Interview de M. Yves Jégo, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, dans "Le Quotidien de La Réunion" sur les mesures prises pour le développement de La Réunion, la préparation de la future loi de programme pour l'outre-mer et le plafonnement de la défiscalisation pour les investissements productifs.

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Média : Le Quotidien de La Réunion

Texte intégral

Le Quotidien de la Réunion : Comment réagissez-vous aux virulentes critiques des élus de l'outre-mer et des socioprofessionnels contre le projet de loi programme ?
Yves Jégo : Depuis mon arrivée au Secrétariat d'Etat il y a trois mois, je me suis appliqué à rencontrer tous les socioprofessionnels pour expliquer et écouter. Je crois que chacun a bien compris désormais l'intention du Gouvernement qui souhaite réorienter certains outils financiers et fiscaux pour renforcer la lutte contre le chômage et construire plus de logements, en particulier de logements sociaux. Au cours de cette période J'ai entendu des choses justes et d'autres qui l'étaient moins. A la Réunion, j'ai d'ailleurs répondu sans délai à la première demande qui m'avait été faite en faisant réintroduire l'agro-nutrition dans les secteurs prioritaires de la future Zone Franche Globale d'Activités qui était l'une des promesses de Nicolas Sarkozy pour l'Outre-mer. Mais je ne suis pas dupe non plus, au-delà des préoccupations réelles des professions il y a de la volonté de figer certains intérêts catégoriels qui n'ont rien à voir avec l'intérêt général et il y a aussi sans doute une tentation de récupération politicienne d'un sujet qui devrait pourtant mériter mieux !
Le Quotidien de la Réunion : Quand ferez-vous ces annonces ?
Yves Jégo : Fin juin, nous aurons bouclé la phase de concertation et je serais en mesure de présenter le résultat de ces 3 mois de concertation active. Mais je m'adresserais aussi aux populations car l'action du gouvernement est avant tout une volonté de répondre aux attentes de ceux que l'on n'entend jamais. Je pense ici aux chômeurs ou aux mal logés.
Le Quotidien de la Réunion : Des élus de droite et de gauche, les chambres consulaires, les socioprofessionnels contestent les mesures en préparation. N'est-ce pas inquiétant pour la suite du projet ?
Yves Jégo : Il est normal que certaines professions défendent leurs avantages propres mais il est normal aussi que le gouvernement se préoccupe de l'intérêt général. Que voulons-nous faire pour favoriser la baisse du chômage et la construction de nouveaux logements ? Garder ce qui a bien marché dans la loi Girardin et qui représente, il faut le rappeler, un investissement de l'Etat d'1 milliard par an et y ajouter les zones franches globales d'activités, c'est-à-dire 50% de baisse d'impôts pour tout le monde et 80% pour les secteurs prioritaires, soit un effort par habitant qui sera en Outre-mer deux fois plus important que pour la métropole. Ce sera un investissement complémentaire de 210 millions d'Euros. C'est du jamais vu en faveur de l'économie locale !
Le Quotidien de la Réunion : Comment interprétez-vous l'attitude de Nassimah Dindar qui se retrouve aux côtés de la gauche et de Paul Vergès pour critiquer le projet ?
Yves Jégo : Nassimah Dindar a pris une position courageuse et équilibrée. Elle approuve les orientations du gouvernement de la loi programme en faveur de l'emploi et du logement et souhaite que les socioprofessionnels soit entendu. C'est exactement ce pourquoi je plaide depuis 3 mois !
Le Quotidien de la Réunion : Vous préférez l'attitude de Robert et Victoria à celle de Nassimah Dindar ?
Yves Jégo : Chacun prendra ses responsabilités le jour où le texte définitif sera connu. Pour ma part je n'ai cessé de penser depuis que je travaille sur cette loi aux 26 000 réunionnais qui attendent désespérément un logement social et aux 77 000 réunionnais qui sont à la recherche d'un emploi. Face à cet enjeu, il me semble que l'union de tous est plus que jamais nécessaire.
Le Quotidien de la Réunion : Les professionnels souhaitent le maintien de la loi Girardin pour encore 5 ans au moins.
Yves Jégo : Ils seront entendus puisque je peux vous confirmer aujourd'hui que plus de 90% des mesures et des financements de la loi Girardin seront conservés dans la version définitive de la future loi programme.
Le Quotidien de la Réunion : Le gouvernement a fixé comme échéance au maintien de la loi Girardin à décembre 2009. Le confirmez-vous ?
Yves Jégo : Il y aura une date de transition large pour ne pas mettre en péril les carnets de commande des entreprises du bâtiment et permettre aux projets en cours d'élaboration de se terminer. Mais ce qui est important, c'est de mettre fin à la spéculation foncière qui a découlé de l'application de la défiscalisation au secteur du logement libre. Comment en effet accepter plus longtemps que bientôt plus aucun réunionnais ne puisse acheter un terrain à un prix raisonnable !? Ceux qui refusent de changer quoi que ce soit ne me semble pas voir la réalité des choses.
Le Quotidien de la Réunion : Quels plafonds seront retenus pour les exonérations de charges. A partir de quel seuil commencera la dégressivité ?
Yves Jégo : Nous travaillons plusieurs hypothèses avec les représentants du monde économique. Une chose est désormais acquise sur les 1,15 milliard de baisse de charge de la loi Girardin, 1 milliard sera maintenu au profit de toutes les activités économiques de la Réunion y compris le commerce.
Le Quotidien de la Réunion : Le plafonnement de la défiscalisation pour les investissements productifs ne revient-il à reprendre d'une main ce que le gouvernement donne de l'autre ?
Yves Jégo : Le gouvernement de François Fillon souhaite tout simplement gommer les excès de certains dispositifs de défiscalisation et empêcher quelques gros contribuables de s'approprier tous les bénéfices de ces mesures. Le plafonnement se fera de telle manière qu'il permettra de garantir l'effort d'investissement pour l'économie locale mais qu'il empêchera une poignée de gros revenus de s'exonérer de l'impôt. Le paradoxe est de constater que ceux qui nous accusent à Paris de « faire des cadeaux aux riches » sont ceux la même qui veulent ici maintenir la défiscalisation pour les grandes fortunes !
Le Quotidien de la Réunion : Le président du Conseil Économique et Social Régional (CESR) a chiffré à - 350 millions d'euros le projet de loi-programme. Vous l'évaluez, vous, à plus de 100 millions d'euros. Qui dit vrai ?
Yves Jégo : Je comprends que le monde de l'entreprise soit soucieux du maintien des aides et de tous les avantages que lui accorde l'Etat. Avec Michèle Alliot-Marie, nous avons promis la transparence des chiffres. Ce qui est incontestable c'est que grâce à ce texte, l'Etat va donc consacrer dans les 5 prochaines années, 10 milliards pour les entreprises des Outre-mers. Mais, au-delà des chiffres, ce qui est, me semble-t-il, fondamental, c'est qu'en ayant le courage de réorienter nos outils fiscaux, nous voulons favoriser la croissance économique des territoires donc faire reculer le chômage et doper le secteur du logement social. Si la situation d'aujourd'hui était idéale de ce point de vue je comprendrais que certains ne veuillent rien changer mais malheureusement ce n'est pas le cas.
Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 18 août 2008