Déclaration de M. Alain Marleix, secrétaire d'Etat à l'intérieur et aux collectivités territoriales, sur la réforme des collectivités territoriales et celle de la fiscalité locale, Méreau le 17 septembre 2009.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Alain Marleix - Secrétaire d'Etat à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Texte intégral

Monsieur le Secrétaire Général (Matthieu Bourrette),
[Monsieur le Député (Jean-Claude Sandrier) présence à confirmer],
Monsieur le Sénateur, président de l'association des maires (Rémy Pointereau),
Monsieur le Sénateur (François Pillet),
Messieurs les conseillers généraux,
Mesdames et Messieurs les maires,
Chers amis,

C'est toujours avec un grand plaisir que je me rends dans le Cher, une des plus belles régions à traverser, quittant Paris, pour me rendre chez moi, en Auvergne.
Je remercie le Sénateur Pointereau d'avoir pris l'initiative de m'inviter à m'exprimer devant vous, n'ayant pas pu répondre positivement à votre invitation du 20 juin dernier, afin de répondre aux interrogations que peuvent susciter les chantiers engagés concernant les collectivités territoriales.
Je vais tenter de vous apporter quelques éclaircissements à vous élus de terrain, qui êtes les premiers acteurs de la modernisation de nos structures locales.
Ce sont des réformes courageuses voulues par le Président de la république , qui sont nécessaires à la modernisation de notre pays pour faire face aux défis de l'avenir.


1. La réforme des collectivités territoriales est incontournable

1.1. Un constat partagé par tous
Les travaux de la commission pluraliste sur la réforme territoriale, présidée par Monsieur Edouard Balladur, ont permis de faire émerger un quadruple constat, assez largement partagé, sur l'inadaptation de notre organisation territoriale actuelle.

  • Premièrement ,un enchevêtrement des échelons, qui les amène parfois à se gêner et à devenir incompréhensible pour nos concitoyens.
  • Deuxièmement, une confusion des responsabilités qui conduit à des phénomènes de saupoudrage.
  • Troisièmement, une fiscalité locale peu lisible
  • Quatrièmement, l'uniformité : les règles en vigueur s'appliquent de façon trop uniforme à toutes les collectivités quelle que soit leur situation.

1.2. Le projet de réforme propose de répondre à ces défis
Le texte que Brice Hortefeux et moi-même allons soumettre au Parlement s'inspire très largement des propositions formulées par le comité pour la réforme des collectivités locales qui ont fait l'objet d'un large consensus dépassant les clivages politiques.
Pendant toute la phase d'élaboration du projet, un processus de large consultation des élus, à travers leurs associations, a été poursuivi.
Un avant-projet leur a été soumis en juillet, et les remarques formulées ont été prises en compte.
Je tiens également à rappeler, et saluer, le travail de réflexion et de proposition mené par les Parlementaires, à travers par exemple la mission présidée par le Sénateur Claude Belot.
Le projet est articulé autour d'un triple objectif d'adaptation des structures locales aux réalités d'aujourd'hui et aux défis de demain, d'optimisation de l'action de chacune des catégories de collectivités, et de renforcement de la démocratie locale.

A. L'adaptation des structures locales.
Il s'agit là de concilier la recherche de la meilleure efficacité au service des citoyens et le respect de la diversité des territoires, autour de deux couples de structures : les communes et l'intercommunalité d'une part, le département et la région d'autre part.
- D'abord, le renforcement de l'intercommunalité, notamment en milieu rural, est incontournable. L'ambition du projet est de parvenir à la couverture totale du territoire. A cet effet, le texte prévoit un dispositif incitatif dont les maîtres mots sont persuasion et concertation.

Les intercommunalités doivent être plus larges qu'aujourd'hui et elles doivent également disposer de compétences elles aussi renforcées. Communes et communauté doivent agir de manière complémentaire.
Mais je le répète la commune, et singulièrement son maire, resteront les acteurs privilégiés de la relation de proximité avec les citoyens.
- D'autre part le projet prévoit la création d'une nouvelle catégorie d'établissement public de coopération intercommunale pour les grandes agglomérations urbaines, la métropole. Cette proposition ne concerne pas a priori le Cher, je me contenterai de dire qu'il s'agit de donner à nos très grandes agglomération une visibilité aux niveaux européen et mondial. Elles disposeront de compétences élargies, qui leur permettront de développer pleinement leur compétitivité.
- Il conviendra parallèlement de mener un travail de « toilettage » des syndicats intercommunaux qui n'ont plus d'activité ou qui correspondent au périmètre d'un EPCI à fiscalité propre : il y en a plus de 16.000.
- Enfin, le projet supprime la possibilité de créer de nouveaux pays, dans la mesure où la généralisation de l'intercommunalité fait perdre de son intérêt à cette structure. Bien sûr les pays existant subsisteront, et je sais que le Cher en comporte de nombreux. Cependant, il est souhaitable qu'ils se fondent peu à peu dans les intercommunalités qui correspondraient à leur territoire.

B. L'optimisation des compétences
Le but poursuivi par le projet de réforme est de recentrer l'action des collectivités territoriales sur leurs compétences propres, afin de renforcer leur efficacité et leur légitimité grâce à une meilleure identification par les citoyens des responsables des politiques dont ils bénéficient.
- Le projet prévoit de renforcer la complémentarité des actions du département et de la région.
La suppression de la clause de compétence générale permettra à ces collectivités de se concentrer sur les missions importantes que la loi leur confie.
D'ailleurs la création des conseillers territoriaux siégeant dans les deux assemblées sera facteur de cohérence. Mais j'y reviendrai plus tard.
Bien sûr les communes conservent leur clause de compétence générale, afin de pouvoir agir face à toute situation nouvelle, en tant qu'échelon de proximité.
- Ensuite, le projet prévoit une définition des compétences et réaffirme leur exercice exclusif par la collectivité à qui la loi les a confiées. Cependant, il ne s'agit pas de créer de cloisonnement. Le texte prévoit que certaines compétences soient partagées et organise la possibilité de délégation.
Dans ce cas, c'est la notion de chef de file, introduit par l'acte II de la décentralisation qui prévaudra : la tutelle d'une collectivité sur une autre reste tout à fait exclue. Une deuxième loi consacrée aux compétences précisera le dispositif.

C. Le renforcement de la légitimité démocratique locale
C'est du suffrage universel que les collectivités territoriales tirent leur légitimité, celle de leur existence et de leur action. Afin de la renforcer, le projet propose l'élection des conseillers communautaires et la création de conseillers territoriaux. Je sais que ces mesures suscitent des interrogations parmi les élus, notamment les maires, et je veux ici vous en exposer les raisons.
- les conseillers communautaires en même temps que les conseillers municipaux selon un système de fléchage.
Cette légitimité renforcée donnera au président de l'intercommunalité une véritable autonomie, tout en maintenant le rôle central du maire. Je sais que cette mesure provoque parfois des réticences. Mais il me semble qu'une structure qui lève l'impôt et gère des budgets souvent très importants ne peut pas échapper au suffrage universel.
- La création de conseillers territoriaux est un signal fort envoyé à nos concitoyens sur la simplification : ils ne sont rendront aux urnes qu'une seule fois pour élire des conseillers communs entre conseils régional et général.
De plus la réduction du nombre d'élus voulue par le Président de la République implique de redécouper les cantons. C'est d'ailleurs une obligation juridique en raison de forte disparités démographiques : ainsi, dans le Cher , le canton de La Chapelle d'Angillon a 2 655 habitants, et celui de Saint-Amand-Montrond 18 366 soit un rapport de 1 à 7.
Mais le nombre de conseiller n'est pas encore arrêté. Et pour répondre à une question posée, je ne crois pas au développement d'une « technostructure locale » : les élus locaux, et j'en suis un, ne le permettront jamais.
Quant au mode de scrutin , il devra combiner devra à la fois permettre la représentation des territoires au travers de cantons redessinés et l'expression de la diversité politique par l'introduction d'une dose de proportionnelle .
En termes de calendrier , le projet devrait être examiné en conseil des ministres dans la seconde quinzaine du mois d'octobre pour être ensuite déposé au Sénat conformément à la Constitution .


2. La réforme de la fiscalité locale
C'est une réforme en profondeur de la fiscalité locale qui doit être mise en oeuvre conformément à la demande du chef de l'Etat et dont le premier volet est s'agit la suppression de la taxe professionnelle.
Par ailleurs il est proposé de coupler cette réforme à une spécialisation des impositions locales par type de collectivités. Je terminerai par quelques mots sur la contribution énergie climat.

2.1. La suppression de la taxe professionnelle
Je ne reviendrai pas sur l'urgence de cette réforme : la taxe professionnelle peut constituer une incitation à la délocalisation mais il ne faut pas nier l'importance de cette ressource pour nos collectivités territoriales.
Le nouveau mécanisme sera débattu cet automne dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2010 par le parlement.
Il prévoit la suppression de la part de TP assise sur les investissements. Toutefois, l'impôt économique local subsiste, sous le nom de « cotisation économique territoriale ».

Celle-ci se composera :

  • d'une « cotisation locale d'activité », assise sur le foncier,
  • et d'une « cotisation complémentaire », assise sur la valeur ajoutée.

D'autres taxes sectorielles seront introduites dans certains secteurs économiques (télécommunications, énergie, matériel ferroviaire roulant).
Par ailleurs, cette réforme s'accompagne du respect de trois garanties fondamentales pour les collectivités territoriales :

  • Première garantie : la perte de ressources due à la réforme de la taxe professionnelle donnera lieu à compensation intégrale pour les collectivités territoriales, conformément à notre Constitution. Chaque collectivité retrouvera un niveau de ressources équivalent. Après le transfert de ressources fiscales, si un manque à gagner persistait, une dotation viendrait combler ce déficit.
  • Deuxième garantie : cette compensation sera assurée dans le respect du principe d'autonomie financière des collectivités territoriales : la compensation sera assurée pour l'essentiel par des transferts d'impôts, conformément aux exigences constitutionnelles.
  • Troisième garantie, le lien entre activité économique et collectivités territoriales sera maintenu. Un impôt économique local constitue un juste retour pour les efforts que les élus locaux entreprennent au bénéfice du secteur économique.

Quant au calendrier de la réforme , les entreprises bénéficieront de l'allègement fiscal dès 2010. Les collectivités territoriales percevront en 2010 une compensation correspondant au produit de TP, et recevront leurs nouveaux impôts en 2011.

2.2. La spécialisation des impôts locaux
Cette réforme de la fiscalité locale des entreprises ne peut pas être raisonnablement menée sans réexaminer parallèlement la fiscalité ménages, qui a également fort mal vieilli.
Christine Lagarde proposera dans la même loi de finances un dispositif de spécialisation et de rationalisation des impôts locaux.
Néanmoins, l'affectation des impositions à telle ou telle collectivité résultera des débats menés au Parlement lors de l'examen de la loi de finances.
Enfin, la réforme de la fiscalité locale rendra d'autant plus nécessaire une réforme des valeurs locatives cadastrales.
En effet, les valeurs locatives cadastrales n'ont pas été révisées depuis 1970 pour le foncier bâti, et depuis 1960 pour le foncier non bâti. Elles concentrent aujourd'hui toute l'iniquité de la fiscalité locale pour les Français.
Le Président de la République a donc demandé la mise en oeuvre de ce chantier.

2.3. La contribution énergie climat
La création d'une contribution énergie climat a été annoncée par le chef de l'Etat jeudi dernier.
Si le Président de la République fixe les principes de son action et trace les perspectives fondamentales pour le pays, c'est au gouvernement de mettre en oeuvre ses décisions. A ce stade, une semaine après, il est encore trop tôt pour en parler.
Cependant, j'ai bien noté les réactions légitimes des collectivités territoriales, et singulièrement celle de l'association des maires de France, qui s'inquiète de ne pas bénéficier du mécanisme de compensation.
Je suis très sensible à ces thématiques, vous le savez, et j'ai engagé une réflexion à ce sujet qui, là encore, sera menée dans la transparence et la concertation.
Pour finir, je rappellerai que l'enjeu de la réforme est d'adapter nos collectivités territoriales aux défis de l'avenir. Je sais que vous partagez pleinement cette ambition de modernisation au service de nos concitoyens et c'est vous qui en assurerez le succès.
Je vous remercie.

Source http://www.interieur.gouv.fr, le 18 septembre 2009