Interview de M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat à l'industrie et à la consommation, porte-parole du gouvernement, à "Radio classique" le 29 avril 2009, sur la démission de Daniel Bouton de la présidence de la Société générale, sur la baisse de la tva dans la restauration, sur le climat social à l'usine de Clairvox.

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Média : Radio Classique

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N. Pierron.- D. Bouton annonce ce matin dans Le Figaro sa démission de la présidence de la Société Générale, quelle est votre réaction ?

A ce stade-là des évènements bancaires et autres, je commence à penser que c'est un non évènement. Je ne pense pas que ça influera sur le cours des choses, à la Société Générale et dans le monde bancaire, donc je n'ai pas de commentaire particulier à faire.

Vous pensez que c'est l'affaire des stock-options, récemment, qui a poussé D. Bouton à démissionner ?

Non, je pense qu'il y a quelques mois, lé démission de D. Bouton aurait été envisageable, au moment de l'affaire Kerviel, où, effectivement, à certains moments récents de l'actualité et l'activité de la Société Générale, en clair, il y avait des dirigeants qui avaient démissionné pour moins que ça. Aujourd'hui, je ne suis pas sûr que ça ait un impact réel, c'est pour ça que j'ai tendance à penser que c'est plutôt un non évènement.

N. Sarkozy présentera, on le disait, cet après-midi ses choix concernant le Grand Paris. 35 milliards seraient consacrés au développement économique de la région, notamment les transports. Il y a deux projets qui existent à l'heure actuelle, celui de C. Blanc, un super métro qui relierait Roissy, Orly, la Défense en passant notamment par Paris. Et il y a celui de J.-P. Huchon, un métro automatique également, qui ferait le tour de la petite Couronne. Lequel sera retenu à votre avis ?

D'abord, il ne faut pas résumer le projet du Grand Paris à un projet de métro. L'idée de N. Sarkozy, c'est quoi ? C'est de faire de Paris une vraie métropole mondiale, comme cela existe à Londres, à New York, comme on voit en Asie dans un certain nombre de pays émergents, des villes capitales devenir des cités du monde. Avec une diversité de l'habitat, avec des services à la population, avec des transports, avec des zones de développement économique. Or on voit bien aujourd'hui que la région parisienne, la région capitale, par manque de coopération intercommunale, depuis une trentaine d'années, a péché en terme de développement de grands projets. Donc l'idée de N. Sarkozy, c'est quoi ? C'est que l'Etat soit moteur en matière de développement de la région capitale. Cela ne va pas se faire contre les collectivités locales, bien entendu. C'est un projet qui a une vocation de coopération intercommunale avec l'Etat. Donc le président de la République présentera aujourd'hui, avec C. Blanc, un certain nombre de projets. Nous avons la chance, en France, d'avoir les architectes les plus réputés au monde. Eh bien si pour une fois on leur donnait la possibilité de s'intéresser à Paris, à la France, plutôt que de les voir exercer leur talent dans toutes les cités du monde, je crois que ce serait plutôt une bonne chose.

Sur ces deux grands projets d'infrastructures, les transports qui sont la priorité dans ce plan pour le Grand Paris, lequel aurait votre faveur ?

Tout à l'heure, le président de la République fera une conférence de presse, il aura l'occasion de présenter le Grand Paris. Ce sujet sera évoqué au Conseil des ministres, donc attendons les interventions de C. Blanc et du président de la République...

Ils ne sont pas incompatibles a priori ?

Ce qui est important, c'est qu'on change de système de transports en région parisienne. On voit bien que le transport de banlieue à banlieue est absolument impossible, alors qu'on a une zone d'attractivité économique qui est exceptionnelle en France. J'entends les élus locaux, les maires nous expliquer qu'ils ont du potentiel de développement économique ou d'habitat, mais ils n'arrivent pas à coopérer entre eux parce qu'il n'y a pas de travail de coopération intercommunale entre les grandes agglomérations de la région parisienne.

Qui doit chapeauter le projet ? Le Gouvernement ou la région ?

Je crois que ce projet ne peut pas se faire sans un engagement fort de l'Etat. On l'a vu d'ailleurs, pourquoi depuis trente ans il n'y a pas d'avancée réelle ? Parce que précisément, il y a une imbrication des différentes collectivités, des communes, des départements et de la région. Donc, sans la volonté, sans un certain nombre de décisions prises au plus haut niveau de l'Etat, il ne pourra pas se réaliser. C'est la raison pour laquelle N. Sarkozy a souhaité qu'il y ait au sein du Gouvernement un secrétaire d'Etat directement chargé de ce projet du Grand Paris. Maintenant, comme je l'ai dit tout à l'heure, cela ne va pas se faire contre les collectivités locales, c'est un projet commun, un projet collectif mais il doit y avoir une forte impulsion de l'Etat.

Autre sujet : hier, les restaurateurs se sont engagés à créer 40.000 emplois supplémentaires en contrepartie d'une TVA abaissée à 5,5 % dès le 1er juillet de cette année. Est-ce que ce n'est pas un peu ambitieux quand on sait que le secteur, selon les statistiques, n'a créé que 15.000 emplois par an au cours des dix dernières années ?

D'abord, la TVA à 5,5 %, c'est une bonne nouvelle pour tous les Français et N. Sarkozy l'avait promis pendant sa campagne électorale ; ce sera une réalité le 1er juillet prochain. Et c'est suffisamment important pour être souligné, les engagements politiques, ça compte vis-à-vis des Français, il est tenu et c'est une réalité à souligner. Ensuite, il y a trois types d'engagements : il y a la baisse des prix, c'est très important pour les Français, pour qu'ils mesurent l'impact en allant au café, au restaurant, de cette baisse de la TVA ; il y a l'engagement sur les investissements pour moderniser les cafés et les restaurants ; et puis, il y a effectivement les 20.000 emplois. C'est un engagement de la profession qui est fort, au moment où nous avons une crise dans l'économie française. Il a été pesé mûrement par H. Novelli, le secrétaire d'Etat au Commerce, et nous pensons que dans les prochaines années, il est réaliste, compte tenu du potentiel de développement économique de ce secteur. Ce secteur nous a dit pendant des années "nous avons besoin d'alléger les charges pour créer de l'activité économique, pour créer de l'emploi", c'est aujourd'hui chose faite, puisque la TVA au 1er juillet sera à 5,5 %. Eh bien banco, la profession nous dit que ça doit lui permettre de créer 20.000 emplois.

Qui va contrôler ces créations d'emplois ? Quelles seront les éventuelles sanctions si ce n'est pas respecté ?

Il s'agit d'un accord global. On ne va pas mettre un policier derrière chaque cafetier et chaque restaurateur. L'idée, c'est que la DGCCRF sera amenée à contrôler les établissements, comme elle le fait déjà dans d'autres domaines, notamment dans le domaine sanitaire, et elle pourra vérifier, avec les restaurateurs et les cafetiers, les engagements qui pourront être pris. Et elle pourra attribuer un label aux restaurateurs de manière à ce qu'ils puissent le mettre en avant vis-à-vis du grand public pour attirer les clients chez eux.

Donc ce serait des bons points pour ceux qui respectent la loi ?

Oui, je crois que l'idée, c'est gagnant-gagnant. L'idée, c'est que nous, on a pris nos responsabilités en gagnant un combat difficile au niveau européen, en obtenant la baisse de la TVA. Eh bien à charge maintenant aux restaurateurs de le mettre en oeuvre, de l'appliquer pour que les Français en sentent le bénéfice direct.

Il y aura une réunion, aujourd'hui, à Bercy, entre les dirigeants de Continental et les représentants des salariés de l'usine de Clairoix qui doit fermer. Qu'en attendez-vous ?

J'en attends le retour du dialogue social. Ce dossier, depuis le début, pèche par absence de dialogue social. Des deux côtés. Je pense que la direction a sous-estimé l'ampleur, l'impact de la fermeture de ce site sur un bassin de vie comme celui de Clairoix et n'a pas forcément mis la forme en la matière. Mais de l'autre côté, rien ne justifie pour autant les violences que nous avons constatées ces dernières semaines.

Les syndicats demandent l'abandon des poursuites. C'est une chose sur laquelle vous êtes prêt à céder ?

Encore une fois, le saccage d'une sous-préfecture, c'est un acte antirépublicain. C'est un acte absolument antirépublicain qu'il convient de condamner avec la plus grande fermeté. Donc, oui au dialogue social, et l'Etat est dans son rôle lorsque, aujourd'hui, il permet de renouer les fils du dialogue en jouant le rôle de médiateur. Mon directeur de cabinet adjoint, effectivement, jouera ce rôle cet après-midi, de médiation pour que les parties se parlent à nouveau. Mais en même temps, non à la violence, c'est clairement notre position.

Il y a un dernier sujet que je voulais évoquer avec vous, et qui, je crois, vous tient à coeur, c'est la quatrième licence de téléphonie mobile. Jusque là, seul Free - en tout cas Iliade, sa maison mère -, était candidat. Mais Virgin Mobil se dit apparemment intéressé. C'est une bonne nouvelle pour la concurrence ?

Oui, c'est une bonne nouvelle. Vous savez d'ailleurs, l'été dernier, lorsque nous avions soumis ce projet de quatrième licence à l'autorité de régulation, et qu'elle avait procédé à une enquête, elle avait constaté qu'il y avait plusieurs opérateurs qui étaient potentiellement intéressés. Donc ce n'est pas une licence pour un opérateur prédéterminé, il y a aura clairement un appel d'offres, une ouverture à la concurrence. Et je me réjouis qu'il puisse y avoir plusieurs opérateurs candidats à cette quatrième licence.

Vous pensez que cela peut vraiment faire baisser les prix aujourd'hui ? On voit qu'il y a quand même des abus en terme de forfait, tous les tarifs sont alignés.

Vous savez, je crois que la concurrence c'est toujours bien pour l'économie et pour les consommateurs. Et dans le domaine de la téléphonie, les études que nous avons ont démontré que le quatrième opérateur pourrait faire baisser globalement la facture moyenne de 7 % pour les consommateurs. Ensuite, c'est une stimulation de la qualité des services. On voit bien que dans le domaine des mobiles, le prix c'est important, mais il y a aussi la prestation de service. Donc on peut imaginer, on le voit d'ailleurs avec ce que l'on appelle le MVNO, c'est-à-dire les opérateurs virtuels, qui [inaud.], eh bien on voit que leur arrivée sur le marché a permis d'apporter aux consommateurs de nouveaux services, des forfaits ou des dispositifs qui n'existent pas chez les opérateurs traditionnels.

Ils représentent encore une toute petite fraction du marché. L'appel d'offres du Gouvernement, vous en parliez pour une attribution de cette quatrième licence, a pris un mois de retard. A quand la publication ?

Nous avons décidé, pour être absolument inattaquables sur ce point, de demander une étude complémentaire sur le montant de la licence. Vous savez que j'avais annoncé à l'Assemblée nationale que nous allions séparer en trois types de fréquences l'appel d'offres, et que la fréquence consacrée à la quatrième licence serait attribuée pour l'ordre de 200 millions d'euros - un peu plus de 200 millions d'euros. Eh bien nous avons demandé à la commission qui est chargée d'évaluer les actifs de l'Etat, de vérifier que ce montant correspond clairement à l'évaluation de la quatrième licence. Donc cette évaluation va prendre quelques semaines. A l'issue de cette évaluation, nous pourrons lancer l'appel d'offres pour le quatrième opérateur.

D'ici fin mai par exemple ?

D'ici l'été.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 30 avril 2009