Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, en réponse à une question sur les inondations dans la Somme, sur la création d'une mission interministérielle d'expertise et sur les conditions d'indemnisation, au Sénat le 19 avril 2001.

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Circonstance : Déplacement de M. Jospin à Abeville (Somme) le 9 avril 2001 du fait des inondations dans la Somme

Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Monsieur le sénateur,
Dès le lundi 9 avril, conscient de la dureté de l'épreuve à laquelle nos compatriotes de la Somme étaient exposés, désireux de manifester moi-même, directement, non pas simplement par le langage de la compassion, mais par la présence physique, y compris auprès de gens dont je savais la nature de leur colère, le lundi 9 avril, au retour d'un voyage au Brésil, je me suis rendu, avec le ministre de l'Intérieur, à Abbeville. C'était pourtant le jour - et je dois bien trouver à faire des choix entre mon besoin d'être sur le terrain et la nécessité de faire mon travail de Premier ministre -, c'était pourtant le jour où je devais rendre les arbitrages budgétaires concernant les dépenses du budget 2002. C'est pour cette seule raison, étant resté peut-être plus longtemps que prévu à Abbeville, pour des raisons que vous comprendrez, que je ne me suis pas rendu à Fontaine-sur-Somme, dans votre canton, monsieur le sénateur, monsieur le conseiller général. Je souhaitais le faire, c'était à mon programme.
J'ai pu effectivement, comme vous l'avez dit, mesurer le désarroi, les difficultés, et parfois aussi la colère ou l'incompréhension de nos compatriotes dans cette vallée de la Somme et en particulier dans ce quartier des Planches, bien mal ou bien nommé en la circonstance, à Abbeville. Je dois dire, parce que tout doit être dit, que cette colère, cette incompréhension auraient peut-être été moins fortes, si n'avait pas été répandu, auprès d'eux, sans qu'elle soit démentie, cette rumeur insensée selon laquelle on aurait pu vouloir noyer la Somme pour préserver Paris ! Il a été fait justice, bien sûr, du caractère absurde de cette rumeur. Mais je n'ai pas rencontré un homme ou une femme, à ce moment-là, dans ces conditions difficiles, sans qu'ils me le disent en y croyant dur comme fer. Et j'aurais souhaité qu'un certain nombre d'élus locaux, dont vous n'êtes pas d'ailleurs, monsieur le sénateur, je le crois, au lieu de contribuer à accréditer cette rumeur, la démentent pour en montrer dans notre pays l'impossibilité.
Quoi qu'il en soit et quels qu'aient été les commentaires qui aient été faits, il me semble que j'ai été, avec le ministre de l'Intérieur, la seule personnalité nationale à aller directement au contact de ces habitants durement touchés et en colère. Croyez bien que je ne regrette pas de l'avoir fait !
Je voudrais répondre maintenant à deux des principales questions que vous m'avez posées : la mission interministérielle d'expertise d'une part, les conditions d'indemnisation d'autre part.
Comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale avant-hier, la mission d'expertise dont j'avais annoncé la création à Abbeville, a été formée très rapidement. Elle est au travail depuis deux jours, et elle a déjà rencontré beaucoup d'élus, de responsables administratifs, et bien sûr d'autres personnes. La tâche de cette mission est double :
- d'une part, elle est chargée d'analyser toutes les causes de ces inondations, en identifiant les facteurs qui ont pu contribuer, au-delà du caractère exceptionnel de ces précipitations, à aggraver l'ampleur du phénomène.
- d'autre part, elle devra évaluer l'efficacité des dispositifs de protection et de prévention existants, et proposer aux pouvoirs publics des mesures permettant d'éviter qu'une telle catastrophe ne se reproduise, ou au moins d'en limiter les effets. Et de ce point de vue - là aussi, les élus locaux sont confrontés aux problèmes des choix, des plans d'occupation des sols, des zones inondables, même si, la crue étant exceptionnelle, il était évidemment difficile d'imaginer que certains terrains le seraient.
Certains élus locaux de la Somme avaient demandé qu'un expert extérieur à l'Administration soit associé aux travaux de cette mission. Le Conseil général de la Somme et l'Association des maires du département se sont mis d'accord pour nous proposer un spécialiste reconnu en matière d'hydrologie, par ailleurs expert auprès de l'Unesco. Cela ne pose, bien sûr, aucun problème. Cette personne pourra travailler avec nous, c'est-à-dire avec la mission d'expertise.
Cette mission rendra ses premières conclusions avant la fin du mois de mai. En ce qui concerne les conditions d'indemnisation, j'ai déjà annoncé à l'Assemblée que des crédits importants - 20 millions de francs - seraient attribués aux communes de la Somme pour les aider, notamment, à remettre en état les équipements endommagés par l'inondation. J'ai aussi dit qu'une aide d'urgence, - désormais doublée et portée à 1,2 million de francs, comme vous l'avez indiqué - avait été dégagée, était utilisée et pourrait encore être augmentée à la mesure des demandes des petits achats. Parce que c'était cela uniquement son objectif, ce n'est pas une indemnisation, mais c'est une aide d'urgence pour acheter un réchaud ou une couverture, des objets, que cette somme pourra naturellement être abondée. A cela s'ajouteront plusieurs dispositifs d'indemnisation. Tout d'abord, dès que l'état de catastrophe naturelle aura été reconnu aux communes qui en feront la demande - et nous devons trouver la bonne date, car il faut qu'elle ne soit pas tardive sinon on retarde le processus des indemnisations vis-à-vis des assurances et il ne faut pas qu'elle soit trop précoce sinon on ne sera pas en mesure d'évaluer, avec cette décrue si lente, constamment reprise, quelle est l'ampleur des dégâts. Les particuliers et les entreprises pourront recevoir des remboursements de la part des compagnies d'assurance.
En ce qui concerne les artisans et les commerçants dont l'activité a été perturbée ou dont les installations ont subi des dégradations, ils pourront bénéficier des aides du FISAC qui avait d'ailleurs fonctionné dans le cadre d'autres inondations. Des dispositions particulières vont également être prises pour aider les entreprises touchées par le chômage technique - et j'en ai vues d'ailleurs sur le terrain -.
Enfin, beaucoup d'agriculteurs, et vous l'avez dit, d'hortillonneurs également, près d'Amiens, à Amiens, sont victimes des inondations. Je peux leur assurer qu'ils seront indemnisés au titre du régime des catastrophes naturelles pour leurs bâtiments et à celui des calamités agricoles pour les pertes de récoltes. L'évaluation des dommages sur le terrain est en cours et la Commission des calamités agricoles se réunira très prochainement.
S'agissant toujours des agriculteurs, le Gouvernement demandera à la Commission européenne, les adaptations nécessaires pour prendre en compte les retards dans les semis et je pourrai d'ailleurs le dire au commissaire Fischler dès cet après-midi puisque je le reçois à Matignon.
Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, messieurs les sénateurs de la Somme, la solidarité nationale s'exerce pleinement en faveur de la Somme. Le Gouvernement, croyez-le, mobilise pour cela tous les moyens disponibles, car à la compassion il faut constamment ajouter l'action.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 20 avril 2001)