Interview de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, aux petites et moyennes entreprises, au tourisme et aux services, à "Radio Classique" le 17 mars 2009, sur le succès de l'auto-entreprise, la baisse de la TVA sur la restauration et le maintien du bouclier fiscal.

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Média : Radio Classique

Texte intégral

Bonjour.

Bienvenue sur Radio Classique. Je rappelle que vous êtes secrétaire d'Etat en charge du Commerce, des PME, du Tourisme, et des Services, ce qui doit suffire à occuper un honnête travailleur par les temps qui courent. J'aimerais qu'on démarre cet entretien avec cette baisse de la TVA pour les cafetiers et les restaurateurs. Donc, on parle de 5,5 %, mais il semble que N. Sarkozy y mette quelques conditions. Ca serait quelles conditions ?

Oui, le Président de la République fait bien de dire que cette baisse elle doit nous servir de levier pour moderniser la restauration et pour faire en sorte que les restaurants aient une meilleure qualité en termes d'accueil, en termes de rapport qualité/prix, en termes d'emploi, en termes d'investissement, en termes de formation de la main d'oeuvre. Bref, il y a là un chantier et c'est la raison pour laquelle le Président a souhaité que des états généraux aient lieu au mois d'avril et ces états généraux nous permettront à la fois de faire un état des lieux, bien sûr, mais de regarder toutes les problématiques que je viens d'indiquer pour que la baisse du taux de TVA soit au coeur de cette action sur la modernisation de notre restauration. Pourquoi cela ? Parce que c'est un des éléments de l'offre française, de l'offre touristique française et si la France veut tenir son rang et continuer de tenir son rang en termes de destination touristique et reprenne son rang en termes de recettes par touriste, il faut absolument qu'on élève la qualité.

Alors, je vous entends bien, mais j'entendais aussi le président du syndicat des restaurateurs, je crois, qui disait : « oui, ce n'est pas évident, les prix, tout ça, peut-être qu'on fera un effort sur le café, peut-être qu'on fera un effort sur le plat du jour ». Là, je me suis dit qu'on est un petit peu loin du compte dans une période de crise comme ça, et notamment sur l'emploi parce qu'il ne garantissait pas évidemment que ça pourrait créer des emplois.

Bien sûr, et c'est pour ça que j'ai indiqué que la baisse du taux de TVA était le point d'aboutissement de ces discussions et de ces états généraux, mais n'était pas aujourd'hui le point de commencement de ces discussions.

Donc, on attendra. Je voudrais qu'on parle d'un succès -ce n'est pas si courant que ça mais - c'est le succès extraordinaire de l'auto-entreprise. C'est vous qui avez lancé cette idée, je ne sais pas d'ailleurs comment on vous a regardé au début, enfin chez, comme on dit les technocrates, en leur disant : ben voilà, on va dire aux Français de pas de se débrouiller eux-mêmes, on allait les aider, on va les accompagner, mais qu'ils créent... Alors, ça marche formidablement apparemment.

Oui, c'est extraordinaire le succès de l'auto-entrepreneur et c'est vrai qu'au début, et du reste c'est un peu pour cela que j'ai réussi à mettre en place cette disposition, avec le soutien du Parlement, eh bien ce succès regardé avec indifférence au départ exprime une réalité profonde de la société, sinon ça ne marcherait pas. Ce n'est pas uniquement parce que c'est un régime simple qu'il fonctionne. C'est parce qu'il exprime la volonté croissante des Françaises et des Français d'avoir une activité individuelle.

Ils n'ont peut-être pas trop le choix non plus en ce moment, non ?

Vous savez, c'est vrai que la situation économique incite encore plus à vouloir s'en tirer, mais auparavant, avant la mise en place de ce régime de l'auto-entrepreneur dans les chiffres de la création d'entreprises de l'année dernière, les 327 000 créations d'entreprises, il y en avait 87 % qui étaient sans salarié, c'est-à-dire que c'était une aventure individuelle déjà, et donc ça exprime finalement une société moderne dans laquelle on souhaite beaucoup plus d'autonomie dans ses activités, beaucoup plus de liberté pour exercer ses activités, pour mettre en forme un projet, pour le réaliser. Et c'est tout cela qu'il y avait dans le régime de l'auto-entrepreneur. Cela, je l'ai appris évidemment un peu plus tard, à la faveur de ce véritable engouement.

Il y a combien de personnes qui se sont déclarées autoentrepreneurs ?

On approche des 100.000 et c'est ce que j'avais prévu pour la fin du premier semestre, c'est dire que nous sommes véritablement très au-delà des espoirs que l'on pouvait mettre dans ce régime qui devient un régime qui permet à chacune et à chacun, quel qu'il soit dans la société française, qu'il soit salarié, fonctionnaire - bientôt ce régime, le régime de l'auto-entrepreneur pourra s'appliquer aux fonctionnaires sans restriction, comme pour les salariés du privé, - mais les retraités, les chômeurs bien sûr, le demandeurs d'emploi, bref un régime qui s'adresse à tous et qui peut-être soit le départ d'une activité qui, parce qu'elle rencontre un grand succès, va permettre de rejoindre les entrepreneurs, au sens de l'organisation en société ou en entreprise individuelle classique, mais qui permet aussi d'avoir une activité complémentaire, et en cela je crois que c'est vraiment le régime moderne. J'en ai parlé au ministre canadien qui était à Paris, ministre canadien de l'Economie, et qui me disait qu'il existe là-bas un régime de travailleur autonome mais que nous avions trouvé, nous, Français, pour la première fois peut-être dans notre histoire, un régime plus simple au plan du statut que le régime canadien.

Oui, alors c'est une excellente nouvelle. Je crois qu'à partir du 1er mai, donc en plus on va simplifier, on va alléger encore un peu le système de charges sociales.

En fait, à compter du 1er mai, les chômeurs, les demandeurs d'emploi créateurs d'entreprise vont pouvoir bénéficier du régime de l'auto-entrepreneur avec un taux abaissé, qui tient compte de leur situation. Cet allègement des charges sociales se traduira par un taux spécifique de prélèvements qui sera quatre fois plus faible que le taux habituel pour rejoindre, bien sûr, le taux quelques années plus tard, mais c'est aussi... on a voulu combiner avec mon collègue L. Wauquiez à la fois la simplicité du régime de l'auto-entrepreneur et les dispositifs de soutien aux chômeurs créateurs d'entreprise.

Alors, H. Novelli, je disais au début de cet entretien que vous aviez pas mal de responsabilités diverses et variées, et il y a notamment les PME. Comment ça se passe en ce moment entre les banques et les PME, enfin en termes crédit.

Vous savez, on a été très réactif. Dès le 2 octobre, le président de la République a arbitré un plan en faveur du financement des PME, et depuis cette date, nous suivons au plan départemental - j'étais hier à Nice et j'ai réuni le comité de financement et de suivi du financement de l'économie -, dans chaque département il y a un comité de suivi, il y a le médiateur du crédit, et il y a notre volonté de suivre pas à pas les mécanismes de soutien aux petites et moyennes entreprises parce que, on le sait bien, ce sont ces entreprises qui sont les plus fragiles dans la situation que l'on connaît, ce sont elles qui doivent être le mieux confortées et c'est ce que nous faisons. Tout à l'heure, cette nuit plus exactement, à l'Assemblée nationale, sur la base d'une proposition de loi de C. Brunel, nous allons encore examiner les moyens d'améliorer la transparence en matière de financement des PME. Je crois que nous faisons beaucoup et il faut continuer de le faire. Il y a trois segments sur lesquels il faut veiller : la trésorerie de ces PME qui devient un véritable problème, et c'est pour ça qu'on a mis en place avec OSEO des mécanismes de garantie de cette trésorerie ; il y a l'accès au crédit ; et puis, il y a les fonds propres des entreprises et je souhaite qu'il y ait des initiatives dans ce domaine qui permettent aux PME de pouvoir avoir des fonds propres plus importants. Une mesure - on parle beaucoup de la loi Travail Emploi que nous avons portée avec C. Lagarde il y a maintenant plus d'un an, la mesure ISF PME, celle qui permet aux attributaires de l'ISF, à ceux qui doivent payer leur ISF, de l'investir dans le capital des PME -, a permis à des PME d'être financées, et c'est un milliard d'euros en 2008 qui a pu être ainsi affectés au financement des PME.

Alors, H. Novelli, j'ai deux minutes pour deux questions. D'abord, vous êtes aussi ministre du Tourisme, donc la Guadeloupe. Ca va mal, qu'est-ce qu'on peut faire pour aider le redémarrage de l'industrie touristique à la Guadeloupe ?

Bien, le calme revient, la négociation a subi un aboutissement et dès ce matin, je réunis l'ensemble des professionnels du tourisme aux Antilles, c'est-à-dire les tours opérateurs, les transporteurs, les hébergeurs, qui viennent, et avec mon collègue Y. Jégo, nous allons essayer de mettre à plat la situation. Il y a bien sûr des mesures de court terme qu'il faut mettre en application, et puis il y a le moyen et le long terme, c'est-à-dire comment rehausser la qualité de l'offre touristique. En France, nous avons les mêmes... en France métropolitaine, nous avons les mêmes soucis, il faut donc élever la qualité de l'offre d'hébergement, de l'offre touristique elle-même, et ça ce sont des mesures structurelles. Il faudra du temps mais nous nous mettons en situation, je crois de faire en sorte que cette destination continue d'être ce qu'elle est, c'est-à-dire une superbe destination touristique.

C'est difficile de restaurer la confiance des tours opérateurs, je pense surtout à l'étranger, non ?

Tous les tours opérateurs qui viennent tout à l'heure à ma réunion sont conscients que restaurer cette destination ça passe par un certain nombre d'actions, de promotions, de soutien à la destination. C'est ce que nous allons tenter de clarifier avec eux. Et puis, nous allons voir comment mettre en place les mesures concrètes qu'attendent les habitants là-bas pour une activité qui est une activité très importante pour eux.

Alors, dernière question, H. Novelli, et on n'a plus beaucoup de temps maintenant. Le bouclier fiscal, ça bouge, ça bouge, ça bouge, enfin on sent un petit malaise, y compris au sein de la majorité. Votre point de vue là-dessus.

Mon point de vue c'est qu'il y a une règle qui me semble être une règle d'or, qui est qu'il faut éviter la spoliation fiscale et que dans ce pays, comme en Allemagne, on empêche le fisc de venir vous prendre plus de la moitié de vos revenus est une règle qui me semble devoir être préservée.

Même en période de crise où il y a vraiment des gens...

En période de crise, la règle doit demeurer. Par contre, ce qui est important c'est que la solidarité s'exprime et elle doit s'exprimer aussi de la part de ceux qui ont l'opportunité d'avoir les revenus les plus importants. Et donc, moi je ne serais pas du tout opposé à une contribution exceptionnelle qui pourrait être le fait des plus hauts revenus. Mais, cette règle qui est une règle de protection, finalement, de protection de l'individu face à ce qui parfois peut être une action en termes fiscales trop importante, elle est, je le crois, fondamentale. Et en Allemagne, je le répète, cette règle du fait qu'on ne peut pas vous prendre plus de la moitié de vos revenus est inscrite dans la Constitution, ce qui n'est pas le cas chez nous.

Réflexion tout de même ouverte ! Je vous remercie H. Novelli.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 17 mars 2009