Déclaration de M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur les réponses à apporter aux crises agricoles sectorielles, sanitaires et climatiques, sur l'orientation de la politique agricole française et communautaire, Nantes le 3 avril 2008.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Congrès de la FNSEA, à Nantes le 3 avril 2008

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le Député Maire,
Mesdames et Messieurs les présidents des organisations agricoles,
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Mesdames, Messieurs,
Votre congrès est toujours un temps fort de la vie agricole française.
Votre présence nombreuse, Mesdames et Messieurs, le sérieux de vos travaux, cette démocratie syndicale que constitue le renouvellement de tous vos mandats professionnels à l'occasion de ce congrès, méritent du respect et de la reconnaissance.
C'était, hier, aussi le sens qu'a voulu donner le Président de la République à sa venue parmi vous.
Intervenir devant votre congrès, engage ceux qui s'y expriment.
Et ce n'est pas une première. Je me souviens du dialogue avec Luc GUYAU aux Sables d'Olonne en 2001.
Et pour moi, ce n'est pas une première. Il y a juste un an, j'étais votre invité à Marseille pour m'exprimer au nom de l'UMP.
Vous m'aviez, alors, posé deux questions :
* l'une, qui ne m'a pas surpris, sur les institutions européennes encore sous le choc du non au référendum des Pays-Bas et de notre pays.
Quand les institutions européennes sont faibles, on peut être sûr que les politiques sont faibles
Et, donc, sans institutions fortes, la politique agricole commune s'affaiblira.
Aujourd'hui, grâce à l'engagement du chef de l'Etat, les institutions européennes vont pouvoir fonctionner mieux.
C'est le Traité de Lisbonne,
* mais, à Marseille, vous m'avez posé une autre question à laquelle je ne m'attendais pas : Si Nicolas SARKOZY est élu, gardera-t-il un Ministère de l'agriculture à part entière ?
Je vous avais répondu oui.
Sans imaginer une seconde qu'un an plus tard, je conclurai votre Congrès comme Ministre de l'Agriculture.
Permettez-moi simplement de vous dire que je vis cette responsabilité de Ministre des agricultrices et des agriculteurs mais aussi des agricultures de métropole et d'outre mer comme un honneur. Je l'exerce chaque jour avec exigence et passion.
Mais un Ministère, des institutions, une politique agricole ne forment pas un projet !
Ce sont des outils au service d'un projet.
Un Ministère et une politique agricole sont également des outils au service des hommes et des femmes qui vivent de ce métier et que vous représentez dans leur diversité à la FNSEA et avec chaleur, cher Jean-Michel.
Je veux donc commencer en parlant des hommes et des femmes qui souffrent d'un trop grand nombre de crises : économique, sanitaire et climatique. Et parfois des trois.
Il y a tout d'abord, le renchérissement du prix des matières premières.
Au premier rang, le prix de l'énergie. Il touche tous les secteurs. Voilà pourquoi le gouvernement a reconduit le dispositif d'exonération de la TIPP et de la TICGN à la fin de l'année dernière.
Mais, cette envolée du prix de l'énergie frappe plus durement certaines productions.
Je pense aux productions sous serres.
Des instructions vont être données aux préfets pour que les remboursements de TVA des mois de janvier, février et mars soient anticipés.
Au-delà de cette mesure d'urgence, mon objectif est double : la reconversion énergétique des serres à horizon de 3 ans, et plus globalement l'amélioration de la performance énergétique des exploitations. C'est l'ambition d'un des 4 plans que j'ai proposés dans le cadre du Grenelle de l'Environnement.
Et puis, il y a le cours des céréales.
Bonne nouvelle pour les uns, mauvaise pour d'autres.
Les éleveurs, notamment les éleveurs de porcs, de volailles ou encore de lapins en paient le prix fort.
Nous en avons longuement parlé avec Jean-Michel SERRES et les responsables de la filière la semaine dernière.
Je reste très mobilisé, en particulier sur les restitutions que nous voulons utiliser aussi longtemps qu'elles seront nécessaires.
Quant aux aides nationales que j'ai pu mettre en oeuvre, vous en connaissez les contraintes, notamment communautaires, nous les avons réparties au mieux. Un bilan sera fait d'ici la fin avril.
Je sais que cela ne suffit pas. Les solutions sont, là aussi structurelles.
Nous devons restaurer la compétitivité de nos filières animales de la production à l'aval.
Je vais, avec le Ministère du développement durable, ouvrir le chantier de la simplification des règles environnementales dans le respect, bien sûr, des exigences européennes. Cette simplification, nous allons l'utiliser pour faciliter l'effort déjà engagé pour la mise aux normes des bâtiments d'élevage, y compris en Bretagne.
Enfin, je n'accepte pas que les prix agricoles soient la variable d'ajustement d'une chaîne alimentaire qui en achetant le moins cher possible n'aurait d'autre ambition que de vendre le plus cher possible aux consommateurs.
Je partage votre analyse : les agriculteurs ne sont pas responsables de l'augmentation des prix des produits alimentaires. Ni les agriculteurs, ni le Ministre de l'agriculture ne craignent la transparence sur les prix ...et sur les marges ! Au contraire, nous la demandons.
Je partage une autre analyse : le pouvoir d'achat, ce sont aussi les emplois dans nos PME agroalimentaires.
Je l'ai dit à Luc CHATEL qui a la responsabilité de préparer le projet de loi de modernisation de l'économie.
Il sait que les produits agricoles périssables, et je pense aux fruits et légumes en particulier, ne peuvent pas être suspendus à une négociabilité de leurs prix.
Les crises sont aussi sanitaires.
Et nous savons qu'elles seront plus fréquentes.
La plus grave depuis de longues années, c'est la fièvre catarrhale ovine.
Elle provoque dans 82 départements l'inquiétude des éleveurs et souvent leur désarroi.
Face à cette situation, dès mon arrivée, je me suis engagé pour une stratégie européenne de prévention, de vaccination et de financement des vaccins. Nous l'avons obtenue.
Je me suis concentré sur un plan de vaccination pour l'ensemble du territoire. Il est engagé.
Comme vous le savez, la vaccination a déjà démarré.
600 000 doses pour vacciner les broutards à destination de l'Italie et 900 000 doses pour vacciner les petits ruminants dans les 16 départements déjà touchés par la FCO en 2006 ont été attribuées.
D'autres livraisons de vaccins vont s'échelonner dans les prochaines semaines.
Et fin août, 15 millions de bovins et 11 millions de petits ruminants seront vaccinés.
Afin de faciliter la gestion de ce plan au plus près du terrain, des comités FCO sont mis en place par les préfets, comme vous l'avez demandé.
Avec cette réactivité, la France est le premier pays à disposer aujourd'hui de vaccins et à avoir engagé de manière significative la vaccination de son cheptel.
Je vais renforcer l'information et la transparence pour que chacun sache combien de doses sont disponibles, dans quels départements et à quelle échéance.
L'autre difficulté, c'est depuis le début du mois, la fermeture des frontières italiennes et des conditions unilatérales fixées par l'Italie pour l'importation.
Nous avons engagé une procédure de recours devant la CJCE.
Nous demandons à la Commission de trouver et d'imposer rapidement, une solution conforme au droit communautaire.
Le blocage est d'autant plus incompréhensible que les élevages italiens ont besoin de broutards. J'ai donc directement engagé une discussion avec les autorités italiennes.
Pour toutes ces crises
qui sont sectorielles, et ce sont les éleveurs de porcs, les éleveurs ovins, qui sont, et ils le savent, l'une de mes priorités dans le bilan de santé,
qui sont sanitaires, c'est la FCO, la dioxine, la charka et le PCB
qui sont climatiques, je n'oublie pas le drame du gel de Pâques qui a frappé les arboriculteurs des 8 départements de la vallée du Rhône,
pour toutes ces crises, je mobiliserai avec le concours du Premier Ministre, François FILLON, tous les leviers de la solidarité nationale, toutes les marges de mon budget malgré un contexte difficile.
Après 9 mois passés rue de Varenne, je veux vous dire en toute franchise que nous n'avons pas aujourd'hui les outils pour anticiper et pour gérer les crises. Et je voudrai être avec vous le Ministre qui renouvellera fondamentalement et durablement nos dispositifs. Il faut privilégier une responsabilisation de chacun à travers :
* l'auto assurance, c'est-à-dire l'épargne de précaution, l'argent que l'on met de côté quand ça va bien pour l'utiliser quand les jours sont plus sombres. Dans ce cadre, mon objectif est d'améliorer significativement la déduction pour aléa. J'ai bien entendu vos demandes sur ce point , Monsieur le Président,
* le développement de l'assurance contre les risques climatiques que les Pouvoirs Publics encourageront. C'est une première étape susceptible d'évoluer dans le temps vers un dispositif, auquel vous tenez, de couverture des risques de l'entreprise,
* la mutualisation de moyens publics et privés par la création d'un fonds sanitaire. Et, je peux vous rassurer, cela ne se traduira pas par un désengagement des Pouvoirs publics sur les catastrophes sanitaires,
* un engagement des filières dans l'organisation de la prévention et de la gestion des risques. J'ai présenté le 17 mars dernier à Bruxelles un mémorandum dans ce sens. Je sais qu'il rejoint les réflexions de votre rapport d'orientation. Mais, la réussite repose sur la volonté de chacun de « jouer collectif ! »
Ces outils rénovés, je souhaite les inscrire dans le bilan de santé de la PAC. Et ce sera notre priorité.
Enfin, Mesdames et Messieurs, j'ai parlé des difficultés des hommes et des femmes qui travaillent. Mais, nous avons aussi une préoccupation immédiate, c'est la situation des retraités agricoles.
Notre priorité, ce sera de remédier aux situations les plus inéquitables, en particulier celle des épouses et des veuves, en faisant jouer la solidarité nationale.
Les propos du Président de la République ont fixé le cap.
Par ailleurs, votre syndicat doit être associé aux grands rendez-vous du gouvernement sur la réforme des retraites. Comme l'a indiqué le Président de la République, nous allons en définir les modalités avec Xavier BERTRAND.
Les difficultés, les crises requièrent des solutions immédiates. Nous les mettons en oeuvre dans un contexte, vous le savez, difficile.
Mais ces difficultés et ces crises apparaissent moins lourdes, elles ont aussi un terme quand des perspectives existent.
Cet horizon, c'est le projet alimentaire et territorial européen, soutenu par une politique commune et une préférence communautaire.
Nous n'avons pas à nous excuser d'être européens et de préférer l'Europe.
Et la préférence européenne, ce ne sont pas que des mots. Vous avez entendu le Président de la République vous dire lui-même qu'il était prêt à des actes pour la défendre.
L'acte de dire non à un mauvais accord à l'OMC, c'est-à-dire à un accord déséquilibré et sans réciprocité.
Nous préférons l'absence d'accord à un mauvais accord.
L'autre acte, Mesdames et Messieurs, est de construire des alliances et une solidarité européenne pour rénover et pérenniser la politique agricole.
Non pas parce qu'elle est une politique historique, mais parce qu'elle est une politique stratégique.
C'est bien maintenant que ce débat doit avoir lieu parce que nous avons avec la présidence slovène et notre présidence le rendez-vous du bilan de santé.
Et parce que si nous attendons 2010 ou 2011 pour débattre des missions et des raisons d'une politique agricole, ce sera trop tard dans le temps européen.
Mon expérience de Commissaire me permet de vous dire : si le débat politique ne précède pas le débat budgétaire, c'est le budget et ses contraintes qui imposeront la politique.
Je me suis déjà exprimé sur les missions et les raisons d'une politique agricole.
Les missions d'une politique agricole aujourd'hui, dans un monde plus incertain :
* c'est sécuriser l'approvisionnement alimentaire de plus de 450 millions de consommateurs. Mais au-delà de cette sécurité, c'est garantir la diversité de notre alimentation avec les produits dont vous êtes porteurs à travers les appellations d'origine, les labels ou l'agriculture biologique,
* c'est préserver les équilibres de nos territoires notamment de montagne, source de croissance et de cohésion sociale,
* c'est développer les systèmes de production durables.
Les raisons d'une politique agricole, ce sont : la valeur créée, l'emploi, la dynamique des installations, qui est la priorité partagée des jeunes agriculteurs et de leur Président Philippe MEURS et la mienne en même temps,
Les raisons d'une politique agricole, ce sont aussi, notre spécialisation industrielle, nos performances à l'exportation.
C'est tout ce dont on a besoin pour gagner le point de croissance qui nous fait défaut. On peut aller la chercher en Asie ou ailleurs. On peut aussi, et peut-être avant tout, mobiliser notre potentiel agricole.
A l'évidence, l'agriculture redevient un facteur de croissance.
A ceux qui me disent que la PAC coûte cher.
Je réponds : elle coûte 100 euros par européen et par an.
Et j'ajoute: combien coûterait l'absence de PAC ?
Mon ambition, je l'ai déjà exprimée :
* donner sens et légitimité à cette grande politique européenne mutualisée entre 27,
* mettre cette grande politique européenne en phase avec son temps.
Et c'est le bilan de santé que nous allons utiliser.
La proposition initiale de la Commission de novembre dernier est connue. Elle allait dans deux directions :
* la suprématie des lois du marché avec l'abandon progressif des outils de régulation et d'orientation des productions,
* la transformation de la PAC en une politique de développement rural.
Depuis, le Conseil des Ministres du 17 mars est passé. Ces semaines d'échanges étroits avec Mariann FISCHER BOEL, ces semaines de discussions avec mes homologues dans leurs pays ont fini par payer.
La présidence slovène, à l'issue d'un travail remarquable, a fait adopter des conclusions à l'unanimité moins deux abstentions.
Certains trouveront que tout cela reste insuffisant,
qu'il fallait s'opposer à l'augmentation des quotas laitiers, je m'en suis expliqué à Saint -Etienne devant les producteurs de lait et Henri BRICHART,
que les avancées sur la gestion des risques ou sur les marchés restent insuffisantes.
Mon objectif pour cette première étape était simple: consolider la dimension économique de la politique agricole commune et introduire le plus de marges possible pour faire évoluer le premier pilier au service de nos objectifs.
Compte-tenu des mécanismes de décisions au niveau communautaire, il fallait réussir cette première étape et je pense que nous l'avons réussie.
C'est cette France en mouvement qui étonne nos partenaires.
La France bouge, elle ne défend pas son pré carré, elle propose, elle a repris l'initiative.
Je ne vais pas relâcher la pression dans les semaines qui viennent sur les projets de règlements.
Vous l'avez compris, le temps est aujourd'hui un temps européen. Il faut que nous ayons la bonne boîte à outils qui permette, le moment venu :
* d'une part, de rénover les mécanismes de stabilisation des marchés. Il n'y a pas de fatalité à démanteler tous les dispositifs communautaires qui ont fait la preuve de leur efficacité. Ils conditionneront la pleine responsabilité des acteurs dans la prévention et la gestion des risques que je mentionnais tout à l'heure,
* d'autre part, de parvenir à un meilleur équilibre entre les productions et les niveaux de soutien, plus en phase avec les réalités des marchés et les objectifs d'une agriculture durable.
Pour réussir ensemble, nous avons 5 clés:
La première, c'est vous qui la détenez : un syndicalisme responsable.
C'est une vraie chance pour un Ministre de l'Agriculture de pouvoir dialoguer avec un syndicat fort et représentatif.
Chacun est dans son rôle : syndicalisme et Ministre. Et ce n'est pas le même.
Dans les moments que nous vivons ensemble depuis 9 mois, les échanges n'ont jamais été complaisants.
Et j'ai pu mesurer l'efficacité de votre organisation, la qualité, les compétences et le courage de vos représentants.
Je connais votre double demande sur la réforme de la formation professionnelle et sur toutes les questions relatives à l'emploi. Vous pouvez compter sur moi pour que vos compétences et les outils que vous avez su mettre en place soient totalement reconnus.
La seconde clé de la réussite, c'est un ministère en mouvement.
Je veux que ce ministère redevienne définitivement le grand Ministère de l'Alimentation, du développement rural, de l'agriculture, de la forêt et de la pêche. Je veux en particulier que toutes les missions dont nous avons besoin sur le terrain y soient assumées en pleine intelligence avec les autres administrations. Ce sera par exemple le cas de l'aménagement de nos territoires, si nos ingénieurs travaillent avec ceux de l'Equipement plutôt que séparément. Dans le même esprit, j'ai souhaité que soit créée dans chaque département, autour des services vétérinaires, une véritable direction de la sécurité sanitaire. Enfin, je souhaite
* simplifier et accélérer les conditions de paiement des aides avec le regroupement de l'agence unique de paiement et du CNASEA,
* et, redonner à un office unique un rôle central dans l'analyse et la gestion des marchés.
La troisième clé de la réussite, c'est ce que j'ai appelé la diplomatie agricole.
La politique agricole, les normes, l'essentiel du budget, nous n'en décidons pas tous seuls, et nous n'en décidons pas à Paris.
Mais, ce ne sont pas les autres qui en décident pour nous.
Nous en décidons avec les autres à 27 et à la majorité qualifiée.
Cette majorité qualifiée, elle se bâtit avec mes collègues du Conseil. J'aurai rencontré tous les Ministres de l'agriculture chez eux avant le début de la présidence française.
Mais construire cette politique agricole dépend aussi de vous et pas seulement des Ministres de l'Agriculture.
Vous avez, vous aussi, un rôle majeur à jouer, en recevant les autres, en allant les voir chez eux, en tissant des amitiés. C'est ce que fait votre Président à la tête du COPA.
L'influence, elle ne se décrète pas, elle se construit. C'est comme ça que ça marche.
Et c'est comme ça que nous avons déjà fait bouger les lignes.
Sur les restitutions pour le porc dont la Commission ne voulait pas, sur les conclusions du dernier Conseil sur le bilan de santé qui ont pris en compte plusieurs de nos préoccupations.
C'est vrai aussi sur la réforme de l'OCM vin que nous avons finalement adoptée à l'unanimité à la fin décembre, alors que personne ne voulait de la proposition initiale de la Commission. 6 mois plus tôt. Pour la viticulture, la balle est maintenant dans notre camp. Il nous revient de transformer l'essai à travers le plan de modernisation de la viticulture en cours d'élaboration et auquel d'ailleurs, plusieurs d'entre vous ici présents participent.
La quatrième clé, c'est le dialogue avec le reste de la société.
Nous l'avons ouvert dans le cadre du Grenelle de l'Environnement. Vous avez eu raison, Monsieur le Président, avec vos collègues des autres organisations agricoles, d'adopter la seule attitude gagnante : celle d'une « ouverture » au développement durable.
On a voulu nous mettre dans un coin et nous avons su montrer, ensemble, que l'agriculture a depuis longtemps intégré l'environnement. Nous allons faire de même pour le débat « Animal et Société », dont m'a chargé le Président de la République.
Je ne laisserai ni les agriculteurs, ni les éleveurs, être mis au banc des accusés pour leurs pratiques du passé, et pour l'exercice de leur métier aujourd'hui.
Dans le même temps, et vous le savez, des voies d'amélioration sont encore possibles. C'est animé de cette conviction que j'ai proposé 4 plans d'action: l'agriculture biologique, la performance énergétique des exploitations, la certification volontaire des exploitations agricoles et Ecophyto 2018.
Je connais vos préoccupations sur les phytosanitaires. Je sais que vous craignez les distorsions de concurrence qui résulteraient de décisions franco-françaises. Nous utiliserons le « paquet pesticides » en discussion à Bruxelles pour harmoniser les règles de mise sur le marché.
Et, puisque c'est le Président de la République qui m'a confié la responsabilité de conduire ce chantier, je ne laisserai pas les agriculteurs sans solution face aux impasses techniques.
Et, puis, vous le savez, le Président de la République m'a également chargé de présenter à la Commission et aux Etats-membres un mémorandum sur les conditions sanitaires des importations des pays tiers. Les propositions auxquelles vous serez associé seront débattues au cours des prochaines semaines.
Le dossier de l'ours est délicat, vous l'avez évoqué, on peut en sourire.
J'ai eu la charge d'engager ce débat avec les éleveurs des Pyrénées, il y a 15 ans dans des fonctions antérieures .Ce débat fait appel au sens des responsabilités de chacun. Et nous avions trouvé à l'époque le chemin d'une responsabilité partagée.
S'agissant du loup, c'est une espèce qui est juridiquement protégée, mais qui n'est plus menacée, je veux trouver des modes de régulation qui redonnent aux hommes et aux femmes qui vivent du pastoralisme, et je les connais bien toute leur légitimité, leur dignité et la priorité qui leur est due.
Dans le même esprit, nous avons pris d'autres initiatives pour parler avec les citoyens. 3 conférences sur l'alimentation, les agricultures de demain et la solidarité mondiale remettront l'agriculture au coeur du quotidien de chacun avant la présidence française.
C'est aussi comme cela que l'on défend la PAC.
La cinquième et la dernière clé de la réussite, c'est la recherche et l'innovation.
Le double défi de notre agriculture : produire plus et produire mieux passe par une mobilisation de la recherche.
L'investissement dans la recherche aujourd'hui, c'est notre compétitivité de demain.
Etre moins dépendant du pétrole, être moins dépendant des phytosanitaires, développer la première et la seconde génération de biocarburants, utiliser le potentiel de la chimie verte,
tout cela passe par la recherche, les biotechnologies, la recherche sur les OGM.
C'est la raison pour laquelle le gouvernement a décidé que les recherches en plein champ seront préservées en 2008.
Pour répondre plus précisément à votre question sur les biocarburants, le Président de la République l'a confirmé, l'objectif de 7% sera tenu. Les premières analyses de l'ADEME confirment l'intérêt, y compris écologique, d'un développement maitrisé des biocarburants. Nous devons désormais avancer sans état d'âme.
Mais, nous n'avancerons pas si nous ne faisons pas tomber les peurs irrationnelles vis-à-vis de la science.
La loi sur les OGM constitue, à cet égard, une étape indispensable pour restaurer la confiance. Elle est, en ce moment même, discutée à l'Assemblée Nationale. Ce temps est essentiel pour substituer à la passion un débat démocratique et des règles claires.
Cette loi apportera transparence, responsabilité, libre choix.
Mais, nous devrons continuer le débat.
Contre les peurs que certains diffusent, il n'y a qu'une seule réponse : le dialogue. C'est le silence qui entretient les peurs.
Nous avons, aujourd'hui, Monsieur le Président, en main chacune de ces clés. Nous avons des perspectives de développement favorables, un environnement qui vient de sonner le grand retour de l'agriculture. Nous devons agir. Et ce que nous ferons aujourd'hui pour l'agriculture préfigurera notre développement futur.
Je voudrai conclure cette intervention par là où je l'avais commencée à Marseille, il y a un an.
Ce qui est en cause avec la PAC, c'est évidemment la première politique européenne.
C'est le coût de cette politique, c'est-à-dire le soutien à notre agriculture, qui est le prix du modèle agricole européen : une garantie sanitaire, une diversité alimentaire, des territoires aménagés.
Le soutien à notre agriculture, c'est aussi la préférence communautaire, dont, je le redis, nous n'avons pas à nous excuser.
Tout cela justifie notre engagement et notre vigilance.
Mais, c'est bien plus qui est en cause.
C'est une certaine idée de l'Europe :
* ou bien, l'Europe deviendra, comme le souhaitent certains une zone de libre échange, et seulement cela. Avec de la compétition fiscale et sociale à l'intérieur et toutes les portes ouvertes vers l'extérieur.
Dans cette Europe, on fait du commerce tous ensemble, on fait du commerce avec les autres et on fait de la politique à quelques uns,
* ou bien, l'Union européenne restera une communauté de nations solidaires avec des politiques intégrées : la PAC et d'autres encore.
Cette Europe, la nôtre, celle de Robert SCHUMANN et de Jean MONNET, doit avoir l'ambition d'être une puissance politique avec une politique étrangère et une politique de défense. Avec cette Europe, nous devons avoir l'ambition d'être acteur et non spectateur.
Vous le savez, Mesdames et Messieurs, je suis un homme politique libéral. Pour autant, je ne crois pas que « le tout libéral », sur lequel les américains eux-mêmes s'interrogent en ce moment, soit la bonne réponse :
* pour préserver la sécurité alimentaire d'une planète qui devra, d'ici 2050, multiplier par 2 sa production pour nourrir 9 milliards d'individus,
* pour maintenir un équilibre des activités sur l'ensemble du territoire,
* pour développer les pays les plus pauvres.
Il nous faut des règles.
Il nous faut une protection contre la spéculation financière qui s'empare des marchés de certaines matières premières agricoles.
Il nous faut des solidarités.
C'est bien le combat pour cette idée de l'Europe que je vous propose de mener ensemble.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 8 avril 2008