Conférence de presse de M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, sur le bilan chiffré de la politique d'immigration, et le projet de Pacte européen sur l'immigration et l'asile, Paris le 19 juin 2008.

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Texte intégral

Monsieur le Ministre d'Etat,
Monsieur le Ministre,
Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Secrétaires généraux et Directeurs,
Mon Général,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais, tout d'abord, vous remercier d'avoir répondu si nombreux ce matin à mon invitation. Si j'ai souhaité vous réunir, c'est pour vous faire part des résultats d'un an d'action du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, mais aussi pour dresser des perspectives alors que s'ouvre, dans moins de deux semaines, la présidence française de l'Union européenne.
J'ai annoncé ici même, lors du premier rapport d'étape, que ce ministère serait à la fois celui de l'équilibre, celui de la fermeté et celui de la justice :
- de l'équilibre, car j'affirme que si l'immigration zéro n'est ni possible ni souhaitable, dans le même temps accueillir sans contrôle et sans règle conduit inéluctablement à l'échec de l'intégration et à la renaissance de la xénophobie et du racisme ;
- de la fermeté, parce que nous n'avons aucun laxisme à accepter à l'égard de l'immigration clandestine. Les chiffres parlent. Les résultats sont là. Jamais, sur une année, autant de clandestins n'ont été reconduits de manière volontaire autant que possible, ou de manière contrainte dans leurs pays d'origine ;
- de la justice enfin : justice pour les étrangers en règle, justice pour ceux qui peuvent bénéficier de la citoyenneté française, justice pour ceux qui veulent s'intégrer.
Equilibre, fermeté, justice : trois principes qui s'appliquent non pas à des chiffres, à des statistiques mais à des réalités humaines, individuelles et collectives, gravées dans ma mémoire et dictant ma démarche.
J'ai ainsi en tête un cas précis qui résume parfaitement cette volonté d'équilibre, de fermeté et de justice : c'est celui de ce jeune étudiant ivoirien, séjournant en France sans autorisation et sans papiers. Il a été reconduit en mai dernier chez lui. Mais l'éloignement ne signifie pas bannissement. Il est juste de quitter le territoire quand on ne respecte pas ses règles. Il doit être possible de revenir lorsqu'on les respecte.
Ce jeune étudiant, que j'ai appelé au téléphone, a ainsi été autorisé à revenir en France afin d'y poursuivre son BTS d'informatique commencé après son baccalauréat.
La loi est ainsi appliquée et l'accueil concrètement respecté.
I. En une année, nous avons, d'abord, atteint un objectif institutionnel : la constitution d'un ministère régalien au service de la nouvelle politique d'immigration de la France
La maison de la République dans laquelle nous nous trouvons réunis aujourd'hui a hébergé, par le passé, des institutions aussi prestigieuses que le ministère de l'intérieur, le Conseil d'État et une ambassade, celle d'Autriche-Hongrie.
Pour avoir été successivement une maison de l'ordre, de la loi et de la diplomatie, cet hôtel de Rothelin-Charolais était sans doute tout désigné pour accueillir le premier ministère régalien à être créé depuis plusieurs décennies.
C'est la première fois dans l'histoire de la Vème République qu'un ministère de plein exercice se voit confier la responsabilité de gérer l'ensemble du parcours d'un étranger candidat à l'immigration en France : depuis l'accueil au consulat jusqu'à l'intégration dans notre pays et l'éventuel accès à la nationalité française, ou le retour vers le pays d'origine.
Grâce à l'important travail conduit par l'équipe du secrétaire général, Patrick STÉFANINI, nous avons atteint l'objectif que nous nous étions fixé voici un an : disposer, au 1er janvier de cette année, d'une administration autonome et d'un budget propre. Ce tour de force est d'autant plus méritoire qu'il a été réalisé en parfaite adéquation avec la réforme de l'État voulue par le Président de la République.
Nous avons, en effet, optimisé nos ressources humaines et financières. Avec 609 agents, dont 40 % en régions, et 632 millions d'euros de crédits de paiement, je dispose en réalité d'un d'état-major, taillé sur-mesure pour remplir sa triple mission : contrôler les flux migratoires, promouvoir l'immigration professionnelle et réussir l'intégration des immigrés légaux.
Éclatée sur huit sites, cette administration centrale doit désormais être regroupée. Je souhaite que ce regroupement se fasse naturellement à moindre coût. J'ai donc décidé de maintenir en province 40 % des effectifs de l'administration centrale, près de Nantes. Et, pour les services parisiens, j'ai écarté l'hypothèse d'une location de l'immeuble voisin du 103 rue de Grenelle : je privilégie aujourd'hui celle d'une installation rue Barbet de Jouy, dans un immeuble appartenant déjà au domaine public de l'État. Preuve de l'attention que nous portons aux deniers publics, le regroupement de notre administration centrale ne devrait pas coûter un euro au contribuable.
Dans le même temps, nous avons engagé une modernisation des procédures pour apporter un meilleur service public et à un moindre coût. Je pense, par exemple, à la fusion du visa de long séjour, délivré par les consuls, avec la première carte de séjour, délivrée, elle, par les préfectures. Je pense aussi, en termes de structures, à la modernisation de la gestion des centres de rétention administrative et à la mise en place au 1er janvier 2009 d'une agence unique pour favoriser l'intégration des nouveaux immigrants et de leur famille.
Ce ministère est donc transversal, réactif et économe.
Grâce à ce nouvel outil institutionnel, je mène, depuis un an, conformément aux objectifs du Président de la République et du Premier ministre, la nouvelle politique française de l'immigration. Cette politique est à la fois claire, cohérente et équilibrée. Elle repose sur trois principes fondateurs.
Un principe de souveraineté, tout d'abord : la France a le droit de choisir - comme tout pays, ni plus ni moins - qui elle veut et qui elle peut accueillir sur son territoire. Et ce choix, elle le fait dans le cadre d'un dialogue avec les pays source d'immigration, c'est-à-dire d'un échange d'État souverain à État souverain, permettant ainsi une gestion concertée des flux migratoires. J'observe, d'ailleurs, que ce message est compris puisque selon un rapport de l'ONU de fin 2007 concernant la Tunisie, seulement 15 % des jeunes Tunisiens se disent prêts à émigrer clandestinement. Cela signifie que l'immense majorité de la jeunesse tunisienne comprend aujourd'hui la nécessité pour un pays comme le nôtre de maîtriser ses flux migratoires.
Le deuxième principe qui anime notre politique est un principe de justice. Les étrangers en règle, dont je suis le ministre, c'est-à-dire l'interlocuteur, ont droit à l'égalité des chances et à un parcours d'intégration pouvant aller jusqu'à la citoyenneté française.
Enfin, nous respectons un principe de légalité. Dans un État de droit comme la France, avoir des papiers et ne pas en avoir, ce n'est pas la même chose. C'est pourquoi sauf situations particulières, tout étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d'origine, autant que possible de manière volontaire ou s'il le faut, de manière contrainte.
Il n'est possible de venir en France que si l'on y est expressément invité : c'est tout l'enjeu de l'organisation de l'immigration légale.
Aujourd'hui, où en sommes-nous ?
II. Conformément à la volonté de rupture exprimée par le Président de la République, nous parvenons aujourd'hui à mieux équilibrer les flux migratoires, en faveur de l'immigration professionnelle.
Nous avons engagé une politique volontariste pour mieux organiser l'immigration légale. Avec les lois des 24 juillet 2006 et 20 novembre 2007, nous nous sommes donné de nouveaux instruments juridiques pour promouvoir l'immigration professionnelle et maîtriser l'immigration familiale. Nous les mettons en oeuvre avec détermination en mobilisant les préfectures et les consulats, en travaillant avec les fédérations professionnelles et les partenaires sociaux, mais aussi en dialoguant avec les États source d'immigration. Chacun de ces États comprend désormais que nous ne voulons pas piller leurs cerveaux, mais bien au contraire favoriser la circulation des compétences.
Pour aller plus loin, comme vous le savez, j'ai demandé à l'ancien président du Conseil constitutionnel, Pierre MAZEAUD, de réfléchir au cadre juridique permettant de mettre en oeuvre des contingents chiffrés d'immigration. Les conclusions de cette commission me seront rendues au début du mois de juillet.
Nous assistons à un très net rééquilibrage en faveur de l'immigration professionnelle. Sur la période du 1er juin 2007 au 31 mai 2008, le nombre de travailleurs étrangers s'élèvent à 30 710, soit une progression de +36,7 % sur la même période un an plus tôt.
C'est une évolution sans précédent.
Les cinq premiers mois de 2008 confirment cette tendance à la hausse. Deux indicateurs le démontrent :
- le nombre de visites médicales suivies par l'ANAEM marque une augmentation de +43 % du nombre de migrants venus pour raisons professionnelles sur les cinq premiers mois de 2008 par rapport à la même période en 2007 ;
- les visas de long séjour accordés pour motif professionnel enregistrent une progression de +28,6 % sur les cinq premiers mois de 2008 par rapport à la même période en 2007 ;
L'objectif qui m'a été fixé par le Président de la République est clair : l'immigration professionnelle devra représenter, à terme, 50 % du flux total des entrées à fins d'installation durable en France. Nous partons de très bas puisque, en 2006, l'ensemble des cartes de séjour délivrées pour motif professionnel représentaient 7 % des flux migratoires. Nous avons inversé la tendance puisque, en 2007, la proportion est montée à 9,4 %. Aujourd'hui, nous en sommes d'ores à déjà à près de 16 %, sur les cinq premiers mois de l'année 2008, d'après des estimations encore provisoires.
J'ajoute que cette augmentation de l'immigration professionnelle se traduit, très concrètement, par la délivrance de différentes cartes de séjour. Nous avons souhaité, en effet, diversifier la palette des cartes proposées aux entreprises et à leurs salariés étrangers, afin de répondre aux différentes attentes.
La montée en puissance de l'immigration professionnelle donne lieu, pour l'essentiel, à la délivrance de cartes de séjour portant la mention « salarié » : ce sont des cartes renouvelables chaque année. Elles sont notamment délivrées dans les listes de métiers que nous avons ouverts à l'immigration de travail.
Le dispositif de la carte « compétences et talents », qui s'adresse à un public très ciblé, hautement qualifié, ne fait que s'amorcer : 44 cartes ont été délivrées depuis le début de l'année. J'ai personnellement demandé à nos ambassadeurs et à nos préfets de se mobiliser pour faire monter en puissance ce dispositif qui reste, dans la pratique administrative, très novateur. Il faut donc du temps et de la pédagogie.
Je note que la carte « salarié en mission », qui permet à des cadres supérieurs d'exercer une mobilité en France au sein de groupes internationaux, connaît, elle, déjà un grand succès : depuis le 1er janvier, 440 ont été attribuées.
J'ai souhaité, enfin, qu'une nouvelle carte soit créée, dans la loi de modernisation de l'économie, pour répondre à un besoin très précis : celui des ressortissants étrangers apportant une contribution exceptionnelle à l'économie française. Par exemple, le PDG d'une grande entreprise japonaise pourra recevoir, dès son installation en France, une carte de résident de 10 ans.
Dans le même esprit, pour promouvoir l'attractivité de notre pays, j'ajoute que nous modifions actuellement notre politique d'accueil des étudiants étrangers afin d'accueillir davantage d'étudiants issus de pays émergents économiquement et de les orienter vers des filières moins généralistes et offrant plus de débouchés professionnels.
Parallèlement, l'immigration familiale décroit.
Du 1er juin 2006 au 31 mai 2007, nous avions accueilli 97 125 personnes à ce titre. Du 1er juin 2007 au 31 mai 2008, ce total est passé à 84 921 personnes. En seulement un an, l'immigration familiale a ainsi diminué de -12,6 %. Cette baisse se poursuit en 2008 puisque sur les cinq premiers mois de l'année, on enregistre une diminution de -2,8 % des flux d'immigration familiale par rapport à la même période en 2007.
Augmentation de l'immigration professionnelle, diminution de l'immigration familiale : la rupture souhaitée a été engagée.
III. Dans le même temps, conformément aux principes fondateurs de la nouvelle politique, la lutte contre l'immigration illégale enregistre, mois après mois, des résultats importants.
La détermination du Gouvernement en la matière est totale, et elle porte ses fruits.
1) D'abord, le nombre d'éloignements a fortement progressé.
En une année, c'est-à-dire du 1er juin 2007 au 31 mai 2008, nous avons reconduit dans leur pays d'origine 29 729 immigrés clandestins. C'est un résultat sans précédent, en augmentation de +31 % par rapport à la période de juin 2006 à mai 2007.
Les résultats sont encore plus précis si l'on se réfère aux chiffres dont nous disposons pour les premiers mois de l'année 2008. Sur les cinq premiers mois écoulés, le nombre de reconduites s'élève, en effet, à 14 660, contre 8 117 sur la même période en 2007, soit une hausse de +80 %.
Soyons clair : ces chiffres sont le signe et la preuve que, conformément au souhait de nos concitoyens, la France parvient aujourd'hui à maitriser ses flux migratoires.
Si l'on observe plus en détail le nombre d'éloignements, que constate-t-on ?
J'observe d'abord que, sur les cinq premiers mois de 2008, le nombre de retours contraints augmente. Avec 9 097 éloignements contraints contre 7 609 sur la même période en 2007, nous enregistrons une progression de +20 %.
Je remarque, surtout, que le nombre de départs volontaires a presque été multiplié par 4 en un an : nous sommes passés de 1 760 départs à 8 349. En 2008, la part des retours volontaires dans le nombre total des éloignements atteint 38 %, ce qui signifie que désormais, un nombre significatif d'étrangers en situation clandestine comprennent la nécessité de respecter nos règles.
2) La détermination du Gouvernement passe par une lutte sans relâche contre les filières qui exploitent l'immigration illégale.
Lors des 5 premiers mois de 2008, 36 filières ont été démantelées.
Depuis juin 2007, 3 939 « aidants » à l'immigration clandestine ont été arrêtés, soit une hausse de +28,5 % par rapport à la période allant de juin 2006 à mai 2007. Cette tendance se confirme depuis le début de l'année puisque 1 931 ont été arrêtés en 2008, soit une hausse de +33,4 % par rapport aux cinq premiers mois de 2007.
Enfin, lors de cette première année d'activité, nous avons arrêté 1 429 passeurs, soit une augmentation de +10 % par rapport à la même période l'année précédente, et 775 marchands de sommeil, soit une hausse de 17,6 %. Encore une fois, ces bons résultats se répètent en 2008. Depuis le 1er janvier, nous avons interpellé 664 passeurs, soit une augmentation de +15,3 % par rapport à la même période en 2007 et 407 marchands de sommeil, soit une hausse de +28,8 %.
Je tiens à remercier le directeur général de la gendarmerie nationale, le général d'armée Guy PARAYRE, ainsi que le directeur central de la police aux frontières, Jean-Yves TOPIN, pour le succès de l'opération « coup de poing » menée la semaine dernière [jeudi 12 juin] dans 4 départements d'Ile de France.
Cette opération exemplaire s'est soldée, en effet, par 87 interpellations mais aussi par le démantèlement de tout un réseau d'immigration clandestine à Meaux. Dix personnes d'origine brésilienne ont été écrouées après avoir été mises en examen pour aide au séjour d'étrangers en situation irrégulière en bande organisée, mais aussi pour travail dissimulé, hébergement indigne, blanchiment, proxénétisme et fabrication de faux documents. Les clandestins, originaires du Brésil, devaient payer à leurs passeurs 5 000 euros pour venir en Europe, 250 euros par mois pour habiter à 21 dans 70 m² et, comble du sordide, 400 euros par mois pour pouvoir se doucher !
Cette affaire démontre, une fois de plus, que les premières victimes de l'immigration clandestine sont, avant tout, les immigrés clandestins eux-mêmes. Notre politique de grande fermeté face à ceux qui les exploitent constitue, ainsi, une politique de justice et d'humanité.
3) C'est toujours ce principe de justice qui nous anime dans la lutte contre le travail illégal et les fraudes. Là aussi, nos résultats ont changé de dimension.
Depuis ma prise de fonction, nous avons plus que doublé le nombre des interpellations d'employeurs d'étrangers clandestins.
En effet, nous avons interpellé 2 228 employeurs, dont 1 084 Français et 1 144 étrangers, contre 1 087 lors de la même période un an auparavant, soit une progression de +105 %. Preuve que la tendance se poursuit en 2008, nous avons interpellé, durant les cinq derniers mois, 1 155 employeurs, dont 538 Français et 617 étrangers, contre 487 sur la même période en 2007, soit une augmentation de +137 %. En moyenne, depuis le 1er janvier, en métropole, 10 procès-verbaux sont enregistrés par jour, contre 7 en 2007, et 5 en 2006.
S'agissant des employés étrangers en situation illégale, depuis juin 2007, nous en avons interpellé 3 633, contre 3 311 de juin 2006 à mai 2007, soit une progression de +9,7 %. Là aussi, la tendance se confirme en 2008 puisque nous en avons interpellé durant les cinq derniers mois, 1 549 contre 1 402 sur la même période en 2007, soit une augmentation de +10,5 %.
4) Les résultats de ce combat contre l'immigration illégale me permettent d'affirmer que, pour la première fois depuis une génération, le nombre de clandestins a diminué en France.
On évalue habituellement entre 200 000 et 400 000 personnes le nombre de clandestins en France ; retenons 300 000. Sur cette base, on peut évaluer la diminution du nombre de clandestins, depuis un an, à au moins 8 %, c'est-à-dire à 25 000 personnes. Plus de clandestins sont reconduits. Moins de clandestins s'installent en France. Le nombre de clandestins diminue.
Quatre indicateurs le démontrent :
Premier indicateur : le nombre des sans papiers bénéficiant de l'aide médicale d'État a baissé et cette baisse s'accélère. Je l'avais annoncé à l'automne : entre septembre 2006 et septembre 2007, nous avions enregistré une diminution de 4 % du nombre de bénéficiaires de l'aide médicale d'État. Je le confirme aujourd'hui : entre septembre 2006 et mars 2008 (dernier chiffre connu), la baisse est de 6,2 %.
Deuxième indicateur : le nombre d'éloignements, c'est-à-dire de sans-papiers présents en France raccompagnés dans leurs pays d'origine. Ce sont plus de 120 000 étrangers clandestins qui ont quitté, de manière volontaire ou contrainte, le territoire national et ont été reconduits dans leurs pays depuis 2002. Depuis un an, je l'ai dit, 29 729 clandestins ont été éloignés.
Troisième indicateur : le nombre de refoulements, c'est-à-dire d'étrangers qui ont tenté d'entrer en France illégalement mais qui ont été empêchés d'y pénétrer. Depuis la création de ce ministère, le renforcement des contrôles dans les lieux de transit tels que les aéroports et les ports a eu l'effet dissuasif escompté. Moins de migrants illégaux ont tenté d'entrer illégalement sur le territoire : nous en avons refoulé 22 403 de juin 2007 à mai 2008, contre 23 162 de juin 2006 à mai 2007, soit une diminution de -3 %. Au total, depuis 2003, ce sont près de 166 000 étrangers qui ont été refoulés à nos frontières.
Quatrième indicateur : le nombre de demandeurs d'asile déboutés, c'est-à-dire de personnes susceptibles de s'installer illégalement en France, a diminué. Du 1er juin 2007 au 31 mai 2008, 26 187 personnes ont été déboutées, alors que, sur la même période de l'année passée, on comptait 27 744 déboutés : ce chiffre diminue donc, d'une année sur l'autre, de 1 557. Moins de déboutés, c'est moins de clandestins.
5) Je fermerai ce volet sur la lutte contre l'immigration illégale par quelques mots sur les demandes de régularisations de travailleurs clandestins actuellement traitées par les préfectures d'Ile-de-France.
J'ai rappelé tout à l'heure le principe de notre politique : sauf situation humaine particulière, un étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d'origine.
Il faut donc préciser les critères de régularisation permettant d'apprécier les situations exceptionnelles. C'est ce que nous avons prévu pour les travailleurs clandestins dès la loi du 20 novembre 2007, ce qui prouve la forte capacité d'anticipation de notre politique. Ainsi, en vertu de l'article 40 de cette loi, quelques régularisations exceptionnelles sont possibles à condition qu'il s'agisse de métiers sous tension, dans des zones géographiques déterminées. Il doit exister, par ailleurs, un véritable contrat de travail, et l'employeur doit acquitter les taxes dues pour l'emploi d'étrangers, et non profiter de l'opportunité pour les contourner.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? Sur les quelque 1 500 dossiers reçus par les huit préfectures concernées, ce sont environ 400 personnes qui ont fait l'objet d'une régularisation.
Dans un souci de justice à l'égard de nos compatriotes comme des immigrés légaux qui respectent nos règles mais dont le taux de chômage [hors Union européenne] est encore de plus de 20 %, les régularisations se limiteront, au total, à quelques centaines de personnes.
Je rappelle qu'il y a à Paris 110 202 demandeurs d'emploi : 88 388 Français et 20 814 étrangers en situation légale. Parmi ces étrangers, 507 cherchent un emploi de cuisinier, 2 124 cherchent un emploi d'agent d'entretien. Faudrait-il leur demander de passer leur tour, en donnant la priorité aux étrangers clandestins au seul motif qu'ils se mettent en grève ? Il n'en est pas question ! Je le dis donc aussi sereinement que clairement : il n'y aura pas, en France, de prime à l'illégalité.
IV. Quel que soit le motif de leur installation sur notre territoire, tous les immigrés légaux ont vocation à être intégrés. Par les différentes actions que nous avons engagées, nous favorisons cette intégration à la communauté nationale.
Ce parcours d'intégration passe, d'abord, par le « contrat d'accueil et d'intégration » dont la signature, rendue obligatoire pour les primo-arrivants depuis le 1er janvier 2007, donne des bases en termes de connaissance de la langue française, d'apprentissage des valeurs de la République et d'accès à l'emploi, notamment grâce au bilan de compétences.
Depuis un an, ce sont 101 050 contrats d'accueil et d'intégration qui ont été signés. Ce contrat n'est pas un engagement de papier. Dès ma prise de fonctions, j'ai demandé aux préfets de tenir le plus grand compte de son respect au moment du renouvellement du premier titre de séjour. Conformément à la loi, je leur ai demandé de refuser le renouvellement du titre de séjour si, à l'évidence, le contrat n'est pas respecté. Je le dis clairement : les engagements pris à l'arrivée sur notre territoire doivent être tenus, et si tel n'est pas le cas, le séjour en France doit être interrompu.
L'intégration passe aussi, bien entendu, par des mesures positives que nous avons engagées. J'en citerai trois.
Première initiative : l'« école des parents ».
Nous le savons, de nombreux parents d'élèves d'origine étrangère, peu familiarisés avec le fonctionnement de l'institution scolaire française, rencontrent des difficultés à suivre la scolarité de leurs enfants.
Avec mon collègue de l'Éducation nationale, Xavier DARCOS, nous avons donc voulu proposer à ces parents une nouvelle façon de s'en sortir. Ainsi, dès la rentrée prochaine, d'abord à titre expérimental, des formations seront mises en oeuvre dans les établissements scolaires afin d'améliorer les compétences des parents, en particulier leur connaissance de la langue française, et les familiariser avec le cadre scolaire et le milieu enseignant. Ces formations seront dispensées soit par des enseignants volontaires, soit par des intervenants extérieurs et seront, bien entendu, ciblées sur les écoles et les collèges qui en ont le plus besoin.
Deuxième initiative : la lutte contre les ghettos, pour favoriser une plus grande égalité des chances dans l'accès à un logement digne. Depuis de nombreuses années, nous avons laissé se développer au coeur de certains quartiers une ségrégation qui ronge notre cohésion nationale. De véritables ghettos urbains se sont développés, reflétant notamment une politique désordonnée d'attribution des logements sociaux.
Alors, comme le Président de la République nous l'a demandé, nous avons engagé, avec ma collègue Christine BOUTIN, une remise à plat des conditions d'attribution des logements sociaux dans les quartiers difficiles. Concrètement, cela signifie trois choses :
- nous allons donner des instructions très claires aux préfets pour qu'ils veillent à une répartition plus harmonieuse des populations en difficulté, notamment étrangères ; j'ai signé hier une circulaire aux préfets ;
- nous engageons dès aujourd'hui des discussions avec l'Union HLM et le 1 % logement pour les encourager à agir ainsi et signer une Charte de bonne conduite ;
- enfin, en parfait accord avec Christine BOUTIN, j'ai demandé à l'Agence nationale de rénovation urbaine, qui rénove les banlieues, de prendre désormais plus en considération le problème de la concentration des populations étrangères dans les relogements qu'elle opère en relation avec les préfets et les bailleurs.
Nous le savons, c'est en luttant contre la ségrégation que nous favoriserons l'intégration.
Troisième initiative : nous allons aider l'accès à l'emploi à travers un plan de mobilisation des primo-arrivants pour l'aide à la personne.
Les chiffres sont tristement connus : le chômage des étrangers en situation régulière (hors UE) est le triple de celui des Français, avec des différences fortes selon les nationalités. De plus, que constatons-nous ? Une immense majorité des femmes venues au titre du regroupement familial ne travaillent pas ou ne recherchent pas d'emploi. En effet, d'après une enquête publiée en décembre 2007 par le ministère du travail, 93 % d'entre elles ne sont pas sur le marché du travail. Quant aux hommes venus au titre du regroupement familial, seuls 40 % travaillent ou recherchent un emploi. Pourtant, les trois principaux métiers du secteur de l'aide à la personne, à savoir la garde d'enfants, le ménage et l'assistance aux personnes âgées, présentent des difficultés particulières de recrutement alors que toutes les études montrent que ces métiers constituent d'importants gisements d'emplois à l'horizon 2015.
Parce que je suis avant tout le ministre des immigrés légaux, je veux aider les étrangers en situation régulière à accéder à un emploi, emploi qui, nous le savons, constitue la clé de l'intégration. Pour ce faire, j'ai signé, il y a une semaine, avec mon collègue Laurent WAUQUIEZ, le plan de mobilisation des primo-arrivants pour l'aide à la personne.
L'objectif de ce plan est de diriger chaque année 10 000 étrangers en situation régulière vers les métiers de l'aide à la personne. C'est bien entendu un minimum, et je souhaite que nous en fassions plus !
Bien sur, je pense aussi à ceux qui travaillent déjà et qui vivent dans des conditions difficiles. Je ne me résous pas à ce que des travailleurs migrants vivent dans des foyers dégradés et trop souvent suroccupés. C'est la raison pour laquelle j'ai engagé un plan qui permettra, d'ici 2011, de transformer les foyers en résidences sociales et lutter contre la suroccupation.
Ainsi, en agissant à tous les stades, au sein du milieu scolaire comme sur le monde professionnel, nous favorisons l'intégration des immigrés légaux sur notre territoire.
V. Par ailleurs, preuve que notre politique de concertation est de mieux en mieux comprise à l'étranger, nous avons déjà signé plusieurs accords de gestion des flux migratoires et de développement solidaire avec des pays source d'immigration
Pendant trop longtemps, notre pays a pris des décisions unilatérales en matière migratoire, avec le succès que l'on connaît. Aujourd'hui, une concertation est possible et même nécessaire du fait de l'émergence, dans de nombreux pays d'émigration, d'une opinion publique attentive, vigilante, souvent directement concernée par la question de l'émigration et de plus en plus prompte à relayer ses attentes auprès de ses dirigeants.
Possible et nécessaire, cette concertation est également souhaitable car pleinement en phase avec notre souci de solidarité avec les pays source d'immigration. La France n'entend pas piller les élites ou la main d'oeuvre de pays qui en ont besoin mais redonner à la jeunesse d'Afrique confiance en elle-même.
Fort de telles intentions, j'ai effectué onze voyages officiels en Afrique subsaharienne et au Maghreb depuis ma nomination il y a un an. Je me suis rendu au Bénin en juin et en novembre 2007, au Gabon en juillet, au Congo en octobre, au Mali en novembre, au Maroc en décembre, au Sénégal en février de cette année, en Égypte et en Tunisie deux fois, enfin, récemment, au Cameroun. Ces voyages sont le signe à la fois du respect et de l'importance que j'accorde à mes partenaires africains et maghrébins.
Ce dialogue et cette concertation rencontrent un écho très favorable sur le continent africain, comme le prouvent les propos récents de deux chefs d'Etat. Je pense à Me Abdoulaye WADE, président du Sénégal, qui a déclaré : « Nous parlons maintenant d'immigration concertée, et je suis satisfait. Nous avons signé un accord [de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire] qui va permettre de résoudre tous les problèmes ».
Je laisserai, à l'issue de mon intervention, la parole à Cheikh Tidiane SY, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur du Sénégal, qui nous a fait la gentillesse et l'honneur d'être présent parmi nous ce matin.
Je pense aussi au président camerounais, Paul BIYA. « Il n'est pas bon que nos jeunes partent à l'aventure dans des conditions qui ne peuvent mener qu'à l'échec, il faut décourager ces tentatives », a-t-il déclaré, en ajoutant : « La France et mon pays sommes d'accord sur l'essentiel ».
Concrètement, à ce jour, nous avons conclu cinq accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire, tous avec des pays d'Afrique subsaharienne et du Maghreb : avec le Gabon en juillet 2007, avec la République du Congo en octobre 2007, avec le Bénin au mois de novembre, avec le Sénégal en février pour compléter un premier accord de septembre 2006 et, enfin, avec la Tunisie, le 28 avril dernier. D'autres pourraient suivre prochainement : je pense notamment au Mali, au Cameroun, au Cap-Vert (où je serai dans 48 heures pour entamer les discussions sur un projet d'accord), à l'Égypte, aux Philippines et à Haïti.
Ces accords ont un double mérite. Ils sont, d'abord, novateurs parce qu'au lieu d'aborder les sujets un par un, nous menons, pour les conclure, une discussion globale. Ils sont, ensuite, équilibrés parce qu'ils reposent sur un véritable dialogue conduit entre États souverains. Lorsque je me rends au Bénin, au Mali ou en Égypte, ma méthode est toujours la même : expliquer les attentes du peuple français et les intérêts de la France que je représente, mais aussi - et c'est là que réside toute la nouveauté de notre politique - écouter les besoins du pays et prendre en considération ses spécificités. Bien entendu, ces accords se fondent sur un socle commun, même s'il n'y a pas d'accord-type : ce que nous cherchons à faire relève du sur-mesure.
Il existe un socle commun parce que ces accords comprennent chaque fois trois volets : l'organisation de la migration légale, la lutte contre l'immigration irrégulière, et la promotion de projets de développement solidaire.
Au-delà de ces points communs, chaque accord comporte une dominante spécifique. Au Bénin, l'accent a été mis tout particulièrement sur le domaine de la santé, alors qu'au Congo, nous avons voulu favoriser la création de petites et moyennes entreprises tandis qu'en Tunisie, nous avons privilégié la formation professionnelle. A chaque fois, nous nous adaptons aux besoins.
Laissez-moi vous expliquer ce qu'est concrètement le développement solidaire. Il s'agit des actions d'aide au développement qui s'appuient et participent à une meilleure gestion des flux migratoires. Cela inclut, bien entendu, le codéveloppement qui vise à soutenir les initiatives des diasporas au bénéfice de leur pays d'origine.
Le codéveloppement est un concept qui existe depuis une dizaine d'années mais qui avait, jusqu'ici, du mal à émerger puisqu'il reposait sur les initiatives de particuliers, proches du terrain, ce qui nécessitait de communiquer et d'écouter les besoins, d'aller à la rencontre des diasporas et de leurs communautés d'origine. Environ 3 Meuros par an y étaient consacrés jusqu'à présent. J'ai souhaité un changement d'échelle de cette politique et ai obtenu un budget qui nous permet de multiplier par 20 nos engagements en la matière. Quand je vois ce qui est fait au Sénégal, je n'ai aucun doute sur notre capacité à tenir ce pari : avec 2 Meuros, nous aidons 152 entrepreneurs à créer plus de 700 emplois, nous mobilisons 26 experts de la diaspora pour qu'ils apportent leur savoir-faire à des projets d'utilité publique et nous finançons 31 projets qui impactent 235 000 personnes en permettant l'accès au soin de santé primaire, à l'eau potable, à l'irrigation, à l'éducation ou à la formation professionnelle.
Comme vous l'avez compris, ma conviction est que c'est au plus près des gens que nous devons agir et nos politiques doivent donc s'adapter aux réalités. C'est pourquoi, nous avons aussi décidé de soutenir les actions de coopération décentralisée dans le cadre du développement solidaire. C'est ainsi que j'ai déjà décidé de soutenir 12 projets de collectivités locales françaises avec leurs partenaires dans 8 pays comme la Tunisie, le Burkina Faso ou Haïti.
VI. Nous menons, d'ailleurs, une politique tout à fait respectueuse de notre tradition d'accueil des réfugiés politiques.
En tant que ministre désormais chargé de la politique du droit d'asile, je dis et redis que l'asile n'est pas et ne sera jamais une variable d'ajustement de la politique d'immigration. L'asile est pour la France un impératif juridique, une exigence morale et une tradition séculaire. Cette tradition, nous l'honorons. De juin 2007 à mai 2008, la France a étudié 35 702 demandes d'asile, soit autant que sur la même période un an plus tôt.
Depuis ma prise de fonctions il y a un an, ce sont 9 515 personnes qui ont obtenu le statut de réfugié, contre 8 125 sur la même période un an auparavant, soit une augmentation de +17 %. Le début d'année 2008 confirme cette tendance. Sur les cinq premiers mois écoulés, nous avons admis 4 678 personnes au statut de réfugié, contre 3 969 à la même période en 2007, soit une augmentation de +18 %.
Aujourd'hui, près de 131 000 personnes sont placées sous la protection de la France.
Notre attachement à cette tradition d'asile est plus que jamais d'actualité. J'en veux pour preuve l'accueil, à la demande expresse du Président de la République, de réfugiés irakiens d'ici l'été. Il s'agit de membres de minorités persécutées - issus notamment, mais pas exclusivement, de la minorité chrétienne chaldéenne - en situation de grande vulnérabilité.
Cette opération, qui est conduite en partenariat avec le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, nous permettra d'accueillir en France environ 500 personnes au cours des prochains mois. D'ores et déjà, 19 sont arrivées en France, et j'ai veillé à prévoir des moyens adaptés pour les accueillir et favoriser leur intégration à la communauté nationale.
Cette question des réfugiés irakiens, je souhaite que nous l'abordions désormais au plan européen. C'est aussi, je le sais, une préoccupation du gouvernement allemand. La Conférence sur le régime européen d'asile, qui se tiendra à Paris les 8 et 9 septembre prochains, en fournira l'occasion.
VII. Je terminerai mon propos, ce matin, par un point majeur et dont la préparation occupe depuis plusieurs mois une grande partie de mon activité ministérielle : la présidence française de l'Union européenne
Vendredi dernier, l'Irlande a voté majoritairement « non » au traité simplifié. Si cet événement modifie le contexte de la présidence française de l'Union européenne qui débutera le 1er juillet, il ne change en rien la mise en oeuvre des projets portés par la France à cette occasion. Au contraire : il nous appartient de démontrer, aux Européens comme aux Français, que l'Union européenne est capable de relever les défis de société.
Vous le savez, l'immigration constitue (avec l'énergie, l'environnement et la défense) l'une des quatre priorités de cette présidence. En effet, le temps où une politique migratoire pouvait se concevoir dans le seul cadre d'un État membre est révolu. Dans un espace de libre circulation comme l'est l'Union européenne, toute décision prise par un État membre a des répercussions chez ses voisins.
Or, que constate-t-on ? Il n'existe pas encore à ce jour de véritable cohérence à l'échelle des 27 pays de l'Union en matière de politique d'immigration. Cette disparité s'explique autant par la variété des traditions historiques que par la diversité des situations géographiques des États membres.
Variété des traditions historiques d'abord, comme c'est tout particulièrement le cas en matière d'asile. Par exemple, le taux d'admission des Irakiens au statut de réfugié varie grandement d'un pays à l'autre de l'Union. En 2007, il s'élevait à plus de 80 % en Allemagne et Chypre, 13 % au Royaume-Uni et moins de 5 % en Grèce et en Slovénie.
Diversité des situations géographiques ensuite, puisque tous nos partenaires ne sont pas tous exposés de la même manière aux flux migratoires. Je pense à la Grèce qui, avec 1 250 km de frontières balkaniques et 16 000 km de côtes, possède la frontière extérieure la plus grande et la plus exposée de l'Union. J'en veux pour preuve l'explosion du nombre de migrants interpellés en mer et le doublement du nombre de demandeurs d'asile ces deux dernières années.
Face au défi collectif que représente l'immigration, le Président de la République a souhaité présenter à ses partenaires européens des règles communes. Je proposerai donc officiellement, les 7 et 8 juillet à Cannes lors d'une réunion des 27 ministres chargés de l'immigration, un Pacte européen sur l'immigration et l'asile.
Ce Pacte répondra à une quintuple ambition.
(1) Première priorité : organiser l'immigration légale en tenant compte des besoins et des capacités d'accueil déterminés par chaque État membre, afin de favoriser l'intégration. Nous voulons promouvoir une immigration choisie et concertée à caractère professionnel. Nous voulons maîtriser l'immigration familiale au regard des capacités d'accueil des Etats membres. Nous voulons rappeler le nécessaire équilibre entre les droits et devoirs des migrants, à la base de toute démarche d'intégration respectueuse des sociétés d'accueil.
(2) Deuxième priorité : lutter contre l'immigration irrégulière. Concrètement, cela signifie que les Etats membres prendront l'engagement de ne pas procéder, pour l'avenir, à des régularisations générales. Nous l'avons constaté dans plusieurs pays d'Europe, dont la France à la fin des années 90 : les régularisations générales n'ont pas été une solution, elles ont été un problème, car elles ont créé un important appel d'air. Le Pacte européen marquera l'engagement solennel des Gouvernements européens à ne pas y recourir, pour se limiter à des régularisations au cas par cas, à titre exceptionnel, pour des motifs humanitaires ou économiques. Il est essentiel de faire respecter sur l'ensemble de l'espace européen la règle selon laquelle un migrant en situation irrégulière a vocation soit à partir volontairement, soit à être reconduit dans son pays.
José Luis ZAPATERO, le premier ministre espagnol socialiste, a été très clair à ce sujet : « L'immigration irrégulière n'a pas sa place dans l'espace de l'Union européenne. [...] Nous devons travailler ensemble pour lutter contre l'immigration clandestine et pour garantir le principe selon lequel l'immigration doit se faire dans le respect des lois ».
Nous sommes, par conséquent, favorables à la conclusion d'accords de réadmission des clandestins avec les pays d'origine. Nous organiserons des rapatriements communs des étrangers en situation irrégulière, volontaires dans la mesure du possible et forcés si cela est nécessaire. Nous accroîtrons la lutte contre les employeurs et les logeurs de clandestins et le combat contre les filières criminelles de passeurs.
(3) Troisième priorité : mieux protéger l'Europe en améliorant l'efficacité des contrôles aux frontières. Cela passe par trois choses : un recours volontariste aux technologies modernes comme la biométrie ; des objectifs plus ambitieux pour l'agence Frontex, qui reste embryonnaire ; et une plus grande coopération entre les États membres et les États limitrophes. J'ajoute que les États européens les plus exposés doivent pouvoir compter sur une solidarité de leurs partenaires dans la lutte contre l'immigration illégale.
(4) Quatrième ambition : poser les fondements d'une Europe de l'asile, qui reste à bâtir. L'accueil des réfugiés politiques est un sujet particulièrement sensible sur lequel les différences d'approche nombreuses et importantes. Je comprends le souci des Etats qui souhaitent mettre en avant le principe de subsidiarité et les responsabilités nationales, mais je tiens à souligner notre devoir de solidarité. J'appelle donc de mes voeux la création dès 2009 d'un bureau d'appui. Ce bureau ne sera pas une « Agence » dotée d'un pouvoir de décision. Mais il sera chargé de faciliter les échanges d'information et d'expérience entre les administrations nationales responsables de l'examen des demandes d'asile.
(5) Notre dernière priorité a trait au développement solidaire : il s'agit, pas à pas, de construire un partenariat avec les pays d'origine et de transit, au service de leur développement. Nous voulons favoriser la dimension économique de la migration en améliorant les possibilités pour les migrants d'investir dans leurs pays d'origine. Cela signifie mettre en place des incitations fiscales ou des produits bancaires spécifiques, appuyer des actions dans des secteurs clés pour la maîtrise de l'immigration comme l'éducation, la santé et la gouvernance.
Pour préparer ce projet de Pacte et répondre ainsi à ces cinq priorités, nous avons privilégié une méthode : celle de la concertation.
Ainsi que l'a souligné le député européen et président du groupe de l'Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l'Europe, Graham WATSON : « Rarement un État membre de l'UE aura mis tant de soin à préparer sa présidence du Conseil que la France en 2008 » (dans Le Figaro du 23 avril dernier).
Ce compliment, que j'accepte avec humilité, vient récompenser notre effort permanent de dialogue :
* Dialogue avec la Commission européenne : dès ma prise de fonctions, j'ai tenu à créer un contact régulier avec Franco FRATTINI, qui était alors vice-président de la Commission européenne et commissaire chargé de ces questions, puis avec son successeur, Jacques BARROT ;
* Dialogue avec le Parlement européen : dès le mois de mars, je me suis entretenu avec le président de la Commission des Libertés de la Justice et des Affaires intérieures, Gérard DEPREZ. Ces dernières semaines, je me suis exprimé devant les délégations des trois principaux groupes politiques du Parlement européen : le PPE, le PSE et l'ADLE ;
* Dialogue avec mes homologues européens : j'ai rencontré la quasi-totalité des ministres européens en charge de l'immigration, soit en me déplaçant dans leurs pays, soit lors de réunions en tête-à-tête lors de la présidence slovène.
Aujourd'hui, la totalité de nos partenaires européens ont été consultés et ont émis un avis favorable sur le principe de ce pacte. Je laisserai, dans quelques instants, M. Peter ALTMAIER, secrétaire d'État allemand aux affaires européennes auprès du ministre de l'intérieur, Wolfgang SCHAÜBLE, vous en dire quelques mots. Le texte que je présenterai, lors d'un Conseil des ministres européens, les 7 et 8 juillet prochains à Cannes, tiendra naturellement compte des observations de chaque pays car si l'initiative de ce Pacte est française, sa conception sera clairement européenne.
Même si ce n'est pas la première fois que l'Europe s'intéresse à la politique d'immigration - il y a eu des premiers pas à Tampere en 1999, puis à La Haye en 2004 -, je crois que le moment est venu d'affirmer solennellement nos principes communs.
Aujourd'hui plus que jamais, nous avons besoin, en Europe, d'engagements politiques portant sur des préoccupations concrètes. Si le Pacte est adopté sous la présidence française, ce sera une très grande avancée pour les citoyens de chacun des 27 Etats membres.
Mesdames et Messieurs,
Dès ma prise de fonctions et la création de ce ministère, j'ai demandé à être jugé sur des actes, et non condamné lors de procès d'intentions. La nouvelle politique que je conduis depuis un an, sous la direction du Président de la République et du Premier ministre, encourage le débat. C'est le jeu normal de l'expression démocratique.
Mais je constate, surtout, que cette nouvelle politique est très largement comprise et approuvée. Approuvée par les pays étrangers, qu'il s'agisse des pays source d'immigration ou de nos partenaires européens. Approuvée, aussi, par les Français, puisque d'étude d'opinion en étude d'opinion, j'observe qu'une grande majorité de nos concitoyens comprend cette politique et adhère à ses principes.
Je m'en réjouis tant je suis persuadé que l'action que nous menons est à la fois juste et équilibrée.
Je le dis comme ministre de l'immigration et comme ministre de l'identité nationale : la nouvelle politique d'immigration de la France conforte l'identité de notre nation.
Ce qui est en jeu dans l'action quotidienne que nous menons, ce qui est en jeu dans les orientations fondamentales que nous prenons, c'est bien le visage qu'aura la France des années à venir.
Oui, nous voulons retisser le lien, qui s'était distendu, entre la nation et l'immigration : . l'immigration, en elle-même, n'est pas un problème : c'est l'absence de politique d'immigration pendant trente ans qui a été un problème ; . l'immigration reste, aujourd'hui, un immense défi ; . l'immigration, demain, si elle est organisée et maîtrisée, peut être un atout pour la France.
Pour que le défi devienne un atout, pour que l'immigration soit réussie et positive, nous menons une nouvelle politique, nous obtenons des résultats, nous confortons l'identité nationale, nous préservons l'équilibre de notre société.
Je vous remercie.
Source http://www.immigration.gouv.fr, le 24 juin 2008