7 points, 59 % c'est un record, vous l'avez assez entendu, pour un Premier ministre. Est-ce que chaque matin, vous êtes un peu embarrassé, vous vous dites « oh la la ! Je monte encore dans les sondages » ?
R.- Non, mais je ne suis pas plus embarrassé quand je monte que quand je descends, parce que je pense que tout ça, c'est la photographie d'un moment, c'est l'immédiateté des commentaires...
Q.- Le moment dure, là, le moment dure.
R.- Ce qui compte c'est les élections, donc il y a eu une élection présidentielle en 2007, les Français ont choisi un projet politique et ils ont choisi un homme. Le président de la République a un mandat qui court jusqu'en 2012, il va mettre en oeuvre son projet entre 2007 et 2012, quoi qu'il arrive...
Q.- Quand vous entendez...
R.- Et ce qui comptera, ça sera le jugement... à la fin, c'est le jugement quand les réformes sont faites, quand les gens peuvent peser ce qui a été réussi, ce qui ne l'a pas été et comment leur vie a changé.
Q.- Mais quand vous entendez « ça va mal finir »...
R.- Enfin tout ça est assez pathétique. La manière dont les mêmes commentateurs, qui portaient aux nues le président de la République, aujourd'hui organisent la chasse à l'homme, montre à quel point tout ça est dérisoire. Et un homme politique digne de ce nom doit prendre ses distances par rapport à cette agitation. Le président de la République, on l'a vu dans le passé, a une très très grande capacité de rebond, il sait très bien où il va et il sait très bien qu'il sera jugé sur sa capacité à tenir ses engagements, et il a 5 ans pour le faire.
Q.- Le même sondage Ipsos-Le Point dit que pour la première fois - vous parlez de rebond - la popularité de N. Sarkozy remonte, plus de points. Est-ce que c'est pour lui le début du commencement d'une sortie de l'enfer ?
R.- Vous voyez qu'il a une capacité de rebond mais encore une fois, prenons nos distances par rapport à ces sondages qui sont...
Q.- Mais quand vous voyez qu'il remonte, est-ce que vous vous dites « je suis soulagé » ?
R.-... qui sont terriblement ambigus. Quand on dit qu'il y a une différence dans les sondages entre le président de la République et le Premier ministre, ça veut dire quoi ? Puisque le président de la République et le Premier ministre mettent en oeuvre la même politique, celle qui a été décidée par les Français. Donc la capacité de rebond du président de la République, elle est dans la mise en oeuvre de ses engagements. Je pense que, et je m'en suis souvent expliqué y compris sur votre antenne, la crise de confiance qui a caractérisé la vie politique française pendant très longtemps était liée au fait que les Français avaient le sentiment que les hommes politiques ne respectaient jamais leurs engagements. Eh bien ! C'est en train de changer, ils ont à la tête de l'Etat un président de la République qui respecte ses engagements, et il sera jugé sur cela.
Q.- Est-ce que vous pouviez dire autre chose ce matin ?
R.- Non mais je vous dis ce que je pense, J.-P. Elkabbach. Je dis toujours ce que je pense, surtout à vous.
Q.- Oui. Le conseil de J.-P. Raffarin, est-ce qu'il a été utile ?
R.- Quel conseil ?
Q.- Je vais vous le dire : de ville en ville, il l'a dit ici, vous investissez votre capital en faveur du président de la République, vous n'épargnez plus, vous n'épargnez pas et vous ne vous épargnez pas.
R.- Tout ça n'a... enfin je veux dire, c'est très intéressant mais il n'y a pas de capital. Tous les matins, je mets en oeuvre la politique du président de la République. Le jugement des Français, forcément, se rejoindra entre l'avis qu'il porte sur le président et l'avis qu'il porte sur le Premier ministre, puisque nous mettons en oeuvre la même politique. Moi je ne gère pas un capital, je suis très éloigné de ces calculs et de ces formules alambiquées de communicants, auxquelles d'ailleurs je n'ai jamais rien compris.
Q.- On passe au fond des sujets, on reviendra peut-être sur le problème institutionnel des rapports entre le président et le Premier ministre. Mais à Hanovre, cette nuit, A. Merkel et N. Sarkozy se sont apparemment réconciliés. Ils ont défini un compromis...
R.- Vous savez, ils n'étaient pas fâchés, pour dire les choses...
Q.- Oui, mais enfin ils étaient en froid... Un compromis sur l'Union de la méditerranée qui devient un projet de toute l'Europe. Est-ce que la France fait en ce moment l'apprentissage de la modestie ?
R.- Non. Ce qui se passe en Europe, c'est que l'Allemagne est forte, elle est forte de sa réunification, elle est forte des réformes qu'elle a accomplies et qui lui redonnent une capacité en terme de croissance sur le plan industriel. Elle est peut-être forte aussi de sa situation politique étonnante...
Q.- Oui, mais c'est une coalition.
R.-...Avec cette coalition. Et en même temps, la France, depuis l'arrivée de N. Sarkozy, est forte aussi en Europe. Elle est forte parce que c'est elle qui a remis le processus européen en marche, elle est forte parce qu'elle a des ambitions, parce qu'elle veut bousculer certaines traditions établies. Et du coup, il y a une certaine confrontation entre la France et l'Allemagne, dans le bon sens du terme, entre deux grandes puissances qui sont les deux plus grandes puissances de l'Union européenne et qui ont des intérêts communs, et parfois des intérêts divergents...
Q.- Mais cette nuit à Hanovre...
R.- Et donc sur l'Union de la méditerranée, il est incontestable que la France a des intérêts plus directs que l'Allemagne, parce qu'elle est riveraine de la Méditerranée. En même temps l'Allemagne, naturellement, étant un des leaders de la construction européenne, a vocation à participer à l'Union de la Méditerranée. Le compromis que nous avons trouvé cette nuit c'est un compromis qui s'appuie sur une structure déjà existante qui est l'Union de la Baltique, dans lequel naturellement l'Allemagne a un rôle particulier, dans lequel la France n'est qu'observateur...
Q.- Il y en a qui l'avaient oublié ça.
R.- Et donc, nous avons dit aux Allemands : ben voilà ! Il y a l'Union de la Baltique dans lequel nous, on est observateur, on va faire l'Union de la Méditerranée, vous serez associés à tout ce qui sera organisé dans ce cadre-là. Mais reconnaissez que la France et les pays riverains de la Méditerranée ont un rôle particulier à jouer dans la mise en oeuvre de ce projet, qui est très très important pour la stabilité de l'Europe et pour la stabilité du monde, parce que la Méditerranée c'est aujourd'hui l'un des ferments de crise les plus importants.
Q.- L'UIMM n'a cédé qu'en partie à L. Parisot. Obligée de congédier ses directeurs, elle veut garder tous les mandats sociaux de la métallurgie. Est-ce que vous êtes tout de même satisfait de ces décisions ?
R.- Je crois que Madame Parisot a eu la bonne réaction. Tout le monde a été choqué, à la fois par le montant des indemnités de départ de Monsieur Gautier-Sauvagnac, mais surtout par la méthode au fond...
Q.- Le secret ?
R.- Mais je veux rappeler qu'il y a une instruction judiciaire en cours, et que le rôle du Premier ministre, le rôle des membres du Gouvernement, ce n'est pas de se substituer à la justice. Donc, il y a une instruction judiciaire qui a commencé il y a déjà quelques semaines, qui doit faire la lumière sur ce qui s'est passé à l'UIMM, où allaient les financement de l'UIMM. Et dans ce cadre-là, les contrats incriminés, qui semble-t-il vont être revus d'ailleurs, vont être soumis au juge. Et le juge dira si ces contrats sont légaux ou s'ils ne sont pas légaux.
Q.- Mais hier, vous avez reçu à Matignon L. Parisot. De quelle façon vous soutenez la présidente du Medef ?
R.- Moi, je soutiens tous les responsables des organisations syndicales et patronales quand ils sont engagés dans la voie de la réforme du dialogue social, de la réforme du financement...
Q.- C'est son cas.
R.- C'est son cas. L. Parisot est, avec d'autres responsables syndicaux, très très engagée dans la modernisation du dialogue social. Et la modernisation du dialogue social passe par des partenaires sociaux plus forts, donc avec une meilleure représentativité, élus de façon plus démocratique et avec un financement complètement transparent. Je pense par exemple qu'il serait très utile que toutes les organisations syndicales et patronales fassent certifier leurs comptes par un commissaire aux comptes, de façon à ce qu'il n'y ait plus les ambiguïtés qui existent aujourd'hui.
Q.- Mais est-ce que vous F. Fillon, Premier ministre, vous pensez que le moment est venu de s'occuper du financement des organisations syndicales ?
R.- Non seulement le moment est venu, J.-P. Elkabbach, mais j'ai avec le président de la République demandé aux partenaires sociaux de travailler sur ce sujet. Je leur ai donné jusqu'au 31 mars pour qu'ils nous fassent des propositions sur la modernisation du dialogue social, les nouvelles règles de représentativité, le mode de négociation des accords et le financement de leurs organisations. Et si le 31 mars, ils ne me font pas de proposition, alors le Gouvernement fera son travail, prendra ses responsabilités...
Q.- Le 31 mars c'est dans quelques jours !
R.- Voilà, absolument.
Q.- A la fin du mois.
R.- C'est pour ça que vous voyez que ce n'est pas un sujet... On n'a pas attendu l'UIMM pour se lancer sur ce sujet.
Q.- Voilà, mais l'UIMM écarte avec des fleurs D. Gautier-Sauvagnac et son adjoint D. de Calan, les deux hommes qui savent tout partent avec leurs secrets. Je ne sais pas si vous trouvez ça normal. Qui permettra de découvrir l'origine et la destination des fonds de la caisse ?
R.- Mais la justice, la justice, il n'y a de secret pour personne, on est dans un Etat de droit, on n'achète pas le silence de qui que ce soit, il y a des juges qui vont faire leur enquête. Alors évidemment, le temps de la justice est toujours trop long par rapport à celui des médias et par rapport à l'attente des citoyens...
Q.- Et le Fisc s'en mêlera après ?
R.- Bien sûr, mais vous imaginez bien que le Fisc ne va pas laisser de côté cette question.
Q.- Donc, on ne s'avoue pas impuissant où que l'on soit...
R.- Absolument.
Q.-...Devant la pratique des caisses noires qui remonte loin ?
R.- Non, il n'y a aucune impuissance. La nouveauté simplement, c'est que ces pratiques apparaissent en pleine lumière et c'est bien pour la démocratie, mais il faut en tirer toutes les conséquences. C'est-à-dire qu'il ne suffit pas simplement de sanctionner des fautes qui ont été commises, mais aussi de mettre en place de nouveaux systèmes qui permettent d'éviter qu'on se fourvoie dans de tels écarts.
Q.- C'est-à-dire que l'UIMM était une forteresse, elle ne restera pas une forteresse ?
R.- Oui, mais c'était vrai de l'ensemble du système d'organisation des partenaires sociaux dans notre pays, chacun le sait bien.
Q.- De grandes négociations sociales sont attendues en 2008. Dans ce climat, avec cette guerre ouverte au sein du Medef, comment vous ferez évoluer les relations sociales ?
R.- Moi, je ne crois pas que ce soit un obstacle pour les négociations sociales, au contraire. Je pense que quand il y a une pression comme ça qui s'exerce sur les uns et sur les autres, on négocie mieux, on est moins conservateur, on sait qu'on est jugé par l'opinion, qu'on est sous les feux des projecteurs de l'actualité. Et donc, je suis convaincu que les partenaires sociaux vont avoir à coeur d'aller plus vite et plus loin dans la négociation, en particulier sur la représentativité, en raison de la situation et des doutes qui pèsent sur leur fonctionnement.
Q.- F. Fillon, la querelle sur l'augmentation des prix, des prix de quelques produits alimentaires et non de tous les prix et de tous les produits, ils ont des effets sur le pouvoir d'achat. Quelle action efficace vous pouvez, vous, mener là où vous êtes ?
R.- L'action plus efficace que peut conduire le Gouvernement sur les prix, parce que sur le pouvoir d'achat le Gouvernement peut agir sur les prix et sur l'organisation économique, la croissance, l'emploi...
Q.- Mais pas les contrôler !
R.- Sur les prix, le plus efficace c'est d'accroître la concurrence, car on voit à travers les contrôles qu'on a faits qu'il y a moins d'augmentations que ce qu'ont dit certaines enquêtes, qui ont fait, comment dirai-je, un peu du sensationnel en prenant des produits qui étaient des produits de niche, mais enfin il y a une augmentation. Et on s'aperçoit que cette augmentation...
Q.- Mais vous le saviez, vous avez attendu...
R.- Bien sûr qu'on le sait, on le sait, d'ailleurs on a fait voter une loi au mois de décembre qui entre en application au mois de mars, pour déjà peser sur les prix en permettant la réintégration de ce qu'on appelle les marges arrière. Donc il y a des entreprises industrielles, il y a des distributeurs qui répercutent la hausse des produits alimentaires de façon excessive, il y en a d'autres qui ne le font pas. Donc il n'y a pas une concurrence suffisante dans le système. Donc ce que nous allons faire, dès que le Parlement sera revenu de l'interruption de session qui est due à l'élection municipale, c'est proposer un débat sur une loi de modernisation de l'économie dans laquelle, il y aura des mesures pour permettre la négociabilité des prix. C'est-à-dire pour permettre une meilleure négociation des prix entre les industriels et les distributeurs, des mesures pour accroître la concurrence entre les enseignes de distribution, tout le monde se rend bien compte que les lois qui ont été votées en France pour protéger le petit commerce ont en fait abouti au contraire. C'est-à-dire que le petit commerce a été éradiqué des centres-villes, mais en même temps il y a une sorte de monopole de certaines enseignes qui s'est installé et qui est contraire à la concurrence. Et enfin, on va mettre en place une autorité indépendante de la concurrence avec des pouvoirs accrus, pour qu'elle puisse traquer les ententes et les abus de position dominante...
Q.- Donc plus de concurrence. Le rapport Attali, quand il n'est pas caricaturé, proposait des mesures renforçant...
R.- Bien sûr, il proposait ces mesures-là...
Q.- Qu'est-ce que vous allez retenir du rapport Attali, à moins que vous ne le mettiez à la poubelle ?
R.- Non, non, mais sur le rapport Attali, on prend les mesures que je viens d'indiquer, on les prend d'autant plus qu'elles étaient déjà dans les projets du président de la République sur lesquels on avait fait campagne en 2007.
Q.- La hausse des prix, c'est un problème français mais c'est un problème européen, je regardais le débat hier soir à la télé, Rajoy et Zapatero, ils ont passé au moins 20 minutes à comparer les prix et les augmentations de prix, parce qu'on vit dans un marché libre avec une compétition mondiale sur les matières premières. Comment on peut tenir les prix sans les contrôler, parce que vous ne voulez pas les contrôler !
R.- Contrôler les prix, ça n'a jamais donné de bons résultats, les économies administrées ont toujours été des économies de pénurie, donc personne ne veut aller dans ce sens. Pourquoi est-ce qu'il y a aujourd'hui une augmentation forte des prix ? Parce qu'il y a une pression sur les matières premières et puis parce qu'il y a des variations de cours des monnaies qui sont complètement désordonnées. Donc, il y a un problème de rapport entre le dollar et l'euro, sur lequel le président de la République a été le premier à attirer l'attention à un moment où personne ne considérait qu'il s'agissait d'un problème. Et puis il y a un deuxième sujet qui est la capacité de production des pays développés, et en particulier de l'Union européenne, notamment dans le domaine agricole. On a pendant très longtemps pensé que ce qu'il fallait c'est réduire la production agricole pour éviter les surproductions et les baisses de prix. On n'avait pas anticipé le fait qu'un milliard et demi de Chinois allaient se jeter à corps perdu dans l'économie de marché... Ils y ont droit... ...qu'un milliard d'Indiens allaient faire la même chose, qu'ils y ont droit, que les pays d'Amérique latine allaient enfin émerger. Et aujourd'hui, il y a une demande mondiale qui est extrêmement forte, donc il faut que l'économie européenne et l'économie française s'adaptent à cette situation.
Q.- Je reviendrai tout à l'heure sur le pouvoir d'achat, F. Fillon. Selon quels critères pour les municipales, la droite aura gagné ou perdu ?
R.- Vous savez, les municipales... C'est quoi les municipales ? C'est le choix d'un maire, d'une équipe, d'un projet. Tous les maires, toutes les équipes et tous les projets ne se valent pas. Il y a des considérations locales, il y a des considérations nationales dans la mesure où les candidats de la majorité présidentielle portent des valeurs et des projets qui leur sont propres...
Q.- Mais ça veut dire que si un maire de gauche est bon localement, vous le soutenez ? C'est une question d'efficacité ?
R.- Ce sont les électeurs qui le font et vous savez, vous avez remarqué que pour la première fois, sous l'impulsion de N. Sarkozy, les listes de la majorité présidentielle aux élections municipales sont des listes d'ouverture. C'est-à-dire qu'il y a dans toutes les listes de la majorité présidentielle aux élections municipales des hommes et des femmes de gauche, des hommes et des femmes du centre.
Q.- C'est pour ça qu'il n'y a pas UMP sur leurs affiches ?
R.- Vous savez, moi j'ai été maire pendant vingt ans, je n'ai jamais mis aucun sigle politique sur mes affiches aux élections municipales, parce qu'aux élections municipales, vous essayez de rassembler le maximum de gens autour de sujets qui sont des sujets communs.
Alors sur quel critère la droite gagne ou perd ?
R.- J'imagine que les médias trouveront certainement des critères quant au nombre de villes gagnées ou perdues, quant au nombre de voix attribuées à la majorité ou à l'opposition. Mais je disais que tous les projets ne se valent pas, parce qu'il y a des sujets sur lesquels les listes de la majorité présidentielle portent des valeurs différentes ; sur la sécurité, les listes de la majorité présidentielle ne défendent pas les mêmes projets. Le "Grenelle de l'environnement", les listes de la majorité présidentielle sont garantes de la mise en oeuvre des objectifs du "Grenelle de l'environnement", pas les listes de gauche. Sur service minimum à l'école, c'est la même chose.
Q.- Vous voyez, vous faites de la politique et vous nationalisez le débat politique.
R.- Non, je veux dire par-là que le débat, il est local et national. Il est forcément local et national, et les électeurs doivent savoir qu'en votant pour une liste de gauche ou en votant pour une liste de droite, il y a des choses qu'ils auront et des choses qu'ils n'auront pas. Le service minimum à l'école, les listes de gauche n'en veulent pas, par exemple.
Q.- F. Hollande espère-il le disait à Europe 1 - que le Parti socialiste pourra récupérer 30 des 40 villes perdues en 2001. Il ne vend pas encore la peau de l'ours mais il voit déjà l'ours...
R.- F. Hollande est un grand spécialiste de...
Q.- La chasse ?
R.-...F. Hollande, au moment des élections locales, est très actif. On le voit moins lorsqu'il s'agit de défendre un projet politique pour notre pays et donc je pense que les Français ne s'y trompent pas. Les Français voient bien qu'il y a une espèce de tentative du Parti socialiste de se refaire une santé à l'occasion d'une sorte de troisième tour des élections présidentielles. Cela n'a pas de sens, et en tous cas, ce que je veux dire c'est que c'est, d'une certaine manière, tromper les Français et tromper les électeurs, c'est priver les électeurs d'une ville du vrai débat local dont ils ont besoin. Et c'est les tromper parce que de toute façon, le président de la République mettra en oeuvre le projet politique pour lequel il a été choisi par les Français.
Q.- On va y venir...
R.-...Et les élections municipales n'auront pas d'impact sur le projet politique choisi par les Français, sinon il n'y aurait plus de démocratie dans notre pays.
Q.- Vous dites que ce ne sont pas des élections nationales. Où serez-vous ce soir ?
R.- Où je serai ce soir ? Moi, je soutiens les candidats...
Q.- Vous allez à Lyon.
R.-... Je soutiens les candidats de la majorité parce que c'est mon rôle de chef du Gouvernement, c'est mon rôle de chef de la majorité. Je suis un militant politique, cela ne vous a pas échappé, et donc je vais soutenir mes amis. Et j'ai choisi d'aller soutenir ceux qui - comment dirais-je ? - étaient dans les situations les plus difficiles, ceux qui étaient dans les villes où il y avait, au fond, le moins de chance de l'emporter parce qu'il y a des traditions de gauche importantes ou parce qu'il y a des maires sortants qui sont bien établis, parce que je pense que c'est le rôle du chef de la majorité.
Q.- Vous mettez, comme disait l'autre, votre capital au service de...
R.- Je n'ai pas de capital...
Q.- Ce qui vous reste du capital...
R.-... Je suis militant politique et je fais mon travail.
Q.- F. Hollande et L. Fabius vous soupçonnent de préparer un plan, je ne sais pas comment il faut l'appeler, "d'austérité", "de rigueur", au lendemain des municipales. Vous, vous dites le contraire. Mais est-ce que vous pouvez affirmer qu'il n'y aura pas de prélèvements ou d'impôts nouveaux après ?
R.- Monsieur Fabius est un grand spécialiste. Il nous a expliqué au moment du débat sur le traité européen qu'il y aurait un plan B. Tout le monde s'est rendu compte qu'il n'y avait pas de plan B. Au lendemain des élections législatives, monsieur Fabius nous a expliqué qu'il allait y avoir une forte augmentation de la TVA. Vous avez vu une forte augmentation de la TVA ? Et maintenant, pour les élections municipales, il nous explique qu'il y aura un plan de rigueur. Tout cela est faux, ce n'est d'ailleurs pas digne d'un homme d'Etat que de mentir avec cette constance-là. Il n'y aura pas de plan de rigueur. Il y a un budget 2008 qui a été voté par le Parlement, il sera mis en oeuvre, naturellement en fonction de la croissance et en fonction des rentrées fiscales. Comme tout gouvernement, on fait des ajustements sur les dépenses, cela n'a rien à voir avec un plan de rigueur. Et d'ailleurs, monsieur Fabius a été sévèrement contredit par monsieur Juncker, le Premier ministre du Luxembourg qui préside le Conseil des ministres des Finances de l'euro, qui a indiqué que contrairement à ce que disait monsieur Fabius, madame Lagarde n'avait, à aucun moment, défendu un plan de rigueur devant les ministres des Finances européens.
Q.- Au delà de la polémique, ce que l'on retient ce matin, c'est qu'il n'y a pas d'impôts ou de prélèvements après, quand on aura voté.
R.- Bien sûr, mais ce n'est pas des méthodes. Ce n'est pas des méthodes politiques, ce n'est pas digne.
Q.- D'accord. Et quand F. Hollande disait dimanche, toujours sur Europe 1, que le Parti socialiste voulait après les régions, dominer les départements et les mairies pour vous obliger à une cohabitation territoriale. En quelque sorte, le local contre Paris.
R.- D'abord ce serait une sorte de coup d'Etat institutionnel puisque...
Q.- A travers les élections ?
R.- Les institutions n'ont jamais prévu que les régions, les départements ou les communes avaient un rôle législatif à jouer, avaient un rôle à jouer dans la conduite des affaires de l'Etat. Et puis, deuxièmement, les Français devraient bien s'interroger puisque après les élections régionales, qu'est-ce qu'on a vu - puisque toutes les régions, sauf deux, en métropole sont à gauche ? On a vu une augmentation massive des impôts, y compris d'ailleurs de la TIPP dont les socialistes réclament qu'elle baisse quand il s'agit d'alimenter les caisses de l'Etat mais qui augmentent le taux quand il s'agit d'augmenter les ressources des régions. On a vu dans beaucoup de régions des comportements très sectaires. J'ai pu l'expérimenter moi-même dans la mienne, c'est-à-dire qu'on aide les municipalités de gauche et moins celles de droite. Franchement, je pense que les Français devraient regarder de près le bilan des régions avant de donner les clés des départements et des communes à la gauche.
Q.- Monsieur le Premier ministre, en quoi ces élections municipales vont-elles intervenir pour l'avenir et la conduite des réformes ? Est-ce qu'il faut que les Français s'attendent à une pause, comme certains le réclament, ou à un nouvel élan, un nouveau souffle si vous avez des réformes dans votre sac ?
R.- Non, il n'y aura aucune pause. Pour une raison simple, c'est que la France n'a pas le choix, la France n'a pas le droit de faire une pause. Ce que j'évoquais à l'instant, c'est-à-dire cette montée en puissance de la Chine, de l'Inde, des pays émergents, la façon dont les autres pays européens autour de nous ont commencé depuis plus longtemps que nous à réaliser l'adaptation de leur économie et de leur système social ; le président de la République était hier en Allemagne, l'Allemagne est un exemple tout à fait éloquent : il y a cinq ans, l'Allemagne était donnée en très, très grande difficulté, aujourd'hui l'Allemagne est un pays qui a des comptes équilibrés et qui a un dynamisme industriel qui impressionne le monde. Donc nous, nous n'avons pas le droit à la pause. Et d'une certaine manière, j'ai envie de dire, après les élections municipales on va plutôt accélérer puisqu'on a été obligé, pour cause d'élections, simplement parce que le Parlement ne siège pas, de ralentir le rythme des réformes.
Q.- Mais les Français sont dans le brouillard. Est-ce qu'il y a deux ou trois principales priorités, des priorités simples et claires pour 2008 ?
R.- Les priorités du Gouvernement, elles sont bien connues : nous, on veut qu'à la fin du quinquennat, on soit dans les trois premiers pays européens pour la croissance et qu'on ait atteint le plein emploi.
Q.- Vous maintenez l'idée des 2 % de croissance alors que tous les autres sont en train de voir une croissance qui baisse sur la planète entière.
R.- Je maintiens qu'on sera très près de 2 % de croissance. On nous donne en ce moment entre 1,5 et 1,7 de croissance ; on est en train de faire les réformes qui vont nous permettre d'aller chercher les dixièmes de point supplémentaires.
Q.- Mais alors comment ?
R.- Cela veut dire que sitôt après les élections municipales, avec le président de la République, on proposera un projet de modernisation de l'économie, avec les mesures sur la concurrence que j'ai évoquées tout à l'heure, avec des mesures de soutien aux petites et moyennes entreprises, comme la réduction des délais de paiement, des mesures fiscales sur l'impôt forfaitaire annuel, de simplification administrative. Un plan très ambitieux de soutien aux nouvelles technologies et la réforme de la distribution du Livret A pour mieux alimenter la politique de logement social. Le deuxième projet qui sera présenté au Parlement immédiatement, c'est un projet de loi sur la flex-sécurité, c'est à dire plus de flexibilité pour les entreprises pour qu'elles soient plus dynamiques sur les marchés internationaux, et en même temps, plus de sécurité pour les salariés. C'est la fusion de l'ANPE et de l'Unedic, c'est la réforme du contrat de travail qui a été décidée par les partenaires sociaux et qu'on va transformer en texte législatif. Mais c'est aussi la réforme de la représentativité syndicale que j'évoquais tout à l'heure et surtout, une fois cette réforme de la représentativité syndicale faite, la possibilité pour l'entreprise de négocier avec ses salariés la question du temps de travail autour des heures supplémentaires de façon complètement libre dans l'entreprise. On va mettre en place le Plan banlieues, et sur le pouvoir d'achat, nous voulons une loi très très ambitieuse sur l'intéressement. Vous savez qu'aujourd'hui l'intéressement profite...
Q.- Pourquoi vous dites toujours "le pouvoir d'achat" et jamais "le niveau de vie" que vous voulez améliorer, disons, à plus long terme, c'est-à-dire avec des résultats un peu plus tard ? Parce que vous avez fait naître tellement d'espoir que maintenant, ils sont, peut-être momentanément, mais en tous cas ils sont déçus.
R.- Je ne crois pas qu'on ait fait naître des espoirs. Il y a une pression sur les prix dans notre pays et il faut répondre à cette question de la pression sur les prix. Il faut y répondre en créant des emplois et de la richesse pour que les salaires augmentent, c'est ce qu'on essaie de faire, et non pas en réduisant le temps de travail comme l'avaient fait nos prédécesseurs. Il faut agir sur le logement parce que personne ne parle du logement mais le logement, c'est le poste le plus important dans les dépenses des ménages. Or pourquoi est-ce que le logement est si cher en France ? C'est parce que pendant des années et notamment sous la gauche, on n'a pas construit suffisamment de logements, donc on construit plus de logements aujourd'hui.
Q.- Je vous écoute : vous dites "on va faire", "on va faire", donc vous resterez Premier ministre ?
R.- Ça, c'est une question qui est entre le Président de la République et moi. Vous savez, dans la Vème République...
Q.- Oui, mais alors, vous en avez parlé tous les deux ?
R.-... Dans la Vème République, le Premier ministre est à la disposition du président de la République et de la majorité et donc, c'est un sujet dont je parle avec le président de la République mais vous conviendrez qu'il n'y a pas de raison que je dévoile, même à la demande de J.-P. Elkabbach, la nature des conversations que j'ai avec le président de la République sur ce sujet.
Q.- Mais avec H. Fontanaud, on constatait que vous ne faites plus de jogging ensemble. Vous travaillez quand même ensemble directement tous les deux ?
R.- Simplement, on a des emplois du temps qui sont assez lourds, qui ne nous permettent plus de courir ensemble, en tout cas lorsque...Sauf, sauf... On a couru ensemble il y a pas si longtemps !
Q.- Et qu'est-ce qui est le plus dangereux pour un Premier ministre ? Etre trop populaire ?
R.- Pas de courir en tout cas !
Q.- Etre trop populaire ou ne pas l'être assez ?
R.- Mais je crois que tout ça a très peu d'importance parce que la popularité, ça va et ça vient. Mais au fond, la seule popularité qui compte en démocratie, c'est celle que donne l'élection. Et c'est au moment des élections que les Français font des choix et en général, ils font des choix qui sont des choix très raisonnés.
Q.- Est-ce qu'il y aura un gouvernement de printemps ?
R.- Il y aura un gouvernement au printemps, ça c'est sûr monsieur Elkabbach !
Q.- Non, de printemps, remanié, revu ?
R.- Ce n'est pas un sujet d'actualité.
Q.- Non ?
R.- Non.
Q.- Deux autres questions avant qu'on se sépare. On a retrouvé un opposant tchadien N. Yorungar. Il parait qu'on le cherchait, il avait disparu depuis la crise. Il demande l'asile politique à la France, est-ce que vous allez lui accorder en dépit de nos très bonnes relations avec monsieur I. Deby ?
R.- La France a une tradition d'asile que chacun connaît bien et l'asile politique sera accordé. Mais la question qui est posée pour nous au Tchad, c'est la question de savoir où sont les autres opposants qui ont disparu. Et le président de la République française a été, je crois, très courageux en allant au Tchad la semaine dernière et en exigeant du président tchadien qu'il y ait une commission d'enquête internationale qui soit mise en place pour retrouver la trace de ces opposants. Je pense que c'est quand même une vraie rupture avec la politique qui était conduite traditionnellement en Afrique.
Q.- Avec N. Sarkozy vous agissez beaucoup en faveur d'I. Betancourt. Vous étiez allé, je m'en souviens, en Amérique latine. Est-ce que l'exécution du numéro 2 des FARC, monsieur Reyes, met la vie de I. Betancourt en danger ?
R.- Je crois que la vie d'I. Betancourt, elle est en danger, avec ou sans l'exécution du numéro 2 des FARC. Ce qui est très dangereux maintenant, c'est le climat qui est en train de se créer entre les différents pays de la région. Il faut appeler au calme, c'est ce que fait le président de la République, c'est ce que fait le Gouvernement français. Et puis surtout démontrer aux FARC que la mort d'I. Betancourt dans ce contexte-là ne leur apporterait que la réprobation du monde entier. Et si les FARC veulent trouver une sortie politique à la situation dans laquelle ils se trouvent, qui est une situation de guerre en réalité, la première chose à faire c'est de faire un geste vis-à-vis de la communauté internationale. Et ce geste, c'est la libération immédiate pour des raisons humanitaires, pas pour des raisons politiques, pour des raisons humanitaires, d'I. Betancourt.
Q.- En dix mois à Matignon, de quoi vous êtes fier ? Le plus fier, vous, F. Fillon ?
R.- Du rythme des réformes. J'ai utilisé un jour une image en disant que le président de la République était le seul qui pouvait bousculer le mur des conservatismes et que le rôle du Gouvernement, c'était ensuite derrière un mur des conservatismes bousculé de reconstruire un pays mieux ordonné. Je pense que ce qu'on a montré en neuf mois, c'est une capacité d'aller contre les idées reçues qui d'ailleurs, peut-être aujourd'hui, provoquent quelques troubles dans l'opinion, qui marque vraiment le redémarrage de notre pays et qui marque vraiment la mise en oeuvre des réformes auxquelles je suis attaché.
Q.- Après cette conversation, le président de la République va vous appeler pour vous dire que c'était bien ?
R.- Vous savez, je ne parle jamais de mes relations avec le président de la République parce qu'elles ne regardent que lui et que moi.
Q.- Voilà, et vous rougissez quand vous le dites, c'est drôle ça ! (...) Oui, un peu, non ? Dernière remarque : je suppose que vous n'avez pas vu, moi non plus, le film très tendre et très drôle de Dany Boon, "Les Ch'tis"
R.- ... Non, malheureusement je ne l'ai pas vu mais je...
Q.-... Qui est en train de faire plus fort qu' "Astérix" et "Les bronzés". 5 millions de Français vont l'avoir vu en une semaine. Son succès est considéré comme un évènement. Est-ce qu'à votre avis, c'est lié au besoin de racines locales dans la mondialisation ou simplement à l'envie de se marrer ?
R.- Je pense que c'est lié au besoin de racines locales dans la mondialisation, mais c'est lié aussi au talent de Dany Boon, parce qu'il y a des réalisateurs qui savent faire des bons films et d'autres qui n'y arrivent pas. Et là, incontestablement, on a un réalisateur de très grand talent qui est en train de naître.
Q.- Oui, et qui fait rire...
R.- Et qui fait rire, ce qui est bien.
Q.- Merci d'être venu et bonne journée. Merci de votre intervention.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 4 mars 2008
R.- Bonjour J.-P. Elkabbach.
Q.- Merci d'être avec nous. Vous n'avez pas été exaucé, et j'ai envie de dire heureusement, vous qui souhaitiez la disparition du Premier ministre, vous ne seriez pas ici, avocat du Président et dans cette forme.
R.- Non, J.-P. Elkabbach, il y a deux régimes politiques différents possibles dans une démocratie moderne : il y a un régime présidentiel ou il y a un régime parlementaire. La France a un régime qui est un petit peu entre les deux. Moi, j'aurais souhaité qu'on aille vers un vrai régime présidentiel, ça n'est pas le souhait des Français, manifestement, ça n'a pas été au coeur de la campagne présidentielle. Donc on reste dans le système de fonctionnement qui a été celui de la 5ème République, où il y a un président de la République qui impulse, qui prend les décisions, qui répond devant les Français au fond de la mise en oeuvre de son projet, et puis il y a un Premier ministre qui est chargé de la mise en oeuvre et qui est chargé tous les jours de rendre des comptes à la majorité parlementaire.
Q.- Mais dans le prochain sondage Ipsos-Le Point, vous gagnez 7 points, 59 % c'est un record, vous l'avez assez entendu, pour un Premier ministre. Est-ce que chaque matin, vous êtes un peu embarrassé, vous vous dites « oh la la ! Je monte encore dans les sondages » ?
R.- Non, mais je ne suis pas plus embarrassé quand je monte que quand je descends, parce que je pense que tout ça, c'est la photographie d'un moment, c'est l'immédiateté des commentaires...
Q.- Le moment dure, là, le moment dure.
R.- Ce qui compte c'est les élections, donc il y a eu une élection présidentielle en 2007, les Français ont choisi un projet politique et ils ont choisi un homme. Le président de la République a un mandat qui court jusqu'en 2012, il va mettre en oeuvre son projet entre 2007 et 2012, quoi qu'il arrive...
Q.- Quand vous entendez...
R.- Et ce qui comptera, ça sera le jugement... à la fin, c'est le jugement quand les réformes sont faites, quand les gens peuvent peser ce qui a été réussi, ce qui ne l'a pas été et comment leur vie a changé.
Q.- Mais quand vous entendez « ça va mal finir »...
R.- Enfin tout ça est assez pathétique. La manière dont les mêmes commentateurs, qui portaient aux nues le président de la République, aujourd'hui organisent la chasse à l'homme, montre à quel point tout ça est dérisoire. Et un homme politique digne de ce nom doit prendre ses distances par rapport à cette agitation. Le président de la République, on l'a vu dans le passé, a une très très grande capacité de rebond, il sait très bien où il va et il sait très bien qu'il sera jugé sur sa capacité à tenir ses engagements, et il a 5 ans pour le faire.
Q.- Le même sondage Ipsos-Le Point dit que pour la première fois - vous parlez de rebond - la popularité de N. Sarkozy remonte, plus de points. Est-ce que c'est pour lui le début du commencement d'une sortie de l'enfer ?
R.- Vous voyez qu'il a une capacité de rebond mais encore une fois, prenons nos distances par rapport à ces sondages qui sont...
Q.- Mais quand vous voyez qu'il remonte, est-ce que vous vous dites « je suis soulagé » ?
R.-... qui sont terriblement ambigus. Quand on dit qu'il y a une différence dans les sondages entre le président de la République et le Premier ministre, ça veut dire quoi ? Puisque le président de la République et le Premier ministre mettent en oeuvre la même politique, celle qui a été décidée par les Français. Donc la capacité de rebond du président de la République, elle est dans la mise en oeuvre de ses engagements. Je pense que, et je m'en suis souvent expliqué y compris sur votre antenne, la crise de confiance qui a caractérisé la vie politique française pendant très longtemps était liée au fait que les Français avaient le sentiment que les hommes politiques ne respectaient jamais leurs engagements. Eh bien ! C'est en train de changer, ils ont à la tête de l'Etat un président de la République qui respecte ses engagements, et il sera jugé sur cela.
Q.- Est-ce que vous pouviez dire autre chose ce matin ?
R.- Non mais je vous dis ce que je pense, J.-P. Elkabbach. Je dis toujours ce que je pense, surtout à vous.
Q.- Oui. Le conseil de J.-P. Raffarin, est-ce qu'il a été utile ?
R.- Quel conseil ?
Q.- Je vais vous le dire : de ville en ville, il l'a dit ici, vous investissez votre capital en faveur du président de la République, vous n'épargnez plus, vous n'épargnez pas et vous ne vous épargnez pas.
R.- Tout ça n'a... enfin je veux dire, c'est très intéressant mais il n'y a pas de capital. Tous les matins, je mets en oeuvre la politique du président de la République. Le jugement des Français, forcément, se rejoindra entre l'avis qu'il porte sur le président et l'avis qu'il porte sur le Premier ministre, puisque nous mettons en oeuvre la même politique. Moi je ne gère pas un capital, je suis très éloigné de ces calculs et de ces formules alambiquées de communicants, auxquelles d'ailleurs je n'ai jamais rien compris.
Q.- On passe au fond des sujets, on reviendra peut-être sur le problème institutionnel des rapports entre le président et le Premier ministre. Mais à Hanovre, cette nuit, A. Merkel et N. Sarkozy se sont apparemment réconciliés. Ils ont défini un compromis...
R.- Vous savez, ils n'étaient pas fâchés, pour dire les choses...
Q.- Oui, mais enfin ils étaient en froid... Un compromis sur l'Union de la méditerranée qui devient un projet de toute l'Europe. Est-ce que la France fait en ce moment l'apprentissage de la modestie ?
R.- Non. Ce qui se passe en Europe, c'est que l'Allemagne est forte, elle est forte de sa réunification, elle est forte des réformes qu'elle a accomplies et qui lui redonnent une capacité en terme de croissance sur le plan industriel. Elle est peut-être forte aussi de sa situation politique étonnante...
Q.- Oui, mais c'est une coalition.
R.-...Avec cette coalition. Et en même temps, la France, depuis l'arrivée de N. Sarkozy, est forte aussi en Europe. Elle est forte parce que c'est elle qui a remis le processus européen en marche, elle est forte parce qu'elle a des ambitions, parce qu'elle veut bousculer certaines traditions établies. Et du coup, il y a une certaine confrontation entre la France et l'Allemagne, dans le bon sens du terme, entre deux grandes puissances qui sont les deux plus grandes puissances de l'Union européenne et qui ont des intérêts communs, et parfois des intérêts divergents...
Q.- Mais cette nuit à Hanovre...
R.- Et donc sur l'Union de la méditerranée, il est incontestable que la France a des intérêts plus directs que l'Allemagne, parce qu'elle est riveraine de la Méditerranée. En même temps l'Allemagne, naturellement, étant un des leaders de la construction européenne, a vocation à participer à l'Union de la Méditerranée. Le compromis que nous avons trouvé cette nuit c'est un compromis qui s'appuie sur une structure déjà existante qui est l'Union de la Baltique, dans lequel naturellement l'Allemagne a un rôle particulier, dans lequel la France n'est qu'observateur...
Q.- Il y en a qui l'avaient oublié ça.
R.- Et donc, nous avons dit aux Allemands : ben voilà ! Il y a l'Union de la Baltique dans lequel nous, on est observateur, on va faire l'Union de la Méditerranée, vous serez associés à tout ce qui sera organisé dans ce cadre-là. Mais reconnaissez que la France et les pays riverains de la Méditerranée ont un rôle particulier à jouer dans la mise en oeuvre de ce projet, qui est très très important pour la stabilité de l'Europe et pour la stabilité du monde, parce que la Méditerranée c'est aujourd'hui l'un des ferments de crise les plus importants.
Q.- L'UIMM n'a cédé qu'en partie à L. Parisot. Obligée de congédier ses directeurs, elle veut garder tous les mandats sociaux de la métallurgie. Est-ce que vous êtes tout de même satisfait de ces décisions ?
R.- Je crois que Madame Parisot a eu la bonne réaction. Tout le monde a été choqué, à la fois par le montant des indemnités de départ de Monsieur Gautier-Sauvagnac, mais surtout par la méthode au fond...
Q.- Le secret ?
R.- Mais je veux rappeler qu'il y a une instruction judiciaire en cours, et que le rôle du Premier ministre, le rôle des membres du Gouvernement, ce n'est pas de se substituer à la justice. Donc, il y a une instruction judiciaire qui a commencé il y a déjà quelques semaines, qui doit faire la lumière sur ce qui s'est passé à l'UIMM, où allaient les financement de l'UIMM. Et dans ce cadre-là, les contrats incriminés, qui semble-t-il vont être revus d'ailleurs, vont être soumis au juge. Et le juge dira si ces contrats sont légaux ou s'ils ne sont pas légaux.
Q.- Mais hier, vous avez reçu à Matignon L. Parisot. De quelle façon vous soutenez la présidente du Medef ?
R.- Moi, je soutiens tous les responsables des organisations syndicales et patronales quand ils sont engagés dans la voie de la réforme du dialogue social, de la réforme du financement...
Q.- C'est son cas.
R.- C'est son cas. L. Parisot est, avec d'autres responsables syndicaux, très très engagée dans la modernisation du dialogue social. Et la modernisation du dialogue social passe par des partenaires sociaux plus forts, donc avec une meilleure représentativité, élus de façon plus démocratique et avec un financement complètement transparent. Je pense par exemple qu'il serait très utile que toutes les organisations syndicales et patronales fassent certifier leurs comptes par un commissaire aux comptes, de façon à ce qu'il n'y ait plus les ambiguïtés qui existent aujourd'hui.
Q.- Mais est-ce que vous F. Fillon, Premier ministre, vous pensez que le moment est venu de s'occuper du financement des organisations syndicales ?
R.- Non seulement le moment est venu, J.-P. Elkabbach, mais j'ai avec le président de la République demandé aux partenaires sociaux de travailler sur ce sujet. Je leur ai donné jusqu'au 31 mars pour qu'ils nous fassent des propositions sur la modernisation du dialogue social, les nouvelles règles de représentativité, le mode de négociation des accords et le financement de leurs organisations. Et si le 31 mars, ils ne me font pas de proposition, alors le Gouvernement fera son travail, prendra ses responsabilités...
Q.- Le 31 mars c'est dans quelques jours !
R.- Voilà, absolument.
Q.- A la fin du mois.
R.- C'est pour ça que vous voyez que ce n'est pas un sujet... On n'a pas attendu l'UIMM pour se lancer sur ce sujet.
Q.- Voilà, mais l'UIMM écarte avec des fleurs D. Gautier-Sauvagnac et son adjoint D. de Calan, les deux hommes qui savent tout partent avec leurs secrets. Je ne sais pas si vous trouvez ça normal. Qui permettra de découvrir l'origine et la destination des fonds de la caisse ?
R.- Mais la justice, la justice, il n'y a de secret pour personne, on est dans un Etat de droit, on n'achète pas le silence de qui que ce soit, il y a des juges qui vont faire leur enquête. Alors évidemment, le temps de la justice est toujours trop long par rapport à celui des médias et par rapport à l'attente des citoyens...
Q.- Et le Fisc s'en mêlera après ?
R.- Bien sûr, mais vous imaginez bien que le Fisc ne va pas laisser de côté cette question.
Q.- Donc, on ne s'avoue pas impuissant où que l'on soit...
R.- Absolument.
Q.-...Devant la pratique des caisses noires qui remonte loin ?
R.- Non, il n'y a aucune impuissance. La nouveauté simplement, c'est que ces pratiques apparaissent en pleine lumière et c'est bien pour la démocratie, mais il faut en tirer toutes les conséquences. C'est-à-dire qu'il ne suffit pas simplement de sanctionner des fautes qui ont été commises, mais aussi de mettre en place de nouveaux systèmes qui permettent d'éviter qu'on se fourvoie dans de tels écarts.
Q.- C'est-à-dire que l'UIMM était une forteresse, elle ne restera pas une forteresse ?
R.- Oui, mais c'était vrai de l'ensemble du système d'organisation des partenaires sociaux dans notre pays, chacun le sait bien.
Q.- De grandes négociations sociales sont attendues en 2008. Dans ce climat, avec cette guerre ouverte au sein du Medef, comment vous ferez évoluer les relations sociales ?
R.- Moi, je ne crois pas que ce soit un obstacle pour les négociations sociales, au contraire. Je pense que quand il y a une pression comme ça qui s'exerce sur les uns et sur les autres, on négocie mieux, on est moins conservateur, on sait qu'on est jugé par l'opinion, qu'on est sous les feux des projecteurs de l'actualité. Et donc, je suis convaincu que les partenaires sociaux vont avoir à coeur d'aller plus vite et plus loin dans la négociation, en particulier sur la représentativité, en raison de la situation et des doutes qui pèsent sur leur fonctionnement.
Q.- F. Fillon, la querelle sur l'augmentation des prix, des prix de quelques produits alimentaires et non de tous les prix et de tous les produits, ils ont des effets sur le pouvoir d'achat. Quelle action efficace vous pouvez, vous, mener là où vous êtes ?
R.- L'action plus efficace que peut conduire le Gouvernement sur les prix, parce que sur le pouvoir d'achat le Gouvernement peut agir sur les prix et sur l'organisation économique, la croissance, l'emploi...
Q.- Mais pas les contrôler !
R.- Sur les prix, le plus efficace c'est d'accroître la concurrence, car on voit à travers les contrôles qu'on a faits qu'il y a moins d'augmentations que ce qu'ont dit certaines enquêtes, qui ont fait, comment dirai-je, un peu du sensationnel en prenant des produits qui étaient des produits de niche, mais enfin il y a une augmentation. Et on s'aperçoit que cette augmentation...
Q.- Mais vous le saviez, vous avez attendu...
R.- Bien sûr qu'on le sait, on le sait, d'ailleurs on a fait voter une loi au mois de décembre qui entre en application au mois de mars, pour déjà peser sur les prix en permettant la réintégration de ce qu'on appelle les marges arrière. Donc il y a des entreprises industrielles, il y a des distributeurs qui répercutent la hausse des produits alimentaires de façon excessive, il y en a d'autres qui ne le font pas. Donc il n'y a pas une concurrence suffisante dans le système. Donc ce que nous allons faire, dès que le Parlement sera revenu de l'interruption de session qui est due à l'élection municipale, c'est proposer un débat sur une loi de modernisation de l'économie dans laquelle, il y aura des mesures pour permettre la négociabilité des prix. C'est-à-dire pour permettre une meilleure négociation des prix entre les industriels et les distributeurs, des mesures pour accroître la concurrence entre les enseignes de distribution, tout le monde se rend bien compte que les lois qui ont été votées en France pour protéger le petit commerce ont en fait abouti au contraire. C'est-à-dire que le petit commerce a été éradiqué des centres-villes, mais en même temps il y a une sorte de monopole de certaines enseignes qui s'est installé et qui est contraire à la concurrence. Et enfin, on va mettre en place une autorité indépendante de la concurrence avec des pouvoirs accrus, pour qu'elle puisse traquer les ententes et les abus de position dominante...
Q.- Donc plus de concurrence. Le rapport Attali, quand il n'est pas caricaturé, proposait des mesures renforçant...
R.- Bien sûr, il proposait ces mesures-là...
Q.- Qu'est-ce que vous allez retenir du rapport Attali, à moins que vous ne le mettiez à la poubelle ?
R.- Non, non, mais sur le rapport Attali, on prend les mesures que je viens d'indiquer, on les prend d'autant plus qu'elles étaient déjà dans les projets du président de la République sur lesquels on avait fait campagne en 2007.
Q.- La hausse des prix, c'est un problème français mais c'est un problème européen, je regardais le débat hier soir à la télé, Rajoy et Zapatero, ils ont passé au moins 20 minutes à comparer les prix et les augmentations de prix, parce qu'on vit dans un marché libre avec une compétition mondiale sur les matières premières. Comment on peut tenir les prix sans les contrôler, parce que vous ne voulez pas les contrôler !
R.- Contrôler les prix, ça n'a jamais donné de bons résultats, les économies administrées ont toujours été des économies de pénurie, donc personne ne veut aller dans ce sens. Pourquoi est-ce qu'il y a aujourd'hui une augmentation forte des prix ? Parce qu'il y a une pression sur les matières premières et puis parce qu'il y a des variations de cours des monnaies qui sont complètement désordonnées. Donc, il y a un problème de rapport entre le dollar et l'euro, sur lequel le président de la République a été le premier à attirer l'attention à un moment où personne ne considérait qu'il s'agissait d'un problème. Et puis il y a un deuxième sujet qui est la capacité de production des pays développés, et en particulier de l'Union européenne, notamment dans le domaine agricole. On a pendant très longtemps pensé que ce qu'il fallait c'est réduire la production agricole pour éviter les surproductions et les baisses de prix. On n'avait pas anticipé le fait qu'un milliard et demi de Chinois allaient se jeter à corps perdu dans l'économie de marché... Ils y ont droit... ...qu'un milliard d'Indiens allaient faire la même chose, qu'ils y ont droit, que les pays d'Amérique latine allaient enfin émerger. Et aujourd'hui, il y a une demande mondiale qui est extrêmement forte, donc il faut que l'économie européenne et l'économie française s'adaptent à cette situation.
Q.- Je reviendrai tout à l'heure sur le pouvoir d'achat, F. Fillon. Selon quels critères pour les municipales, la droite aura gagné ou perdu ?
R.- Vous savez, les municipales... C'est quoi les municipales ? C'est le choix d'un maire, d'une équipe, d'un projet. Tous les maires, toutes les équipes et tous les projets ne se valent pas. Il y a des considérations locales, il y a des considérations nationales dans la mesure où les candidats de la majorité présidentielle portent des valeurs et des projets qui leur sont propres...
Q.- Mais ça veut dire que si un maire de gauche est bon localement, vous le soutenez ? C'est une question d'efficacité ?
R.- Ce sont les électeurs qui le font et vous savez, vous avez remarqué que pour la première fois, sous l'impulsion de N. Sarkozy, les listes de la majorité présidentielle aux élections municipales sont des listes d'ouverture. C'est-à-dire qu'il y a dans toutes les listes de la majorité présidentielle aux élections municipales des hommes et des femmes de gauche, des hommes et des femmes du centre.
Q.- C'est pour ça qu'il n'y a pas UMP sur leurs affiches ?
R.- Vous savez, moi j'ai été maire pendant vingt ans, je n'ai jamais mis aucun sigle politique sur mes affiches aux élections municipales, parce qu'aux élections municipales, vous essayez de rassembler le maximum de gens autour de sujets qui sont des sujets communs.
Alors sur quel critère la droite gagne ou perd ?
R.- J'imagine que les médias trouveront certainement des critères quant au nombre de villes gagnées ou perdues, quant au nombre de voix attribuées à la majorité ou à l'opposition. Mais je disais que tous les projets ne se valent pas, parce qu'il y a des sujets sur lesquels les listes de la majorité présidentielle portent des valeurs différentes ; sur la sécurité, les listes de la majorité présidentielle ne défendent pas les mêmes projets. Le "Grenelle de l'environnement", les listes de la majorité présidentielle sont garantes de la mise en oeuvre des objectifs du "Grenelle de l'environnement", pas les listes de gauche. Sur service minimum à l'école, c'est la même chose.
Q.- Vous voyez, vous faites de la politique et vous nationalisez le débat politique.
R.- Non, je veux dire par-là que le débat, il est local et national. Il est forcément local et national, et les électeurs doivent savoir qu'en votant pour une liste de gauche ou en votant pour une liste de droite, il y a des choses qu'ils auront et des choses qu'ils n'auront pas. Le service minimum à l'école, les listes de gauche n'en veulent pas, par exemple.
Q.- F. Hollande espère-il le disait à Europe 1 - que le Parti socialiste pourra récupérer 30 des 40 villes perdues en 2001. Il ne vend pas encore la peau de l'ours mais il voit déjà l'ours...
R.- F. Hollande est un grand spécialiste de...
Q.- La chasse ?
R.-...F. Hollande, au moment des élections locales, est très actif. On le voit moins lorsqu'il s'agit de défendre un projet politique pour notre pays et donc je pense que les Français ne s'y trompent pas. Les Français voient bien qu'il y a une espèce de tentative du Parti socialiste de se refaire une santé à l'occasion d'une sorte de troisième tour des élections présidentielles. Cela n'a pas de sens, et en tous cas, ce que je veux dire c'est que c'est, d'une certaine manière, tromper les Français et tromper les électeurs, c'est priver les électeurs d'une ville du vrai débat local dont ils ont besoin. Et c'est les tromper parce que de toute façon, le président de la République mettra en oeuvre le projet politique pour lequel il a été choisi par les Français.
Q.- On va y venir...
R.-...Et les élections municipales n'auront pas d'impact sur le projet politique choisi par les Français, sinon il n'y aurait plus de démocratie dans notre pays.
Q.- Vous dites que ce ne sont pas des élections nationales. Où serez-vous ce soir ?
R.- Où je serai ce soir ? Moi, je soutiens les candidats...
Q.- Vous allez à Lyon.
R.-... Je soutiens les candidats de la majorité parce que c'est mon rôle de chef du Gouvernement, c'est mon rôle de chef de la majorité. Je suis un militant politique, cela ne vous a pas échappé, et donc je vais soutenir mes amis. Et j'ai choisi d'aller soutenir ceux qui - comment dirais-je ? - étaient dans les situations les plus difficiles, ceux qui étaient dans les villes où il y avait, au fond, le moins de chance de l'emporter parce qu'il y a des traditions de gauche importantes ou parce qu'il y a des maires sortants qui sont bien établis, parce que je pense que c'est le rôle du chef de la majorité.
Q.- Vous mettez, comme disait l'autre, votre capital au service de...
R.- Je n'ai pas de capital...
Q.- Ce qui vous reste du capital...
R.-... Je suis militant politique et je fais mon travail.
Q.- F. Hollande et L. Fabius vous soupçonnent de préparer un plan, je ne sais pas comment il faut l'appeler, "d'austérité", "de rigueur", au lendemain des municipales. Vous, vous dites le contraire. Mais est-ce que vous pouvez affirmer qu'il n'y aura pas de prélèvements ou d'impôts nouveaux après ?
R.- Monsieur Fabius est un grand spécialiste. Il nous a expliqué au moment du débat sur le traité européen qu'il y aurait un plan B. Tout le monde s'est rendu compte qu'il n'y avait pas de plan B. Au lendemain des élections législatives, monsieur Fabius nous a expliqué qu'il allait y avoir une forte augmentation de la TVA. Vous avez vu une forte augmentation de la TVA ? Et maintenant, pour les élections municipales, il nous explique qu'il y aura un plan de rigueur. Tout cela est faux, ce n'est d'ailleurs pas digne d'un homme d'Etat que de mentir avec cette constance-là. Il n'y aura pas de plan de rigueur. Il y a un budget 2008 qui a été voté par le Parlement, il sera mis en oeuvre, naturellement en fonction de la croissance et en fonction des rentrées fiscales. Comme tout gouvernement, on fait des ajustements sur les dépenses, cela n'a rien à voir avec un plan de rigueur. Et d'ailleurs, monsieur Fabius a été sévèrement contredit par monsieur Juncker, le Premier ministre du Luxembourg qui préside le Conseil des ministres des Finances de l'euro, qui a indiqué que contrairement à ce que disait monsieur Fabius, madame Lagarde n'avait, à aucun moment, défendu un plan de rigueur devant les ministres des Finances européens.
Q.- Au delà de la polémique, ce que l'on retient ce matin, c'est qu'il n'y a pas d'impôts ou de prélèvements après, quand on aura voté.
R.- Bien sûr, mais ce n'est pas des méthodes. Ce n'est pas des méthodes politiques, ce n'est pas digne.
Q.- D'accord. Et quand F. Hollande disait dimanche, toujours sur Europe 1, que le Parti socialiste voulait après les régions, dominer les départements et les mairies pour vous obliger à une cohabitation territoriale. En quelque sorte, le local contre Paris.
R.- D'abord ce serait une sorte de coup d'Etat institutionnel puisque...
Q.- A travers les élections ?
R.- Les institutions n'ont jamais prévu que les régions, les départements ou les communes avaient un rôle législatif à jouer, avaient un rôle à jouer dans la conduite des affaires de l'Etat. Et puis, deuxièmement, les Français devraient bien s'interroger puisque après les élections régionales, qu'est-ce qu'on a vu - puisque toutes les régions, sauf deux, en métropole sont à gauche ? On a vu une augmentation massive des impôts, y compris d'ailleurs de la TIPP dont les socialistes réclament qu'elle baisse quand il s'agit d'alimenter les caisses de l'Etat mais qui augmentent le taux quand il s'agit d'augmenter les ressources des régions. On a vu dans beaucoup de régions des comportements très sectaires. J'ai pu l'expérimenter moi-même dans la mienne, c'est-à-dire qu'on aide les municipalités de gauche et moins celles de droite. Franchement, je pense que les Français devraient regarder de près le bilan des régions avant de donner les clés des départements et des communes à la gauche.
Q.- Monsieur le Premier ministre, en quoi ces élections municipales vont-elles intervenir pour l'avenir et la conduite des réformes ? Est-ce qu'il faut que les Français s'attendent à une pause, comme certains le réclament, ou à un nouvel élan, un nouveau souffle si vous avez des réformes dans votre sac ?
R.- Non, il n'y aura aucune pause. Pour une raison simple, c'est que la France n'a pas le choix, la France n'a pas le droit de faire une pause. Ce que j'évoquais à l'instant, c'est-à-dire cette montée en puissance de la Chine, de l'Inde, des pays émergents, la façon dont les autres pays européens autour de nous ont commencé depuis plus longtemps que nous à réaliser l'adaptation de leur économie et de leur système social ; le président de la République était hier en Allemagne, l'Allemagne est un exemple tout à fait éloquent : il y a cinq ans, l'Allemagne était donnée en très, très grande difficulté, aujourd'hui l'Allemagne est un pays qui a des comptes équilibrés et qui a un dynamisme industriel qui impressionne le monde. Donc nous, nous n'avons pas le droit à la pause. Et d'une certaine manière, j'ai envie de dire, après les élections municipales on va plutôt accélérer puisqu'on a été obligé, pour cause d'élections, simplement parce que le Parlement ne siège pas, de ralentir le rythme des réformes.
Q.- Mais les Français sont dans le brouillard. Est-ce qu'il y a deux ou trois principales priorités, des priorités simples et claires pour 2008 ?
R.- Les priorités du Gouvernement, elles sont bien connues : nous, on veut qu'à la fin du quinquennat, on soit dans les trois premiers pays européens pour la croissance et qu'on ait atteint le plein emploi.
Q.- Vous maintenez l'idée des 2 % de croissance alors que tous les autres sont en train de voir une croissance qui baisse sur la planète entière.
R.- Je maintiens qu'on sera très près de 2 % de croissance. On nous donne en ce moment entre 1,5 et 1,7 de croissance ; on est en train de faire les réformes qui vont nous permettre d'aller chercher les dixièmes de point supplémentaires.
Q.- Mais alors comment ?
R.- Cela veut dire que sitôt après les élections municipales, avec le président de la République, on proposera un projet de modernisation de l'économie, avec les mesures sur la concurrence que j'ai évoquées tout à l'heure, avec des mesures de soutien aux petites et moyennes entreprises, comme la réduction des délais de paiement, des mesures fiscales sur l'impôt forfaitaire annuel, de simplification administrative. Un plan très ambitieux de soutien aux nouvelles technologies et la réforme de la distribution du Livret A pour mieux alimenter la politique de logement social. Le deuxième projet qui sera présenté au Parlement immédiatement, c'est un projet de loi sur la flex-sécurité, c'est à dire plus de flexibilité pour les entreprises pour qu'elles soient plus dynamiques sur les marchés internationaux, et en même temps, plus de sécurité pour les salariés. C'est la fusion de l'ANPE et de l'Unedic, c'est la réforme du contrat de travail qui a été décidée par les partenaires sociaux et qu'on va transformer en texte législatif. Mais c'est aussi la réforme de la représentativité syndicale que j'évoquais tout à l'heure et surtout, une fois cette réforme de la représentativité syndicale faite, la possibilité pour l'entreprise de négocier avec ses salariés la question du temps de travail autour des heures supplémentaires de façon complètement libre dans l'entreprise. On va mettre en place le Plan banlieues, et sur le pouvoir d'achat, nous voulons une loi très très ambitieuse sur l'intéressement. Vous savez qu'aujourd'hui l'intéressement profite...
Q.- Pourquoi vous dites toujours "le pouvoir d'achat" et jamais "le niveau de vie" que vous voulez améliorer, disons, à plus long terme, c'est-à-dire avec des résultats un peu plus tard ? Parce que vous avez fait naître tellement d'espoir que maintenant, ils sont, peut-être momentanément, mais en tous cas ils sont déçus.
R.- Je ne crois pas qu'on ait fait naître des espoirs. Il y a une pression sur les prix dans notre pays et il faut répondre à cette question de la pression sur les prix. Il faut y répondre en créant des emplois et de la richesse pour que les salaires augmentent, c'est ce qu'on essaie de faire, et non pas en réduisant le temps de travail comme l'avaient fait nos prédécesseurs. Il faut agir sur le logement parce que personne ne parle du logement mais le logement, c'est le poste le plus important dans les dépenses des ménages. Or pourquoi est-ce que le logement est si cher en France ? C'est parce que pendant des années et notamment sous la gauche, on n'a pas construit suffisamment de logements, donc on construit plus de logements aujourd'hui.
Q.- Je vous écoute : vous dites "on va faire", "on va faire", donc vous resterez Premier ministre ?
R.- Ça, c'est une question qui est entre le Président de la République et moi. Vous savez, dans la Vème République...
Q.- Oui, mais alors, vous en avez parlé tous les deux ?
R.-... Dans la Vème République, le Premier ministre est à la disposition du président de la République et de la majorité et donc, c'est un sujet dont je parle avec le président de la République mais vous conviendrez qu'il n'y a pas de raison que je dévoile, même à la demande de J.-P. Elkabbach, la nature des conversations que j'ai avec le président de la République sur ce sujet.
Q.- Mais avec H. Fontanaud, on constatait que vous ne faites plus de jogging ensemble. Vous travaillez quand même ensemble directement tous les deux ?
R.- Simplement, on a des emplois du temps qui sont assez lourds, qui ne nous permettent plus de courir ensemble, en tout cas lorsque...Sauf, sauf... On a couru ensemble il y a pas si longtemps !
Q.- Et qu'est-ce qui est le plus dangereux pour un Premier ministre ? Etre trop populaire ?
R.- Pas de courir en tout cas !
Q.- Etre trop populaire ou ne pas l'être assez ?
R.- Mais je crois que tout ça a très peu d'importance parce que la popularité, ça va et ça vient. Mais au fond, la seule popularité qui compte en démocratie, c'est celle que donne l'élection. Et c'est au moment des élections que les Français font des choix et en général, ils font des choix qui sont des choix très raisonnés.
Q.- Est-ce qu'il y aura un gouvernement de printemps ?
R.- Il y aura un gouvernement au printemps, ça c'est sûr monsieur Elkabbach !
Q.- Non, de printemps, remanié, revu ?
R.- Ce n'est pas un sujet d'actualité.
Q.- Non ?
R.- Non.
Q.- Deux autres questions avant qu'on se sépare. On a retrouvé un opposant tchadien N. Yorungar. Il parait qu'on le cherchait, il avait disparu depuis la crise. Il demande l'asile politique à la France, est-ce que vous allez lui accorder en dépit de nos très bonnes relations avec monsieur I. Deby ?
R.- La France a une tradition d'asile que chacun connaît bien et l'asile politique sera accordé. Mais la question qui est posée pour nous au Tchad, c'est la question de savoir où sont les autres opposants qui ont disparu. Et le président de la République française a été, je crois, très courageux en allant au Tchad la semaine dernière et en exigeant du président tchadien qu'il y ait une commission d'enquête internationale qui soit mise en place pour retrouver la trace de ces opposants. Je pense que c'est quand même une vraie rupture avec la politique qui était conduite traditionnellement en Afrique.
Q.- Avec N. Sarkozy vous agissez beaucoup en faveur d'I. Betancourt. Vous étiez allé, je m'en souviens, en Amérique latine. Est-ce que l'exécution du numéro 2 des FARC, monsieur Reyes, met la vie de I. Betancourt en danger ?
R.- Je crois que la vie d'I. Betancourt, elle est en danger, avec ou sans l'exécution du numéro 2 des FARC. Ce qui est très dangereux maintenant, c'est le climat qui est en train de se créer entre les différents pays de la région. Il faut appeler au calme, c'est ce que fait le président de la République, c'est ce que fait le Gouvernement français. Et puis surtout démontrer aux FARC que la mort d'I. Betancourt dans ce contexte-là ne leur apporterait que la réprobation du monde entier. Et si les FARC veulent trouver une sortie politique à la situation dans laquelle ils se trouvent, qui est une situation de guerre en réalité, la première chose à faire c'est de faire un geste vis-à-vis de la communauté internationale. Et ce geste, c'est la libération immédiate pour des raisons humanitaires, pas pour des raisons politiques, pour des raisons humanitaires, d'I. Betancourt.
Q.- En dix mois à Matignon, de quoi vous êtes fier ? Le plus fier, vous, F. Fillon ?
R.- Du rythme des réformes. J'ai utilisé un jour une image en disant que le président de la République était le seul qui pouvait bousculer le mur des conservatismes et que le rôle du Gouvernement, c'était ensuite derrière un mur des conservatismes bousculé de reconstruire un pays mieux ordonné. Je pense que ce qu'on a montré en neuf mois, c'est une capacité d'aller contre les idées reçues qui d'ailleurs, peut-être aujourd'hui, provoquent quelques troubles dans l'opinion, qui marque vraiment le redémarrage de notre pays et qui marque vraiment la mise en oeuvre des réformes auxquelles je suis attaché.
Q.- Après cette conversation, le président de la République va vous appeler pour vous dire que c'était bien ?
R.- Vous savez, je ne parle jamais de mes relations avec le président de la République parce qu'elles ne regardent que lui et que moi.
Q.- Voilà, et vous rougissez quand vous le dites, c'est drôle ça ! (...) Oui, un peu, non ? Dernière remarque : je suppose que vous n'avez pas vu, moi non plus, le film très tendre et très drôle de Dany Boon, "Les Ch'tis"
R.- ... Non, malheureusement je ne l'ai pas vu mais je...
Q.-... Qui est en train de faire plus fort qu' "Astérix" et "Les bronzés". 5 millions de Français vont l'avoir vu en une semaine. Son succès est considéré comme un évènement. Est-ce qu'à votre avis, c'est lié au besoin de racines locales dans la mondialisation ou simplement à l'envie de se marrer ?
R.- Je pense que c'est lié au besoin de racines locales dans la mondialisation, mais c'est lié aussi au talent de Dany Boon, parce qu'il y a des réalisateurs qui savent faire des bons films et d'autres qui n'y arrivent pas. Et là, incontestablement, on a un réalisateur de très grand talent qui est en train de naître.
Q.- Oui, et qui fait rire...
R.- Et qui fait rire, ce qui est bien.
Q.- Merci d'être venu et bonne journée. Merci de votre intervention.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 4 mars 2008