Texte intégral
Merci et bonjour à tous.
Bonjour à chacune et chacun d'entre vous dans la diversité des régions, des départements métropolitains et d'Outre-mer que vous représentez, de vos associations.
Je suis heureux d'être avec Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET au début de ces travaux, à vos côtés, monsieur le Sénateur-maire, Madame la sénatrice KELLER et d'autres élus représentant les régions, les départements. Je suis content aussi que le Président BASTIAN qui représente les chambres d'agriculture et la FNSEA soit ici - c'est aussi symbolique de cette maturité réciproque dont parlait Nathalie tout à l'heure.
Heureux de me retrouver d'abord en Alsace. Puisqu'il est question des territoires, je n'oublie pas que c'est ici, Mesdames et Messieurs, que je suis venu dans les années 80 (j'étais tout jeune Président d'un Conseil général d'un territoire montagnard en Savoie) pour chercher des exemples et des inspirations pour bâtir ce qui a été dans mon département, dans les années 86, l'une des toutes premières politiques globales départementales auxquelles vos associations ont participé en nous interpellant, en nous aiguillonnant dans toutes ces dimensions, et pas seulement celle de la protection de la nature.
Je me souviens de ce que nous avons fait de manière assez exemplaire à cette époque sur les énergies renouvelables et le solaire en particulier.
En Alsace, cet état d'esprit un peu pionnier continue, puisque je veux dire ici combien je trouve exemplaire ce qui a été fait - je le dis devant le Président DECK, avec Alsace Nature, le Conseil général, l'Etat et la Chambre d'agriculture sur un sujet difficile et sensible.
Je suis heureux d'être là un moment ce matin, et heureux de retrouver FNE à l'occasion de votre quarantième anniversaire. Je sais que c'est l'habitude que vous receviez le ministre en charge de l'Environnement. Je ne crois pas, Monsieur le Président que ce soit très habituel que le ministre de l'Agriculture soit parmi vous. C'est même la première fois qu'il participe à cette maturité réciproque qui est une bonne nouvelle dans notre démocratie.
En tout cas, je me souviens de ma toute première sortie comme ministre de l'Environnement en 1993, c'était pour le congrès de FNE. A l'époque - je le dis sans nostalgie - j'avais exprimé devant vous quelques convictions, notamment celle que l'affrontement un peu traditionnel, un peu schématique, parfois réel, entre l'agriculture et la protection de l'environnement, n'avait pas vraiment de sens, et qu'il fallait au contraire, comme nous le faisons progressivement, même si ce n'est pas facile, créer des liens, des passerelles, des dialogues. Ma conviction à cette époque, je l'avais dit devant FNE, cette agriculture et protecteurs de l'environnement ont partie lié, en particulier si l'on parle de la construction de la préservation de territoires robustes et désirables.
Quinze ans après, nous nous retrouvons. Vous êtes toujours là. J'ai une fonction nouvelle à laquelle je ne m'attendais d'ailleurs pas il y a quelques mois, celle d'être le ministre de l'Agriculture, des Agricultures, des agriculteurs et des pêcheurs. Ma conviction reste la même qu'il y a quinze ans sur ce point précis. Ce que j'avais dit devant FNE, il y a quinze ans, de l'utilité de votre dialogue avec les agriculteurs, je le dis aujourd'hui aux agriculteurs - Monsieur BASTIAN peut en témoigner - à propos de la nécessité de leur dialogue avec vous. Pour faire quoi ? Pour bâtir une nouvelle agriculture française, plus durable, simplement durable, plus équilibrée dans ses soutiens, plus économe des ressources naturelles dont elle a besoin, moins dépendante des intrants et plus autonome sur le plan énergétique. Cette conviction reste la même pour dire que les agriculteurs ont intérêt à cette nouvelle approche. Ils sont les plus vulnérables dans notre société, au réchauffement climatique. Ce sont les plus vulnérables et les plus mal protégés aussi, contre tous les aléas climatiques, sanitaires et économiques. C'est un des points que je veux traiter dans la réforme de la PAC. Pour les agriculteurs, cette nouvelle approche est une condition de leur performance économique.
Mesdames et messieurs, j'ai, à la place où je me trouve, avec l'ensemble de mes partenaires, un double défi qui découle de la conviction que je viens d'exprimer : là où il y a - et c'est le cas dans beaucoup de régions de France - encore une agriculture intensive et productiviste, elle doit devenir écologiquement responsable et rester productive. Ailleurs, dans toutes les autres régions que vous connaissez bien, où il n'y a pas cette intensité ancienne, des zones fragiles, là où l'herbe par exemple est le support d'une agriculture extensive, là où il y a d'autres formes de production - les fruits et légumes, etc. - ne vous trompez pas : le défi n'est rien de moins que de maintenir, dans les vingt ans qui viennent, l'activité agricole. Nous savons bien que, là où le paysage se ferme, c'est la biodiversité qui recule.
Si je vous dis qu'il ne faut pas se tromper, c'est que nous sommes dans un très grand débat qui vous concerne, comme protecteurs de l'environnement, comme citoyens, comme contribuables aussi ; c'est le débat sur l'avenir de la politique agricole commune. Je voudrais le situer au niveau où il doit l'être. Vous avez bien voulu dire mon engagement européen, ce qui ne m'empêche pas d'ailleurs d'être passionnément patriote, mais définitivement européen en même temps : la PAC est en discussion dans le cadre du bilan de santé. Elle sera l'objet d'ailleurs d'une nouvelle grande réforme, comme c'est le cas tous les sept ans, en 2013, et nous voulons nous y préparer.
Cette année, en ce moment, nous avons une évaluation de la PAC à mi-parcours et une adaptation de la PAC. C'est ce qu'on appelle le bilan de santé. Nous sommes en train de discuter de la boîte à outils que la commission a ré-ouverte et je voudrais que ces outils soient les plus souples et les plus flexibles, pour être utilisés dans quelques directions que je vais vous indiquer très franchement.
Au moment où cette PAC est en discussion, au moment où se prépare la grande réforme 2013, il y a en Europe, à Bruxelles, dans beaucoup de capitales des idées extrêmement claires pour détruire cette politique agricole commune, en tout cas pour la détricoter. Derrière cette idée, il y a une certaine vision de l'Union européenne dont il faut bien prendre conscience. Cette vision que prêchent ou plaident les plus libéraux - qui ne sont pas tous des personnes de droite d'ailleurs ; quand j'étais commissaire, j'avais autour de la table des socialistes - excusez-moi monsieur le Député-maire - beaucoup plus libéraux que moi. Je ne dis pas que c'est votre cas, je ne cite personne.
Il y a chez beaucoup de libéraux - pas seulement à Londres dont on parle beaucoup en ce moment - l'idée que l'Europe doit être une grande zone de libre échange, une sorte de grand supermarché, avec quelques charity-founds pour les plus pauvres et c'est le marché qui fait la loi. De la compétition fiscale et sociale et le maximum de portes ouvertes sur l'extérieur. Cette vision existe et est très forte. Je l'ai rencontrée, je m'y suis confronté au moment où j'étais en charge - nous parlons de territoire ici à Strasbourg - de la politique régionale européenne, deuxième budget de l'Union, qui va d'ailleurs devenir le premier budget dans quelques années.
Dans deux ou trois ans, 309 milliards d'euros dans le budget de l'Union européenne : plus que pour la PAC. 309 milliards pour aider le développement régional. J'ai eu les mêmes en face de moi, comme commissaires qui disaient « Il y en a assez de cet argent, faisons un fonds de charité pour les plus pauvres, on n'a plus besoin de politique d'aménagement des territoires et de soutien régional ». Comment avons-nous sauvé cette politique régionale ? En ouvrant un débat assez tôt, qui a diffusé, qui est descendu, qui est remonté, et en qualifiant cette politique régionale, y compris et surtout sur des sujets, Monsieur le Président, qui intéressent FNE puisque la politique régionale dont je parle à l'instant, a été sauvée en devenant plus conforme à l'agenda de Lisbonne : en gros, nous avons fait moins de béton, moins de routes, moins de salles polyvalentes, un peu plus d'Internet et beaucoup plus d'environnement. C'est ce qui a permis de sauver la politique régionale européenne. J'ai été heureux de cette évolution.
Le débat est un peu le même sur la PAC : les mêmes idéologies ultra-libérales, qui veulent déréguler, détricoter, supprimer les outils de protection et de stabilisation et réduire le budget. Qu'y a-t-il derrière cette vision ? Souvent il est dit : « la PAC coûte cher ». C'est vrai : 100 euros par Européen et par an. Je vous invite à vous poser une question à propos du prix de cette politique agricole : quel serait le prix de l'absence de PAC, comme le veulent certains, assez puissants et assez nombreux ? Je vous dis le fond de ma conviction et aussi pourquoi je suis européen : bien sûr, cette politique comme d'autres sont symboliques d'une certaine vision de l'Europe qui ne se résume pas à une zone de libre échange qui veut être une communauté solidaire et qui voudrait être, et qui devrait être aussi une puissance politique avec une politique de développement, une politique de défense et une politique étrangère crédible. Si on se laissait aller, au nom de cette vision autre de l'Europe, à détricoter cette première politique économique intégrée qu'est la politique agricole, alors n'en doutez pas, ce qui arrivera sur l'ensemble du continent, c'est ce qui est en train d'arriver aux Etats-Unis et au Brésil, c'est-à-dire d'immenses industries agricoles, d'immenses fermes concentrées dans quelques régions et la désertification partout ailleurs ; et en même temps, parce que les agriculteurs produisent pour nourrir essentiellement et prioritairement, une alimentation, comme dans d'autres continents, qui perdra sa diversité, sa qualité, sa traçabilité et qui ne sera plus ancrée sur l'ensemble du territoire.
Voilà, Mesdames et Messieurs, en conscience - je vous le dis gravement - ce qui est derrière ce débat.
Pour autant, je ne suis pas, je ne serai pas le ministre du statu quo, je vous le dis très clairement et je l'ai dit aux dirigeants agricoles en arrivant. Je ne serai pas le ministre de l'Agriculture du statu quo de la PAC. Pour autant, je veux qu'on préserve une grande politique économique européenne et qu'on la change, je veux qu'on la fasse évoluer, vers quoi ? Cela vous intéresse aussi : dans le premier pilier de cette PAC qui est économique et représente 9 milliards d'euros par an pour soutenir l'activité agricole sur l'ensemble des territoires français, de métropole et d'Outre-mer, je veux que cette PAC soit plus préventive. Nous allons prendre une partie de cet argent dès 2009 pour créer des outils de gestion de crise, contre les aléas climatiques et sanitaires. Je ne veux plus que les exploitants agricoles pour les entrepreneurs agricoles soient laissés seuls, sans protection comme ils le sont quasiment devant tant d'aléas climatiques ou sanitaires.
Au-delà de ce premier signal que nous allons faire pour une PAC durable, c'est-à-dire une PAC qui se protège, une agriculture protégée, je veux que la PAC soit plus équitable. Nous allons également diminuer certaines aides, sur des cultures qui sont mieux rémunérées par les prix aujourd'hui et redistribuer ces aides dans des directions extrêmement précises qui sont toutes, ou à peu près toutes, dans le sens de l'agriculture extensive et de l'agriculture durable. Je pense en particulier à la production ovine qui était mal traitée depuis des années, à l'agriculture bio qui n'a pas été soutenue équitablement, à l'herbe et également - je veux le faire - un plan protéagineux que nous allons lancer. Vous le voyez bien, les trois signaux que je viens de vous annoncer en quelques phrases : plus de protection et de prévention contre les risques - c'est la moindre des choses - une répartition plus équitable des aides avec un premier vrai signal dès 2009 et un soutien beaucoup plus marqué vers plusieurs filières ou des territoires qui n'ont pas été traités équitablement et qui le méritent.
A côté du premier pilier, il y a le deuxième pilier de la PAC que vous connaissez bien, plus modeste (1 milliard d'euros doublé par un autre milliard de l'Etat). Ce pilier est déjà dédié au territoire. Je veux qu'il encourage plus clairement toutes les politiques de diversification et soutiennent plus clairement aussi les pratiques les plus exemplaires. Nous avons engagé le dialogue avec FNE et avec d'autres associations sur les orientations politiques de cette nouvelle agriculture européenne. Je continuerai ce dialogue, monsieur le Président, j'en prends l'engagement, sur la mise en oeuvre de ces politiques et en particulier s'agissant du deuxième pilier agro-environnemental et de développement rural.
A l'intérieur de ce cadre européen que je viens de décrire un peu télégraphiquement, vous voyez bien qu'il y a des inflexions importantes que je suis heureux de vous confirmer, il y a aussi ce que nous pouvons faire plus, plus vite et mieux, nous en France, par nous-mêmes et pour nous-mêmes. Ce que j'ai engagé avec les dirigeants agricoles pour l'évolution de la PAC explique en cohérence notre attitude dans le Grenelle de l'environnement dès les premiers jours. Je parle sous le contrôle de Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET.
Mesdames et messieurs, dans ce rendez-vous dont je savais en tout cas pour la première étape qu'il ne pouvait pas ne pas être réussi - c'était la volonté du chef de l'Etat, celle de Jean-Louis BORLOO, de Nathalie qui était là, vigilante et active, on ne pouvait pas ne pas réussir. La question était de savoir si on réussissait sans les agriculteurs ou contre eux, ou alors si on réussissait ce rendez-vous avec l'agriculture. Voilà pourquoi nous avons été interpellés, vous nous avez interpellés et je trouve cela assez légitime et normal, parce que nous avons partie liée et voilà pourquoi nous avons répondu présent dès le premier jour dans tous les groupes de travail. Nous avons été en proposition, en initiative, et avons voulu avancer.
Je voudrais, de manière télégraphique (parce que les effets d'annonce, c'est une chose, quand on est ministre, le plus important pour moi est l'effort de suivi) vous rappeler les cinq grands chantiers écologiquement responsables dans lesquels l'agriculture française s'engage dans le cadre du Grenelle, et sur lesquels nous avons travaillé depuis trois mois, depuis la fin du Grenelle, officiellement, nous avons continué à travailler activement. Beaucoup d'entre vous d'ailleurs ont été associés à ce travail.
D'abord sur la forêt, monsieur le Président. Je cite ce premier chantier, puisqu'il vous doit beaucoup, à vous personnellement, avec un protocole d'accord qui était assez improbable entre votre fédération et l'amont de la filière, pour exploiter plus et mieux la forêt française. Je le rappelle, celle-ci s'accroît tous les huit ans de la surface d'un département français.
Deuxième chantier, le bio, sur lequel j'avais proposé qu'on double - Nathalie a poussé pour qu'on triple, chacun est dans son rôle : nous allons donc tripler la surface bio en France, mais ce n'est pas seulement le fait de le dire : c'est de l'argent dans la filière, dans la recherche, dans l'organisation interprofessionnelle.
Troisième chantier : La performance énergétique des exploitations agricoles. Je veux que, dans les cinq ou dix ans qui viennent, chacune des exploitations agricoles françaises face l'objet d'un diagnostic énergétique pour voir comment elle peut consommer moins d'eau, moins de fuel, moins d'électricité et comment elle peut produire et le cas échéant vendre de la biomasse, de l'énergie photovoltaïque, solaire, éolienne. Nous allons faire ce travail de performance énergétique.
Quatrième travail, un travail auquel vous avez, vous FNE, beaucoup participé, avec des propositions extrêmement opérationnelles et simples, la certification. Ce n'est pas un sujet facile. Les agriculteurs - qui sont l'objet de beaucoup de contraintes, de conditionnalités - doivent être mis en confiance ; il ne faut pas que ce soit « une usine à gaz ». Vos propositions sont claires et intelligentes et nous allons les retrouver dans cet effort pour la haute ou très haute certification environnementale, progressivement de toutes les exploitations agricoles françaises. J'avais aussi proposé un plan pour la biodiversité sur les territoires ruraux et en mer, qui a rejoint les travaux sur la trame verte.
Enfin, au carrefour de ce « produire plus et produire mieux », il y a un plan extrêmement difficile que j'ai proposé, sans qu'on nous le demande, et qui consiste en la réduction de moitié dans les dix ans qui viennent de l'usage des produits phytosanitaires dans notre pays, dans l'ensemble de l'agriculture française.
Tout à l'heure, un journaliste me demandait ce que nous avions fait du Grenelle. Sur tous ces chantiers que je viens d'indiquer, nous avons eu pratiquement chaque semaine, des groupes de travail, des experts, des rencontres avec des scientifiques. Ce que je viens de dire pour les produits phytosanitaires ne se fera pas par un décret ou par une loi, mais par une volonté imprimée dans tous les départements, la mobilisation des fédérations, du syndicalisme agricole, des chambres d'agriculture, la recherche, parce que nous ne sommes pas encore au point d'avoir trouvé des solutions alternatives à tous ces produits phytosanitaires. J'ai du respect pour ce que vous êtes, même si nous ne sommes pas toujours d'accord : vous avez le droit de demander au ministre d'être sérieux, d'attacher plus d'importance aux effets de suivi qu'aux effets d'annonce. Alors il y a quatre clés que je veux citer, en conclusion de ce propos, et en vous remerciant beaucoup de m'avoir invité aujourd'hui. Quatre clés qui sont importantes pour moi et pour notre cause commune, s'agissant d'agriculture durable :
- l'éducation et l'enseignement. Je suis le ministre d'un grand secteur d'enseignements (847 établissements scolaires, sans parler d'une bonne vingtaine d'établissements supérieurs de très haut niveau). Nous allons réorienter les programmes de l'ensemble de ces enseignements et de ces établissements, vers ce que je viens de vous dire : les nouvelles pratiques, le moindre usage des phytosanitaires, l'économie et la responsabilité dans la gestion de l'eau, des nouvelles pratiques. Par exemple, les itinéraires techniques bio vont être enseignés de manière obligatoire dans tous ces établissements scolaires. C'est la première condition parce que, comme dans ces établissements, il y a tous les futurs entrepreneurs agricoles, ceux qui vont s'installer (16 000 installations par an), il est important qu'ils soient formés et mobilisés dès leur éducation ;
- la recherche : pour réussir le plan éco-phyto, pour réussir le plan énergie sur les bâtiments d'élevage et les exploitations, y compris pour la filière bio, nous avons besoin d'augmenter les efforts de recherche, y compris sur les biotechnologies. Cela ne se résume pas à la transgénèse, même si elle est dedans. Nous avons besoin d'accroitre notre connaissance du vivant et ses propriétés. Voilà pourquoi l'augmentation des programmes en matière de recherche sont fondamentaux. Nous ne réussirons pas, en tout cas dans le domaine qui est le mien, la quasi-totalité des chantiers que je viens d'évoquer, sans un effort considérable de recherche, notamment en matière agronomique ;
- la troisième clé peut vous paraître évidente, c'est que le ministère de l'Agriculture soit en mouvement. Dans ce mouvement-là, (et il faut que le ministre, celui d'aujourd'hui, et celui de demain, comprenne cela), il faut qu'il y ait cette maturité réciproque évoquée tout à l'heure, que le ministre anticipe, qu'il impulse et qu'il accompagne. C'est la raison pour laquelle j'ai mis ce ministère en mouvement, de bas en haut, en le réformant, pas d'abord, et pas seulement pour des questions budgétaires, pour le mettre en mouvement, et qu'il devienne le ministère d'une agriculture et d'une pêche durable ;
- la dernière clé est celle du débat public et de ce dialogue auquel vous m'avez invité aujourd'hui. J'aime bien les mots de « débat public ». Certains se souviennent que c'est moi qui les ai mis dans la loi en créant la commission nationale du débat public, comme j'ai mis pour la première fois dans la loi française le principe de précaution, en février 1995. Nous avons besoin de cette maturité dans notre démocratie. Même si nous ne sommes pas toujours d'accord, nous avons besoin d'un syndicalisme, d'associations, d'organisations professionnelles, d'élus qui se parlent. Je pense que ce que je viens de dire est vrai au niveau européen, au niveau national, nous l'avons démontré avec un certain succès dans le Grenelle. C'est encore plus vrai quand on parle de territoires puisque tous - syndicats, associations, élus, entreprises - nous sommes sur le même espace géographique pour travailler ensemble en agissant localement, dans le cadre d'une pensée globale, européenne, mondiale ou nationale.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité ; j'ai été très heureux de vous retrouver.
Merci à tous.
Source http://www.fne.asso.fr, le 23 septembre 2008
Bonjour à chacune et chacun d'entre vous dans la diversité des régions, des départements métropolitains et d'Outre-mer que vous représentez, de vos associations.
Je suis heureux d'être avec Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET au début de ces travaux, à vos côtés, monsieur le Sénateur-maire, Madame la sénatrice KELLER et d'autres élus représentant les régions, les départements. Je suis content aussi que le Président BASTIAN qui représente les chambres d'agriculture et la FNSEA soit ici - c'est aussi symbolique de cette maturité réciproque dont parlait Nathalie tout à l'heure.
Heureux de me retrouver d'abord en Alsace. Puisqu'il est question des territoires, je n'oublie pas que c'est ici, Mesdames et Messieurs, que je suis venu dans les années 80 (j'étais tout jeune Président d'un Conseil général d'un territoire montagnard en Savoie) pour chercher des exemples et des inspirations pour bâtir ce qui a été dans mon département, dans les années 86, l'une des toutes premières politiques globales départementales auxquelles vos associations ont participé en nous interpellant, en nous aiguillonnant dans toutes ces dimensions, et pas seulement celle de la protection de la nature.
Je me souviens de ce que nous avons fait de manière assez exemplaire à cette époque sur les énergies renouvelables et le solaire en particulier.
En Alsace, cet état d'esprit un peu pionnier continue, puisque je veux dire ici combien je trouve exemplaire ce qui a été fait - je le dis devant le Président DECK, avec Alsace Nature, le Conseil général, l'Etat et la Chambre d'agriculture sur un sujet difficile et sensible.
Je suis heureux d'être là un moment ce matin, et heureux de retrouver FNE à l'occasion de votre quarantième anniversaire. Je sais que c'est l'habitude que vous receviez le ministre en charge de l'Environnement. Je ne crois pas, Monsieur le Président que ce soit très habituel que le ministre de l'Agriculture soit parmi vous. C'est même la première fois qu'il participe à cette maturité réciproque qui est une bonne nouvelle dans notre démocratie.
En tout cas, je me souviens de ma toute première sortie comme ministre de l'Environnement en 1993, c'était pour le congrès de FNE. A l'époque - je le dis sans nostalgie - j'avais exprimé devant vous quelques convictions, notamment celle que l'affrontement un peu traditionnel, un peu schématique, parfois réel, entre l'agriculture et la protection de l'environnement, n'avait pas vraiment de sens, et qu'il fallait au contraire, comme nous le faisons progressivement, même si ce n'est pas facile, créer des liens, des passerelles, des dialogues. Ma conviction à cette époque, je l'avais dit devant FNE, cette agriculture et protecteurs de l'environnement ont partie lié, en particulier si l'on parle de la construction de la préservation de territoires robustes et désirables.
Quinze ans après, nous nous retrouvons. Vous êtes toujours là. J'ai une fonction nouvelle à laquelle je ne m'attendais d'ailleurs pas il y a quelques mois, celle d'être le ministre de l'Agriculture, des Agricultures, des agriculteurs et des pêcheurs. Ma conviction reste la même qu'il y a quinze ans sur ce point précis. Ce que j'avais dit devant FNE, il y a quinze ans, de l'utilité de votre dialogue avec les agriculteurs, je le dis aujourd'hui aux agriculteurs - Monsieur BASTIAN peut en témoigner - à propos de la nécessité de leur dialogue avec vous. Pour faire quoi ? Pour bâtir une nouvelle agriculture française, plus durable, simplement durable, plus équilibrée dans ses soutiens, plus économe des ressources naturelles dont elle a besoin, moins dépendante des intrants et plus autonome sur le plan énergétique. Cette conviction reste la même pour dire que les agriculteurs ont intérêt à cette nouvelle approche. Ils sont les plus vulnérables dans notre société, au réchauffement climatique. Ce sont les plus vulnérables et les plus mal protégés aussi, contre tous les aléas climatiques, sanitaires et économiques. C'est un des points que je veux traiter dans la réforme de la PAC. Pour les agriculteurs, cette nouvelle approche est une condition de leur performance économique.
Mesdames et messieurs, j'ai, à la place où je me trouve, avec l'ensemble de mes partenaires, un double défi qui découle de la conviction que je viens d'exprimer : là où il y a - et c'est le cas dans beaucoup de régions de France - encore une agriculture intensive et productiviste, elle doit devenir écologiquement responsable et rester productive. Ailleurs, dans toutes les autres régions que vous connaissez bien, où il n'y a pas cette intensité ancienne, des zones fragiles, là où l'herbe par exemple est le support d'une agriculture extensive, là où il y a d'autres formes de production - les fruits et légumes, etc. - ne vous trompez pas : le défi n'est rien de moins que de maintenir, dans les vingt ans qui viennent, l'activité agricole. Nous savons bien que, là où le paysage se ferme, c'est la biodiversité qui recule.
Si je vous dis qu'il ne faut pas se tromper, c'est que nous sommes dans un très grand débat qui vous concerne, comme protecteurs de l'environnement, comme citoyens, comme contribuables aussi ; c'est le débat sur l'avenir de la politique agricole commune. Je voudrais le situer au niveau où il doit l'être. Vous avez bien voulu dire mon engagement européen, ce qui ne m'empêche pas d'ailleurs d'être passionnément patriote, mais définitivement européen en même temps : la PAC est en discussion dans le cadre du bilan de santé. Elle sera l'objet d'ailleurs d'une nouvelle grande réforme, comme c'est le cas tous les sept ans, en 2013, et nous voulons nous y préparer.
Cette année, en ce moment, nous avons une évaluation de la PAC à mi-parcours et une adaptation de la PAC. C'est ce qu'on appelle le bilan de santé. Nous sommes en train de discuter de la boîte à outils que la commission a ré-ouverte et je voudrais que ces outils soient les plus souples et les plus flexibles, pour être utilisés dans quelques directions que je vais vous indiquer très franchement.
Au moment où cette PAC est en discussion, au moment où se prépare la grande réforme 2013, il y a en Europe, à Bruxelles, dans beaucoup de capitales des idées extrêmement claires pour détruire cette politique agricole commune, en tout cas pour la détricoter. Derrière cette idée, il y a une certaine vision de l'Union européenne dont il faut bien prendre conscience. Cette vision que prêchent ou plaident les plus libéraux - qui ne sont pas tous des personnes de droite d'ailleurs ; quand j'étais commissaire, j'avais autour de la table des socialistes - excusez-moi monsieur le Député-maire - beaucoup plus libéraux que moi. Je ne dis pas que c'est votre cas, je ne cite personne.
Il y a chez beaucoup de libéraux - pas seulement à Londres dont on parle beaucoup en ce moment - l'idée que l'Europe doit être une grande zone de libre échange, une sorte de grand supermarché, avec quelques charity-founds pour les plus pauvres et c'est le marché qui fait la loi. De la compétition fiscale et sociale et le maximum de portes ouvertes sur l'extérieur. Cette vision existe et est très forte. Je l'ai rencontrée, je m'y suis confronté au moment où j'étais en charge - nous parlons de territoire ici à Strasbourg - de la politique régionale européenne, deuxième budget de l'Union, qui va d'ailleurs devenir le premier budget dans quelques années.
Dans deux ou trois ans, 309 milliards d'euros dans le budget de l'Union européenne : plus que pour la PAC. 309 milliards pour aider le développement régional. J'ai eu les mêmes en face de moi, comme commissaires qui disaient « Il y en a assez de cet argent, faisons un fonds de charité pour les plus pauvres, on n'a plus besoin de politique d'aménagement des territoires et de soutien régional ». Comment avons-nous sauvé cette politique régionale ? En ouvrant un débat assez tôt, qui a diffusé, qui est descendu, qui est remonté, et en qualifiant cette politique régionale, y compris et surtout sur des sujets, Monsieur le Président, qui intéressent FNE puisque la politique régionale dont je parle à l'instant, a été sauvée en devenant plus conforme à l'agenda de Lisbonne : en gros, nous avons fait moins de béton, moins de routes, moins de salles polyvalentes, un peu plus d'Internet et beaucoup plus d'environnement. C'est ce qui a permis de sauver la politique régionale européenne. J'ai été heureux de cette évolution.
Le débat est un peu le même sur la PAC : les mêmes idéologies ultra-libérales, qui veulent déréguler, détricoter, supprimer les outils de protection et de stabilisation et réduire le budget. Qu'y a-t-il derrière cette vision ? Souvent il est dit : « la PAC coûte cher ». C'est vrai : 100 euros par Européen et par an. Je vous invite à vous poser une question à propos du prix de cette politique agricole : quel serait le prix de l'absence de PAC, comme le veulent certains, assez puissants et assez nombreux ? Je vous dis le fond de ma conviction et aussi pourquoi je suis européen : bien sûr, cette politique comme d'autres sont symboliques d'une certaine vision de l'Europe qui ne se résume pas à une zone de libre échange qui veut être une communauté solidaire et qui voudrait être, et qui devrait être aussi une puissance politique avec une politique de développement, une politique de défense et une politique étrangère crédible. Si on se laissait aller, au nom de cette vision autre de l'Europe, à détricoter cette première politique économique intégrée qu'est la politique agricole, alors n'en doutez pas, ce qui arrivera sur l'ensemble du continent, c'est ce qui est en train d'arriver aux Etats-Unis et au Brésil, c'est-à-dire d'immenses industries agricoles, d'immenses fermes concentrées dans quelques régions et la désertification partout ailleurs ; et en même temps, parce que les agriculteurs produisent pour nourrir essentiellement et prioritairement, une alimentation, comme dans d'autres continents, qui perdra sa diversité, sa qualité, sa traçabilité et qui ne sera plus ancrée sur l'ensemble du territoire.
Voilà, Mesdames et Messieurs, en conscience - je vous le dis gravement - ce qui est derrière ce débat.
Pour autant, je ne suis pas, je ne serai pas le ministre du statu quo, je vous le dis très clairement et je l'ai dit aux dirigeants agricoles en arrivant. Je ne serai pas le ministre de l'Agriculture du statu quo de la PAC. Pour autant, je veux qu'on préserve une grande politique économique européenne et qu'on la change, je veux qu'on la fasse évoluer, vers quoi ? Cela vous intéresse aussi : dans le premier pilier de cette PAC qui est économique et représente 9 milliards d'euros par an pour soutenir l'activité agricole sur l'ensemble des territoires français, de métropole et d'Outre-mer, je veux que cette PAC soit plus préventive. Nous allons prendre une partie de cet argent dès 2009 pour créer des outils de gestion de crise, contre les aléas climatiques et sanitaires. Je ne veux plus que les exploitants agricoles pour les entrepreneurs agricoles soient laissés seuls, sans protection comme ils le sont quasiment devant tant d'aléas climatiques ou sanitaires.
Au-delà de ce premier signal que nous allons faire pour une PAC durable, c'est-à-dire une PAC qui se protège, une agriculture protégée, je veux que la PAC soit plus équitable. Nous allons également diminuer certaines aides, sur des cultures qui sont mieux rémunérées par les prix aujourd'hui et redistribuer ces aides dans des directions extrêmement précises qui sont toutes, ou à peu près toutes, dans le sens de l'agriculture extensive et de l'agriculture durable. Je pense en particulier à la production ovine qui était mal traitée depuis des années, à l'agriculture bio qui n'a pas été soutenue équitablement, à l'herbe et également - je veux le faire - un plan protéagineux que nous allons lancer. Vous le voyez bien, les trois signaux que je viens de vous annoncer en quelques phrases : plus de protection et de prévention contre les risques - c'est la moindre des choses - une répartition plus équitable des aides avec un premier vrai signal dès 2009 et un soutien beaucoup plus marqué vers plusieurs filières ou des territoires qui n'ont pas été traités équitablement et qui le méritent.
A côté du premier pilier, il y a le deuxième pilier de la PAC que vous connaissez bien, plus modeste (1 milliard d'euros doublé par un autre milliard de l'Etat). Ce pilier est déjà dédié au territoire. Je veux qu'il encourage plus clairement toutes les politiques de diversification et soutiennent plus clairement aussi les pratiques les plus exemplaires. Nous avons engagé le dialogue avec FNE et avec d'autres associations sur les orientations politiques de cette nouvelle agriculture européenne. Je continuerai ce dialogue, monsieur le Président, j'en prends l'engagement, sur la mise en oeuvre de ces politiques et en particulier s'agissant du deuxième pilier agro-environnemental et de développement rural.
A l'intérieur de ce cadre européen que je viens de décrire un peu télégraphiquement, vous voyez bien qu'il y a des inflexions importantes que je suis heureux de vous confirmer, il y a aussi ce que nous pouvons faire plus, plus vite et mieux, nous en France, par nous-mêmes et pour nous-mêmes. Ce que j'ai engagé avec les dirigeants agricoles pour l'évolution de la PAC explique en cohérence notre attitude dans le Grenelle de l'environnement dès les premiers jours. Je parle sous le contrôle de Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET.
Mesdames et messieurs, dans ce rendez-vous dont je savais en tout cas pour la première étape qu'il ne pouvait pas ne pas être réussi - c'était la volonté du chef de l'Etat, celle de Jean-Louis BORLOO, de Nathalie qui était là, vigilante et active, on ne pouvait pas ne pas réussir. La question était de savoir si on réussissait sans les agriculteurs ou contre eux, ou alors si on réussissait ce rendez-vous avec l'agriculture. Voilà pourquoi nous avons été interpellés, vous nous avez interpellés et je trouve cela assez légitime et normal, parce que nous avons partie liée et voilà pourquoi nous avons répondu présent dès le premier jour dans tous les groupes de travail. Nous avons été en proposition, en initiative, et avons voulu avancer.
Je voudrais, de manière télégraphique (parce que les effets d'annonce, c'est une chose, quand on est ministre, le plus important pour moi est l'effort de suivi) vous rappeler les cinq grands chantiers écologiquement responsables dans lesquels l'agriculture française s'engage dans le cadre du Grenelle, et sur lesquels nous avons travaillé depuis trois mois, depuis la fin du Grenelle, officiellement, nous avons continué à travailler activement. Beaucoup d'entre vous d'ailleurs ont été associés à ce travail.
D'abord sur la forêt, monsieur le Président. Je cite ce premier chantier, puisqu'il vous doit beaucoup, à vous personnellement, avec un protocole d'accord qui était assez improbable entre votre fédération et l'amont de la filière, pour exploiter plus et mieux la forêt française. Je le rappelle, celle-ci s'accroît tous les huit ans de la surface d'un département français.
Deuxième chantier, le bio, sur lequel j'avais proposé qu'on double - Nathalie a poussé pour qu'on triple, chacun est dans son rôle : nous allons donc tripler la surface bio en France, mais ce n'est pas seulement le fait de le dire : c'est de l'argent dans la filière, dans la recherche, dans l'organisation interprofessionnelle.
Troisième chantier : La performance énergétique des exploitations agricoles. Je veux que, dans les cinq ou dix ans qui viennent, chacune des exploitations agricoles françaises face l'objet d'un diagnostic énergétique pour voir comment elle peut consommer moins d'eau, moins de fuel, moins d'électricité et comment elle peut produire et le cas échéant vendre de la biomasse, de l'énergie photovoltaïque, solaire, éolienne. Nous allons faire ce travail de performance énergétique.
Quatrième travail, un travail auquel vous avez, vous FNE, beaucoup participé, avec des propositions extrêmement opérationnelles et simples, la certification. Ce n'est pas un sujet facile. Les agriculteurs - qui sont l'objet de beaucoup de contraintes, de conditionnalités - doivent être mis en confiance ; il ne faut pas que ce soit « une usine à gaz ». Vos propositions sont claires et intelligentes et nous allons les retrouver dans cet effort pour la haute ou très haute certification environnementale, progressivement de toutes les exploitations agricoles françaises. J'avais aussi proposé un plan pour la biodiversité sur les territoires ruraux et en mer, qui a rejoint les travaux sur la trame verte.
Enfin, au carrefour de ce « produire plus et produire mieux », il y a un plan extrêmement difficile que j'ai proposé, sans qu'on nous le demande, et qui consiste en la réduction de moitié dans les dix ans qui viennent de l'usage des produits phytosanitaires dans notre pays, dans l'ensemble de l'agriculture française.
Tout à l'heure, un journaliste me demandait ce que nous avions fait du Grenelle. Sur tous ces chantiers que je viens d'indiquer, nous avons eu pratiquement chaque semaine, des groupes de travail, des experts, des rencontres avec des scientifiques. Ce que je viens de dire pour les produits phytosanitaires ne se fera pas par un décret ou par une loi, mais par une volonté imprimée dans tous les départements, la mobilisation des fédérations, du syndicalisme agricole, des chambres d'agriculture, la recherche, parce que nous ne sommes pas encore au point d'avoir trouvé des solutions alternatives à tous ces produits phytosanitaires. J'ai du respect pour ce que vous êtes, même si nous ne sommes pas toujours d'accord : vous avez le droit de demander au ministre d'être sérieux, d'attacher plus d'importance aux effets de suivi qu'aux effets d'annonce. Alors il y a quatre clés que je veux citer, en conclusion de ce propos, et en vous remerciant beaucoup de m'avoir invité aujourd'hui. Quatre clés qui sont importantes pour moi et pour notre cause commune, s'agissant d'agriculture durable :
- l'éducation et l'enseignement. Je suis le ministre d'un grand secteur d'enseignements (847 établissements scolaires, sans parler d'une bonne vingtaine d'établissements supérieurs de très haut niveau). Nous allons réorienter les programmes de l'ensemble de ces enseignements et de ces établissements, vers ce que je viens de vous dire : les nouvelles pratiques, le moindre usage des phytosanitaires, l'économie et la responsabilité dans la gestion de l'eau, des nouvelles pratiques. Par exemple, les itinéraires techniques bio vont être enseignés de manière obligatoire dans tous ces établissements scolaires. C'est la première condition parce que, comme dans ces établissements, il y a tous les futurs entrepreneurs agricoles, ceux qui vont s'installer (16 000 installations par an), il est important qu'ils soient formés et mobilisés dès leur éducation ;
- la recherche : pour réussir le plan éco-phyto, pour réussir le plan énergie sur les bâtiments d'élevage et les exploitations, y compris pour la filière bio, nous avons besoin d'augmenter les efforts de recherche, y compris sur les biotechnologies. Cela ne se résume pas à la transgénèse, même si elle est dedans. Nous avons besoin d'accroitre notre connaissance du vivant et ses propriétés. Voilà pourquoi l'augmentation des programmes en matière de recherche sont fondamentaux. Nous ne réussirons pas, en tout cas dans le domaine qui est le mien, la quasi-totalité des chantiers que je viens d'évoquer, sans un effort considérable de recherche, notamment en matière agronomique ;
- la troisième clé peut vous paraître évidente, c'est que le ministère de l'Agriculture soit en mouvement. Dans ce mouvement-là, (et il faut que le ministre, celui d'aujourd'hui, et celui de demain, comprenne cela), il faut qu'il y ait cette maturité réciproque évoquée tout à l'heure, que le ministre anticipe, qu'il impulse et qu'il accompagne. C'est la raison pour laquelle j'ai mis ce ministère en mouvement, de bas en haut, en le réformant, pas d'abord, et pas seulement pour des questions budgétaires, pour le mettre en mouvement, et qu'il devienne le ministère d'une agriculture et d'une pêche durable ;
- la dernière clé est celle du débat public et de ce dialogue auquel vous m'avez invité aujourd'hui. J'aime bien les mots de « débat public ». Certains se souviennent que c'est moi qui les ai mis dans la loi en créant la commission nationale du débat public, comme j'ai mis pour la première fois dans la loi française le principe de précaution, en février 1995. Nous avons besoin de cette maturité dans notre démocratie. Même si nous ne sommes pas toujours d'accord, nous avons besoin d'un syndicalisme, d'associations, d'organisations professionnelles, d'élus qui se parlent. Je pense que ce que je viens de dire est vrai au niveau européen, au niveau national, nous l'avons démontré avec un certain succès dans le Grenelle. C'est encore plus vrai quand on parle de territoires puisque tous - syndicats, associations, élus, entreprises - nous sommes sur le même espace géographique pour travailler ensemble en agissant localement, dans le cadre d'une pensée globale, européenne, mondiale ou nationale.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité ; j'ai été très heureux de vous retrouver.
Merci à tous.
Source http://www.fne.asso.fr, le 23 septembre 2008