Texte intégral
Les Nouvelles calédoniennes : Le voyage de votre prédécesseur n'a pas laissé que de bons souvenirs en Nouvelle-Calédonie, dans quel état d'esprit préparez-vous le vôtre ?
Yves Jégo : J'aborde pour ma part la Nouvelle-Calédonie avec beaucoup d'impatience et d'intérêt tant le processus politique initié par les accords de Matignon-Oudinot puis par celui de Nouméa est une démarche qui m'apparaît comme moderne et originale. J'ai en effet le sentiment que ces « contrats sociaux », au sens constitutionnel du terme, sont de véritables innovations politiques.
Ces accords sont nés du consensus, ils doivent se poursuivre dans le consensus, et je me félicite de la maturité des élus de la Nouvelle-Calédonie qui ont su, à chaque période de tensions, privilégier l'intérêt général du territoire et de nos concitoyens.
LNC : Christian Estrosi avait émis le souhait que la Nouvelle-Calédonie reste française. A ses yeux, l'application de l'accord de Nouméa aboutirait à ce résultat. Etes-vous sur la même ligne ?
Y.J. : Soyons extrêmement fiers d'appartenir à un grand pays qui permet justement ce type de processus. J'aime et je respecte la France et je souhaite évidemment faire partager cet amour et ce respect au plus grand nombre. Toutefois, chacun le sait, il appartiendra aux Calédoniens de décider, le jour venu, du modèle de société qu'ils souhaitent : une Nouvelle-Calédonie indépendante ou une Nouvelle-Calédonie au sein de la République française. C'est aux partisans de l'indépendance et à ceux du maintien du lien avec la France de défendre démocratiquement leur point de vue sur l'avenir du territoire.
LNC : Pierre Frogier, en contradiction avec les propos de François Fillon, considère que « les transferts ne sont pas le moteur de l'accord de Nouméa, que le moteur de l'accord de Nouméa, c'est le consensus ». Qu'en pensez-vous ?
Y.J. : Il n'y a pas de contradiction. Dans le cadre de l'accord de Nouméa, le consensus permet d'avancer sur toutes les questions, y compris les plus délicates. Les transferts de compétences sont des questions délicates car ils ne se résument pas à une simple décentralisation, cela va plus loin. C'est pourquoi je suis partisan d'un dialogue ouvert, approfondi et permanent entre chacune des parties afin de parfaire cette voie juridique si originale au sein de notre République.
Si j'osais, je vous dirais que, pour moi, les transferts de compétences sont le moteur de l'accord de Nouméa, et que le consensus en est le carburant.
LNC : Certains politiques calédoniens sont favorables à un nouvel accord pour succéder à l'accord de Nouméa. Quelle est votre position ?
Y.J. : J'ai le sentiment qu'il ne peut y avoir de processus réussi sans continuité mais je viens justement pour écouter les arguments des uns et des autres. Je rappelle que cet accord a été approuvé par plus de 70 % de Calédoniens, et il est un principe constitutionnel acquis et accepté de tous, qui dispose que « ce qui a été fait par le peuple ne peut être défait que par le peuple ». L'Etat sera donc le garant que la parole du peuple sera toujours respectée.
LNC : La loi organique sur la Nouvelle-Calédonie doit être modifiée. Quel est le calendrier prévu et quels seront les changements ?
Y.J. : Conformément aux conclusions du cinquième comité des signataires de l'accord de Nouméa du 2 février 2006, un groupe de travail composé de l'ensemble des partenaires, qu'ils soient représentatifs des institutions ou représentatifs des partis politiques, a été réuni autour du haut-commissaire pour aboutir à un projet de texte.
Lors du comité des signataires du 20 décembre 2007, un consensus politique a été constaté sur le projet de texte, et l'Etat s'est engagé à prendre les mesures nécessaires afin que les modifications techniques de la loi organique soient adoptées le plus rapidement possible. Je souhaite qu'en fonction du calendrier parlementaire, l'examen de ce texte se fasse dans la session du Parlement qui s'ouvrira à l'automne.
LNC : Le projet de loi-programme est très critiqué, en Nouvelle-Calédonie, sur son volet logement puisque sa rédaction actuelle empêche son application sur le territoire. Le maintien des dispositions de la loi Girardin est demandé. Y êtes-vous favorable ?
Y.J. : Le projet du gouvernement est de recentrer les dépenses de l'Etat sur un plan de relance du logement social outre-mer, compte tenu des besoins très importants exprimés par nos concitoyens.
Pour autant, ce nouveau mécanisme de défiscalisation du logement social doit bien sûr être adapté aux collectivités du Pacifique.
J'ai rencontré à Paris, comme au cours de mes déplacements, de nombreux élus et socioprofessionnels afin de travailler sur ces dispositifs. Le projet de loi adressé pour avis à la Nouvelle-Calédonie au début de ce mois comporte déjà des avancées importantes, mais si j'ai entrepris un marathon de concertation depuis ma nomination le 19 mars dernier, c'est bien pour faire de cette future loi un outil utile à tous les territoires. Nous inclurons donc dans cette démarche les attentes de la Nouvelle-Calédonie.
LNC : Bercy souhaite plafonner les exonérations fiscales pour investissement outremer afin d'économiser jusqu'à 168 millions d'euros. Etes-vous favorable à cette mesure ?
Y.J. : Le but du gouvernement n'est pas tant de faire des économies que de moraliser certaines pratiques marginales en gommant les excès des dispositifs de défiscalisation outre-mer. Pour autant, ces mécanismes de défiscalisation qui ont porté leurs fruits sont évidemment maintenus, ceci doit être parfaitement clair. Nous envisageons seulement de plafonner l'avantage fiscal pour les plus riches afin d'éviter que quelques gros contribuables n'échappent totalement par ce moyen à l'impôt.
LNC : N'est-il pas contradictoire de vouloir obtenir le classement à l'Unesco du lagon calédonien et, dans le même temps, d'octroyer des avantages fiscaux à l'usine de Goro Nickel qui risque, selon certains écologistes, de polluer le lagon ?
Y.J. : Nous devons absolument concilier la lutte contre le chômage et le respect et la protection de l'environnement. C'est tout le sens de l'engagement du président de la République à travers, par exemple, le Grenelle de l'environnement.
La démarche d'inscription des récifs calédoniens au patrimoine de l'humanité a été menée en concertation avec l'ensemble des partenaires calédoniens, et notamment les provinces qui sont compétentes en matière environnementale.
S'agissant de la défiscalisation de l'usine de Goro Nickel, les procédures d'agrément ont associé tous les ministères concernés, et notamment le ministère chargé du développement durable.
Nous attendons aujourd'hui le résultat des études en cours afin de mieux mesurer la réalité
des choses.
Propos recueillis par David Martin
Source http://www.nouvelle-caledonie.gouv.fr, le 20 juin 2008
Yves Jégo : J'aborde pour ma part la Nouvelle-Calédonie avec beaucoup d'impatience et d'intérêt tant le processus politique initié par les accords de Matignon-Oudinot puis par celui de Nouméa est une démarche qui m'apparaît comme moderne et originale. J'ai en effet le sentiment que ces « contrats sociaux », au sens constitutionnel du terme, sont de véritables innovations politiques.
Ces accords sont nés du consensus, ils doivent se poursuivre dans le consensus, et je me félicite de la maturité des élus de la Nouvelle-Calédonie qui ont su, à chaque période de tensions, privilégier l'intérêt général du territoire et de nos concitoyens.
LNC : Christian Estrosi avait émis le souhait que la Nouvelle-Calédonie reste française. A ses yeux, l'application de l'accord de Nouméa aboutirait à ce résultat. Etes-vous sur la même ligne ?
Y.J. : Soyons extrêmement fiers d'appartenir à un grand pays qui permet justement ce type de processus. J'aime et je respecte la France et je souhaite évidemment faire partager cet amour et ce respect au plus grand nombre. Toutefois, chacun le sait, il appartiendra aux Calédoniens de décider, le jour venu, du modèle de société qu'ils souhaitent : une Nouvelle-Calédonie indépendante ou une Nouvelle-Calédonie au sein de la République française. C'est aux partisans de l'indépendance et à ceux du maintien du lien avec la France de défendre démocratiquement leur point de vue sur l'avenir du territoire.
LNC : Pierre Frogier, en contradiction avec les propos de François Fillon, considère que « les transferts ne sont pas le moteur de l'accord de Nouméa, que le moteur de l'accord de Nouméa, c'est le consensus ». Qu'en pensez-vous ?
Y.J. : Il n'y a pas de contradiction. Dans le cadre de l'accord de Nouméa, le consensus permet d'avancer sur toutes les questions, y compris les plus délicates. Les transferts de compétences sont des questions délicates car ils ne se résument pas à une simple décentralisation, cela va plus loin. C'est pourquoi je suis partisan d'un dialogue ouvert, approfondi et permanent entre chacune des parties afin de parfaire cette voie juridique si originale au sein de notre République.
Si j'osais, je vous dirais que, pour moi, les transferts de compétences sont le moteur de l'accord de Nouméa, et que le consensus en est le carburant.
LNC : Certains politiques calédoniens sont favorables à un nouvel accord pour succéder à l'accord de Nouméa. Quelle est votre position ?
Y.J. : J'ai le sentiment qu'il ne peut y avoir de processus réussi sans continuité mais je viens justement pour écouter les arguments des uns et des autres. Je rappelle que cet accord a été approuvé par plus de 70 % de Calédoniens, et il est un principe constitutionnel acquis et accepté de tous, qui dispose que « ce qui a été fait par le peuple ne peut être défait que par le peuple ». L'Etat sera donc le garant que la parole du peuple sera toujours respectée.
LNC : La loi organique sur la Nouvelle-Calédonie doit être modifiée. Quel est le calendrier prévu et quels seront les changements ?
Y.J. : Conformément aux conclusions du cinquième comité des signataires de l'accord de Nouméa du 2 février 2006, un groupe de travail composé de l'ensemble des partenaires, qu'ils soient représentatifs des institutions ou représentatifs des partis politiques, a été réuni autour du haut-commissaire pour aboutir à un projet de texte.
Lors du comité des signataires du 20 décembre 2007, un consensus politique a été constaté sur le projet de texte, et l'Etat s'est engagé à prendre les mesures nécessaires afin que les modifications techniques de la loi organique soient adoptées le plus rapidement possible. Je souhaite qu'en fonction du calendrier parlementaire, l'examen de ce texte se fasse dans la session du Parlement qui s'ouvrira à l'automne.
LNC : Le projet de loi-programme est très critiqué, en Nouvelle-Calédonie, sur son volet logement puisque sa rédaction actuelle empêche son application sur le territoire. Le maintien des dispositions de la loi Girardin est demandé. Y êtes-vous favorable ?
Y.J. : Le projet du gouvernement est de recentrer les dépenses de l'Etat sur un plan de relance du logement social outre-mer, compte tenu des besoins très importants exprimés par nos concitoyens.
Pour autant, ce nouveau mécanisme de défiscalisation du logement social doit bien sûr être adapté aux collectivités du Pacifique.
J'ai rencontré à Paris, comme au cours de mes déplacements, de nombreux élus et socioprofessionnels afin de travailler sur ces dispositifs. Le projet de loi adressé pour avis à la Nouvelle-Calédonie au début de ce mois comporte déjà des avancées importantes, mais si j'ai entrepris un marathon de concertation depuis ma nomination le 19 mars dernier, c'est bien pour faire de cette future loi un outil utile à tous les territoires. Nous inclurons donc dans cette démarche les attentes de la Nouvelle-Calédonie.
LNC : Bercy souhaite plafonner les exonérations fiscales pour investissement outremer afin d'économiser jusqu'à 168 millions d'euros. Etes-vous favorable à cette mesure ?
Y.J. : Le but du gouvernement n'est pas tant de faire des économies que de moraliser certaines pratiques marginales en gommant les excès des dispositifs de défiscalisation outre-mer. Pour autant, ces mécanismes de défiscalisation qui ont porté leurs fruits sont évidemment maintenus, ceci doit être parfaitement clair. Nous envisageons seulement de plafonner l'avantage fiscal pour les plus riches afin d'éviter que quelques gros contribuables n'échappent totalement par ce moyen à l'impôt.
LNC : N'est-il pas contradictoire de vouloir obtenir le classement à l'Unesco du lagon calédonien et, dans le même temps, d'octroyer des avantages fiscaux à l'usine de Goro Nickel qui risque, selon certains écologistes, de polluer le lagon ?
Y.J. : Nous devons absolument concilier la lutte contre le chômage et le respect et la protection de l'environnement. C'est tout le sens de l'engagement du président de la République à travers, par exemple, le Grenelle de l'environnement.
La démarche d'inscription des récifs calédoniens au patrimoine de l'humanité a été menée en concertation avec l'ensemble des partenaires calédoniens, et notamment les provinces qui sont compétentes en matière environnementale.
S'agissant de la défiscalisation de l'usine de Goro Nickel, les procédures d'agrément ont associé tous les ministères concernés, et notamment le ministère chargé du développement durable.
Nous attendons aujourd'hui le résultat des études en cours afin de mieux mesurer la réalité
des choses.
Propos recueillis par David Martin
Source http://www.nouvelle-caledonie.gouv.fr, le 20 juin 2008