Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les représentants des organisations syndicales et
professionnelles,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais d'abord remercier l'association Dialogues qui m'accueille,
et puisque monsieur Peyrelevade vient de faire remarquer à l'instant
qu'il y a un peu plus d'un an, j'avais été l'invité de cette
association, alors même que, je n'avais pas de responsabilités
politiques autres que celle de préparer le projet politique de ma
formation politique, il se souviendra, et tous ceux qui étaient
présents ici ce jour là, que j'ai très clairement indiqué ce que nous
sommes en train de faire maintenant, et en particulier, s'agissant de
l'évolution du dialogue social. Je forme naturellement des voeux de
rétablissement pour Jean Peyrelevade, j'ai été un peu surpris en le
voyant à l'entrée, j'ai eu peur un instant que ce ne soit le résultat
d'un dialogue social un peu animé ; il m'a rassuré en disant qu'il ne
s'agissait que des marches glissantes du métro. Je voudrais ensuite
remercier le président du Conseil économique et social qui nous
accueille, on ne peut pas rêver de meilleure enceinte pour parler de
dialogue social que le Palais d'Iéna.
Au delà de sa mission institutionnelle - que d'ailleurs la réforme
constitutionnelle en cours se propose d'étendre- la troisième Assemblée
de la nation est un animateur de premier plan de notre démocratie
sociale.
Nul n'ignore, Monsieur le président Dermagne, le rôle très important
joué par le Conseil économique et social dans la modernisation de notre
système, et comme vous y avez vous-même fait allusion, l'avis rendu
sous votre égide en 2006 a apporté une pierre très très importante à
cette évolution.
C'est donc tout naturellement que votre enceinte accueille ce colloque
de l'association Dialogues, sous la férule de Jean Peyrelevade, de
Claude Tendil et de Jean-Dominique Simonpoli.
Votre association, avec ses chefs d'entreprises et ses responsables
syndicaux, démontre quotidiennement que le dialogue social est une
réalité vivante qui échappe aux figures imposées.
Moi, j'en ai acquis la conviction depuis longtemps, et cette conviction
m'a toujours amené à défendre cette idée que la modernisation de notre
pays n'était pas dissociable de la modernisation de notre démocratie
sociale. La démocratie politique elle-même a besoin en permanence de
s'adapter aux évolutions de la société - c'est d'ailleurs ce que nous
sommes en train de faire avec la réforme constitutionnelle -, la
démocratie sociale doit suivre la même évolution.
On ne peut pas transformer réellement la France sans responsabiliser et
sans associer les Français eux-mêmes à cette transformation.
Dans cet esprit, je crois qu'il n'est pas excessif de dire que rarement
un gouvernement n'est allé aussi loin dans le dialogue social.
Rarement autant de projets ont été placés entre les mains des
partenaires sociaux, avant de l'être entre celles du Parlement.
Parmi ces projets, la position commune qui a été arrêtée le 9 avril
dernier constitue une étape décisive dans la construction d'une
nouvelle forme de régulation sociale.
Grâce à elle, la représentativité des organisations syndicales, si ce
projet est traduit naturellement dans notre législation, se fondera sur
leurs résultats aux élections professionnelles dans l'entreprise. La
légitimité des syndicats reposera sur "la base", et non plus sur un
arrêté ministériel de 1966 ! C'est une révolution de fond qui, pas à
pas, modifiera le paysage social.
En acceptant votre invitation, je savais que votre colloque serait d'
actualité, puisque nous avions souhaité engager avant l'été la
transposition de cette position commune.
Pour être honnête, je n'imaginais pas que cette actualité fût à ce
point "brûlante", mais notre rencontre tombe à point nommé, parce qu'
elle me fournit l'occasion d'expliquer ma conception du dialogue social
et de son avenir.
D'abord, je veux le dire sans détour : si le dialogue social apparaît
comme un thème fédérateur dont chacun se plait à vanter les vertus, il
y a, derrière les discours, une réalité qui ne peut pas nous laisser
indifférents. Il y a la réalité d'une démocratie sociale fragile,
affaiblie en comparaison de celle de beaucoup d'autres pays développés
; celle d'un système de relations sociales qui reposent encore très
largement sur des règles et sur des pratiques qui remontent au siècle
dernier.
Il est aujourd'hui indispensable d'établir un nouveau cadre de
régulation de nos rapports sociaux.
Il faut une "nouvelle donne sociale" permettant aux entreprises et aux
salariés de devenir les acteurs du changement. Or, malgré les progrès,
il reste beaucoup de chemin à parcourir...
La France reste en mal de lien social et de consensus. Elle cherche des
repères collectifs que les institutions et les pouvoirs traditionnels
peinent à susciter, faute d'avoir su accompagner l'essor des corps
intermédiaires. Le taux de syndicalisation n'a jamais atteint des
seuils aussi bas. Il se concentre dans le secteur public et reste
faible dans le privé.
Non seulement notre taux de syndicalisation est faible, mais la
division et le morcellement syndical tendent à s'accentuer, les règles
de la représentativité sont souvent déconnectées de l'audience réelle
des organisations, et la pratique contractuelle demeure chaotique. A
l'extérieur, quand on regarde dans les pays développés qui peuvent être
des modèles, ou en tout cas que l'on peut regarder comme ayant bien
réussi dans ce domaine, forte syndicalisation, unité syndicale et vie
contractuelle vont de pair.
Cette situation, n'est pas le seul fait des partenaires sociaux. La
vérité, c'est que les pouvoirs publics ont leur part de responsabilité.
Trop longtemps, notre tradition centralisatrice - et peut-être aussi
une lointaine rémanence de la loi Le Chapelier - nous ont fait voir les
corps intermédiaires comme des accompagnateurs et non pas comme des
acteurs de la régulation.
Trop souvent on a cru que l'Etat devait tout faire, tout seul. Trop
souvent, l'Etat s'est érigé en "instituteur du social", comme l'a
parfaitement résumé Pierre Rosanvallon.
Cette situation ne doit plus durer. Elle a trop longtemps été un
obstacle à l'adaptation de notre pays. Elle a trop longtemps placé la
question économique et sociale au carrefour des contestations plutôt
qu'à celui des propositions.
D'un côté, l'éclatement du paysage syndical a donné une sorte de "prime
à la contestation", et de l'autre, les règles de la négociation
collective n'ont pas vraiment favorisé l'émergence d'une véritable
culture du compromis.
J'en suis convaincu : c'est parce que la place dévolue au dialogue
social est traditionnellement réduite et c'est parce que notre système
est insuffisamment responsabilisant que les organisations syndicales
peinent à jouer pleinement leur rôle.
J'ai conscience de peindre un portrait peut-être un peu sombre de l'
état de notre démocratie sociale. Il faut naturellement le relativiser
parce que nous voyons bien et nous sentons bien que les choses bougent,
et pas seulement depuis quelques mois.
Il y a des domaines où les partenaires sociaux, d'abord, ont su
totalement prendre leur responsabilité : je pense à la gestion de l'
assurance chômage, qui reste strictement paritaire, ou aux caisses de
retraite complémentaire.
Dans l'entreprise, le dialogue social est souvent une réalité très
vivante, et pas seulement un rituel sans âme. Ce n'est d'ailleurs pas
un hasard si le taux de participation aux élections professionnelles
dans l'entreprise est environ le double de celui aux dernières
élections prud'homales...Et puis il y la loi du 4 mai 2004, qui a
marqué une étape significative dans la modernisation de notre
démocratie sociale, en introduisant le principe de l'accord majoritaire
et en élargissant le champ de l'espace contractuel. Grâce à cette loi,
plus de 50.000 textes ont pu être signés l'an passé dans les
entreprises. Mais c'est vrai, et je l'avais regretté moi-même en la
présentant devant le Parlement, elle était restée d'une certaine façon,
au milieu du gué, en n'allant pas au bout de la logique majoritaire, et
en ignorant la problématique de la représentativité.
Il nous appartient désormais de franchir une nouvelle étape - que j'
espère cette fois-ci décisive - dans la modernisation de notre
démocratie sociale et la reconnaissance de la place du dialogue social,
ce dialogue social dont Jacques Delors disait qu'il "doit combattre le
désenchantement politique, la personnalisation du pouvoir et la
domination de l'instantané sur la vision".
Sous l'impulsion du président de la République, le Gouvernement est
déterminé à franchir cette étape. Cela passe notamment par le respect
d'une méthode : c'est le renvoi systématique de tout projet de réforme
dans le champ social aux partenaires sociaux, qui peuvent alors, s'ils
le souhaitent, engager une négociation au vu des objectifs fixés par le
Gouvernement.
J'observe d'ailleurs à cet égard que les dispositions de la loi du 31
janvier 2007 ne font que reprendre les engagements que j'avais fait
inscrire dans l'exposé des motifs de la loi du 4 mai 2004, puisque que
l'on m'avait expliqué à l'époque, il n'était pas possible de le mettre
dans la loi, car c'était inconstitutionnel - c'était inconstitutionnel
en 2004, ça ne l'était plus en 2007.
Ce "dialogue préalable obligatoire", nous nous y tenons sur tous nos
projets :
- sur la modernisation du marché du travail ;
- sur la réforme du temps de travail ;
- sur les conditions de travail et l'égalité professionnelle entre les
femmes et les hommes ;
- sur la formation professionnelle, qui va constituer un chantier
structurant de la "flexicurité à la française" ;
- et, naturellement, sur la démocratie sociale.
Notre méthode exige ensuite la fixation d'un agenda partagé des
réformes.
C'est l'agenda social pour 2008 que nous avons déterminé de concert
avec le président de la République. Par nature, un tel agenda ne peut
pas être gravé dans le marbre. Il est permis - et j'ai envie de dire,
il est même requis - de l'actualiser. Et c'est pourquoi j'ai proposé la
semaine dernière d'y inscrire une concertation sur l'aide aux
transports des salariés entre leur domicile et leur lieu de travail.
Evidemment, dans notre pays, cette méthode nouvelle ne va pas sans
difficulté, et il va falloir que nous l'apprivoisions d'une certaine
façon.
Au fond, je résumerai les écueils que nous allons devoir éviter en
disant qu'il y a trois risques de discordances.
* Il y a tout d'abord le risque de discordance entre le temps politique
et le temps social.
Le temps politique, c'est souvent celui de l'urgence, celui de l'
urgence des événements, celui de l'urgence du rythme même de la vie
politique, celui des réponses rapides aux aspirations de nos
concitoyens.
Le temps social, c'est plus souvent, mais pas toujours l'exigence d'une
délibération approfondie, d'une maturation réciproque, de la
construction du compromis.
La liaison entre ces deux temps n'est pas toujours aisée : quand un
Gouvernement reçoit un mandat aussi clair que le nôtre, (réformer en
profondeur notre modèle économique et social !), il est quelque peu
singulier de renvoyer aux partenaires sociaux - c'est-à-dire d'attendre
pendant six mois ! - sur des sujets qui suscitent des attentes aussi
fortes chez nos concitoyens.
Pourtant, nous nous y sommes tenus, et nous continuerons à nous y
tenir.
* La deuxième discordance, c'est celle qui peut surgir lorsqu'il y a
divergence entre les conclusions des partenaires sociaux et les projets
du gouvernement. On l'a vu naturellement sur le temps de travail. Sur
ce point, le programme sur lequel nous avons été élus, et que j'avais
d'ailleurs très clairement - je m'en souviens - dessiné, lors de cette
venue devant votre association, dans ce débat que nous avions eu, ce
programme, il est extrêmement clair et nul ne peut nous reprocher de
vouloir avancer.
Dans leur position commune, les partenaires sociaux n'ont souhaité
faire des propositions qu'à la marge sur cette question, alors que nous
leur avions demandé une réforme d'ensemble. Il était dès lors normal
que le Gouvernement prenne ses responsabilités : le projet de loi qui
sera présenté au Parlement permettra, sans renoncer à la durée légale
du travail, de desserrer l'étau des 35 heures.
Bien entendu, et je le redis, ici ; aujourd'hui dans cette enceinte,
nous sommes prêts à regarder avec les partenaires sociaux quelles
pourraient être les évolutions nécessaires dans ce cadre. La voie du
dialogue reste ouverte. De premiers ajustements ont d'ailleurs été
réalisés. Mais chacun doit être conscient de notre détermination à
agir.
Je sais que les organisations syndicales et patronales nous reprochent
de ne pas reprendre intégralement l'accord qu'ils nous ont proposé.
Je les entends et je les respecte. Mais il faut parler clairement : le
respect de la démocratie sociale ne signifie pas l'effacement complet
de la démocratie politique ! Quand nous demandons aux partenaires
sociaux de négocier sur le temps de travail et qu'ils ne le font qu'à
la marge, il est naturel que le gouvernement et le Parlement reprennent
la main.
D'autant que sur tous ces sujets, nous sommes tenus par des contraintes
législatives, des contraintes réglementaires, des contraintes de
jurisprudence, qui nous conduisent à prendre des décisions qui ne vont
s'appliquer que dans un temps très long. Si je prends l'exemple de ce
que nous sommes en train de faire sur le temps de travail, l'essentiel
des mesures que nous voulons mettre en oeuvre, c'est-à-dire cette
possibilité de négocier dans l'entreprise, même lorsqu'il y a un accord
de branche qui ne va pas dans le même sens, que cette négociation de
l'entreprise, ce sera au mieux pour le début ou pour le courant de l'
année 2010. Et, je voudrais attirer votre attention sur cette question
du temps : la majorité politique a cinq ans devant elle pour mettre en
oeuvre les réformes que les Français lui ont demandé de mettre en oeuvre.
Peut-elle quasiment renoncer sur un sujet aussi essentiel, sur un
engagement aussi fort, en renvoyant l'application d'éventuels
changements quasiment à la fin de ce quinquennat ? Sans parler
naturellement des autres questions sur lequel il peut y avoir débat,
mais qui sont celles de la pression économique qui s'exerce au sein de
l'espace européen, sur notre pays. Voilà, nous sommes, je suis,
réformateur et impatient monsieur Chérèque. Réformateur et impatient,
tout comme vous.
Il reste que nous devons, ensemble, mettre au point de nouvelles
méthodes de travail pour limiter ce type de discordances. Le politique
ne peut pas se contenter d'attendre les résultats du dialogue social,
les partenaires sociaux ne peuvent eux avancer dans l'ignorance des
attentes gouvernementales.
Et, c'est pourquoi, je crois qu'il nous faut désormais construire de
nouveaux espaces d'échange entre le Gouvernement et les partenaires
sociaux et cela tout au long du processus, c'est à dire entre l'envoi
du document d'orientation et l'aboutissement de la négociation, dans le
respect bien entendu de l'autonomie de chacun. Alors, vous aurez
sûrement des tas d'idées et de suggestions à nous faire, dans ce
domaine, mais cela pourrait prendre par exemple la forme d'une clause
de rendez-vous durant la phase de négociation et, au terme du
processus, d'un nouveau rendez-vous en interprétation de l'accord,
susceptible d'ouvrir la voie à l'équivalent d'une "nouvelle
délibération".
Ce ne sont là que des exemples, mais je souhaite que nous puissions
élaborer ensemble à la rentrée cette "charte du dialogue social" et
tomber ainsi d'accord sur un code mutuel de bonnes pratiques.
Le troisième obstacle, ce n'est pas une discordance, mais c'est au
contraire une concordance qui peut être redoutable, c'est la
concordance des conservatismes ! La nouvelle donne sociale, certains la
redoutent parce qu'elle bouscule leurs habitudes et leurs traditions -
qui d'ailleurs ne sont pas toutes illégitimes. D'aucuns la redoutent
parce qu'ils s'accommodent, secrètement, de la faiblesse des syndicats.
Enfin, d'autres, au nom d'un culte de l'opposition, la redoutent parce
que pour eux le syndicalisme ne doit être que le moteur permanent de
cette opposition.
Malgré ces obstacles, je veux vous dire que notre détermination est
intacte. Nous poursuivrons sans dévier notre travail de réforme selon
cette méthode respectueuse du dialogue social.
Et cela d'autant plus que les règles de la démocratie sociale doivent
évoluer.
C'est le sens des documents d'orientation sur la démocratie sociale que
j'ai adressés en juin et décembre dernier aux partenaires sociaux.
Quelle est notre ambition ?
Je souhaite, en premier lieu, renforcer la légitimité des accords
conclus par les partenaires sociaux. C'est la condition sine qua non de
la nouvelle donne sociale. Ce qui veut dire revoir les règles de la
représentativité syndicale.
Rien n'est en effet possible tant que les partenaires sociaux ne seront
pas des acteurs incontestables et incontestés du changement. Il faut
que la représentativité repose en priorité sur la réalité de leur
audience auprès des salariés de l'entreprise, et c'est la raison pour
laquelle nous devons mettre un terme à la présomption irréfragable
figée en 1966. Il faut aussi avancer sur la voie de l'accord
majoritaire, pour en finir avec ce système baroque où, par sa seule
signature, un syndicat minoritaire peut imposer un accord qui s'
appliquera ensuite à tous les salariés !
Et puis, il faut garantir un financement transparent aux organisations
syndicales.
C'est la condition essentielle de leur indépendance, et c'est le gage
de leur légitimité.
Nous devons donc aller vers une publication et vers une certification
des comptes, clarifier les sources publiques et paritaires de
financement, et faire en sorte que les cotisations des adhérents, qui
représentent parfois à peine 20 % de leurs ressources, constituent l'
essentiel de leurs budgets.
L'élargissement du champ contractuel est notre deuxième axe.
Nous savons tous que le dialogue social se limite encore trop souvent à
quelques figures imposées. Il faut donc agir, en tout cas, selon moi,
agir à deux niveaux. D'abord, en laissant plus de latitude à l'accord
d'entreprise - dès lors que celui-ci devient majoritaire - parce que
c'est bien à ce niveau que l'on peut prendre en compte, au plus près
des réalités, les spécificités de chacun.
Et, d'autre part, en valorisant les possibilités de négocier dans les
petites entreprises.
Sur tous ces points, la position commune du 9 avril apporte des
réponses concrètes et directes aux attentes du Gouvernement. Et je veux
saluer l'engagement des partenaires sociaux qui ont eu le courage - au
risque de bousculer les situations acquises - de signer ce texte très
novateur.
Le Gouvernement sera à leurs côtés pour favoriser sa mise en oeuvre, et
le projet de loi présenté au conseil des ministres mercredi dernier
transpose au plus près cette position commune. Je souhaite, comme vous
le savez, que la loi soit votée d'ici la fin de l'été.
J'ajoute que l'engagement du gouvernement à promouvoir le dialogue
social doit naturellement s'appliquer à l'Etat employeur. L'Etat
employeur doit aussi être exemplaire. Et l'accord du 2 juin dernier sur
le dialogue social dans la fonction publique constitue de ce point de
vue un véritable événement. C'est le premier accord sur le dialogue
social depuis 1946 : il a été signé par 6 organisations syndicales qui
représentent plus de 70 % des voix.
Il s'appuie, à l'instar de la position commune, sur trois idées force :
la représentativité syndicale doit se fonder en priorité sur l'audience
réelle, la négociation doit devenir le mode normal de régulation des
relations du travail, et la validité des accords doit reposer sur leur
caractère majoritaire.
Voilà, mesdames et Messieurs, ce que nous essayons d'accomplir
ensemble.
Je suis convaincu que nous sommes à l'aube d'une transformation de
notre démocratie sociale. C'est une occasion historique pour les
partenaires sociaux d'élargir leurs effectifs et leur influence. C'est
une occasion décisive pour les salariés et pour les chefs d'entreprises
de prendre en main leur destin avec un dialogue constructif.
Alors, naturellement, j'entends ici ou là le chant des Cassandre...
On nous dit d'abord, que ce texte ignore les salariés des petites
entreprises. C'est faux !
Les signataires ont prévu le lancement d'une nouvelle négociation sur
la représentation du personnel dans les PME. Je souhaite évidemment
qu'elle puisse débuter le plus rapidement possible, et la position
commune ouvre un nouvel espace de négociation dans ces petites
entreprises, alors même que la négociation collective leur était
aujourd'hui inaccessible.
On nous dit que les nouvelles règles de majorité vont paradoxalement
conduire au blocage des négociations. C'est faux ! Et d'ailleurs de ce
point de vue, le précédent de la loi de 2004 montre que le risque d'une
glaciation de la négociation n'est plus crédible. C'était l'argument
principal pour nous empêcher de mettre en oeuvre le texte de 2004. On
nous disait : "il n'y aura plus jamais de négociation dans les
entreprises, ce sera le blocage". Qui aujourd'hui constate qu'il y a eu
un tel blocage du fait de ce texte ?
Et les signataires ont d'ailleurs - fort opportunément- voulu que le
passage à l'accord majoritaire, pour ceux qui auraient encore des
craintes, soit progressif. On nous dit que la nouvelle donne sociale,
ce sera la recomposition autoritaire du paysage syndical. C'est encore
faux ! Il suffit d'ailleurs de regarder les premières initiatives de
recomposition syndicales : elles viennent des acteurs eux-mêmes, qui
n'attendent pas le vote de la loi.
Alors, mesdames et messieurs, essayons de cheminer en confiance ! Je
faisais tout à l'heure un parallèle entre la modernisation de la
démocratie politique et la modernisation de la démocratie sociale. Je
pense que ce parallèle est d'autant plus juste que les arguments qui
sont mis en avant pour empêcher cette modernisation sont les mêmes. On
nous explique que la France serait un pays tellement différent des
autres qu'on ne pourrait pas y faire fonctionner une démocratie
normale. C'est bien ce que l'on entend jour après jour, de la part de
ceux qui disent que la Constitution de la Ve République ne peut pas
être modifiée, que toutes modifications, et en particulier, tout
renforcement du rôle du Parlement aboutira dans un pays comme le notre
à des blocages institutionnels qui rendront impossible le progrès
économique politique et social. Cela voudrait dire que la France aurait
des gènes particuliers qui ferait que elle serait incapable de mettre
en oeuvre les règles de la démocratie politique qui fonctionnent dans
les autres pays. Eh bien, c'est la même chose pour la démocratie
sociale. Franchement ! Bien sûr, on a une histoire différente ! Bien
sûr, on a une culture différente ! Bien sûr, il faut tenir compte de
cette histoire ! Mais enfin, regardons autour de nous ! Les êtres
humains qui peuplent les pays voisins de la France, ne sont pas fait
différemment, et ils ont bien su trouver progressivement les voies d'
une démocratie sociale, qui est une démocratie du compromis, qui est
une démocratie qui est basée sur la règle de la majorité, qui est une
démocratie qui est basée sur des règles de représentativité
démocratiques.
Je suis convaincu : que la réforme en cours pose les fondements solides
d'un dialogue social revivifié.
C'est vrai que l'on fait un pari, on fait le pari du dialogue, de l'
engagement et de la responsabilité.
Mais moi, je préfère mille fois parier sur des valeurs auxquelles je
crois plutôt que de spéculer sur le maintien d'un système que nous
savons tous essoufflé.
Ce sont ces valeurs qui cimenteront le nouveau socle de confiance entre
les partenaires sociaux.
J'espère que votre débat montrera que ce sont des valeurs partagées. En
tout cas je suis convaincu qu'il témoignera de la vigueur du changement
qui s'annonce.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 25 juin 2008
Mesdames et messieurs les représentants des organisations syndicales et
professionnelles,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais d'abord remercier l'association Dialogues qui m'accueille,
et puisque monsieur Peyrelevade vient de faire remarquer à l'instant
qu'il y a un peu plus d'un an, j'avais été l'invité de cette
association, alors même que, je n'avais pas de responsabilités
politiques autres que celle de préparer le projet politique de ma
formation politique, il se souviendra, et tous ceux qui étaient
présents ici ce jour là, que j'ai très clairement indiqué ce que nous
sommes en train de faire maintenant, et en particulier, s'agissant de
l'évolution du dialogue social. Je forme naturellement des voeux de
rétablissement pour Jean Peyrelevade, j'ai été un peu surpris en le
voyant à l'entrée, j'ai eu peur un instant que ce ne soit le résultat
d'un dialogue social un peu animé ; il m'a rassuré en disant qu'il ne
s'agissait que des marches glissantes du métro. Je voudrais ensuite
remercier le président du Conseil économique et social qui nous
accueille, on ne peut pas rêver de meilleure enceinte pour parler de
dialogue social que le Palais d'Iéna.
Au delà de sa mission institutionnelle - que d'ailleurs la réforme
constitutionnelle en cours se propose d'étendre- la troisième Assemblée
de la nation est un animateur de premier plan de notre démocratie
sociale.
Nul n'ignore, Monsieur le président Dermagne, le rôle très important
joué par le Conseil économique et social dans la modernisation de notre
système, et comme vous y avez vous-même fait allusion, l'avis rendu
sous votre égide en 2006 a apporté une pierre très très importante à
cette évolution.
C'est donc tout naturellement que votre enceinte accueille ce colloque
de l'association Dialogues, sous la férule de Jean Peyrelevade, de
Claude Tendil et de Jean-Dominique Simonpoli.
Votre association, avec ses chefs d'entreprises et ses responsables
syndicaux, démontre quotidiennement que le dialogue social est une
réalité vivante qui échappe aux figures imposées.
Moi, j'en ai acquis la conviction depuis longtemps, et cette conviction
m'a toujours amené à défendre cette idée que la modernisation de notre
pays n'était pas dissociable de la modernisation de notre démocratie
sociale. La démocratie politique elle-même a besoin en permanence de
s'adapter aux évolutions de la société - c'est d'ailleurs ce que nous
sommes en train de faire avec la réforme constitutionnelle -, la
démocratie sociale doit suivre la même évolution.
On ne peut pas transformer réellement la France sans responsabiliser et
sans associer les Français eux-mêmes à cette transformation.
Dans cet esprit, je crois qu'il n'est pas excessif de dire que rarement
un gouvernement n'est allé aussi loin dans le dialogue social.
Rarement autant de projets ont été placés entre les mains des
partenaires sociaux, avant de l'être entre celles du Parlement.
Parmi ces projets, la position commune qui a été arrêtée le 9 avril
dernier constitue une étape décisive dans la construction d'une
nouvelle forme de régulation sociale.
Grâce à elle, la représentativité des organisations syndicales, si ce
projet est traduit naturellement dans notre législation, se fondera sur
leurs résultats aux élections professionnelles dans l'entreprise. La
légitimité des syndicats reposera sur "la base", et non plus sur un
arrêté ministériel de 1966 ! C'est une révolution de fond qui, pas à
pas, modifiera le paysage social.
En acceptant votre invitation, je savais que votre colloque serait d'
actualité, puisque nous avions souhaité engager avant l'été la
transposition de cette position commune.
Pour être honnête, je n'imaginais pas que cette actualité fût à ce
point "brûlante", mais notre rencontre tombe à point nommé, parce qu'
elle me fournit l'occasion d'expliquer ma conception du dialogue social
et de son avenir.
D'abord, je veux le dire sans détour : si le dialogue social apparaît
comme un thème fédérateur dont chacun se plait à vanter les vertus, il
y a, derrière les discours, une réalité qui ne peut pas nous laisser
indifférents. Il y a la réalité d'une démocratie sociale fragile,
affaiblie en comparaison de celle de beaucoup d'autres pays développés
; celle d'un système de relations sociales qui reposent encore très
largement sur des règles et sur des pratiques qui remontent au siècle
dernier.
Il est aujourd'hui indispensable d'établir un nouveau cadre de
régulation de nos rapports sociaux.
Il faut une "nouvelle donne sociale" permettant aux entreprises et aux
salariés de devenir les acteurs du changement. Or, malgré les progrès,
il reste beaucoup de chemin à parcourir...
La France reste en mal de lien social et de consensus. Elle cherche des
repères collectifs que les institutions et les pouvoirs traditionnels
peinent à susciter, faute d'avoir su accompagner l'essor des corps
intermédiaires. Le taux de syndicalisation n'a jamais atteint des
seuils aussi bas. Il se concentre dans le secteur public et reste
faible dans le privé.
Non seulement notre taux de syndicalisation est faible, mais la
division et le morcellement syndical tendent à s'accentuer, les règles
de la représentativité sont souvent déconnectées de l'audience réelle
des organisations, et la pratique contractuelle demeure chaotique. A
l'extérieur, quand on regarde dans les pays développés qui peuvent être
des modèles, ou en tout cas que l'on peut regarder comme ayant bien
réussi dans ce domaine, forte syndicalisation, unité syndicale et vie
contractuelle vont de pair.
Cette situation, n'est pas le seul fait des partenaires sociaux. La
vérité, c'est que les pouvoirs publics ont leur part de responsabilité.
Trop longtemps, notre tradition centralisatrice - et peut-être aussi
une lointaine rémanence de la loi Le Chapelier - nous ont fait voir les
corps intermédiaires comme des accompagnateurs et non pas comme des
acteurs de la régulation.
Trop souvent on a cru que l'Etat devait tout faire, tout seul. Trop
souvent, l'Etat s'est érigé en "instituteur du social", comme l'a
parfaitement résumé Pierre Rosanvallon.
Cette situation ne doit plus durer. Elle a trop longtemps été un
obstacle à l'adaptation de notre pays. Elle a trop longtemps placé la
question économique et sociale au carrefour des contestations plutôt
qu'à celui des propositions.
D'un côté, l'éclatement du paysage syndical a donné une sorte de "prime
à la contestation", et de l'autre, les règles de la négociation
collective n'ont pas vraiment favorisé l'émergence d'une véritable
culture du compromis.
J'en suis convaincu : c'est parce que la place dévolue au dialogue
social est traditionnellement réduite et c'est parce que notre système
est insuffisamment responsabilisant que les organisations syndicales
peinent à jouer pleinement leur rôle.
J'ai conscience de peindre un portrait peut-être un peu sombre de l'
état de notre démocratie sociale. Il faut naturellement le relativiser
parce que nous voyons bien et nous sentons bien que les choses bougent,
et pas seulement depuis quelques mois.
Il y a des domaines où les partenaires sociaux, d'abord, ont su
totalement prendre leur responsabilité : je pense à la gestion de l'
assurance chômage, qui reste strictement paritaire, ou aux caisses de
retraite complémentaire.
Dans l'entreprise, le dialogue social est souvent une réalité très
vivante, et pas seulement un rituel sans âme. Ce n'est d'ailleurs pas
un hasard si le taux de participation aux élections professionnelles
dans l'entreprise est environ le double de celui aux dernières
élections prud'homales...Et puis il y la loi du 4 mai 2004, qui a
marqué une étape significative dans la modernisation de notre
démocratie sociale, en introduisant le principe de l'accord majoritaire
et en élargissant le champ de l'espace contractuel. Grâce à cette loi,
plus de 50.000 textes ont pu être signés l'an passé dans les
entreprises. Mais c'est vrai, et je l'avais regretté moi-même en la
présentant devant le Parlement, elle était restée d'une certaine façon,
au milieu du gué, en n'allant pas au bout de la logique majoritaire, et
en ignorant la problématique de la représentativité.
Il nous appartient désormais de franchir une nouvelle étape - que j'
espère cette fois-ci décisive - dans la modernisation de notre
démocratie sociale et la reconnaissance de la place du dialogue social,
ce dialogue social dont Jacques Delors disait qu'il "doit combattre le
désenchantement politique, la personnalisation du pouvoir et la
domination de l'instantané sur la vision".
Sous l'impulsion du président de la République, le Gouvernement est
déterminé à franchir cette étape. Cela passe notamment par le respect
d'une méthode : c'est le renvoi systématique de tout projet de réforme
dans le champ social aux partenaires sociaux, qui peuvent alors, s'ils
le souhaitent, engager une négociation au vu des objectifs fixés par le
Gouvernement.
J'observe d'ailleurs à cet égard que les dispositions de la loi du 31
janvier 2007 ne font que reprendre les engagements que j'avais fait
inscrire dans l'exposé des motifs de la loi du 4 mai 2004, puisque que
l'on m'avait expliqué à l'époque, il n'était pas possible de le mettre
dans la loi, car c'était inconstitutionnel - c'était inconstitutionnel
en 2004, ça ne l'était plus en 2007.
Ce "dialogue préalable obligatoire", nous nous y tenons sur tous nos
projets :
- sur la modernisation du marché du travail ;
- sur la réforme du temps de travail ;
- sur les conditions de travail et l'égalité professionnelle entre les
femmes et les hommes ;
- sur la formation professionnelle, qui va constituer un chantier
structurant de la "flexicurité à la française" ;
- et, naturellement, sur la démocratie sociale.
Notre méthode exige ensuite la fixation d'un agenda partagé des
réformes.
C'est l'agenda social pour 2008 que nous avons déterminé de concert
avec le président de la République. Par nature, un tel agenda ne peut
pas être gravé dans le marbre. Il est permis - et j'ai envie de dire,
il est même requis - de l'actualiser. Et c'est pourquoi j'ai proposé la
semaine dernière d'y inscrire une concertation sur l'aide aux
transports des salariés entre leur domicile et leur lieu de travail.
Evidemment, dans notre pays, cette méthode nouvelle ne va pas sans
difficulté, et il va falloir que nous l'apprivoisions d'une certaine
façon.
Au fond, je résumerai les écueils que nous allons devoir éviter en
disant qu'il y a trois risques de discordances.
* Il y a tout d'abord le risque de discordance entre le temps politique
et le temps social.
Le temps politique, c'est souvent celui de l'urgence, celui de l'
urgence des événements, celui de l'urgence du rythme même de la vie
politique, celui des réponses rapides aux aspirations de nos
concitoyens.
Le temps social, c'est plus souvent, mais pas toujours l'exigence d'une
délibération approfondie, d'une maturation réciproque, de la
construction du compromis.
La liaison entre ces deux temps n'est pas toujours aisée : quand un
Gouvernement reçoit un mandat aussi clair que le nôtre, (réformer en
profondeur notre modèle économique et social !), il est quelque peu
singulier de renvoyer aux partenaires sociaux - c'est-à-dire d'attendre
pendant six mois ! - sur des sujets qui suscitent des attentes aussi
fortes chez nos concitoyens.
Pourtant, nous nous y sommes tenus, et nous continuerons à nous y
tenir.
* La deuxième discordance, c'est celle qui peut surgir lorsqu'il y a
divergence entre les conclusions des partenaires sociaux et les projets
du gouvernement. On l'a vu naturellement sur le temps de travail. Sur
ce point, le programme sur lequel nous avons été élus, et que j'avais
d'ailleurs très clairement - je m'en souviens - dessiné, lors de cette
venue devant votre association, dans ce débat que nous avions eu, ce
programme, il est extrêmement clair et nul ne peut nous reprocher de
vouloir avancer.
Dans leur position commune, les partenaires sociaux n'ont souhaité
faire des propositions qu'à la marge sur cette question, alors que nous
leur avions demandé une réforme d'ensemble. Il était dès lors normal
que le Gouvernement prenne ses responsabilités : le projet de loi qui
sera présenté au Parlement permettra, sans renoncer à la durée légale
du travail, de desserrer l'étau des 35 heures.
Bien entendu, et je le redis, ici ; aujourd'hui dans cette enceinte,
nous sommes prêts à regarder avec les partenaires sociaux quelles
pourraient être les évolutions nécessaires dans ce cadre. La voie du
dialogue reste ouverte. De premiers ajustements ont d'ailleurs été
réalisés. Mais chacun doit être conscient de notre détermination à
agir.
Je sais que les organisations syndicales et patronales nous reprochent
de ne pas reprendre intégralement l'accord qu'ils nous ont proposé.
Je les entends et je les respecte. Mais il faut parler clairement : le
respect de la démocratie sociale ne signifie pas l'effacement complet
de la démocratie politique ! Quand nous demandons aux partenaires
sociaux de négocier sur le temps de travail et qu'ils ne le font qu'à
la marge, il est naturel que le gouvernement et le Parlement reprennent
la main.
D'autant que sur tous ces sujets, nous sommes tenus par des contraintes
législatives, des contraintes réglementaires, des contraintes de
jurisprudence, qui nous conduisent à prendre des décisions qui ne vont
s'appliquer que dans un temps très long. Si je prends l'exemple de ce
que nous sommes en train de faire sur le temps de travail, l'essentiel
des mesures que nous voulons mettre en oeuvre, c'est-à-dire cette
possibilité de négocier dans l'entreprise, même lorsqu'il y a un accord
de branche qui ne va pas dans le même sens, que cette négociation de
l'entreprise, ce sera au mieux pour le début ou pour le courant de l'
année 2010. Et, je voudrais attirer votre attention sur cette question
du temps : la majorité politique a cinq ans devant elle pour mettre en
oeuvre les réformes que les Français lui ont demandé de mettre en oeuvre.
Peut-elle quasiment renoncer sur un sujet aussi essentiel, sur un
engagement aussi fort, en renvoyant l'application d'éventuels
changements quasiment à la fin de ce quinquennat ? Sans parler
naturellement des autres questions sur lequel il peut y avoir débat,
mais qui sont celles de la pression économique qui s'exerce au sein de
l'espace européen, sur notre pays. Voilà, nous sommes, je suis,
réformateur et impatient monsieur Chérèque. Réformateur et impatient,
tout comme vous.
Il reste que nous devons, ensemble, mettre au point de nouvelles
méthodes de travail pour limiter ce type de discordances. Le politique
ne peut pas se contenter d'attendre les résultats du dialogue social,
les partenaires sociaux ne peuvent eux avancer dans l'ignorance des
attentes gouvernementales.
Et, c'est pourquoi, je crois qu'il nous faut désormais construire de
nouveaux espaces d'échange entre le Gouvernement et les partenaires
sociaux et cela tout au long du processus, c'est à dire entre l'envoi
du document d'orientation et l'aboutissement de la négociation, dans le
respect bien entendu de l'autonomie de chacun. Alors, vous aurez
sûrement des tas d'idées et de suggestions à nous faire, dans ce
domaine, mais cela pourrait prendre par exemple la forme d'une clause
de rendez-vous durant la phase de négociation et, au terme du
processus, d'un nouveau rendez-vous en interprétation de l'accord,
susceptible d'ouvrir la voie à l'équivalent d'une "nouvelle
délibération".
Ce ne sont là que des exemples, mais je souhaite que nous puissions
élaborer ensemble à la rentrée cette "charte du dialogue social" et
tomber ainsi d'accord sur un code mutuel de bonnes pratiques.
Le troisième obstacle, ce n'est pas une discordance, mais c'est au
contraire une concordance qui peut être redoutable, c'est la
concordance des conservatismes ! La nouvelle donne sociale, certains la
redoutent parce qu'elle bouscule leurs habitudes et leurs traditions -
qui d'ailleurs ne sont pas toutes illégitimes. D'aucuns la redoutent
parce qu'ils s'accommodent, secrètement, de la faiblesse des syndicats.
Enfin, d'autres, au nom d'un culte de l'opposition, la redoutent parce
que pour eux le syndicalisme ne doit être que le moteur permanent de
cette opposition.
Malgré ces obstacles, je veux vous dire que notre détermination est
intacte. Nous poursuivrons sans dévier notre travail de réforme selon
cette méthode respectueuse du dialogue social.
Et cela d'autant plus que les règles de la démocratie sociale doivent
évoluer.
C'est le sens des documents d'orientation sur la démocratie sociale que
j'ai adressés en juin et décembre dernier aux partenaires sociaux.
Quelle est notre ambition ?
Je souhaite, en premier lieu, renforcer la légitimité des accords
conclus par les partenaires sociaux. C'est la condition sine qua non de
la nouvelle donne sociale. Ce qui veut dire revoir les règles de la
représentativité syndicale.
Rien n'est en effet possible tant que les partenaires sociaux ne seront
pas des acteurs incontestables et incontestés du changement. Il faut
que la représentativité repose en priorité sur la réalité de leur
audience auprès des salariés de l'entreprise, et c'est la raison pour
laquelle nous devons mettre un terme à la présomption irréfragable
figée en 1966. Il faut aussi avancer sur la voie de l'accord
majoritaire, pour en finir avec ce système baroque où, par sa seule
signature, un syndicat minoritaire peut imposer un accord qui s'
appliquera ensuite à tous les salariés !
Et puis, il faut garantir un financement transparent aux organisations
syndicales.
C'est la condition essentielle de leur indépendance, et c'est le gage
de leur légitimité.
Nous devons donc aller vers une publication et vers une certification
des comptes, clarifier les sources publiques et paritaires de
financement, et faire en sorte que les cotisations des adhérents, qui
représentent parfois à peine 20 % de leurs ressources, constituent l'
essentiel de leurs budgets.
L'élargissement du champ contractuel est notre deuxième axe.
Nous savons tous que le dialogue social se limite encore trop souvent à
quelques figures imposées. Il faut donc agir, en tout cas, selon moi,
agir à deux niveaux. D'abord, en laissant plus de latitude à l'accord
d'entreprise - dès lors que celui-ci devient majoritaire - parce que
c'est bien à ce niveau que l'on peut prendre en compte, au plus près
des réalités, les spécificités de chacun.
Et, d'autre part, en valorisant les possibilités de négocier dans les
petites entreprises.
Sur tous ces points, la position commune du 9 avril apporte des
réponses concrètes et directes aux attentes du Gouvernement. Et je veux
saluer l'engagement des partenaires sociaux qui ont eu le courage - au
risque de bousculer les situations acquises - de signer ce texte très
novateur.
Le Gouvernement sera à leurs côtés pour favoriser sa mise en oeuvre, et
le projet de loi présenté au conseil des ministres mercredi dernier
transpose au plus près cette position commune. Je souhaite, comme vous
le savez, que la loi soit votée d'ici la fin de l'été.
J'ajoute que l'engagement du gouvernement à promouvoir le dialogue
social doit naturellement s'appliquer à l'Etat employeur. L'Etat
employeur doit aussi être exemplaire. Et l'accord du 2 juin dernier sur
le dialogue social dans la fonction publique constitue de ce point de
vue un véritable événement. C'est le premier accord sur le dialogue
social depuis 1946 : il a été signé par 6 organisations syndicales qui
représentent plus de 70 % des voix.
Il s'appuie, à l'instar de la position commune, sur trois idées force :
la représentativité syndicale doit se fonder en priorité sur l'audience
réelle, la négociation doit devenir le mode normal de régulation des
relations du travail, et la validité des accords doit reposer sur leur
caractère majoritaire.
Voilà, mesdames et Messieurs, ce que nous essayons d'accomplir
ensemble.
Je suis convaincu que nous sommes à l'aube d'une transformation de
notre démocratie sociale. C'est une occasion historique pour les
partenaires sociaux d'élargir leurs effectifs et leur influence. C'est
une occasion décisive pour les salariés et pour les chefs d'entreprises
de prendre en main leur destin avec un dialogue constructif.
Alors, naturellement, j'entends ici ou là le chant des Cassandre...
On nous dit d'abord, que ce texte ignore les salariés des petites
entreprises. C'est faux !
Les signataires ont prévu le lancement d'une nouvelle négociation sur
la représentation du personnel dans les PME. Je souhaite évidemment
qu'elle puisse débuter le plus rapidement possible, et la position
commune ouvre un nouvel espace de négociation dans ces petites
entreprises, alors même que la négociation collective leur était
aujourd'hui inaccessible.
On nous dit que les nouvelles règles de majorité vont paradoxalement
conduire au blocage des négociations. C'est faux ! Et d'ailleurs de ce
point de vue, le précédent de la loi de 2004 montre que le risque d'une
glaciation de la négociation n'est plus crédible. C'était l'argument
principal pour nous empêcher de mettre en oeuvre le texte de 2004. On
nous disait : "il n'y aura plus jamais de négociation dans les
entreprises, ce sera le blocage". Qui aujourd'hui constate qu'il y a eu
un tel blocage du fait de ce texte ?
Et les signataires ont d'ailleurs - fort opportunément- voulu que le
passage à l'accord majoritaire, pour ceux qui auraient encore des
craintes, soit progressif. On nous dit que la nouvelle donne sociale,
ce sera la recomposition autoritaire du paysage syndical. C'est encore
faux ! Il suffit d'ailleurs de regarder les premières initiatives de
recomposition syndicales : elles viennent des acteurs eux-mêmes, qui
n'attendent pas le vote de la loi.
Alors, mesdames et messieurs, essayons de cheminer en confiance ! Je
faisais tout à l'heure un parallèle entre la modernisation de la
démocratie politique et la modernisation de la démocratie sociale. Je
pense que ce parallèle est d'autant plus juste que les arguments qui
sont mis en avant pour empêcher cette modernisation sont les mêmes. On
nous explique que la France serait un pays tellement différent des
autres qu'on ne pourrait pas y faire fonctionner une démocratie
normale. C'est bien ce que l'on entend jour après jour, de la part de
ceux qui disent que la Constitution de la Ve République ne peut pas
être modifiée, que toutes modifications, et en particulier, tout
renforcement du rôle du Parlement aboutira dans un pays comme le notre
à des blocages institutionnels qui rendront impossible le progrès
économique politique et social. Cela voudrait dire que la France aurait
des gènes particuliers qui ferait que elle serait incapable de mettre
en oeuvre les règles de la démocratie politique qui fonctionnent dans
les autres pays. Eh bien, c'est la même chose pour la démocratie
sociale. Franchement ! Bien sûr, on a une histoire différente ! Bien
sûr, on a une culture différente ! Bien sûr, il faut tenir compte de
cette histoire ! Mais enfin, regardons autour de nous ! Les êtres
humains qui peuplent les pays voisins de la France, ne sont pas fait
différemment, et ils ont bien su trouver progressivement les voies d'
une démocratie sociale, qui est une démocratie du compromis, qui est
une démocratie qui est basée sur la règle de la majorité, qui est une
démocratie qui est basée sur des règles de représentativité
démocratiques.
Je suis convaincu : que la réforme en cours pose les fondements solides
d'un dialogue social revivifié.
C'est vrai que l'on fait un pari, on fait le pari du dialogue, de l'
engagement et de la responsabilité.
Mais moi, je préfère mille fois parier sur des valeurs auxquelles je
crois plutôt que de spéculer sur le maintien d'un système que nous
savons tous essoufflé.
Ce sont ces valeurs qui cimenteront le nouveau socle de confiance entre
les partenaires sociaux.
J'espère que votre débat montrera que ce sont des valeurs partagées. En
tout cas je suis convaincu qu'il témoignera de la vigueur du changement
qui s'annonce.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 25 juin 2008