Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur le plan européen de sauvetage du système financier face à la crise financière internationale, l'absence de récession assurée en France en 2008, l'intervention de l'Etat et les collectivités locales, Montauban (Tarn-et-Garonne) le 14 novembre 2008.

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Circonstance : Déplacement à la mairie de Montauban (Tarn-et-Garonne) le 14 novembre 2008

Texte intégral

Merci ma chère Brigitte. Mesdames et Messieurs,
Je suis venu d'abord pour rendre hommage au travail que fait Brigitte Bareges avec l'ensemble des élus de la ville et de la communauté et je suis heureux, chacun, de vous saluer et de vous remercier pour votre engagement et pour l'effort que vous faites pour le développement de cette ville et de cette région. Et puis je suis venu dans le cadre de visites régulières que je fais maintenant toutes les semaines pour aller sur le terrain vérifier que les mesures que nous avons prises avec le président de la République, avec le Gouvernement, pour faire face à la crise financière et à la crise économique qui s'est abattue sur l'ensemble du monde et en particulier sur les pays européens, que ces mesures sont bien suivies d'effets, qu'elles sont les bonnes.
Le cas échéant je suis venu entendre ceux qui feraient des propositions pour qu'on les adapte, pour qu'on les modifie, pour que l'on soit plus réactif, pour que l'on mette en place en écoutant ceux qui sont les acteurs du développement, ceux qui souffrent, ceux qui sont aux prises quotidiennes avec la crise, les mesures les plus efficaces pour que notre pays retrouve le plus vite possible la croissance à laquelle il a droit et à laquelle ses atouts, sa richesse, son dynamisme, son passé, sa culture lui donnent droit.
Vous savez que nous sommes frappés par une crise qui est une crise très sévère, une crise financière ; une crise financière qui trouve ses origines dans l'excès de crédit, je le dis d'ailleurs parce qu'aujourd'hui où on est en face d'un problème de pénurie de crédit, certains voudraient qu'on fasse aussi de l'excès de crédit, il faut trouver l'équilibre entre la manière dont les établissements bancaires ont prêté trop facilement emmenant d'ailleurs des individus, des ménages ou des entreprises vers des difficultés extrêmes parce qu'on leur avait prêté alors qu'ils n'étaient pas en mesure de rembourser. C'est vrai que c'est surtout aux Etats-Unis que ces comportements ont eu lieu mais nos établissements bancaires en Europe n'en ont pas été complètement exempts.
Cette crise financière aurait sans doute pu être maîtrisée par les décisions qui ont été prises par les Etats s'il n'y avait pas eu au début de cet automne une série de maladresses commises aux Etats-Unis qui ont conduit à la plus grave crise financière que le monde ait connu depuis 1929.
La première de ces maladresses c'est d'avoir laisser une banque déposer son bilan ; il ne faut pas jeter la pierre au gouvernement américain parce que peut-être que dans la même situation, nous aurions fait la même chose. Le gouvernement américain a considéré que les banquiers de Lehmann Brothers avaient fait des bêtises et qu'il était normal au fond qu'ils paient et que leur banque fasse faillite. En plus, ils l'ont laissée faire faillite parce qu'ils pensaient que comme ce n'était pas une banque de dépôt, que les épargnants, les citoyens n'étaient pas directement concernés. Ils ne savaient pas... ils ne se rendaient pas compte qu'en laissant une banque déposer son bilan, tout d'un coup, l'ensemble du système financier mondial allait se bloquer parce que la confiance avait disparu, parce que chacun se disait : si une grande banque peut déposer son bilan, alors la mienne aussi peut déposer son bilan et le système s'est bloqué et il s'est bloqué d'une façon spectaculaire, en quelques heures, dans le monde entier, aussi bien en Europe, aussi bien aux Etats-Unis, aussi bien en Asie. Il s'est bloqué d'une façon étonnante, les banques ne se prêtaient plus entre elles, plus aucun échange entre les banques pendant plusieurs semaines. Evidemment ceci a conduit à une paralysie de l'économie, à des retards dans les investissements, à des retards dans les prises de décisions qui ont aujourd'hui des conséquences sur l'économie de l'ensemble de nos pays développés. Nous, nous avons face à cette situation avec le président de la République, décidé très vite de réagir de façon massive et coordonnée, on a essayé au fond d'éviter les erreurs qui avaient été commises aux Etats-Unis. On a d'abord, vous le savez, sauvé une banque franco-belge, la banque Dexia, qui était pour une part la banque des collectivités locales justement pour sécuriser le système et montrer à nos concitoyens que nous ne laisserions pas une banque faire faillite parce que c'était la seule façon de faire revenir la confiance. Ensuite parce que nous nous sommes rendus compte que cette réponse isolée ne pouvait pas suffire à stopper le risque de contagion sur l'ensemble du système financier européen, nous avons, avec le Président de la République réuni les Européens pour prendre des décisions collectives et l'aboutissement de ce travail, ça a été le plan de sauvetage du système financier qui a été décidé en même temps à Paris, à Berlin, à Rome, quelques heures plus tôt en Grande-Bretagne et dans beaucoup de pays européens. Ce plan, il est simple, il est à trois niveaux. Premier niveau : si une banque est en difficulté, on entre dans son capital, on en prend le contrôle, le cas échéant, on change ses dirigeants, on fixe la ligne, on la redresse et lorsqu'elle sera redressée, on la remet dans le secteur privé. Deuxième niveau, les banques qui ne sont pas en difficulté mais qui du fait de la crise, ont du mal à trouver des liquidités pour prêter, on les aide en améliorant leurs fonds propres, en leur faisant des prêts de long terme pour leur permettre d'emprunter sur les marchés dans des conditions meilleures de sécurité. Et enfin troisième niveau, nous garantissons jusqu'à 320 milliards d'euros de prêts pour réinjecter des liquidités dans le système bancaire afin que le sang recommence à circuler dans un système qui en était complètement privé. Nous avons mis en place un dispositif extrêmement précis pour vérifier que les efforts que nous faisons conduisent bien les banques à aider l'économie et les ménages, notamment sous l'autorité du préfet qui réunit autant que besoin est, et le plus souvent possible les acteurs de l'économie départementale pour, le cas échéant, faire remonter au Gouvernement et faire remonter aux médiateurs du crédit les cas qui seraient anormaux de non financement de l'économie ou de non financement des particuliers.
Après cette action qui au fond visait à éteindre un incendie qui était en train d'embraser tout le système financier, nous travaillons maintenant d'arrache-pied à relancer l'activité économique pour éviter que notre pays et que l'ensemble de l'Union européenne ne soient confrontés à une baisse de croissance de longue durée. Nous avons dans cet esprit, orienté 22 milliards de collectes des livrets réglementés vers les petites et moyennes entreprises, en particulier sous l'autorité d'OSEO, l'agence qui est chargée de suivre en particulier les PME et je suis heureux de saluer son responsable national qui est présent aujourd'hui à Montauban et avec lequel on va débattre tout à l'heure avec les responsables des entreprises, nous avons mis en place des mesures pour faciliter la trésorerie des entreprises ; nous avons mis en place des mesures pour venir en aide aux salariés qui seraient momentanément en situation de difficulté du fait du ralentissement économique. Nous avons demandé à l'Union européenne de lancer un plan de relance coordonné, de l'ensemble des économies européennes et le président de la Commission va présenter ce plan dans quelques jours pour que le conseil puisse en débattre au mois de décembre.
Enfin le président de la République s'envolera ce soir ou cet après-midi pour Washington pour, avec les grands pays développés représentant l'ensemble des continents, débattre des mesures qui sont nécessaires un, pour éviter que cette crise ne se reproduise ; et aussi pour coordonner les relances économiques dans l'ensemble des zones développées. Vous le voyez, le Gouvernement, le président de la République, nous avons essayé d'être réactifs, nous avons essayé d'être collectifs pour prendre les décisions qu'appelait une réalité extrêmement difficile qui s'imposait à nous.
Alors voilà, c'est de cela que je suis venu débattre aujourd'hui avec les responsables économiques à Montauban, avec tous ceux que je vais rencontrer au long de cette journée ; je pense que plus la situation est difficile, plus le Gouvernement doit être à l'écoute, plus le gouvernement doit prendre le temps d'entendre ceux qui ont des choses à lui dire, pas seulement pour leur expliquer ce qu'on fait mais aussi pour le cas échéant corriger les mesures que nous avons prises, pour les adapter à la réalité. Les collectivités locales ont un rôle à jouer ; elles ont un rôle à jouer en ne réduisant pas leurs investissements et c'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que la Caisse des Dépôts mette en place immédiatement une enveloppe de cinq milliards d'euros pour permettre aux collectivités locales qui auraient eu des difficultés à trouver des financements, de continuer.
Les collectivités locales ont aussi l'obligation comme l'ensemble de la communauté nationale, de chercher les meilleures façons de réduire les dépenses publiques. Et ce n'est pas contradictoire de continuer à investir et en même temps de réduire la dépense publique parce que nous sommes dans un pays qui est trop endetté. Cet endettement pèse sur notre croissance, il pèse sur notre avenir ; c'est une maladie infectieuse, l'endettement de longue durée, qui à terme peut gravement atteindre nos mécanismes économiques et donc lorsque je demande d'un côté aux collectivités locales d'investir, ça ne veut pas dire pour autant que je ne leur demande pas aussi de réfléchir comme le fait l'Etat à tous les moyens nécessaires pour rationaliser leur organisation, pour lutter contre ce qui n'est pas absolument nécessaire en terme de dépense ; pour rationaliser les échelons d'organisation territoriale comme nous sommes en train d'essayer de le faire avec la commission Balladur. Enfin je voudrais terminer en vous disant que nous avons appris aujourd'hui que contrairement à toutes les prévisions faites d'ailleurs très sentencieusement par tous les experts, notre pays au troisième trimestre 2008 n'était pas en récession. Certes la croissance est faible puisqu'elle est pour le troisième trimestre de 0,14 ; c'est faible et c'est le résultat de cette crise dans laquelle nous nous trouvons, mais ce n'est pas une récession. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire qu'en 2008 comme je l'ai toujours indiqué, la France ne connaîtra pas de récession, en 2008, on va voir pour 2009. Nous ne savons pas encore quelle sera l'ampleur de la crise internationale en 2009 et nous ne savons pas encore quelles seront ses conséquences sur l'économie française mais en tout cas en 2008, la France ne connaîtra pas de récession. Et pourquoi est-ce qu'elle ne connaîtra pas de récession alors que beaucoup d'autres pays en Europe vont connaître une récession dès la fin de 2008 ? Pourquoi ? Parce que nous avons pris les mesures qui s'imposaient, parce qu'en 2007, nous avons voté des mesures fiscales qui ont permis de réinjecter plusieurs milliards d'euros ans la consommation des Français. Toutes ces critiques que j'entends toute la journée venant de ces hommes et ces femmes de gauche qui sont extrêmement allants s'agissant de la critique mais assez peu s'agissant des propositions, eh bien ils ont là aujourd'hui le démenti cinglant des discours qu'ils tiennent. Les mesures que nous avons prises au mois de juillet, elles ont permis au troisième trimestre 2008 d'éviter à notre pays une diminution de sa croissance que beaucoup d'autres pays ont connue en Europe. Alors ça ne veut pas dire pour autant naturellement que nous n'ayons pas à continuer notre effort de réformes pour 2009. Nous avons le devoir d'être meilleurs en matière d'accompagnement des demandeurs d'emploi, c'est pour ça que nous avons fusionné l'ANPE et l'UNEDIC, parce que nous voulons que les demandeurs d'emploi soient accompagnés quasiment quotidiennement vers l'emploi. Nous avons le devoir d'être meilleur en matière de formation des demandeurs d'emploi ; au fond, quand on est en situation de chômage, il faut positiver cette situation en en profitant pour acquérir des connaissances nouvelles, pour être mieux armés pour l'avenir. Et à ce moment-là, les interruptions qui sont inévitables souvent dans une carrière professionnelle, peuvent prendre un tour bien plus positif que ce n'est le cas aujourd'hui ; mais pour cela, il faut une indemnisation à la hauteur et des moyens de formation professionnelle. De la même façon, il faut que nous continuions à investir massivement sur l'enseignement supérieur, sur la formation, sur l'innovation, sur la recherche parce que c'est là que sont les gisements de compétitivité de demain. C'est ce que le Gouvernement de la République française sous l'autorité du président de la République essaie de faire, avec votre soutien à tous, en étant à votre écoute et c'est pour ça que je suis venu aujourd'hui à Montauban.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 20 novembre 2008