Déclaration de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, sur la protection des récifs coralliens, Paris le 17 mars 1999.

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Circonstance : Entretiens de Ségur pour le lancement officiel de l'initiative internationale pour la protection des récifs coralliens, Paris le 17 mars 1999

Texte intégral

Je suis particulièrement heureuse de vous accueillir au ministère de lAménagement du territoire et de lEnvironnement, dans le cadre dun entretien de Ségur qui va traiter de la protection des récifs coralliens et de la gestion de la bande littorale attenante.
Je tiens à remercier tout spécialement les intervenants étrangers qui ont accepté de sassocier à ce séminaire pour participer aux tables rondes, et en particulier M. Clive Wilkinson, coordonnateur du réseau international de surveillance des récifs coralliens.
Plus de 100 pays et de nombreuses populations vivent plus ou moins directement des récifs coralliens dans la zone côtière intertropicale. Ces récifs servent dabris à des milliers despèces végétales et animales. Ils sont aussi un rempart contre la violence de la mer. Or ils sont menacés.
La France sest ralliée en 1995 à lInitiative internationale sur les récifs coralliens (ICRI), lancée en octobre 1994 aux Etats-Unis par le vice-président Al Gore, et auxquels se sont joints plusieurs grands pays concernés par cette problématique : lAustralie, le Royaume-Uni, le Japon, ainsi que la Jamaïque, les Philippines et même la Suède, qui ne possède pourtant aucun récif corallien ! Des organisations internationales, comme le PNUE et la Banque Mondiale, des représentants des mers régionales et des organisations non gouvernementales se sont joints également à cette initiative.
Lobjectif de lICRI est de susciter un vaste mouvement international dinformation, de sensibilisation et dinitiatives diverses en faveur des récifs coralliens et des milieux associés, tels que les mangroves. Les Etats-Unis en ont assuré le secrétariat jusquen 1997, suivis de lAustralie. Cest à présent la France qui assume ce rôle, pour les années 1999 et 2000.
La dernière publication de Létat des récifs coralliens dans le monde par le réseau mondial de surveillance des récifs coralliens (GCRMN) a fait apparaître une dégradation continue et alarmante des récifs. Celle-ci a été aggravée encore par le phénomène de blanchissement en 1997-1998, dû à une élévation de la température de leau de mer en surface.
Environ 40 à 50 % des récifs dans le monde sont touchés, et les pullulations dune étoile de mer destructrice sétendent dans 26 pays. Ce sont surtout les récifs du sud-est asiatique et des Caraïbes qui sont les plus affectés, en raison de la pression démographique, de la surexploitation des ressources, de la pollution, du développement du tourisme et des techniques de pêche destructrices. En décembre 1998, à Townsville en Australie, un NOUVEL APPEL À LACTION a été lancé, que nous sommes invités à mettre en uvre.
Le comité de coordination international vient de se réunir pendant deux jours à Paris. Parmi les activités les plus importantes que devra mener le secrétariat international, figurent le renforcement du réseau de surveillance, linformation et la sensibilisation du public, le renforcement des capacités des pays à gérer leur patrimoine, et la mobilisation de financements pour des projets concrets de terrain.
La France se doit de donner lexemple, en mobilisant les acteurs français de la coopération sur de tels projets, ainsi que les financements nécessaires, notamment ceux du Fonds Français pour lEnvironnement Mondial. Cest le but de lInitiative française pour les récifs coralliens.
Avec 55 000 km² de récifs coralliens, soit près de 10 % des récifs mondiaux, la France est responsable dun des plus grands linéaires côtiers de récifs coralliens, soit environ 5 000 km situés dans les trois océans tropicaux. Ces récifs sont particulièrement importants sur les plans environnemental, culturel et socio-économique. Ils constituent les plus riches écosystèmes marins. Grâce à ces récifs, notre pays possède lune des plus vastes zones économiques exclusives de la planète, située à 90 % autour des départements et territoires doutre-mer. Ces récifs ont également une importance particulière dans le domaine économique, quil sagisse de la pêche, de laquaculture et du tourisme, notamment la plongée sous-marine. La responsabilité de la France est donc cruciale.
Limplantation des activités humaines le long des récifs engendre des menaces croissantes de dégradation. Le bilan de létat des récifs coralliens permet destimer que, globalement, moins de 5 % des récifs français sont dégradés. Cette dégradation a diverses causes. Jen citerai quelques-unes :
lérosion des terres, qui se traduit par lenvasement des lagons et lobscurcissement de leau ;
lurbanisation du littoral, associée à la pratique des remblais ou des extractions de matériaux, qui modifient la circulation des eaux ;
les pollutions dorigine domestique et agricole, par apport dengrais et de pesticides, ainsi que les pollutions dorigine industrielle ;
la surexploitation des lieux de pêche, accompagnée fréquemment de modes de pêche destructrices,
les activités touristiques, notamment les activités nautiques intenses, dont la plongée sous-marine.
Devant une situation qui va en saggravant, quelles sont les réponses à apporter ?
En décembre 1998, à Townsville en Australie, notre pays a proposé à lICRI des orientations qui peuvent se résumer ainsi :
Tout dabord, promouvoir la notion de gestion intégrée des zones côtières, développer les moyens dactions, surveiller létat de santé des récifs coralliens, et évaluer lefficacité des actions engagées.
Ensuite, mobiliser les différents partenaires et les bailleurs de fonds pour la mise en place des financements destinés à des opérations conformes aux objectifs.
Enfin, développer le réseau mondial de surveillance des récifs coralliens, qui doit faciliter léchange dinformations, notamment celles relatives aux bonnes pratiques environnementales.
Outre la décision prise par le gouvernement français, au cours du comité Interministériel de la mer du 1er avril dernier, daccepter dassurer le secrétariat de lICRI, nous avons également fait adopter, Jean-Jacques Queyranne, secrétaire dEtat à lOutre-mer, et moi-même, la création dun comité de lInitiative française pour les récifs coralliens. Nos deux ministères sont particulièrement unis dans cette volonté de protection des récifs coralliens, et nous entendons bien quelle aboutisse à des actions concrètes de mise en protection et de gestion durable des récifs coralliens.
Encore un comité, direz-vous ! Mais celui-ci a vocation à travailler au-delà de la période durant laquelle la France va assurer le secrétariat de lICRI. Il a donc pour but dassurer la pérennité de laction de la France. Les études préliminaires ont permis de définir ses objectifs, son rôle et ses domaines daction. Il rassemble des élus, des représentants de ladministration, des scientifiques, des gestionnaires despaces et des associations de protection de la nature.
Mais le plus important réside dans le fait que les représentants de lEtat dans chaque collectivité de loutre-mer ont formé des comités locaux, qui ont un représentant au sein de ce comité. Leur présence permet ainsi de sassurer que les réalités du terrain seront bien prises en compte, et quelles seront relayées par les parlementaires ayant accepté de siéger dans ce comité de lInitiative française.
Je tiens ici à remercier tout particulièrement les parlementaires qui sengagent dans cette démarche. Je tiens aussi à saluer laction des scientifiques spécialistes des récifs coralliens. Ils ont su créer la dynamique qui a abouti au lancement de cette action majeure.
Pour faciliter le fonctionnement de ce comité, dont leffectif est relativement important, nous avons à linstar du Conseil national de protection de la nature prévu un comité permanent. Le CNPN, depuis quil existe, a largement fait la preuve de ses capacités opérationnelles de réaction, et de la qualité de son expertise. Jai dailleurs désigné le président du comité permanent du CNPN, M. Jacques Lecomte, pour siéger au sein du comité de lIFRECOR. Il saura apporter son expérience à cette instance nouvelle, et y faire entendre la voix du Conseil national de protection de la nature.
Sur le plan national, les principaux objectifs assignés par le Premier ministre au comité de lIFRECOR sont les suivants : la prise de conscience par les décideurs et par lopinion publique de limportance des enjeux que représentent les récifs coralliens ; la mise en place dune gestion intégrée des zones côtières ; le développement de moyens daction concrets pour assurer la protection et la gestion de ces récifs ; létablissement déchanges dexpériences pratiques entre les collectivités locales de loutre-mer.
Ainsi, le rôle du comité national, en accord avec les objectifs précédemment énumérés, consiste en :
- lélaboration de la stratégie et du plan daction national pour les récifs coralliens ;
- la formulation de recommandations et davis sur les moyens propres à assurer la protection et la gestion durable des récifs coralliens ;
- le suivi de la mise en uvre effective des actions concrètes entreprises ;
- la proposition, en tant que de besoin, de toutes mesures législatives et réglementaires, et lappui éventuel, à leur demande, aux autorités compétentes des territoires doutre-mer et de Nouvelle-Calédonie dans ces domaines ;
- lappui à toute action ou mesure mise en uvre en faveur des récifs coralliens ;
- lappui à la recherche de financements ;
- le développement des échanges dinformations relatives aux pratiques environnementales favorables aux récifs coralliens ;
- lévaluation des actions entreprises.
Lors de la réunion dinstallation du comité, ce matin-même, les représentants des comités locaux ont présenté la situation des récifs dans leurs collectivités territoriales, et ont pu exprimer leurs attentes. Déjà le comité a en mains le bilan établi par le soin de mes services.
Ce document, " LEtat des récifs coralliens en France outre-mer ", est exhaustif. Il est le fruit de la collaboration des scientifiques qui sintéressent aux récifs coralliens. Le comité est donc convenu de la nécessité de définir une stratégie et un plan daction. Dès lautomne, le comité en débattra à partir dun texte qui lui sera soumis dans le courant de lété.
Sur ces bases, le comité fournira des recommandations. Ensuite, en accord avec Jean-Jacques Queyranne, nous proposerons au gouvernement un plan daction qui reposera essentiellement sur les propositions des comités locaux, élaborées à partir de données concrètes.
La réalisation de ce plan daction va constituer une avancée considérable pour la protection des récifs coralliens. Elle ne sera possible que si tous les acteurs et tous les partenaires unissent leurs efforts et échangent leurs expériences.
Il sagit dune aventure dans laquelle les collectivités locales de loutre-mer, toutes solidaires, accompagnées par le gouvernement et ses services, vont sengager avec enthousiasme, pour gérer durablement un patrimoine naturel exceptionnel. Je souhaite quen 2001, un autre " entretien de Ségur " permette de vous exposer les progrès déjà réalisés.
Il me reste à vous souhaiter un séminaire fructueux, vivant, positif et dynamique. Je compte sur vous pour diffuser largement les informations qui vont vous être exposées, dans lopinion publique et auprès des décideurs institutionnels et du secteur privé.
Protéger les récifs coralliens français et les gérer dans le cadre dun développement durable, cest lun des défis majeurs du siècle prochain. Je my emploie dès aujourdhui avec vous, et avec lardente obligation de réussir. Au travail !!!
(Source http://www.environnement.gouv.fr le 19 mars 1999)