Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, à RTL le 17 septembre 2008, sur les modifications au décret instituant le fichier de police EDVIGE.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie.- Bonjour, M. Alliot-Marie.
 
Bonjour.
 
Allez-vous modifier le décret du 27 juin qui institue le fichier
EDVIGE, M. Alliot-Marie ?
 
J'ai entendu un certain nombre d'inquiétudes et de craintes, qui d'
ailleurs ne correspondent à rien de concret ; mais ça veut dire tout
simplement que le texte n'était pas suffisamment précis sur un certain
nombre de choses. Donc, effectivement...
 
Sur quels points allez-vous le modifier ?
 
Eh bien, notamment pour clarifier les fonctions de ce fichier. Je
rappelle qu'il s'agit du vieux fichier des Renseignements Généraux, qui
existe sous la même forme depuis 1991 ; et dans ce fichier, il y a
finalement trois aspects très différents. Et c'est le rapprochement des
trois dans la forme qui finalement est à l'origine de ça. A quoi sert
un fichier des Renseignements Généraux ?
 
Non, non, non. Sur quels points allez-vous modifier le décret du 27
juin, si on peut aller droit au but ?
 
D'accord. Droit au but ! Premièrement, nous allons distinguer les trois
fonctions différentes du fichier des Renseignements Généraux quitte à
faire une séparation très nette. Un fichier des Renseignements
Généraux, ça sert à quoi ? Premièrement, ça sert à protéger contre la
délinquance, c'est-à-dire suivre des gens qui commettent des actes de
délinquance ou qui risquent de commettre des actes de délinquance, leur
attitude, leur participation à certains groupes le montrant.
 
"Ceux qui sont susceptibles, disait le décret du 27 juin, de porter
atteinte à l'ordre public". Modifiez-vous cette mention, M. Alliot-
Marie ?
 
Alors, nous sommes en train de réfléchir notamment avec les avocats et
les magistrats dont j'ai reçu des associations, hier, pour parler
davantage et plus précisément de sécurité publique, d'atteinte aux
personnes et aux biens puisque c'est bien ce qui est visé.
 
Donc, vous modifiez cette motion ?
 
Donc, nous allons probablement dans le texte effectivement prendre cela
en compte.
 
Seront fichées les personnes physiques âgées de 13 ans et plus. C'était
ce qui était dans l'ancien décret. Vous maintenez l'âge ?
 
Alors, je maintiens l'âge puisqu'il s'agit de la majorité pénale, je le
rappelle : 13 ans. Et cela correspond à une évolution de la délinquance
puisqu'aujourd'hui, il faut savoir une chose, c'est que 46% des vols à
main armée sont commis par des mineurs, que 25% des viols sont commis
par des mineurs...
 
Et on vous a reproché de ne pas organiser, de ne pas prévoir la sortie
de ces gens très jeunes fichés. Le ferez-vous, M. Alliot-Marie ?
 
Alors, nous allons effectivement donner ce droit à l'oubli, c'est-à-
dire que lorsque des mineurs auront commis des fautes sans doute pas
très importantes lorsqu'ils sont petits, et si par la suite, ils se
comportent bien, il peut y avoir un droit à l'oubli.
 
Quel délai ?
 
Ce délai, nous sommes en train... j'entends les uns et les autres car
je n'ai pas fini les concertations. J'ai déjà rencontré énormément de
personnes, les associations gays et lesbiennes, la Cnil, la Halde, la
commission consultative des Droits de l'Homme, etc. Et je continue
aujourd'hui.
 
Vous prévoirez la sortie du fichier, mais vous étudiez le délai ?
 
Et il y aura une sortie du fichier. Aujourd'hui, je ne vous dis pas.
Pardonnez-moi mais je voudrais quand même préciser une chose. C'est que
ce fichier, parce que c'est un des problèmes qu'il y a eu à l'origine,
il comporte donc un fichier des délinquants. Deuxièmement, il comporte
également un fichier...
 
Un fichier des personnalités ?
 
...Aussi un fichier des personnalités. Mais il comporte le fichier des
personnes qui vont exercer un certain nombre de professions dont la Loi
exige que l'on fasse des enquêtes administratives sur elles. C'est une
deuxième chose. Et il est évident que sur ces deux fichiers, on ne
rentre pas les mêmes données. Suivre un délinquant, ça implique de
pouvoir le reconnaître, en particulier. Ca n'est pas le cas pour cela.
Et enfin, il y a un fichiers des personnalités.
 
Des personnalités, on va progresser. Notamment des personnes ayant
sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, disait le décret du
27 juin. Maintenez-vous cette formulation, M. Alliot-Marie ?
 
De quoi s'agit-il et à quoi sert ce fichier ? Ce fichier, il va servir
essentiellement à deux choses. Il va servir lorsqu'il y a des
promotions pour la Légion d'Honneur ou le Mérite, de savoir si les
personnes peuvent le faire. Deuxièmement, il sert également lorsqu'il
doit y avoir une concertation sur un sujet quelconque de savoir qui on
va chercher ? Ce n'est pas vrai au niveau national puisqu'on connaît
les gens. C'est très utile...
 
Mais maintenez-vous la formulation de l'ancien décret, M. Alliot-Marie,
"ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique" ?
 
Sur le mandat politique ? Oui, dans la mesure où les indications qui
sont dedans sont les indications du Who's Who. Ne fantasmons pas !
 
C'est ce que votre collègue, H. Morin, a regretté. Il disait : "Est-il
nécessaire de ficher les personnes sollicitant un mandat politique ?"
Donc, vous ne lui donnerez pas satisfaction, M. Alliot-Marie ?
 
Mais écoutez, encore une fois, il ne s'agit que d'indications qui sont
dans le domaine public que vous avez, vous, à RTL, j'en suis persuadé.
Quand vous avez besoin d'inviter des gens, le matin, c'est ce que vous
faites. Donc, je vais vous accuser d'avoir un fichier ? C'est
exactement la même chose, si vous voulez, encore une fois : quand on
invite des gens à une réception dans une préfecture, eh bien on regarde
effectivement ce que sont les personnalités.
 
Il était prévu que de manière exceptionnelle, les mentions à caractères
religieux ou bien sexuels, figurent dans ce fichier ?
 
C'est tout à fait faux.
 
Ce n'était pas prévu ?
 
C'est tout à faux, je tiens à le dire. Ca n'est pas ça le problème, c'
est qu'il n'est pas question - et j'ai déjà eu l'occasion de me
prononcer sur cela - de donner des indications de préférences sexuelles
ou religieuses ou d'indications de santé, également sur des personnes.
Ce qu'il faut simplement savoir, c'est que nous devions mettre dans le
décret que ces indications pouvaient être inscrites dès lors que nous
voulions pouvoir mentionner le nom d'une association. Si vous avez une
association de lutte contre les myopathies, vous n'avez pas le droit de
mettre le mot myopathie. C'est ce que nous a dit le Conseil d'Etat, si
le décret n'a pas à autoriser, à mettre effectivement une indication
sur la santé.
 
Vous ne changez pas grand chose finalement à ce décret, M. Alliot-Marie
?
 
Je pense que nous allons, sur le fond, non. Encore une fois, je vous
rappelle que c'est un fichier qui existe dans la même forme et avec le
même contenu depuis 1991.
 
Mais par rapport au décret du 27 juin, vous changez peu de choses.
 
En revanche, il sera rédigé différemment de façon à ce que les craintes
infondées ou les inquiétudes réelles qui s'étaient manifestées trouvent
des réponses et des solutions. Je finis d'écouter... Je vous rappelle
que ce décret a été visé, à la fois par la Cnil et par le Conseil d'
Etat, c'est-à-dire par tous ceux qui donnent un certain nombre de
garanties. Pour autant, cela n'a pas suffi. Je veux rassurer parce que
mon rôle, c'est aussi de montrer aux gens que le ministère de l'
Intérieur, c'est un ministère de la protection des Français et de leurs
libertés publiques et privées. Et par conséquent, il faut que ce décret
soit clair. Eh bien, le nouveau texte sera clair.
 
Rapidement, M. Alliot-Marie. Je crois qu'on attend aujourd'hui, les
chiffres de la délinquance pour le mois d'août ?
 
Oui, effectivement... Et ce sont effectivement de très bons chiffres
puisque pour le douzième mois consécutif, nous avons une baisse
sensible de la délinquance. La baisse de la délinquance a chuté de 11%,
ce qui est abstrait ; mais ce qui représente quand même 14.000 victimes
de moins. Cela veut dire 155.000 victimes de moins dans l'année qui
vient de s'écouler que dans l'année précédente. Je crois que c'est ça
faire son travail. Et je pense qu'il faut en remercier les policiers et
les gendarmes qui y contribuent.
 
M. Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur, qui annonçait sur RTL que la
modification du décret EDVIGE sera marginale. C'était sur RTL. Bonne
journée.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 18 septembre 2008