Texte intégral
Monsieur le Sénateur, Mesdames et Messieurs,
Le monde vient de passer cette année la barre symbolique du milliard de PC utilisés, et nous devrions dépasser les deux milliards en 2014. Ce chiffre est impressionnant, mais a contrario, 5/6 de la population mondiale sont encore privés d'ordinateurs. La progression du parc informatique mondial est essentiellement tirée par les pays émergents, mais, dans les pays développés, le taux d'équipement des foyers modestes ne progresse quasiment plus.
Or, être privé d'ordinateur aujourd'hui pour les publics fragiles, c'est être privé d'accès à l'information, à la culture, à l'éducation, aux services publics, donc être exposé à un risque accru de marginalisation. Cette situation est d'autant plus inacceptable que ces mêmes pays développés jettent au rebut un grand nombre d'ordinateurs quasiment neufs.
Ce que je baptiserais le programme « Ordi 2.0 », non seulement par clin d'oeil au « web 2.0 » mais aussi parce qu'il s'agit de donner une deuxième vie aux matériels informatiques, vise donc à répondre à cet enjeu essentiel de la fracture numérique, mais aussi à des enjeux d'insertion et de développement durable.
Je tiens à saluer la présence du Sénateur Bruno Retailleau, des représentants des entreprises signataires de la charte - la SNCF, les groupes Casino, la Poste, Laser et Bolloré, la société Poweo - ainsi que les représentants des associations d'insertion, de la société civile et des administrations.
De quoi s'agit-il ? Sous la marque « Ordi 2.0 », trois mesures sont engagées aujourd'hui :
1) Permettre aux entreprises de donner leurs ordinateurs à leurs salariés, sans charges sociales ou fiscales.
2) Permettre aux publics défavorisés, aux associations, à l'ensemble de la filière de reconditionnement du matériel informatique de bénéficier d'un label de confiance, garantissant un matériel informatique fonctionnel et à très bas prix.
3) Relayer ces initiatives au niveau européen. Une conférence ministérielle sera organisée le 30 novembre 2008, sous présidence française, sur les enjeux de la fracture numérique.
1. L'exonération de charges sociales et fiscales pour les dons d'ordinateurs par les entreprises à leurs salariés.
La loi de Finances 2008, reprenant un amendement du Sénateur Bruno Retailleau avec l'appui du Gouvernement, a mis en place ce dispositif mais les entreprises hésitent à s'y engager, par manque de visibilité sur les conditions des dons consentis aux salariés.
L'objectif de la Charte signée aujourd'hui par les premières entreprises entrant dans ce dispositif est précisément de proposer un cadre de mise en oeuvre, leur permettant de donner à leurs salariés leur matériel informatique usagé, sans que ce don soit qualifié - au plan social au fiscal - de rémunération.
Chaque année en France, plus de 2,5 millions d'ordinateurs d'entreprises en état de fonctionnement partent au rebut, dont la moitié est toujours en état de fonctionnement. Si le dispositif législatif que je viens d'évoquer était appliqué massivement par les entreprises, le taux d'équipement des ménages français pourrait ainsi augmenter de 5 points sur un an et de 10 points sur deux ans. C'est considérable. Je rappellerai qu'aujourd'hui, 55% des foyers sont équipés en ordinateurs, et c'est encore trop peu, en comparaison de nos voisins Européens, à l'instar de l'Allemagne et de l'Angleterre, qui affichent un taux d'environ 70%. Réduire la fracture numérique, c'est favoriser l'équipement des ménages. Il est plus que nécessaire de donner une impulsion forte à ce dispositif, qui permettra de combler notre retard.
Je voudrais souligner quatre points de cette charte qui me semblent particulièrement essentiels.
Tout d'abord, l'entreprise signataire s'engagera dans un délai de deux mois à examiner sa politique de gestion de parc informatique amorti, et à étudier les possibilités de mise en oeuvre pour l'orienter vers ses salariés.
Deuxième point, l'entreprise signataire veillera à orienter ses donations vers les publics dont les besoins sont les plus criants : elle privilégiera en particulier les salariés non cadres, non équipés d'ordinateurs évidemment et ayant des enfants. C'est en effet, dans ces catégories socioprofessionnelles, que le taux d'équipement en ordinateur est le plus faible.
L'entreprise signataire s'engage à reconditionner ou faire reconditionner l'ordinateur afin de donner au salarié un équipement libre de droits en ce qui concerne les logiciels d'exploitation et nettoyé de l'ensemble des données et/ou fichiers lui appartenant précédemment.
Enfin, l'entreprise signataire s'engage à informer les salariés bénéficiaires des dispositions en vigueur concernant le recyclage des ordinateurs appartenant à des particuliers.
Au-delà de la communication qui sera réalisée autour de cette charte pour sensibiliser les entreprises et les salariés, l'objectif est donc d'aboutir, à travers ces engagements, à la mise en oeuvre rapide et concrète de cette disposition au sein de plusieurs entreprises pilotes. Je suis très heureux de saluer à nouveau parmi ces entreprises : les groupes Bolloré, Casino, Laser, La Poste et SNCF, et la société Poweo. Toutes ces entreprises font preuve, par cette initiative, d'un haut niveau de responsabilité sociale, que je tiens à souligner.
2. La labellisation d'une filière nationale de redistribution, de reconditionnement et de retraitement de micro-ordinateurs usagés
Au-delà du don d'ordinateurs par les entreprises à leurs salariés, le gouvernement souhaite, avec le label « Ordi 2.0 » conçu avec l'appui de la Délégation aux usages de l'Internet (DUI), non seulement lutter contre la fracture numérique en faveur des publics défavorisés et à faibles moyens, mais aussi poursuivre des objectifs de développement durable et d'économie solidaire.
Concrètement, de quoi s'agit-il ? Il s'agit de favoriser la constitution d'une filière nationale de reconditionnement, de redistribution et de retraitement des ordinateurs. En clair, les ordinateurs usagés qui sont encore en état de marche pourront être rehaussés aux normes les plus exigeantes, pour être donnés ou vendus à des prix extrêmement bas à certains usagers. Les ordinateurs hors d'usage, quant à eux, devront être retraités de manière à limiter les dégâts environnementaux - ce qu'en termes technocratiques, on appelle « l'empreinte environnementale », selon la réglementation européenne en matière de développement durable. On voit bien que prolonger la vie des ordinateurs dans les meilleures conditions possibles constitue, en soi, une mesure en faveur du développement durable.
Cette filière doit intéresser et mobiliser de nombreux acteurs. Pour ce qui est des bénéficiaires au bout de la chaîne, l'objectif principal du label est de fournir à ceux qui en ont le plus besoin une offre de qualité et bon marché d'équipement et d'accompagnement. De qui s'agit-il ? Des structures d'aide sociale, d'associations et clubs du troisième âge, de centres pour handicapés, de points d'accès public aux TIC et à Internet (les Espaces Publics Numériques (EPN), les Espaces Culturels Multimédia (ECM), Cyberbases ...), de collectivités en charge de l'équipement des écoles, d'associations de développement local, qui pourront bénéficier de matériel informatique fiable et à très bas prix.
Dans ces conditions, les foyers les plus modestes auront l'assurance non seulement de s'équiper gratuitement ou à très bas prix en ordinateurs, mais aussi d'avoir la garantie de disposer d'un matériel informatique :
- en état de fonctionnement (avec des licences de logiciel toujours actives ou des logiciels libres) ;
- expurgé des virus potentiels et des données personnelles des utilisateurs précédents ;
- et avec des spécificités techniques assurant une efficacité et une qualité minimales (fréquence du processeur supérieure ou égale à 1 GigaHertz, disque dur d'au moins 20 GigaOctets, carte son, vidéo et réseau, etc.).
Outre ses objectifs en termes de réduction de la fracture numérique et de développement durable, le label Ordi 2.0 entend poursuivre des objectifs d'économie solidaire. En effet, il s'agit de favoriser l'emploi des personnes en difficulté, notamment par les activités de reconditionnement. Les associations de l'économie solidaire et les entreprises qui contribuent à l'insertion des personnes réserveront en priorité leurs recrutements de personnels aux personnes en difficulté et privées d'emploi.
Sans vous noyer dans les détails de fonctionnement de cette filière, sur lesquels le Délégué aux Usages de l'Internet, M. Bernard Benhamou, pourra revenir, il faut souligner qu'elle n'impliquera pas que les reconditionneurs et les destinataires. Elle mobilisera aussi, par exemple, tous les donateurs, qu'il s'agisse des entreprises qui ont du matériel informatique, ou encore les éditeurs de logiciels. Cette filière impliquera également des partenaires financiers, qui contribueront à faciliter les activités de reconditionnement.
Tous ces partenaires seront regroupés dans un Comité stratégique « Ordi 2.0 », auquel participeront l'ensemble des acteurs publics, privés et associatifs, en particulier la Direction Nationale d'Interventions Domaniales (DNID), la Direction interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT), l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), l'Agence Mondiale de Solidarité Numérique, le Fonds mondial de Solidarité numérique, l'association des Maires de Grandes Villes de France (AMGVF), ou des associations comme l'Association Francophone des Utilisateurs du net (AFNET), l'Association communication et information pour le développement durable (ACIDD) et Renaissance Numérique. Je souhaite que ce Comité puisse tenir sa première réunion plénière avant la fin du mois de juillet 2008.
En outre, l'ensemble de ce dispositif sera placé sur un portail Internet, mettant en contact les offres et les demandes de matériel labellisé « Ordi 2.0 ».
3. La mise en place d'une initiative européenne en faveur de « l'e-inclusion »
Nous allons profiter de la présidence française de l'Union Européenne pour réfléchir avec l'ensemble de nos partenaires européens à des mesures qui permettront un plus large équipement, et surtout un usage plus important des technologies de l'Internet par les foyers défavorisés et les populations fragilisées (personnes âgées, handicapées ou sans emploi).
Nous organiserons conjointement avec nos partenaires autrichiens la conférence de Vienne sur la « e-inclusion », qui se tiendra du 30 novembre au 2 décembre prochain. Mes homologues en charge de la société de l'information seront également présents.
Cette conférence sera l'occasion de mettre en place de nouveaux instruments autour de l'Internet mobile et des technologies sans fil, qui permettront aux populations cibles de les utiliser et d'en retirer des bénéfices. Nous poursuivons un objectif social, intégrant des thèmes larges comme le maintien à domicile des personnes âgées ou dépendantes grâce aux nouvelles technologies, la prise en compte du handicap pour l'accès et l'usage des services numériques, la lutte contre - permettez-moi ce néologisme - « l'illectronisme », la prise en compte de la diversité culturelle.
Je vais maintenant laisser la parole, successivement :
- à Bruno Retailleau, Sénateur, au sujet de la Charte sur les dons d'ordinateurs par les entreprises à leurs salariés, qui sera signée à la fin de cette conférence de presse ;
- à Bernard Benhamou, Délégué aux Usages de l'Internet, sur le label « Ordi 2.0 » pour la filière de reconditionnement des ordinateurs ;
- à François-Xavier Huscherr, Président de Renaissance Numérique, qui a beaucoup milité pour la mise en place de ce programme.
Je vous remercie.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 26 juin 2008