Interview de M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel, dans la revue "Communes de France" de juin 2001, sur le rôle des collectivités locales dans la modernisation des filières d'enseignement technologique, des sections d'enseignement spécial et professionnel adapté (SEGPA) et dans le développement d'une professionnalisation durable.

Prononcé le 1er juin 2001

Intervenant(s) : 

Média : Communes de France

Texte intégral

Enseignement professionnel : quel rôle pour les collectivités locales ?
Les collectivités territoriales sont des acteurs importants du partenariat avec l'Éducation nationale. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'Enseignement professionnel, a bien voulu préciser à Communes de France le rôle des collectivités dans ce domaine.
Communes de France. Le projet de loi de finances pour 2001 contient plus d'un milliard de francs de mesures nouvelles spécifiques pour l'Enseignement professionnel. Les Conseils régionaux ont un rôle important dans la répartition des crédits d'équipements. Comment s'articule le partenariat entre le ministère et les régions dans ce domaine ?
Jean-Luc Mélenchon. Les lois de décentralisation ont fait des Conseils régionaux des acteurs de premier plan de la modernisation de l'enseignement professionnel. Ces dernières années, ils ont réalisé un remarquable effort d'investissements en constructions, de mise en conformité des équipements et de maintenance lourde. Il faut les saluer. Je pense que l'État et les Régions sont amenés à renforcer leur partenariat dans ces domaines, sur le principe de la responsabilité partagée. Dans un environnement économique où les métiers et les techniques évoluent constamment, le niveau de qualification de nos élèves dépend directement de notre capacité à équiper les lycées en technologies performantes et à faire évoluer le contenu des programmes. Le Ministère de l'Éducation nationale soutient l'effort des Régions d'une part en participant au renouvellement de l'équipement pédagogique des classes et d'autre part grâce à la nouvelle génération de Contrats de Plan (2000-2006) dont l'exécution permettra, dans de nombreuses régions, d'accompagner le développement et la valorisation des lycées de métiers.
En matière d'équipement pédagogique l'intervention de l'État vise à accompagner le plus rapidement possible la rénovation pédagogique de la voie des métiers par le remplacement des matériels utilisés. Par exemple, le lancement du projet pluridisciplinaire à caractère professionnel nécessitait une utilisation croissante des nouvelles technologies dans les disciplines générales. La loi de finances rectificative pour 2000 a ouvert 150 millions de francs de crédits d'investissement au titre du premier équipement des lycées professionnels en informatique pédagogique. L'accélération de la rénovation des diplômes nécessite aussi une importante modernisation du parc des équipements. En 2001 nous allons ainsi consacrer 50 millions de francs de crédits d'équipement pour rénover spécifiquement 7 grandes filières de BTS dans des domaines aussi stratégiques que le bâtiment, l'énergie, la chimie ou le contrôle industriel. Ce sont là des investissements très importants ! Soutenir directement la pénétration rapide des évolutions technologiques dans les établissements est un axe prioritaire de ma politique. C'est la condition nécessaire à l'élévation des qualifications délivrées dans la voie des métiers.
S'agissant des Contrats de Plan, la programmation 2000-2006 permet de couvrir la voie des métiers dans toute sa diversité, du second degré au supérieur. Par exemple, dans les IUT, plus de 2 milliards de francs de crédits pédagogiques sont programmés dont plus d'un milliard financés par les collectivités locales. La multiplication des synergies État -Régions en faveur du développement de l'offre en IUT est une précieuse contribution à ma politique d'ouverture de l'Enseignement supérieur aux jeunes issus du second degré professionnel. Ce dernier va lui-même bénéficier des nouveaux Contrats de Plan puisqu'une grande partie des crédits programmés pour l'enseignement scolaire (près de 1,6 milliards de francs de crédits d'État) sont destinés à la voie des métiers, et notamment au développement des plates-formes technologiques dans les lycées professionnels et technologiques.
Parce que les Contrats de Plan sont à la fois des engagements consistants en faveur de priorités partagées et des outils à la mise en uvre souple, ils seront aussi un important levier en faveur du développement du modèle de lycée des métiers que je souhaite promouvoir dans chaque bassin de formation et d'emploi.
Communes de France. Les sections d'enseignement spécial et professionnel adapté (SEGPA) accueillent de plus en plus d'enfants relevant d'avantage de structures spécialisées que de l'enseignement professionnel, souvent au détriment d'enfants susceptibles de bénéficier d'un enseignement professionnel adapté leur permettant ainsi de persévérer dans des études professionnelles. Quel rôle peuvent jouer les Conseils généraux pour développer les structures spécialisées ?
Jean-Luc Mélenchon. Les Sections d'Enseignement Général et Professionnel Adapté, en tant que structures intégrées au collège, sont financées par les Conseils généraux. Les efforts consentis pour l'équipement des ateliers où s'accomplissent les enseignements professionnels sont souvent coûteux mais participent à l'enrichissement et à la dynamisation pédagogique des établissements et bénéficient à tous les élèves. Le rôle des Conseils généraux est dans ce domaine indispensable à la réussite des élèves de SEGPA.
L'enseignement adapté, c'est l'honneur de l'école républicaine ! C'est grâce à lui que 120 000 élèves en grande difficulté peuvent accéder à un niveau de qualification contribuant à les protéger et à les intégrer dans la vie sociale et professionnelle. Ce résultat a pu être atteint par des méthodes pédagogiques adaptées, mises en uvre par des équipes enseignantes entièrement dévouées et participant activement à la vie du collège.
Les enseignements des classes de SEGPA correspondent aux trois cycles du collège. A partir de la 4ème de SEGPA, des Professeurs de Lycées Professionnels (PLP), sont amenés à intervenir dans ces classes, afin d'y assurer une pré-professionnalisation prévue par les textes. Le cadre légal est fixé par la circulaire du 27 juin 1996, par laquelle la SEGPA " assume à l'égard des élèves en grandes difficulté qu'elle accueille, une responsabilité de formation dont la visée est, à terme, professionnelle ". Ce n'est qu'après la troisième que la plupart des élèves de SEGPA se retrouvent en Lycée Professionnel. Il n'y a donc aucune sorte de concurrence entre les jeunes relevant de l'enseignement adapté et les autres élèves dans l'enseignement professionnel. C'est une des forces de la voie professionnelle que de savoir faire une place à tout les types d'élèves, par la richesse de l'offre de formations et par les méthodes pédagogiques qui y sont pratiquées. Nous pouvons être fiers de notre système public d'Éducation !
Communes de France. De récentes études font apparaître qu'un lycéen sur deux, notamment en Région parisienne, a été victime de violence scolaire. Quelles mesures peuvent être prises rapidement pour éradiquer la violence de l'école républicaine et quelle place pourraient y prendre les collectivités locales ?
Jean-Luc Mélenchon. La prévention de la violence est une de mes priorités. Le 5 mars dernier, je me suis adressé aux chefs d'établissement des 1700 lycées professionnels publics et privés sous contrat afin de leur proposer d'engager l'ensemble de la communauté scolaire autour d'une action volontariste contre la violence à l'école. Mon ambition est claire : il s'agit d'éradiquer toute forme de violence des lycées professionnels. Je suis persuadé que nous pouvons atteindre cet objectif. La spécificité des lycées professionnels par les contenus enseignés, les méthodes pédagogiques pratiques, le rapport concret à la règle sociale et professionnelle, offre un cadre privilégié pour prévenir les violences scolaires.
Mais pour cela, il faut éviter de tomber dans le piège de l'affolement qui conduit trop souvent à agir dans la précipitation et à privilégier " le tout répressif ". Je propose au contraire de mettre en uvre une méthode fondée sur le discernement et la généralisation des bonnes pratiques. Lorsque la violence apparaît ou se généralise, dans un lycée, il est évidemment nécessaire de réagir pour que les actes soient sanctionnés. Mais il est essentiel que l'ensemble des acteurs puissent appréhender ces phénomènes comme un problème social dont il faut traiter l'ensemble des dimensions à partir des compétences disponibles dans l'établissement. Depuis plusieurs années, de nombreux lycées ont mis en place des méthodes de prévention et de réponse qui ont fait leur preuves. Je souhaite que les autres établissements bénéficient de ces expériences positives et à leur tour mettent en uvre ces solutions concrètes.
Pour accompagner la mise en uvre nationale du dispositif anti-violence, j'ai chargé le 26 mars 2001 M. Jean-Louis AUDUC d'élaborer, avec un groupe de travail, un certain nombre de fiches techniques correspondant aux mesures annoncées dans ma lettre du 5 mars. Le partenariat entre les lycées professionnels et les collectivités territoriales est au cur du dispositif que je veux mettre en place pour la rentrée 2001. Il peut s'effectuer au travers de contrats locaux dans lesquels l'Education nationale est représentée (contrats de ville, contrats locaux de sécurité). Il peut aussi se concrétiser dans le comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC). Il est essentiel d'y associer également les services publics et le monde associatif .Pour qu'un partenariat réussisse, il faut qu'il ait du sens pour tous les acteurs concernés et que les compétences s'additionnent au lieu de se superposer ou de se substituer. Chacun doit se préoccuper d'accompagner les autres, de les aider à accomplir leurs missions clairement définies et exposées à tous. C'est là l'un des principes du dispositif anti-violence.
Communes de France. Dans un autre domaine, quel rôle entend jouer votre ministère dans le cadre du développement des groupements d'intérêt public, nouveaux instruments de développement local du service public d'Éducation ?
Jean-Luc Mélenchon. Dans le domaine du développement local, le service public d'Éducation joue depuis des décennies un rôle essentiel. Les établissements d'enseignement technologiques et professionnels ont tissé des liens nombreux et riches avec leur environnement socio-économique. Le développement de l'alternance dans tous les diplômes, celui de la formation continue au travers du réseau des GRETA ont incontestablement contribué au développement local du service public d'Éducation. Mais, ce développement a besoin aujourd'hui de nouveaux outils afin que soient renforcés les partenariats avec les acteurs locaux.
Je compte beaucoup sur les groupements d'intérêts publics (GIP) pour mettre en uvre cet axe de ma politique. Le cadre en a été fixé par la loi du n°99-587 du 12 juillet 1999. Les textes réglementaires pour leur mise en uvre sont en cours de publication. Ils permettront de créer deux types de GIP : les GIP " académiques " qui visent à regrouper au sein d'une même entité les différentes missions des académies en matière de formation continue et d'insertion professionnelle et les GIP " transfert de technologie " qui vont accroître le potentiel de diffusion des innovations technologiques au niveau local par un partenariat actif avec les entreprises.
Les GIP, en se développant, vont devenir des instruments au service de la professionnalisation durable. Dans un environnement économique en pleine mutation, notre système éducatif doit pouvoir fournir aux futurs salariés les connaissances et les qualifications nécessaires à leur carrière sur le long terme. La professionnalisation durable implique le développement d'un modèle éducatif global et cohérent tant sur le plan national qu'au niveau local ; et permettant la formation tout au long de la vie. La France est le seul pays à posséder un tel système enchaînant formation initiale, formation continue et validation des acquis professionnels ! Le maillage du territoire existe et possède désormais les outils nécessaires à son développement. L'expérience acquise nous permettra de satisfaire en même temps les besoins économiques et d'assurer l'émancipation des personnes.
(source http://www.enseignement-profesionnel.gouv.fr, le 2 juillet 2001)