Interview de M. Jean-Marc Ayrault, président du groupe parlementaire PS à l'Assemblée nationale, à "Libération" le 28 mai 2008, sur la position du PS concernant le projet de réforme de la Constitution, notamment sur le redécoupage des circonscriptions électorales et sur la prise en compte du temps de parole audiovisuel du Président de la République.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC Libération - Libération

Texte intégral

Q - La position du groupe socialiste est-elle définitive ?
R - C'est un vote pour la première lecture. Rien n'est définitif. Notre décision sera arrêtée pour le Congrès, à Versailles. A ce moment-là, le gouvernement et la droite auront besoin des trois cinquièmes des suffrages exprimés pour que la réforme soit adoptée. Et ils auront besoin des voix socialistes. A nous de les faire bouger pour créer un rapport de force favorable.
Q - Ce vote contre est donc un vote d'attente ?
R - Oui, nous évaluerons à l'issue des navettes entre les deux assemblées ce qui a été acté.
Q - Qu'attendez-vous du gouvernement ?
R - On ne peut pas vouloir rééquilibrer notre Constitution sans corriger les iniquités des modes de scrutin à l'Assemblée et au Sénat qui font par exemple que le Sénat est indéfiniment à droite. Vous pouvez avoir le plus beau texte constitutionnel et la démocratie la plus biaisée dès lors que vous n'assurez pas un juste mode de représentation.
Un autre geste fort que nous attendons du gouvernement serait de confier le redécoupage des circonscriptions à une commission indépendante. Aujourd'hui, il a commencé dans le plus grand secret. De ce point de vue, je tiens à dénoncer le fait que le gouvernement souhaite que les Français de l'étranger soient représentés par 12 députés. Si on ne modifie pas le processus de désignation de ces élus, cela veut dire que la droite se garantit d'entrée 10 à 12 sièges. Enfin, nous insistons pour que le temps de parole audiovisuel du chef de l'Etat soit décompté. J'observe d'ailleurs que, la semaine dernière, la droite a repoussé notre proposition de loi allant dans ce sens mais que dimanche, Bernard Accoyer [président de l'Assemblée, ndlr] a évolué. Nous n'attendons pas du gouvernement qu'il reprenne à son compte tout ce que nous voulons. Mais il doit bouger sur ces points.
Q - Mais au fond, n'estimez-vous pas que cette réforme va globalement dans le bon sens ?
R - Il y a des avancées réelles, pour le droit du Parlement, pour les droits des citoyens. Mais il faut un équilibre général et la question des modes de scrutins à l'Assemblée et au Sénat est importante. Pour l'instant, le gouvernement ne nous donne pas de signes qu'il entend évoluer.
Q - Voulez-vous conserver le référendum obligatoire sur l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne?
R - Nous y sommes totalement opposés. D'ailleurs, plusieurs députés UMP nous ont rejoints sur ce point. Je ne sais pas si la Turquie a sa place dans l'Union européenne, mais je sais qu'elle n'a pas sa place dans la Constitution française.
Q - Ne craignez-vous pas que le vote du groupe soit parasité par la tenue du congrès du PS, en novembre ?
R - Certains ont tenté de se servir de cette échéance. Mais la raison l'a emporté. On a dit que les socialistes étaient divisés, mais nous avons tous le droit de nous exprimer. Néanmoins, notre intérêt est de jouer collectif. S'il y a des divisions parmi nous, nous n'obtiendrons rien du gouvernement et de sa majorité.
Q - Espérez-vous toujours un vote unanime du groupe PS ?
R - Nous sommes unanimes en première lecture. Nous devons l'être jusqu'au bout. L'amélioration de notre Constitution doit être un pacte démocratique entre majorité et opposition. Pas une petite opération de débauchages.
Source http://www.deputessocialistes.fr, le 10 juin 2008