Déclaration de Mme Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts, sur la réforme des institutions locales et sur la proposition des Verts pour une organisation institutionelle à trois niveaux : communes, communautés et régions, Paris le 14 janvier 2009.

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Circonstance : Audition des Verts par le Comité "Balladur" sur la réforme des institutions locales, à Paris le 14 janvier 2009

Texte intégral

Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames, Messieurs,
Introduction
Remerciements pour l'invitation.
Les Verts partagent le diagnostic formulé dans de nombreux rapports sur la nécessaire réforme de nos institutions locales.
Chacun s'accorde à le reconnaître, les structures territoriales de notre pays sont caractérisées par une superposition d'échelons aux compétences enchevêtrées.
Le système est devenu illisible pour les citoyens et le déficit démocratique est patent. Ce système est aussi de plus en plus coûteux et inefficace.
La multiplication des strates implique des coûts de coordination très élevés et les affaires publiques ne sont pas gérées à la bonne échelle.
Après avoir transformé les régions en collectivités locales en 1982, les gouvernements successifs ont encouragé le développement d'une nouvelle échelle de gestion des problèmes publics : l'échelle intercommunale.
Pour autant, par défaut de courage politique, les gouvernements successifs se sont révélés incapables de mener la réforme à son terme.
Le chantier de la réforme territoriale est largement inachevé, notamment en raison des blocages du Sénat.
Les Verts ne sont pas favorables au statu quo et considèrent que le temps est venu de refonder nos institutions locales. Nous souhaitons franchir une étape supplémentaire dans la décentralisation. Nous appelons de nos voeux un acte III de la décentralisation.
Des collectivités redessinées doivent constituer le support de la préparation de l'avenir.
Il faut refonder l'organisation institutionnelle sur de nouveaux espaces de projet reposant sur des bassins de vie, qui transcendent les frontières administratives et s'affranchissent des intérêts particuliers.
Dans ce cadre, notre philosophie repose sur 3 concepts, porteurs de 3 valeurs : subsidiarité (proximité), péréquation (solidarité), régionalisme (humanité).
L'horizon de ces trois valeurs est la démocratie et elles s'inscrivent dans une vision ascendante du pouvoir.
Nous préconisons de passer d'un système à 8 niveaux territoriaux possibles (communes, communauté de communes, communauté d'agglomération, communauté urbaine, cantons, pays, département, région), à un système très simple articulé autour de trois niveaux de collectivités locales qui correspondent à l'avenir : les communes, les communautés et les régions, avec un mode de scrutin identique.
Les départements, héritages d'une histoire séculaire, pourront subsister en tant que circonscriptions de l'action de l'Etat ou des régions elles-mêmes.
Mais les conseils généraux, selon nous, devraient être supprimés.
I. Développer l'intercommunalité
A. La généralisation de la couverture du territoire par des communautés d'ici 2012
L'intercommunalité de projet s'est développée grâce aux lois du 6 février 1992 et du 12 juillet 1999. Mais il faut parfaire et parachever ce processus encore insuffisant.
Les communautés doivent se créer sur la base de véritables projets de territoire. Elles doivent aboutir à une amélioration des services publics rendus à la population tout en permettant des économies d'échelle, le développement de l'expertise et la solidarité territoriale.
Trop de communautés ont été constituées de manière défensive. Les égoïsmes communaux, le refus du partage des richesses et des charges, les intérêts politiques bien compris des conseillers généraux ou de certains maires ont aboutit à la création de communautés d'opportunité, souvent synonymes de logiques ségrégatives.
Ainsi nous pensons qu'il est souhaitable de relancer et mener à terme d'ici 2012 le processus de recomposition des territoires afin de parvenir à mailler le territoire national d'entités cohérentes assises sur un territoire pertinent. Par des communautés que nous nommons : communautés territoriales.
Cette recomposition devra tenir compte des bassins de vie, des aires urbaines définies par l'INSEE s'agissant des agglomérations (une communauté par aire urbaine) et d'un impératif économique de rationalisation.
Le processus de fusion des intercommunalités existantes devra ainsi être relancé. Dans cette perspective, les syndicats intercommunaux seront progressivement supprimés et notamment tous ceux inclus dans le périmètre des communautés.
B. La transformation des communautés élargies en collectivités territoriales de plein droit
Nous proposons, une fois la couverture du territoire national réalisé les communautés de les transformer en collectivités territoriales de plein droit. Les communautés devront ainsi perdre leur statut d'établissement public et être doté de la clause générale de compétence.
Ces communautés territoriales prendront alors le nom d'agglomérations (en zones urbaines) ou de pays (en zones rurales ou péri-urbaines).
Cette transformation des communautés en collectivités répond d'abord à une nécessité démocratique.
Il s'agit de donner la légitimité démocratique aux élus communautaires, qui en sont aujourd'hui dépourvus, qui notamment lèvent l'impôt et gèrent des budgets d'un montant équivalent à ceux des régions.
Les électeurs actuellement votent à l'occasion d'élections communales sans que les candidats ne se prononcent sur les choix qu'ils feront à l'échelon des communautés alors que l'essentiel de leur avenir se prépare à l'échelon communautaire.
Dès lors, nous proposons l'élection au suffrage universel direct des conseils communautaires et cela dans le cadre d'une circonscription unique.
La constitution de listes uniques à l'échelle du territoire des communautés obligera les candidats à proposer aux citoyens de véritables programmes de développement du territoire communautaire, articulant une vision unifiée, cohérente et solidaire du territoire.
La transformation des communautés territoriales en collectivités territoriales constitue également une condition nécessaire au développement de l'équité et de la solidarité.
La fragmentation institutionnelle excessive et le maintien des logiques communalistes produit des effets ségrégatifs dans la politique d'équipement, de transports ou encore de logement, effets régulièrement constatés et décriés.
L'adoption d'une circonscription unique permettra ainsi de renforcer la péréquation, le partage des ressources, de mieux répartir les charges de centralité, de maîtriser l'étalement urbain, d'éviter la spécialisation fonctionnelle au sein du territoire communautaire, d'accroître la mixité sociale et de renforcer la cohérence de l'ensemble des politiques publiques. L'adoption d'une circonscription unique incitera ainsi les élus communautaires à repenser en profondeur la conduite des politiques d'équipement à l'échelle des espaces vécus et de mettre fin aux pratiques de saupoudrage budgétaire, et d'assurer l'équité territoriale.
C. Un nouveau partage des compétences et de nouveaux rapports entre communautés et communes
Les communautés territoriales (agglomérations et pays) se verront attribuer le bénéfice de la clause générale de compétence au détriment des communes.
Les communautés territoriales détiendront de plein droit la totalité des compétences actuellement exercées par les communes en matière d'urbanisme, de programmation de la politique du logement et de droit des sols, en matière de gestion des politiques de l'eau, de collecte et de traitement des déchets, et en matière de développement économique (dans le cadre de partenariats conclus à l'initiative des régions).
Les communautés territoriales se verront également attribuer les compétences, actuellement exercées par les communes ou par les conseils généraux, qui nécessitent un pilotage de proximité : C'est l'action sanitaire et sociale en premier lieu (CCAS, gestion des garderies, crèches, foyers de personnes âgées, gestion du RSA, aide sociale à l'enfance, aide aux handicapés, gestion de l'allocation personnalisée d'autonomie).
Cependant, les communes seront maintenues. Elles conserveront de droit certaines compétences de proximité : état civil, délivrance des titres, tenue des listes électorales et organisation des élections, gestion courante des équipements de proximité (la construction et l'entretien étant des compétences communautaires). Elles pourront également bénéficier de délégations de compétences de la part des communautés dans les domaines choisis par celles-ci de manière adaptée aux circonstances locales. Ainsi les relations entre communes et communautés ne relèveront pas d'un schéma uniforme.
Les conseils municipaux conserveront dans certains domaines des compétences consultatives, ils seront ainsi consultés et émettront des avis sur certains projets de délibérations des communautés.
Des conseils de développement et des commissions d'évaluation des services publics locaux seront mis en place à l'échelle des communautés territoriales de manière à développer la démocratie participative.
II. Renforcer le fait régional
Cette nouvelle donne territoriale nécessite de supprimer un échelon territorial. Mais lequel ? personne ne songe à abolir le niveau régional. Les régions se sont imposées partout en Europe comme la trame de la vie économique et culturelle. On assiste même à l'émergence d'eurorégions transfrontalières. C'est pourquoi nous proposons la suppression du conseil général au profit du renforcement du fait régional.
A. Suppression du Conseil général
La suppression des conseils généraux et le transfert d'une part de leurs attributions aux régions permettront de constituer des régions mieux à même de définir des stratégies de développement économique, et d'aménagement du territoire et soutenable.
Nous réaffirmons notre attachement à la clause générale de compétence pour les régions.
Elles se verront également transférer les compétences suivantes actuellement exercées par les conseils généraux dans l'objectif de créer des blocs de compétences cohérents. Un bloc éducation avec la prise en charge des collèges, lycées, CFA, formation professionnelle et pourquoi pas les universités.
Le bloc action sociale sera lui pris en charge par les communautés territoriales par souci de proximité.
Enfin, les régions se verront attribuer la propriété des bâtiments des conseils généraux, ce qui leur permettra de disposer d'une antenne de proximité dans chacun des départements les composant.
B. Le principe du fédéralisme différencié
Ce schéma général d'organisation régionale devra être adapté selon une logique différenciée. Ce fédéralisme différencié que nous proposons rejette l'unitarisme uniformisant pour prendre en compte les spécificités locales, culturelles, linguistiques et historiques. Dans cette perspective, la taille des régions ne doit pas être nécessairement uniforme ni une région fonctionner selon les mêmes modalités qu'une autre.
Il nous semble logique de demander l'approbation de la population par le biais de référendums locaux organisés.
Sur le regroupement ou le redécoupage des régions, les Verts sont favorable à la réunification des deux Normandie. Les limites de la région Bretagne pourraient être modifiées par un rattachement du territoire et des habitants de l'actuel département de Loire Atlantique.
De nouvelles régions à statut spécifique, une région Savoie, une région Basque, une région Catalogne-nord, pourraient également voir le jour. Un établissement public de coopération interrégional occitan, associant les régions occitanes, pourrait être créé.
Le statut de la Corse, lui, doit évoluer vers celui des autres îles de l'Union Européenne.
III. Un mode de scrutin unique
A. Les objectifs constitutionnels : parité et représentation des opinions
Les Verts sont attachés à deux principes constitutionnels :
* l'objectif constitutionnel de parité affirmé à l'article premier, celui d'un « égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » Dans l'Orne, sur 40 conseillers généraux il n'y a qu'une seule femme. Et nous sommes en 2009.
* l'objectif constitutionnel figurant à l'article 4, sur la garantie d'expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation.
Les Verts considèrent que les collectivités locales doivent être élu de façon représentative, et que leur bon fonctionnement nécessite que l'on s'y engage pleinement
* Ce n'est pas le cas du canton : il constitue un découpage strictement politicien pour une élection qui ne passionne pas. Il n'y a que 4,2 candidats par canton et une abstention très forte qui oblige à adosser l'élection cantonale à d'autres. De plus il y a de fortes disparités ans la taille des cantons au sein d'un même département (13 : Canton Istres Sud 38 025 inscrits, Sainte Marie de la Mer 2 655. Rapport de 1 à 15)
* Nous sommes conscient du poids que représente les maires et les conseillers généraux. Pour 74,8 % des conseillers généraux, leur mandat est devenu un véritable métier. 80% des conseillers généraux cumulent. Ce mandat n'est souvent qu'un mandat de plus pour élus en fin de carrière ou représente un revenu pour les cadres intermédiaires de la politique.
B. Proposition : un mode scrutin unique, simple et efficient
Afin de répondre à ces deux objectifs, nous proposons un mode de scrutin identique, pour l'élection des conseils municipaux, des conseils communautaires et des conseils régionaux.
Nous proposons que tous les conseils locaux soient élus au scrutin proportionnel à deux tours, avec seuil d'admission des sièges fixé à 5 %, assorti d'une prime majoritaire de 25 % en faveur de la liste arrivée en tête.
Ce mode de scrutin a fait la preuve de son efficacité.
Sa généralisation à l'ensemble des scrutins locaux sera un gage de clarté, d'équité et de lisibilité pour les citoyens.
Une autre piste pourrait être l'adoption de la proportionnelle à la demande, qui corrige les injustices du système majoritaire en y adossant une liste d'élus à la proportionnelle.
L'application de ce mode de scrutin offrira la garantie d'un accroissement de la représentativité sociale des élus, car le portrait social de l'élu local issu du scrutin uninominal majoritaire n'est pas à l'image de la population qu'il est censé représenter. Il faudrait de même que les étrangers puissent enfin disposer du droit de vote.
Les candidats seront donc incités à proposer de véritables programmes assis sur une vision cohérente et globale du territoire.
L'adoption de ce mode de scrutin permettra aux conseils locaux de disposer de majorités stables et légitimes.
Enfin, afin de développer une démocratie d'équilibre, soucieuse des droits des minorités et de l'exercice de contre-pouvoirs effectifs, un poste de président d'assemblée sera créé au sein de chaque communauté et de chaque région sur un modèle parlementaire pratiqué dans la plupart des pays européens et déjà mis en vigueur au sein de la collectivité territoriale de Corse.
La séparation des fonctions exécutives (exercé par le (ou la) président(e) de l'exécutif) et des fonctions délibératives (exercées par l'assemblée) sera mis en oeuvre.
Pour conclure, si cette réforme devait aboutir, nous pensons qu'elle doit être accompagnée une réflexion générale sur les finances locales. Mais également sur le statut de l'élu local qui idéalement ne devrait détenir qu'un seul mandat. Soit un mandat local, soit un mandat national.
Je vous remercie.
Source http://lesverts.fr, le 26 janvier 2009