Texte intégral
La Fédération Nationale des Sociétés Coopératives d'HLM
a organisé son Assemblée Générale
les 2 et 3 mai 2001 à Paris (Maison des Arts et Métiers, Paris 16ème).
Intervention de Guy HASCOET,
Secrétaire d'Etat à l'Economie solidaire
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires, j'en vois quelques-uns dans la salle,
Un petit regard d'abord, peut-être, dans le rétroviseur ; car cela a été dit, effectivement je crois que c'était ma deuxième sortie, l'assemblée générale voici un an de votre Fédération.
Que s'est-il passé depuis ?
D'abord la réaffirmation qu'il existe en économie des démarches diverses, que l'enrichissement rapide et individuel à tout crin n'est pas forcément l'objectif de tous en terme de philosophie, ni d'action concrète dans la vie, et qu'il est une histoire longue d'initiatives, qui s'est traduite, vous le savez ici, par une vie associative, coopérative, mutualiste, très riche, dont notre pays peut s'honorer ; je crois qu'il est important qu'après quelques années de sommeil, du point de vue de la reconnaissance institutionnelle en tout cas, pas de l'action des acteurs, ceci soit à nouveau clairement inscrit au fronton dans le paysage politique, avec l'ambition, à la fois de moderniser, ou de mettre en sécurité parmi les familles historiques celles qui rencontrent concrètement des difficultés, parce que l'évolution des choses, juridiquement ou dans le contexte économique n'est pas toujours favorable.
Je pense au travail qui a été fait pour finaliser le chantier de la refonte du code de la mutualité qui a quand même trouvé son aboutissement, même si de nombreux décrets doivent suivre maintenant la publication du 19 avril au Journal Officiel. Je pense à la question de l'accès aux fonds propres, qui est un problème rémanent, qu'il va nous falloir traiter par une augmentation en volume, qualitative dirais-je, des dispositifs qui ont maintenant pris un peu d'âge, si je peux dire cela ainsi, mais c'est aussi l'installation de secteurs nouveaux.
J'étais tout à l'heure à une rencontre sur le commerce équitable avec 150 acteurs à peu près, on voit poindre des thèmes qui de fait, en philosophie, en concret, sont dans la tradition, ou s'inscrivent dans l'histoire, finalement, de la famille de l'économie sociale, simplement essaient de trouver des terrains nouveaux de développement qui permettent de construire une relation économique juste, avec le souci d'un équilibre des relations et de la redistribution entre partenaires tout au long d'une filière économique.
Ce sont des secteurs qu'il faut installer, qui n'ont aujourd'hui aucun repère, aucune référence dans le droit et qui ne disposent, de ce point de vue, d'aucune reconnaissance effective.
Et puis, il y a les hybrides qu'il faut faire naître ; vous en avez évoqué un ; la société coopérative d'intérêt collectif : tout est prêt, c'est prêt au sens que juridiquement, l'objet est décrit, son intérêt, vu du monde coopératif est reconnu, du côté associatif aussi, le conseil supérieur de la coopération a donné un feu vert, si je puis dire, le CNGA s'est prononcé en demandant quelques aménagements, sans contester l'intérêt de fond de la démarche, qui est très importante.
Aujourd'hui donc, nous sommes en mesure, j'espère, de pouvoir offrir un destin à ce texte, amendement gouvernemental, loi d'initiative parlementaire ? J'espère que j'aurais la réponse d'ici quelques heures ; patientons donc, je crois que les choses sont en train de se préciser à cet égard.
Un chantier qui s'est ouvert pour moi avec la volonté aussi de réinstaller l'ensemble de l'économie sociale et solidaire dans les territoires ; cela pose le problème de la reconnaissance du secteur dans les instances consultatives, de sa représentation régionale, c'est le travail qui est entamé en direction des CRES, de faciliter le fait que se déverse tout le savoir-faire et toutes les énergies des têtes de réseau.
Vous êtes un réseau ; il y en a à peu près une centaine dans les familles de l'économie sociale et solidaire, qui sur des niches ou des thématiques, possèdent aujourd'hui une ingénierie, un savoir-faire, reconnus et susceptibles d'apporter de manière efficace un éclairage aux acteurs de terrain qui voudraient entreprendre dans tel ou tel domaine.
Il y a aussi sans doute à organiser, c'est peut-être l'objet d'aujourd'hui, l'hybridation des savoir-faire ; je pense que vous avez un secteur d'histoire longue qui a su créer les conditions d'un accès au logement à des gens pour qui le coût d'accès était trop élevé, qui a su créer une souplesse dans l'organisation du contrat passé entre le coopérateur et la coopérative, une manière souple de pouvoir aborder éventuellement les incidents de la vie, ou les problèmes de difficultés momentanées.
Aujourd'hui, cette question (vous l'avez effectivement souligné dans vos travaux) revient à dire : y a-t-il un grand rôle de reconquête urbaine ? Y a-t-il un rôle pour accélérer la mixité sociale, pour faciliter l'usage des dispositifs d'accession sociale ou très sociale au logement ?
Je peux vous dire, pour avoir fait adopter l'article sur la loi de l'épargne salariale, que vous serez, je l'espère, amenés assez vite à pouvoir interpeller des syndicats dans des entreprises, en disant : " vous disposez de fonds solidaires ? Oui, non ? ", " Etes-vous prêts à nous accompagner ? Dans quelles démarches ? Pour réinvestir sur des projets dans le territoire local où se trouveront ces entreprises ? ".
Je crois que tout un maillage peut se faire ; une tête de réseau compétente par exemple sur des problèmes de haute qualité de l'environnement a été interpellée sur son intérêt ou pas pour accompagner un mouvement comme le vôtre, pour essayer de rendre le logement le moins coûteux possible en fonctionnement ; et là, la question sociale rejoint celle de l'environnement : comment produit-on un logement, je ne veux pas dire scandinave, mais en tout cas où l'efficacité des flux, que ce soit de l'eau dont on parle, du gaz, de l'électricité, va jusque dans l'investissement dans le système d'éclairage ou dans l'électroménager blanc, de manière à offrir aux populations les plus modestes le matériel le moins gourmand en terme d'appel aux flux, et donc ceux qui produisent la facture la plus basse.
Or, nous sommes un peu à l'envers aujourd'hui encore dans notre pays : plus vous êtes modestement doté au point de vue argent, plus vous avez les matériels fortement consommateurs et donc, qui vous génèrent les factures les plus lourdes ; je crois que c'est une réflexion qui aujourd'hui mérite d'être posée, sans parler de l'analyse qui est faite maintenant des conséquences sur le plan des budgets sociaux de certains modes d'investissements de chauffage, mais je ne vais pas développer cela plus avant, vous le connaissez aussi bien que moi.
Je crois qu'il y a des chantiers sur lesquels la finance solidaire, la structuration progressive d'un secteur à part entière où l'on voit apparaître un certain nombre d'associations, de coopératives, d'établissements financiers, l'interpellation qui a été produite par la loi d'épargne salariale, qui va être faite à l'endroit de ceux qui dans l'entreprise choisiront librement, ou pas, de créer ces fonds ; si la réponse est non, il n'y aura pas plus de fonds solidaires que de fonds communs de placement d'épargne salariale, mais si la réponse est oui, la niche juridique pour la création des fonds solidaires est de fait créée simultanément.
Elle ouvre après un débat des partenaires pour savoir s'il est abondé, dans quelles proportions et quels usages on veut en faire, sachant que l'usage ouvre trois possibilités, vous le savez : celle d'une gestion directe, les gestionnaires du fonds pouvant intervenir et décider de participer à des opérations et répondre présent auprès de certains partenaires dans leur bassin ou même extérieurs à leur bassin, soit de déposer cet argent auprès de partenaires qui en font un métier et qui sont plus " spécialisés " dans la gestion de l'épargne solidaire.
Je crois qu'une combinaison qui permettrait de réinterpeller la collectivité locale sur un plan politique en disant " êtes-vous prêt à nous suivre dans des opérations ? ", à décrire aussi des terrains où ces opérations pourraient prendre place, serait importante.
Là, je voudrais ouvrir une réflexion que je voudrais mener avec vous ; j'ai pris déjà langue avec ma collègue Marie-Noëlle LIENEMANN, nous allons essayer de trouver les termes d'un partenariat concret, pour essayer ensemble de faire le bout de chemin autour de ces objets, celui du foncier solidaire.
Je ne vous cacherai que la réflexion n'est pas venue au départ par rapport à la question du logement, mais je crois quand même qu'à la fois, la mise à disposition, ou le fait qu'une propriété de terrain puisse être acquise par une mobilisation citoyenne ou coopérative, voire même par une mise à disposition dans certains cas par la puissance publique, locale, ou territoriale, c'est une question qui dans votre domaine existe.
Je l'avais nourrie au départ par l'idée (voyez comme quoi le même objet peut se traduire dans des terrains très différents) sur la question de la réinstallation du nombre de jeunes en agriculture. Je pensais qu'il fallait revenir à la notion d'exploitation, et quand on est exploitant, qu'on n'ait pas à recapitaliser les murs, la terre et donc s'endetter tellement que cela devenait impossible de s'installer.
La réflexion de départ était partie sur l'idée : peut-on remobiliser des formes coopératives foncières pour mettre un outil de travail à disposition ? Dès lors de fil en aiguille, on en est venu à l'idée : s'il y a un foncier solidaire, qu'est-ce qui peut en déterminer les critères ? Quelles sont les démarches juridiques qui pourraient autoriser le fait de pouvoir prendre possession d'un foncier ? Ou voir mis à disposition ce foncier ? Cela par rapport à des démarches d'intérêt général, de quelle nature ? Je crois que la votre rentre de plain-pied dans cette recherche et cette définition.
Comment faire en sorte que finalement, la combinaison entre une mobilisation d'un mouvement, le vôtre, de citoyens capables de s'intéresser ou de découvrir cette démarche (je crois, il faut le dire et nous pouvons y regarder ensemble aussi, vous n'êtes pas assez connus je pense dans pas mal de territoires, et je suis persuadé qu'il existe partout des citoyens prêts à relever le défi à vos côtés) et sans doute regarder comment on croise des compétences sur les flux, des compétences sur les questions de foncier, ou de mobilisation d'épargne.
Si l'on arrive à construire une démarche solide qui décrit son ambition sociale à nouveau, qui lui donne un horizon, qui prenne en charge les problématiques de notre époque, matinée, pas au sens de faible, mais simplement d'ingrédients qui aujourd'hui sont devenus des contraintes permettant la jonction sociale et environnement, mobilisant des dispositifs techniques et financiers nouveaux qui offrent des possibilités, nous avons là, je crois un beau chantier, qui permet d'ouvrir, j'en suis sûr, non seulement des horizons intéressants par le nombre de projets qu'il serait susceptible d'accompagner, voire de susciter, qui permettrait dans la tradition et dans votre histoire de poursuivre ce que vous avez finalement toujours essayé de faire : faire que des gens disposant de peu de moyens puissent accéder à un logement de qualité et pourquoi pas, à un logement qui soit le leur ?
(Applaudissements)
Mme AMBRY - Nous avons quelques instants pour le débat, vous pouvez poser des questions ou alimenter la réflexion par rapport aux deux allocutions que vous venez d'entendre.
M. MOLLER (Armor Habitat) - Je voudrais connaître votre opinion sur ce qui se passe dans certains pays, notamment je pense en Allemagne, en Angleterre également et au Québec où c'est très fort (ce pays partageant la même langue que la nôtre et la même histoire, quelque part, il y a donc des points de convergence, on peut faire quelques parallèles) : les organisations syndicales se sont engagées dans des fonds de pension de manière très significative, avec une démarche éthique (autant que je puisse en connaître).
N'y a-t-il pas là une manière peut-être d'aborder cette difficulté et cette problématique que l'on voit arriver, puisque le mouvement libéral tend à porter l'accent vers le fonds de pension plutôt que vers la répartition classique ? C'est votre opinion que j'aimerais avoir.
M. HASCOET - Il est important de bien distinguer et trier les choses dans cette affaire ; si je vous dis que je suis un défenseur farouche des systèmes de retraite par répartition, vous ne serez pas complètement surpris, je ne pense pas ?
(Dénégation)
Je ne pense pas !
Après, il faut voir qu'il y a eu effectivement (et vous prenez l'exemple Québecois) une capacité à articuler le monde du travail dans l'entreprise et le monde du développement local.
S'il y a une ambition, (et dans les choix que l'on a faits sur l'article 19 à la fin de la xième lecture dans la loi d'épargne salariale) c'était de dire que c'est peut-être un vecteur, puisque le débat est posé, de réinterpeller l'ensemble du monde de l'entreprise et notamment les acteurs syndicaux à travers cela, de laisser le libre choix, ce qui est respectueux de la réflexion ; je viendrai après sur le fond de la distinction ; je considère que les fonds d'épargne tels qu'ils ont été créés ne sont pas des fonds de pension.
C'est très important de le dire : d'abord, laisser le libre choix donc veut dire poser un débat, ne pas imposer les choses ; si l'on a des entreprises où les responsables, gestionnaires de l'entreprise en général, ou les représentants syndicaux, se voient imposé un objet non identifié, sur lequel ils n'ont pas eu de discussion, sur lequel il n'y a pas eu une appropriation de la démarche, on s'apercevrait vite qu'au bout de quelques années, on aurait produit quelque chose qui végète et qui n'est pas porté.
Je pense que l'appropriation du thème et de la démarche paraît essentiel.
Après, on a laissé ouvertes les différentes voies d'utilisation de l'argent pour simplement deux raisons : d'une part car il n'est pas sûr que les gestionnaires de fonds aient une culture d'ouverture sur l'économie sociale et solidaire ou le développement local, dans un certain nombre de cas, on pourrait en douter, et d'autre part, il n'est pas forcément évident de devenir spécialiste de tout et de commencer à vouloir être opérateur en ligne directe, et savoir ce que c'est qu'accueillir les porteurs de projets, les sélectionner, accompagner l'idée pour qu'elle devienne un projet, le porteur de projet pour qu'il devienne éventuellement quelqu'un qui dirige son propre projet.
Or, on sait que c'est là que malheureusement, souvent, une partie des personnes disparaissent en cours de route, parce qu'elles n'arrivent pas à diriger leur idée jusqu'au bout, c'est-à-dire à devenir " le responsable de l'entreprise ", quel que soit le statut qui ait été choisi, et qu'elles n'arrivent pas non plus à accepter l'idée que quelqu'un d'autre porte le projet à leur place, on sait très bien que l'écueil est là, il est beaucoup plus psychologique que formatif finalement, ou en terme de compétence.
Faciliter ce type de démarche, c'est dire : si vous voulez vous spécialiser, vous avez les moyens, vous êtes une grande entreprise, vous relevez ce gant, très bien ; vous allez fabriquer une culture du développement local, vous doter de gens qui vont avoir eu des parcours qui correspondent à cela, et si en revanche, vous estimez qu'à la fois la démarche mérite d'être soutenue et que vous êtes prêt à y mettre quelques moyens, vous pouvez aussi prendre langue avec des gens qui ont déjà cette compétence, qui l'exercent dans votre bassin d'influence et qui vont être en partenariat avec vous, devant ceux qui vont gérer le contact direct avec les acteurs.
Je crois que c'est important : je le dis toujours, la séparation date de 1895 ; dans notre pays, on a parfois le sentiment, dans le dialogue avec l'ensemble de ceux qui sont les héritiers d'une idée coopératiste ou associationniste de la fin du XIXème, dont vous êtes une branche héritière parmi d'autres, et ceux qui sont les tenants d'un système central pyramidal, d'en haut vers le bas, finalement le XXème siècle a plutôt été une dominante des second, est-ce que le XXIème siècle sera cela avec la remise en réseau des citoyens, des territoires et des projets ? Rien n'est dit.
Je crois qu'il faut donc laisser ouvertes les possibilités, réinterpeller le monde du travail pour lui dire : peut-être qu'il est temps, 106 ans plus tard, de passer l'éponge et de regarder comment, en bonne intelligence, on réarticule les deux ensembles ? En tout cas, c'est tout le mal que je souhaite et j'espère que, modestement, certains éléments de dossier, tels qu'ils ont été constitués, c'est-à-dire la SCIC comme objet partenarial, qui va réinterpeller peut-être certains Comités d'entreprise aussi, l'épargne sur l'utilisation de l'argent et le fait de le mettre à disposition de démarches d'intérêt général ou de démarches de sens, si déjà ces deux objets pouvaient permettre de faire renaître cette discussion et renouer l'alliance historique, ce serait déjà pas mal !
M. Joseph GAUDIN (Directeur de l'Habitation Familiale à Rennes) - Je voulais vous faire part d'une préoccupation que nous portons chez nous, dans notre coopérative, qui est : comment faire participer ceux qui sont nos usagers, comment les faire devenir de véritables coopérateurs ? " Coopérateurs ", c'est-à-dire des gens qui contribuent, qui reçoivent, mais aussi qui apportent.
Le président de notre coopérative souhaite que nous approfondissions cette question, qui est une question sur laquelle nous avons des engagements déjà de plusieurs années, puisqu'en tout cas dans le métier de gestionnaire immobilier, nous avons engagé des opérations de formation, de façon à ce qu'il se dégage, des personnes qui assument la responsabilité au plus près de l'habitant, nous essayons de faire vivre.
Nous considérons que nous ne faisons qu'entrouvrir le chantier, malgré que nous y soyons depuis 7 ou 8 ans. C'est très long à réaliser.
Quand vous avez parlé tout à l'heure de la naissance du mouvement fin du XIXème, cette naissance s'est traduit par une solidarité spontanée. Vous avez dit tout à l'heure que nous sommes passés dans une situation où les choses venaient plutôt d'en haut ; aujourd'hui comment remettre tout cela à fonctionner dans une société de consumérisme exacerbé ? C'est notre préoccupation.
Mme AMBRY - Hors du micro, Monsieur HASCOET a dit " je ne suis pas sûr d'avoir la réponse " ; peut-être que Jean-Louis DUMONT et vous pouvez chacun apporter votre pierre à cette élaboration ?
M. HASCOET - Je faisais un aparté, car vous posez une question qui pourrait s'adresser à chacune des personnes présentes dans cette salle j'imagine, c'est-à-dire quelles sont les bonnes recettes ? Y en a-t-il ? Quelles sont les méthodologies ? L'appropriation ? Les événements, le liant qu'il faut mettre autour d'une démarche pour qu'en permanence, et dans la continuité, elle concerne les gens, les mobilise ou qu'au minimum, ils aient une veille positive, qu'ils se sentent partenaires du projet, qu'ils participent à divers stades ?
Il est vrai que c'est une question fondamentale, car je pense que s'il y a eu à un moment donné des offensives (et il y a des offensives qui sont brutales à l'endroit de toutes les formes qui sont nées de cette culture de faire autrement dans l'économie) c'est peut-être aussi parce qu'à certaines périodes, certains mouvements ne montraient plus, ou pas assez, leur spécificité, et n'étaient pas assez en phase avec leur propre histoire.
A un moment donné, je suis toujours surpris, j'en ai discuté souvent avec des responsables de mutuelles, comment pendant autant d'années des organismes qui n'avaient de mutuelle que l'emballage qu'ils avaient bien voulu donner, aient pu utiliser des mots vidés de leur sens sans être l'objet d'attaques juridiques pour protéger ce qui n'était pas seulement des mots, mais une histoire, des valeurs, une démarche, qui étaient incomparables par rapport à l'actionnariat des compagnies d'assurance.
C'est une question qu'il faut revisiter : je le faisais en suggestion, il faut peut-être le préciser : je vais pousser un peu le trait ; quand je parlais de remise en réseau des territoires, des acteurs, je suis persuadé aujourd'hui (nous sommes en train de préparer à peu près 60 conventions de têtes de réseau, des pactes locaux de développement de l'économie sociale et solidaire et nous allons proposer une réunion à tous les élus locaux en charge de la thématique à la mi-juin) que tête de réseau, représentation régionale, pactes locaux, le maillage, ou le fait de retisser l'ensemble du lien entre tous les acteurs du secteur et dans toutes les thématiques et toutes les initiatives qui existe, est la plus sure manière de permettre cette réappropriation, voire de développer le nombre de structures coopératives dans des endroits où elles n'existeraient pas encore.
Je crois que c'est une perspective que l'on peut avoir en ligne de mire ; je suis extrêmement surpris, il est vrai que c'est plutôt lié au phénomène des nouvelles technologies, il est vrai qu'il y a un goût de se mettre en réseau et de se reconnaître entre soi (le " entre soi " pouvant prendre des formes diverses et variées), mais quand même ! On sent aujourd'hui qu'il y a un retour vers un intérêt de prendre en main sa destinée, ou de se remettre en réseau avec d'autres acteurs. Cela peut être sur le plan local, c'est sur le plan thématique, c'est entre territoires, ce sont des gens qui portent un même projet dans un même domaine.
Je suis surpris, en allant un peu partout dans notre pays, de voir à quel point une démarche dont on a eu connaissance quelques semaines avant peut se propager ou se répartir à toute vitesse à travers le territoire ; ce que je veux dire par là, c'est que si l'on veut une réappropriation dans un certain nombre d'endroits de telles démarches, il faut aussi regarder comment vous mettez à disposition une histoire, un savoir-faire, et comment vous capitalisez entre vous finalement (entre vous ou d'autres acteurs dans d'autres secteurs) cette démarche de participation pour essayer d'en tirer des enseignements.
Je suis prêt à regarder, à travailler là-dessus, c'est une question transversale ; il n'y a pas une seule famille de l'économie sociale et solidaire qui n'y soit pas confrontée ; il y a des réussites, il y a des endroits où il y a des inquiétudes, j'espère que la démarche du portail qui va s'officialiser le 29 mai permettra de mutualiser toutes les expériences et toutes les démarches pour le profit de chacune des composantes du paysage de l'économie sociale et solidaire ; en tout cas, c'est tout le challenge que l'on a devant nous.
Encore une fois je crois, culturellement, actuellement, que des choses plaident pour un retour d'un certain nombre d'engagements, alors que je n'aurais pas dit cela il y a 15 ans ou 20 ans, où au contraire on se sentait rentrer dans des périodes où l'on avait l'impression d'être confronté à un mur en terme de culture, alors qu'aujourd'hui je pense qu'il y a un vent frais nouveau qui souffle et qui est très positif par rapport à cela.
M. LE PRESIDENT - Joseph GAUDIN a raison de poser la question, mais elle se pose pour chaque coopérative ; nous devons dans nos organismes faire une recherche pour, sur le territoire donné, compte tenu de l'histoire, du contexte, de l'environnement, se dire : comment amener s'il en est besoin, comment poursuivre lorsque cela existe encore, (et cela existe encore dans de nombreuses coopératives) une réelle participation des usagers, des clients qui sont devenus des coopérateurs ?
Il est vrai que les modes de financements du logement social au cours de ces 15 ou 20 dernières années dirons-nous, lançait aussi la banalisation culturelle ; c'est à nous aujourd'hui à réinventer, pourquoi pas, certaines nouvelles formes de participation, d'interpeller aussi les usagers, de les amener à apporter leur contribution.
Il faut accepter qu'ils viennent de temps en temps nous déranger, parce qu'on les aura dérangés et qu'on ne les aura pas pris simplement comme des consommateurs qui peut-être ont choisi un produit, ont payé ce produit et pensent à autre chose.
Il faut bien que l'on dépasse cela ; peut-être qu'effectivement il y a aujourd'hui des mouvements qui se font jour, qui étonnent, qui détonnent peut-être aussi, mais qui sont les prémisses d'une nouvelle forme de participation sociétale ; à nous collectivement, comme l'a dit Guy HASCOET, de mettre ensemble toutes ces expériences et mouvements pour redonner du sens.
Tout le monde réclame du sens, ou veut donne du sens à ces actions ; il faudra y aller ; sinon nous aurons de dures désillusions ; si nous voulons éviter demain des affrontements, il faudra bien que l'individu retrouve sa pleine place ; et le mouvement coopératif mutualiste et associatif y contribuera tout particulièrement puisque c'est dans notre culture que cela se passe.
(Source http://www.union-hlm.org, le 25 juin 2001)
[Suite du texte dans l'UD 013001924-2]
[Début du texte dans l'UD 013001924-1]
M. LEZIER (Maison Familiale de Loire Atlantique) - Je ne veux pas laisser passer l'occasion, Monsieur le Ministre, de vous avoir presque sous la main, pour vous poser cette question : ce matin, nous débattions en table ronde d'un certain nombre de problèmes et est apparue la question de l'Europe et de la reconnaissance par l'Europe de la spécificité de l'économie sociale.
Ma question est très simple : voici quelques années, l'économie sociale en tant que telle à Bruxelles était reconnue ; aujourd'hui, tout au moins en France, alors que l'économie solidaire ou sociale n'était pas vraiment reconnue voici une dizaine d'années, elle est maintenant au goût du jour et vous en illustrez vous-même par vos propos la renaissance.
Il y a donc un hiatus actuellement entre ce qui se passe au niveau national et ce qui se passe à Bruxelles ; nous disions ce matin que nous craignions beaucoup du libéralisme ambiant par rapport à nos positions, notre philosophie.
Ma question est la suivante : Monsieur le Ministre, que faites-vous pour, à Bruxelles, faire reconnaître notre spécificité et avoir disons, dans les années qui viennent, la chance de nous donner les structures dans lesquelles nous pourrons développer nos activités ?
M. HASCOET - Pour reprendre, dire le constat et ce qui est en cours, effectivement j'ai été tout de suite saisi du problème de la disparition, du fait que soit fondu le secteur de l'économie sociale dans la direction entreprises, et toutes les conséquences que l'on imagine en terme de culture.
Et puis, la discussion avançant, les responsables à Bruxelles m'ont dit : on n'est pas automandatés ; si on a revu l'organigramme, replié telle ou telle direction, diminué les champs d'intervention, c'est à la demande des Gouvernements.
Quelque part, quand même revenons à la légitimité là-dedans : l'administration de Bruxelles n'invente pas elle-même les directions dans lesquelles on nous demande d'aller, elle essaie de traduire une orientation ; il est vrai que la commission PRODI a été montée sur l'idée de restreindre les champs d'intervention, de revenir à un socle plus dur par rapport à des habitudes cumulatives qui ont fait que la commission commence à intervenir un peu partout, et l'économie sociale parmi d'autres a été victime de cette restructuration.
En revanche, quand on a pris l'initiative, et cela dès la création du secrétariat d'Etat, des rencontres de Tours, c'est avec le sentiment d'une part qu'il fallait que la thématique existe fortement sous la présidence française, car rien n'était prévu, deux, d'arriver à provoquer, à susciter pour la première fois, j'y insiste, une réunion de ministres européens sur les questions de l'économie sociale et solidaire (cela n'avait jamais existé) et d'arriver à faire prendre, non pas une habitude, mais en tout cas être certain qu'à la sortie de Tours on n'aurait pas fait un coup pour rien ou ponctuel en novembre 2000, mais qu'on aurait bien l'engagement d'autres Gouvernements et d'autres Etats de s'engager dans la durée à poursuivre ensemble ces travaux.
C'est ce que nous avons fait ; nous avons passé un accord avec nos amis Suédois et Belges, nous sommes en train aujourd'hui de négocier à Madrid la suite de la présidence belge, de manière à ce que, tous les six mois, chaque Gouvernement qui préside l'Union s'engage à animer un événement qui permette de marquer les étapes de nos travaux communs.
Quels travaux ? D'une part, de réinscrire et de faire reconnaître dans tous les programmes européens la place de l'économie sociale et solidaire ; cela a été pour nous d'abord le fait de faire rentrer la problématique dans l'agenda social. Cela a été fait et figure dans le document qui a été adopté au sommet de Nice.
Cela a été ensuite d'avoir l'engagement de pouvoir le traduire dans les plans nationaux d'action pour l'emploi, les futurs PNAI qui sont en discussion, et de réinterpeller les politiques structurelles européennes, ou même le programme entreprises ; donc, nous sommes engagés sur ces travaux actuellement ; le PNAE est fait ; le PNAI, nous y travaillons, et nous avons ouvert les différents chantiers pour dire il faut que la thématique de l'économie sociale et solidaire en tant que telle soit réaffirmée et présente transversalement dans toutes les démarches européennes de manière qu'il n'y ait pas de contestation de sa légitimité à être éligible à tel ou tel financement quand des dossiers arriveront aux différents niveaux où ils sont instruits.
Je n'y suis pour rien, non, je suis au bon sens du terme, parfois opportuniste, l'adoption de la SAE (société anonyme européenne) à Nice, qui était en gestation depuis 30 à 32 ans a fait que j'ai posé tout de suite la question de la réinscription du statut coopératif européen, du statut associatif, question qui a été mise tout de suite à l'ordre du jour par Elisabeth GUIGOU d'une ultime réunion sous présidence française le 20 décembre, l'accord ayant été pris de réinscrire cette démarche dans les présidences futures.
Pour l'instant, la discussion est ouverte autour du statut coopératif, c'est la Suède qui préside actuellement aux destinées de l'Union ; les Belges se sont engagés à continuer le travail autour du statut coopératif s'il n'était pas achevé et à inscrire le statut associatif, et par ailleurs le Gouvernement belge a annoncé, dès le mois de novembre, à Tours, qu'il inscrirait la question du label social à l'ordre du jour de sa présidence.
On peut peut-être dire un mot : dans l'esprit européen, dans la manière dont l'abordent nos amis de Belgique, il reste pour moi (j'ai des rendez-vous prévus pour cela) à vérifier que l'on soit bien d'accord sur les termes de ce que recouvrirait ou de ce que recouvre cette notion de label social.
L'idée quand même qui rejoint le débat sur le label " d'utilité sociale ", qui a été suggéré dans le rapport d'Alain LIPIETZ entre autres, c'est de dire : si on veut faire reconnaître un droit particulier dans un ensemble, au nom de la spécificité, ou de l'intérêt général, ou de l'utilité collective ou sociale d'un service, d'une production ou d'une démarche, il faut que l'on aille jusqu'au bout, c'est-à-dire que l'on arrive à décrire les conditions, les critères qui fondent cette reconnaissance par la collectivité publique.
C'était peut-être impensable, car il y a des temps de retard dans l'histoire : parfois, quand un vent souffle de telle manière, il se répercute à l'échelle européenne ou dans d'autres pays avec 5 à 10 ans d'effet retard, on est donc peut-être encore en train de gérer la traîne d'une période antérieure, mais je crois que l'on a réouvert des espaces qui permettent de penser que la question des spécificités ou la question de la hiérarchisation dans le droit européen de la place de l'économie sociale et solidaire est quelque chose qui peut et doit être posé.
Je ne suis pas, ni optimiste béat ni pessimiste, je crois que c'est une question de travail, une question de lobbying politique, une question de faire que cette question soit présente partout, dans le plus grand nombre d'endroits et portée par un maximum d'acteurs.
Evidemment, si personne ne la porte politiquement, là, il y a un hiatus ; la thématique j'imagine n'avait pas figuré dans un tour de table ministériel dans les réunions à Bruxelles ou à Luxembourg depuis des mois voire des années et des années, elle y est à nouveau ; j'ai pu faire un compte-rendu au mois de décembre, puisque la ministre française, en l'occurrence Elisabeth GUIGOU présidait au nom de la France, j'ai pu faire l'exposé de la démarche de Tours, du protocole d'accord qui avait été signé, du sens que cela avait devant l'ensemble des ministres de l'Union.
Je sais qu'à GUEVLES, les 7, 8, 9 juin se déroulent les rencontres européennes de l'économie sociale, prévues de longue date, qui seront l'occasion d'une rencontre à nouveau de ministres ; la même chose aura lieu à OSTENDE, au mois de novembre, sous présidence belge ; les travaux sont décrits, nous avançons et je crois qu'il faut accélérer la marche. La question des mutuelles est peut-être plus compliquée au moment où, après 9 années d'incertitude juridique, on vient de refondre le code, ce n'est donc peut-être pas le moment de poser la question du statut mutualiste européen, encore qu'il faille en débattre avec les mouvements mais la question des fondations par exemple, qui n'a jamais vraiment été posée clairement : veut-on du droit européen qui recouvre l'ensemble des démarches collectives ?
Je crois que cette question est non seulement posée, mais peut trouver des débouchés rapidement politiquement ; encore une fois, il faut que partout, les questions soient portées ; je crois que j'ai trois collègues actuellement dans l'ensemble du paysage de l'Union, et après, la thématique existe parfois, mais sous des coupoles de très grands ministères, et on sait très bien qu'un très grand ministère, avec dix, quinze compétences, si celle-là est une parmi d'autres, elle a peu de chances d'occuper beaucoup de temps dans l'emploi du temps du ministre.
Je crois qu'il faut aussi aller vers le fait que de plus en plus cette question s'affirme.
Quand on a ouvert le chantier, je finis là-dessus, vers l'Europe de l'Est et l'Europe Centrale, c'est pareil ; le mot associatif existe peu ; le mot " coopératif " est associé à une image pas toujours très positive, pour ne même pas dire le contraire, c'est-à-dire la coopérative d'Etat qui continue de plomber beaucoup d'argent et de payer des gens à faire pas grand chose ! C'est l'imagerie dominante qui existe dans les anciens pays du bloc, de l'autre côté du Mur ; donc, faire naître l'idée que coopératif, cela peut être positif, que cela peut être une manière, ensemble, de maîtriser tel ou tel dossier, tel ou tel destin, ce n'est pas acquis.
Imaginons une Union européenne demain à 26 membres, dans laquelle il y ait autour de la table les deux tiers des membres qui ignorent le mot " association ", le mot " mutuelle ", ou le mot " coopérative " ? Il y a un vrai travail aussi, il faut accélérer le fait d'aller chercher les embryons, d'accompagner toutes les démarches qui permettent d'installer cette culture démocratique, finalement, dont certaines géographies ont dû, bien malgré elles, se passer pendant quelques décennies, et dont tout le vide apparaît aujourd'hui ; je crois que ce sont de vrais enjeux.
Quand je pose la question (et nous préparons les rencontres de Bamako sur la place de l'économie solidaire dans le continent africain), sur les questions de microcrédits, de commerce équitable, mais tout simplement aussi du droit de s'associer, du droit de coopérer, du droit de créer des mutuelles qui n'existent pas dans 80 % des pays, c'est aussi une manière de dire : si on ne veut pas que la dominante soit la loi dictée dans tel domaine par les compagnies d'assurance ou dans tel autre par les groupes, il faut aussi que nous ayons ensemble le souci d'aller installer ces valeurs partout où elles peuvent trouver leur place, pour être fort.
M. ROUMIEU (coopérative Hlm de l'Ariège) - Ce matin, si j'ai bien compris, l'économie sociale ce serait des sociétés de personnes, une personne une voix, pratiquant la non lucrativité et la solidarité. Etes-vous certain que la définition de l'économie sociale, ait pour l'instant, et chez nous, avant de voir en Europe, un fondement législatif ? Faut-il qu'elle ait un fondement législatif ? Votre rôle est-il d'organiser l'économie sociale, de la fonder d'une façon législative ?
Ma question est double : si ce sont des sociétés de personnes, des sociétés anonymes d'HLM ou des Offices Publics d'HLM, qui ne seraient pas dans l'économie sociale, car ce ne sont pas des sociétés de personnes, je voudrais avoir à peu près votre avis là-dessus, étant entendu que l'économie sociale et solidaire doit avoir de mon point de vue un fondement législatif et demain fiscal, peut-être du genre de celui des associations ?
Je voudrais avoir votre avis sur ce vaste débat.
M. HASCOET - La question est tellement abyssale que je ne sais par quel bout la prendre ; il est vrai qu'au point de vue de l'histoire, la première loi c'est 1844 dans les secteurs dont on parle ; il y a donc quand même un peu plus de 150 ans d'histoire derrière nous ; ce sont les statuts de personnes qui ont fondé au départ la différenciation par rapport aux sociétés de capitaux ; jusque là, les choses étaient simples.
Aujourd'hui, il y a deux sortes de revendications nouvelles qui apparaissent : des gens qui revendiquent un statut, une reconnaissance par rapport à un travail d'insertion, et donc par rapport au fait de faciliter ou d'accompagner des parcours de personnes en difficulté d'accès à l'emploi ; je ne parle même pas que de l'insertion sociale par l'économique, je suis interpellé par le mouvement des ateliers protégés, le GAPUNETA ou d'autres pour dire : le monde du handicap, c'est un tiers secteur, c'est de l'économie à part entière ; on gère des produits, des services, et en même temps, on est bien aidé parce qu'on accueille un public particulier. Donc, reconnaissez-nous comme étant un des membres de la famille.
C'est une interpellation juste ; vous savez que j'ai fait un travail pour essayer de regarder comment on pouvait susciter les évolutions juridiques à cet égard.
Une troisième catégorie d'acteurs dit : on est souvent association, SCOP, coopérative, etc. et on a le souci d'être plutôt dans ces statuts que dans d'autres. Mais on a aussi des membres qui ont des statuts SARL ou SA et qui pour autant, pour nous, parce qu'ils s'engagent sur un cahier des charges et qu'ils le respectent, sont de plain-pied dans l'économie sociale ou l'économie solidaire.
Je prends l'exemple du commerce équitable ; j'étais ce matin à des rencontres où se déroule un vrai débat sur des questions carrément de régulation ou pas régulation ; j'ai des " Monsieur JOURDAIN " du libéralisme, il y en avait quelques uns dans la salle ; j'ai dû monter un peu au créneau ; là, on est typiquement dans ce cas ; c'est une activité, les gens reconnaissent et établissent un certain nombre de critères qui fondent que l'on est ou pas inscrit dans cette démarche, mais quand on leur pose la question de savoir (et ils le veulent) comment ils vont être reconnus dans le code des marchés publics (et ils m'ont demandé d'obtenir cette reconnaissance : j'ai un accord de principe), les gens me disent : " attendez, vous nous demandez d'ouvrir un droit et vous n'êtes pas capable de nous dire qui bénéficierait ou pas de ce droit et sur quel critère ? "
On en revient donc à la nécessité de légiférer, ou en tout cas, de prendre quelques textes qui définissent sur quelles bases et qui évalue le fait que l'on appartienne ou pas, et qui reconnaisse le label, le donne, le fait vivre dans la durée ; on est bien confronté à cela donc.
Je fais ce détour car ce matin, j'avais des gens qui plaidaient la non régulation. Ils ne comprennent pas que tant qu'on est dans un jeu, en l'occurrence là épsilone, car le chiffre a été donné, je crois que c'est 0,008 % de l'ensemble du commerce international : c'est un début, mais si l'on considère que dans quelques pays voisins, c'est déjà 2 ou 3 % des consommations quotidiennes des gens, on n'est plus dans le 0,008, on est déjà dans quelque chose qui se voit, qui est significatif, et qui peut peut-être devenir 5 ou 10 % dans les 20 ans qui viennent, que sais-je ?
A ce moment, il y a confrontation d'intérêts et là, le politique doit reprendre toute sa place ; s'il n'y a pas de régulation qui est produite, si on n'arrive pas à faire reconnaître la spécificité, la particularité, au nom d'un intérêt supérieur de la démarche et accorder des droits, en fonction de cette reconnaissance, on n'arrivera pas à aller très loin.
Ce serait une grande naïveté de croire (je le disais ce matin) que les acteurs qui débattent de l''MC, pour aller jusqu'au bout de la discussion, tant qu'ils ont affaire à un 0,008, cela ne les préoccupe pas beaucoup, cela ne les empêche pas de dormir ; le jour où ils vont voir apparaître quelque chose qui géographiquement se répand, recoupe des tas de réseaux de producteurs qui échappent à leur emprise, qui sont autant d'éléments qui font poids et qui ont langage pris avec leurs dirigeants, (et on peut imaginer que certains secteurs coopératifs ramenés au terrain, en milieu agricole ou artisanal dans certains pays, ce soit la dominante dans 20 ans, compte tenu de l'état économique que l'on décrit aujourd'hui) à ce moment, cela devient un problème de confrontation d'intérêts, et donc, on reviendra à la question de la régulation.
Je ne dis pas que modestement, nous, nous allons nous tout de suite nous intéresser à la régulation mondiale, mais en tout cas, si des gens peuvent produire du droit positif sur l'espace français, faire que ce soit une démarche qui s'accompagne de démarches identiques dans plusieurs pays de l'Union, et que cela débouche sur une reconnaissance européenne, je crois que l'on aura fait uvre utile, en espérant qu'elle servira à ce moment de référence dans le débat international.
M. ROUMIEU - Allez-vous le faire ?
M. HASCOET - J'ai ouvert ce cheminement ; j'ai identifié aujourd'hui, entre les besoins de modernisation de statut, d'outils, la modernisation de quelques aspects (cela a été dit sur la vie associative furtivement mais quand même), oui, les gens ne veulent pas que l'on touche à la loi de 1901, mais ils attendent des réponses sur le pluriannuel, sur la formation, sur le statut du bénévole, sur la trésorerie, sur des choses extrêmement concrètes. Certaines passent par des dispositifs, tant mieux, d'autres par des circulaires, tant mieux, et puis, quand on a épuisé ces deux voies, que l'on arrive, que l'on butte, on se retrouve sur au moins trois des points que je viens de citer, la nécessité de légiférer ou d'ouvrir du droit en plus.
Je pourrais prendre l'installation des secteurs nouveaux : qu'est-ce que c'est qu'un système d'échange local aujourd'hui ? Si ce sont des citoyens au Tribunal tous les matins, parce qu'ils ont simplement eu l'idée d'être généreux, c'est quand même une issue dommageable.
Est-ce qu'on peut faire reconnaître, donc, dans le droit français, la démarche et rassurer les gens de Bercy : ce ne sera jamais qu'un dix millionnième du poids économique donc, il n'y a pas beaucoup de perte de TVA, comparé aux brouettes qui passent sur le côté le samedi matin chez les uns et les autres !
Donc, si l'on veut parler de flux de TVA, il y a d'autres sujets de préoccupation qui peuvent mobiliser les gens dont c'est le métier de capter l'impôt. Mais il faut les rassurer ; aujourd'hui ils sont persuadés que cela pourrait prendre une ampleur telle que cela remette en cause même les grands fondamentaux des collecteurs d'impôts ; on en est là dans la projection fantasmatique parfois sur un sujet tout modeste comme celui-là.
Les SEM, le commerce équitable, les services de proximité : la SCIC peut, en tant que constitution de partenariats faciliter cela ; comment fait-on des monnaies locales affectées ? Elargit-on les systèmes de solvabilisation, titres emploi-service ou autres ? Jusqu'où ? Comment ? Dans quels thèmes ? Dans quels champs au niveau de la pratique ?
J'ai identifié pas moins d'une cinquantaine de questions comme celles-là, sur lesquelles nous avons travaillé, certaines sont prêtes, d'autres sont en dialogue avec les réseaux et les mouvements concernés, le monde du handicap, vous le savez, où j'ai fait tout un travail pour regarder comment on pouvait finaliser la démarche.
Je crois qu'il y a matière à moderniser largement le cadre, à installer ceux qui sont en insécurité juridique, à offrir de nouveaux outils ; l'épargne individuelle par exemple ; aujourd'hui, vous voulez placer votre argent dans un système de fonds commun de placement pour l'innovation, vous êtes récompensé fiscalement ; vous le placez dans un système au profit de l'économie sociale et solidaire, vous n'avez aucune mesure incitative ; pour le moins, on devrait mettre les choses à niveau, voire offrir un différentiel positif supplémentaire.
Ce sont des discussions ; il y en a un certain nombre qui mériteraient d'être ouvertes ; le chantier est engagé, vous savez dans quel délai ; nous courons sur un calendrier ; mais tout ce qui sera fait ne sera plus à faire, et tout ce qui sera prêt sera prêt ; alors, je considère qu'il y a encore un an de bon travail devant nous.
(Applaudissements)
Mme AMBRY - Monsieur DUMONT va nous dire un petit mot de conclusion.
M. LE PRESIDENT - Je voudrais simplement souligner la qualité des travaux de cette matinée, remercier Guy HASCOET d'avoir accepté une fois de plus cet exercice, non seulement d'adresser un message à l'ensemble du mouvement coopératif HLM, mais de participer à cet échange simple, direct, franc, généreux, avec la salle.
C'est toujours un exercice, parfois difficile, et souvent, l'entourage des ministres leur déconseille ce genre d'exercice ; tu me diras que l'exercice auquel tu te livres est peut-être plus direct et plus généreux, que les difficultés ne sont pas moindre.
Je voudrais quand même soulever une difficulté, car à plusieurs reprises on a fait référence au législateur, chers collègues ; regardez le phénomène sectaire ; tous les domaines dans lesquels on vient d'intervenir au titre de l'économie sociale et solidaire en particulier la loi de 1901 est dans l'espace européen ; l'analyse que l'on peut faire de ce phénomène, là, ici en France, et dans d'autres pays, particulièrement nordiques, ce sont des aspects qui sont menés de façon tout à fait différente ; et pourtant, derrière, il y a des activités économiques très importantes, c'est le moins que l'on puisse dire.
Je crois qu'il faut aussi que l'on dépasse nos propres cultures, nos propres habitudes, notre propre histoire, voire certaines fois nos propres certitudes pour bien prendre en compte que nous sommes dans un espace européen, que nous devons y jouer pleinement notre rôle, et qu'entre autres, l'année dernière, la mise en place en France d'un Secrétariat d'Etat, chargé justement de porter l'ensemble des questions, des ambitions, des problèmes d'une façon positive de l'ensemble de l'économie sociale, associations, mutuelles, coopératives, a été me semble-t-il un élément important.
Nous avions l'habitude d'en parler entre nous, de nous interroger sur Bruxelles ; on parle devant un collègue italien qui, si j'ai bien compris, a beaucoup travaillé à Bruxelles et mené des recherches sur le plan universitaire ; je crois que c'est en confrontant toutes ces expériences, toutes ces idées, toutes ces valeurs, en écoutant aussi l'autre (c'est quand même une qualité de l'économie sociale de pouvoir écouter l'autre, même lorsqu'il peut être irritant) de telle sorte que l'on s'enrichisse mutuellement, pour qu'en effet, l'homme ait pleinement sa place dans la société européenne de demain.
Merci Guy HASCOET d'y contribuer.
(source http://www.union-hlm.org, le 25 juin 2001)
a organisé son Assemblée Générale
les 2 et 3 mai 2001 à Paris (Maison des Arts et Métiers, Paris 16ème).
Intervention de Guy HASCOET,
Secrétaire d'Etat à l'Economie solidaire
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires, j'en vois quelques-uns dans la salle,
Un petit regard d'abord, peut-être, dans le rétroviseur ; car cela a été dit, effectivement je crois que c'était ma deuxième sortie, l'assemblée générale voici un an de votre Fédération.
Que s'est-il passé depuis ?
D'abord la réaffirmation qu'il existe en économie des démarches diverses, que l'enrichissement rapide et individuel à tout crin n'est pas forcément l'objectif de tous en terme de philosophie, ni d'action concrète dans la vie, et qu'il est une histoire longue d'initiatives, qui s'est traduite, vous le savez ici, par une vie associative, coopérative, mutualiste, très riche, dont notre pays peut s'honorer ; je crois qu'il est important qu'après quelques années de sommeil, du point de vue de la reconnaissance institutionnelle en tout cas, pas de l'action des acteurs, ceci soit à nouveau clairement inscrit au fronton dans le paysage politique, avec l'ambition, à la fois de moderniser, ou de mettre en sécurité parmi les familles historiques celles qui rencontrent concrètement des difficultés, parce que l'évolution des choses, juridiquement ou dans le contexte économique n'est pas toujours favorable.
Je pense au travail qui a été fait pour finaliser le chantier de la refonte du code de la mutualité qui a quand même trouvé son aboutissement, même si de nombreux décrets doivent suivre maintenant la publication du 19 avril au Journal Officiel. Je pense à la question de l'accès aux fonds propres, qui est un problème rémanent, qu'il va nous falloir traiter par une augmentation en volume, qualitative dirais-je, des dispositifs qui ont maintenant pris un peu d'âge, si je peux dire cela ainsi, mais c'est aussi l'installation de secteurs nouveaux.
J'étais tout à l'heure à une rencontre sur le commerce équitable avec 150 acteurs à peu près, on voit poindre des thèmes qui de fait, en philosophie, en concret, sont dans la tradition, ou s'inscrivent dans l'histoire, finalement, de la famille de l'économie sociale, simplement essaient de trouver des terrains nouveaux de développement qui permettent de construire une relation économique juste, avec le souci d'un équilibre des relations et de la redistribution entre partenaires tout au long d'une filière économique.
Ce sont des secteurs qu'il faut installer, qui n'ont aujourd'hui aucun repère, aucune référence dans le droit et qui ne disposent, de ce point de vue, d'aucune reconnaissance effective.
Et puis, il y a les hybrides qu'il faut faire naître ; vous en avez évoqué un ; la société coopérative d'intérêt collectif : tout est prêt, c'est prêt au sens que juridiquement, l'objet est décrit, son intérêt, vu du monde coopératif est reconnu, du côté associatif aussi, le conseil supérieur de la coopération a donné un feu vert, si je puis dire, le CNGA s'est prononcé en demandant quelques aménagements, sans contester l'intérêt de fond de la démarche, qui est très importante.
Aujourd'hui donc, nous sommes en mesure, j'espère, de pouvoir offrir un destin à ce texte, amendement gouvernemental, loi d'initiative parlementaire ? J'espère que j'aurais la réponse d'ici quelques heures ; patientons donc, je crois que les choses sont en train de se préciser à cet égard.
Un chantier qui s'est ouvert pour moi avec la volonté aussi de réinstaller l'ensemble de l'économie sociale et solidaire dans les territoires ; cela pose le problème de la reconnaissance du secteur dans les instances consultatives, de sa représentation régionale, c'est le travail qui est entamé en direction des CRES, de faciliter le fait que se déverse tout le savoir-faire et toutes les énergies des têtes de réseau.
Vous êtes un réseau ; il y en a à peu près une centaine dans les familles de l'économie sociale et solidaire, qui sur des niches ou des thématiques, possèdent aujourd'hui une ingénierie, un savoir-faire, reconnus et susceptibles d'apporter de manière efficace un éclairage aux acteurs de terrain qui voudraient entreprendre dans tel ou tel domaine.
Il y a aussi sans doute à organiser, c'est peut-être l'objet d'aujourd'hui, l'hybridation des savoir-faire ; je pense que vous avez un secteur d'histoire longue qui a su créer les conditions d'un accès au logement à des gens pour qui le coût d'accès était trop élevé, qui a su créer une souplesse dans l'organisation du contrat passé entre le coopérateur et la coopérative, une manière souple de pouvoir aborder éventuellement les incidents de la vie, ou les problèmes de difficultés momentanées.
Aujourd'hui, cette question (vous l'avez effectivement souligné dans vos travaux) revient à dire : y a-t-il un grand rôle de reconquête urbaine ? Y a-t-il un rôle pour accélérer la mixité sociale, pour faciliter l'usage des dispositifs d'accession sociale ou très sociale au logement ?
Je peux vous dire, pour avoir fait adopter l'article sur la loi de l'épargne salariale, que vous serez, je l'espère, amenés assez vite à pouvoir interpeller des syndicats dans des entreprises, en disant : " vous disposez de fonds solidaires ? Oui, non ? ", " Etes-vous prêts à nous accompagner ? Dans quelles démarches ? Pour réinvestir sur des projets dans le territoire local où se trouveront ces entreprises ? ".
Je crois que tout un maillage peut se faire ; une tête de réseau compétente par exemple sur des problèmes de haute qualité de l'environnement a été interpellée sur son intérêt ou pas pour accompagner un mouvement comme le vôtre, pour essayer de rendre le logement le moins coûteux possible en fonctionnement ; et là, la question sociale rejoint celle de l'environnement : comment produit-on un logement, je ne veux pas dire scandinave, mais en tout cas où l'efficacité des flux, que ce soit de l'eau dont on parle, du gaz, de l'électricité, va jusque dans l'investissement dans le système d'éclairage ou dans l'électroménager blanc, de manière à offrir aux populations les plus modestes le matériel le moins gourmand en terme d'appel aux flux, et donc ceux qui produisent la facture la plus basse.
Or, nous sommes un peu à l'envers aujourd'hui encore dans notre pays : plus vous êtes modestement doté au point de vue argent, plus vous avez les matériels fortement consommateurs et donc, qui vous génèrent les factures les plus lourdes ; je crois que c'est une réflexion qui aujourd'hui mérite d'être posée, sans parler de l'analyse qui est faite maintenant des conséquences sur le plan des budgets sociaux de certains modes d'investissements de chauffage, mais je ne vais pas développer cela plus avant, vous le connaissez aussi bien que moi.
Je crois qu'il y a des chantiers sur lesquels la finance solidaire, la structuration progressive d'un secteur à part entière où l'on voit apparaître un certain nombre d'associations, de coopératives, d'établissements financiers, l'interpellation qui a été produite par la loi d'épargne salariale, qui va être faite à l'endroit de ceux qui dans l'entreprise choisiront librement, ou pas, de créer ces fonds ; si la réponse est non, il n'y aura pas plus de fonds solidaires que de fonds communs de placement d'épargne salariale, mais si la réponse est oui, la niche juridique pour la création des fonds solidaires est de fait créée simultanément.
Elle ouvre après un débat des partenaires pour savoir s'il est abondé, dans quelles proportions et quels usages on veut en faire, sachant que l'usage ouvre trois possibilités, vous le savez : celle d'une gestion directe, les gestionnaires du fonds pouvant intervenir et décider de participer à des opérations et répondre présent auprès de certains partenaires dans leur bassin ou même extérieurs à leur bassin, soit de déposer cet argent auprès de partenaires qui en font un métier et qui sont plus " spécialisés " dans la gestion de l'épargne solidaire.
Je crois qu'une combinaison qui permettrait de réinterpeller la collectivité locale sur un plan politique en disant " êtes-vous prêt à nous suivre dans des opérations ? ", à décrire aussi des terrains où ces opérations pourraient prendre place, serait importante.
Là, je voudrais ouvrir une réflexion que je voudrais mener avec vous ; j'ai pris déjà langue avec ma collègue Marie-Noëlle LIENEMANN, nous allons essayer de trouver les termes d'un partenariat concret, pour essayer ensemble de faire le bout de chemin autour de ces objets, celui du foncier solidaire.
Je ne vous cacherai que la réflexion n'est pas venue au départ par rapport à la question du logement, mais je crois quand même qu'à la fois, la mise à disposition, ou le fait qu'une propriété de terrain puisse être acquise par une mobilisation citoyenne ou coopérative, voire même par une mise à disposition dans certains cas par la puissance publique, locale, ou territoriale, c'est une question qui dans votre domaine existe.
Je l'avais nourrie au départ par l'idée (voyez comme quoi le même objet peut se traduire dans des terrains très différents) sur la question de la réinstallation du nombre de jeunes en agriculture. Je pensais qu'il fallait revenir à la notion d'exploitation, et quand on est exploitant, qu'on n'ait pas à recapitaliser les murs, la terre et donc s'endetter tellement que cela devenait impossible de s'installer.
La réflexion de départ était partie sur l'idée : peut-on remobiliser des formes coopératives foncières pour mettre un outil de travail à disposition ? Dès lors de fil en aiguille, on en est venu à l'idée : s'il y a un foncier solidaire, qu'est-ce qui peut en déterminer les critères ? Quelles sont les démarches juridiques qui pourraient autoriser le fait de pouvoir prendre possession d'un foncier ? Ou voir mis à disposition ce foncier ? Cela par rapport à des démarches d'intérêt général, de quelle nature ? Je crois que la votre rentre de plain-pied dans cette recherche et cette définition.
Comment faire en sorte que finalement, la combinaison entre une mobilisation d'un mouvement, le vôtre, de citoyens capables de s'intéresser ou de découvrir cette démarche (je crois, il faut le dire et nous pouvons y regarder ensemble aussi, vous n'êtes pas assez connus je pense dans pas mal de territoires, et je suis persuadé qu'il existe partout des citoyens prêts à relever le défi à vos côtés) et sans doute regarder comment on croise des compétences sur les flux, des compétences sur les questions de foncier, ou de mobilisation d'épargne.
Si l'on arrive à construire une démarche solide qui décrit son ambition sociale à nouveau, qui lui donne un horizon, qui prenne en charge les problématiques de notre époque, matinée, pas au sens de faible, mais simplement d'ingrédients qui aujourd'hui sont devenus des contraintes permettant la jonction sociale et environnement, mobilisant des dispositifs techniques et financiers nouveaux qui offrent des possibilités, nous avons là, je crois un beau chantier, qui permet d'ouvrir, j'en suis sûr, non seulement des horizons intéressants par le nombre de projets qu'il serait susceptible d'accompagner, voire de susciter, qui permettrait dans la tradition et dans votre histoire de poursuivre ce que vous avez finalement toujours essayé de faire : faire que des gens disposant de peu de moyens puissent accéder à un logement de qualité et pourquoi pas, à un logement qui soit le leur ?
(Applaudissements)
Mme AMBRY - Nous avons quelques instants pour le débat, vous pouvez poser des questions ou alimenter la réflexion par rapport aux deux allocutions que vous venez d'entendre.
M. MOLLER (Armor Habitat) - Je voudrais connaître votre opinion sur ce qui se passe dans certains pays, notamment je pense en Allemagne, en Angleterre également et au Québec où c'est très fort (ce pays partageant la même langue que la nôtre et la même histoire, quelque part, il y a donc des points de convergence, on peut faire quelques parallèles) : les organisations syndicales se sont engagées dans des fonds de pension de manière très significative, avec une démarche éthique (autant que je puisse en connaître).
N'y a-t-il pas là une manière peut-être d'aborder cette difficulté et cette problématique que l'on voit arriver, puisque le mouvement libéral tend à porter l'accent vers le fonds de pension plutôt que vers la répartition classique ? C'est votre opinion que j'aimerais avoir.
M. HASCOET - Il est important de bien distinguer et trier les choses dans cette affaire ; si je vous dis que je suis un défenseur farouche des systèmes de retraite par répartition, vous ne serez pas complètement surpris, je ne pense pas ?
(Dénégation)
Je ne pense pas !
Après, il faut voir qu'il y a eu effectivement (et vous prenez l'exemple Québecois) une capacité à articuler le monde du travail dans l'entreprise et le monde du développement local.
S'il y a une ambition, (et dans les choix que l'on a faits sur l'article 19 à la fin de la xième lecture dans la loi d'épargne salariale) c'était de dire que c'est peut-être un vecteur, puisque le débat est posé, de réinterpeller l'ensemble du monde de l'entreprise et notamment les acteurs syndicaux à travers cela, de laisser le libre choix, ce qui est respectueux de la réflexion ; je viendrai après sur le fond de la distinction ; je considère que les fonds d'épargne tels qu'ils ont été créés ne sont pas des fonds de pension.
C'est très important de le dire : d'abord, laisser le libre choix donc veut dire poser un débat, ne pas imposer les choses ; si l'on a des entreprises où les responsables, gestionnaires de l'entreprise en général, ou les représentants syndicaux, se voient imposé un objet non identifié, sur lequel ils n'ont pas eu de discussion, sur lequel il n'y a pas eu une appropriation de la démarche, on s'apercevrait vite qu'au bout de quelques années, on aurait produit quelque chose qui végète et qui n'est pas porté.
Je pense que l'appropriation du thème et de la démarche paraît essentiel.
Après, on a laissé ouvertes les différentes voies d'utilisation de l'argent pour simplement deux raisons : d'une part car il n'est pas sûr que les gestionnaires de fonds aient une culture d'ouverture sur l'économie sociale et solidaire ou le développement local, dans un certain nombre de cas, on pourrait en douter, et d'autre part, il n'est pas forcément évident de devenir spécialiste de tout et de commencer à vouloir être opérateur en ligne directe, et savoir ce que c'est qu'accueillir les porteurs de projets, les sélectionner, accompagner l'idée pour qu'elle devienne un projet, le porteur de projet pour qu'il devienne éventuellement quelqu'un qui dirige son propre projet.
Or, on sait que c'est là que malheureusement, souvent, une partie des personnes disparaissent en cours de route, parce qu'elles n'arrivent pas à diriger leur idée jusqu'au bout, c'est-à-dire à devenir " le responsable de l'entreprise ", quel que soit le statut qui ait été choisi, et qu'elles n'arrivent pas non plus à accepter l'idée que quelqu'un d'autre porte le projet à leur place, on sait très bien que l'écueil est là, il est beaucoup plus psychologique que formatif finalement, ou en terme de compétence.
Faciliter ce type de démarche, c'est dire : si vous voulez vous spécialiser, vous avez les moyens, vous êtes une grande entreprise, vous relevez ce gant, très bien ; vous allez fabriquer une culture du développement local, vous doter de gens qui vont avoir eu des parcours qui correspondent à cela, et si en revanche, vous estimez qu'à la fois la démarche mérite d'être soutenue et que vous êtes prêt à y mettre quelques moyens, vous pouvez aussi prendre langue avec des gens qui ont déjà cette compétence, qui l'exercent dans votre bassin d'influence et qui vont être en partenariat avec vous, devant ceux qui vont gérer le contact direct avec les acteurs.
Je crois que c'est important : je le dis toujours, la séparation date de 1895 ; dans notre pays, on a parfois le sentiment, dans le dialogue avec l'ensemble de ceux qui sont les héritiers d'une idée coopératiste ou associationniste de la fin du XIXème, dont vous êtes une branche héritière parmi d'autres, et ceux qui sont les tenants d'un système central pyramidal, d'en haut vers le bas, finalement le XXème siècle a plutôt été une dominante des second, est-ce que le XXIème siècle sera cela avec la remise en réseau des citoyens, des territoires et des projets ? Rien n'est dit.
Je crois qu'il faut donc laisser ouvertes les possibilités, réinterpeller le monde du travail pour lui dire : peut-être qu'il est temps, 106 ans plus tard, de passer l'éponge et de regarder comment, en bonne intelligence, on réarticule les deux ensembles ? En tout cas, c'est tout le mal que je souhaite et j'espère que, modestement, certains éléments de dossier, tels qu'ils ont été constitués, c'est-à-dire la SCIC comme objet partenarial, qui va réinterpeller peut-être certains Comités d'entreprise aussi, l'épargne sur l'utilisation de l'argent et le fait de le mettre à disposition de démarches d'intérêt général ou de démarches de sens, si déjà ces deux objets pouvaient permettre de faire renaître cette discussion et renouer l'alliance historique, ce serait déjà pas mal !
M. Joseph GAUDIN (Directeur de l'Habitation Familiale à Rennes) - Je voulais vous faire part d'une préoccupation que nous portons chez nous, dans notre coopérative, qui est : comment faire participer ceux qui sont nos usagers, comment les faire devenir de véritables coopérateurs ? " Coopérateurs ", c'est-à-dire des gens qui contribuent, qui reçoivent, mais aussi qui apportent.
Le président de notre coopérative souhaite que nous approfondissions cette question, qui est une question sur laquelle nous avons des engagements déjà de plusieurs années, puisqu'en tout cas dans le métier de gestionnaire immobilier, nous avons engagé des opérations de formation, de façon à ce qu'il se dégage, des personnes qui assument la responsabilité au plus près de l'habitant, nous essayons de faire vivre.
Nous considérons que nous ne faisons qu'entrouvrir le chantier, malgré que nous y soyons depuis 7 ou 8 ans. C'est très long à réaliser.
Quand vous avez parlé tout à l'heure de la naissance du mouvement fin du XIXème, cette naissance s'est traduit par une solidarité spontanée. Vous avez dit tout à l'heure que nous sommes passés dans une situation où les choses venaient plutôt d'en haut ; aujourd'hui comment remettre tout cela à fonctionner dans une société de consumérisme exacerbé ? C'est notre préoccupation.
Mme AMBRY - Hors du micro, Monsieur HASCOET a dit " je ne suis pas sûr d'avoir la réponse " ; peut-être que Jean-Louis DUMONT et vous pouvez chacun apporter votre pierre à cette élaboration ?
M. HASCOET - Je faisais un aparté, car vous posez une question qui pourrait s'adresser à chacune des personnes présentes dans cette salle j'imagine, c'est-à-dire quelles sont les bonnes recettes ? Y en a-t-il ? Quelles sont les méthodologies ? L'appropriation ? Les événements, le liant qu'il faut mettre autour d'une démarche pour qu'en permanence, et dans la continuité, elle concerne les gens, les mobilise ou qu'au minimum, ils aient une veille positive, qu'ils se sentent partenaires du projet, qu'ils participent à divers stades ?
Il est vrai que c'est une question fondamentale, car je pense que s'il y a eu à un moment donné des offensives (et il y a des offensives qui sont brutales à l'endroit de toutes les formes qui sont nées de cette culture de faire autrement dans l'économie) c'est peut-être aussi parce qu'à certaines périodes, certains mouvements ne montraient plus, ou pas assez, leur spécificité, et n'étaient pas assez en phase avec leur propre histoire.
A un moment donné, je suis toujours surpris, j'en ai discuté souvent avec des responsables de mutuelles, comment pendant autant d'années des organismes qui n'avaient de mutuelle que l'emballage qu'ils avaient bien voulu donner, aient pu utiliser des mots vidés de leur sens sans être l'objet d'attaques juridiques pour protéger ce qui n'était pas seulement des mots, mais une histoire, des valeurs, une démarche, qui étaient incomparables par rapport à l'actionnariat des compagnies d'assurance.
C'est une question qu'il faut revisiter : je le faisais en suggestion, il faut peut-être le préciser : je vais pousser un peu le trait ; quand je parlais de remise en réseau des territoires, des acteurs, je suis persuadé aujourd'hui (nous sommes en train de préparer à peu près 60 conventions de têtes de réseau, des pactes locaux de développement de l'économie sociale et solidaire et nous allons proposer une réunion à tous les élus locaux en charge de la thématique à la mi-juin) que tête de réseau, représentation régionale, pactes locaux, le maillage, ou le fait de retisser l'ensemble du lien entre tous les acteurs du secteur et dans toutes les thématiques et toutes les initiatives qui existe, est la plus sure manière de permettre cette réappropriation, voire de développer le nombre de structures coopératives dans des endroits où elles n'existeraient pas encore.
Je crois que c'est une perspective que l'on peut avoir en ligne de mire ; je suis extrêmement surpris, il est vrai que c'est plutôt lié au phénomène des nouvelles technologies, il est vrai qu'il y a un goût de se mettre en réseau et de se reconnaître entre soi (le " entre soi " pouvant prendre des formes diverses et variées), mais quand même ! On sent aujourd'hui qu'il y a un retour vers un intérêt de prendre en main sa destinée, ou de se remettre en réseau avec d'autres acteurs. Cela peut être sur le plan local, c'est sur le plan thématique, c'est entre territoires, ce sont des gens qui portent un même projet dans un même domaine.
Je suis surpris, en allant un peu partout dans notre pays, de voir à quel point une démarche dont on a eu connaissance quelques semaines avant peut se propager ou se répartir à toute vitesse à travers le territoire ; ce que je veux dire par là, c'est que si l'on veut une réappropriation dans un certain nombre d'endroits de telles démarches, il faut aussi regarder comment vous mettez à disposition une histoire, un savoir-faire, et comment vous capitalisez entre vous finalement (entre vous ou d'autres acteurs dans d'autres secteurs) cette démarche de participation pour essayer d'en tirer des enseignements.
Je suis prêt à regarder, à travailler là-dessus, c'est une question transversale ; il n'y a pas une seule famille de l'économie sociale et solidaire qui n'y soit pas confrontée ; il y a des réussites, il y a des endroits où il y a des inquiétudes, j'espère que la démarche du portail qui va s'officialiser le 29 mai permettra de mutualiser toutes les expériences et toutes les démarches pour le profit de chacune des composantes du paysage de l'économie sociale et solidaire ; en tout cas, c'est tout le challenge que l'on a devant nous.
Encore une fois je crois, culturellement, actuellement, que des choses plaident pour un retour d'un certain nombre d'engagements, alors que je n'aurais pas dit cela il y a 15 ans ou 20 ans, où au contraire on se sentait rentrer dans des périodes où l'on avait l'impression d'être confronté à un mur en terme de culture, alors qu'aujourd'hui je pense qu'il y a un vent frais nouveau qui souffle et qui est très positif par rapport à cela.
M. LE PRESIDENT - Joseph GAUDIN a raison de poser la question, mais elle se pose pour chaque coopérative ; nous devons dans nos organismes faire une recherche pour, sur le territoire donné, compte tenu de l'histoire, du contexte, de l'environnement, se dire : comment amener s'il en est besoin, comment poursuivre lorsque cela existe encore, (et cela existe encore dans de nombreuses coopératives) une réelle participation des usagers, des clients qui sont devenus des coopérateurs ?
Il est vrai que les modes de financements du logement social au cours de ces 15 ou 20 dernières années dirons-nous, lançait aussi la banalisation culturelle ; c'est à nous aujourd'hui à réinventer, pourquoi pas, certaines nouvelles formes de participation, d'interpeller aussi les usagers, de les amener à apporter leur contribution.
Il faut accepter qu'ils viennent de temps en temps nous déranger, parce qu'on les aura dérangés et qu'on ne les aura pas pris simplement comme des consommateurs qui peut-être ont choisi un produit, ont payé ce produit et pensent à autre chose.
Il faut bien que l'on dépasse cela ; peut-être qu'effectivement il y a aujourd'hui des mouvements qui se font jour, qui étonnent, qui détonnent peut-être aussi, mais qui sont les prémisses d'une nouvelle forme de participation sociétale ; à nous collectivement, comme l'a dit Guy HASCOET, de mettre ensemble toutes ces expériences et mouvements pour redonner du sens.
Tout le monde réclame du sens, ou veut donne du sens à ces actions ; il faudra y aller ; sinon nous aurons de dures désillusions ; si nous voulons éviter demain des affrontements, il faudra bien que l'individu retrouve sa pleine place ; et le mouvement coopératif mutualiste et associatif y contribuera tout particulièrement puisque c'est dans notre culture que cela se passe.
(Source http://www.union-hlm.org, le 25 juin 2001)
[Suite du texte dans l'UD 013001924-2]
[Début du texte dans l'UD 013001924-1]
M. LEZIER (Maison Familiale de Loire Atlantique) - Je ne veux pas laisser passer l'occasion, Monsieur le Ministre, de vous avoir presque sous la main, pour vous poser cette question : ce matin, nous débattions en table ronde d'un certain nombre de problèmes et est apparue la question de l'Europe et de la reconnaissance par l'Europe de la spécificité de l'économie sociale.
Ma question est très simple : voici quelques années, l'économie sociale en tant que telle à Bruxelles était reconnue ; aujourd'hui, tout au moins en France, alors que l'économie solidaire ou sociale n'était pas vraiment reconnue voici une dizaine d'années, elle est maintenant au goût du jour et vous en illustrez vous-même par vos propos la renaissance.
Il y a donc un hiatus actuellement entre ce qui se passe au niveau national et ce qui se passe à Bruxelles ; nous disions ce matin que nous craignions beaucoup du libéralisme ambiant par rapport à nos positions, notre philosophie.
Ma question est la suivante : Monsieur le Ministre, que faites-vous pour, à Bruxelles, faire reconnaître notre spécificité et avoir disons, dans les années qui viennent, la chance de nous donner les structures dans lesquelles nous pourrons développer nos activités ?
M. HASCOET - Pour reprendre, dire le constat et ce qui est en cours, effectivement j'ai été tout de suite saisi du problème de la disparition, du fait que soit fondu le secteur de l'économie sociale dans la direction entreprises, et toutes les conséquences que l'on imagine en terme de culture.
Et puis, la discussion avançant, les responsables à Bruxelles m'ont dit : on n'est pas automandatés ; si on a revu l'organigramme, replié telle ou telle direction, diminué les champs d'intervention, c'est à la demande des Gouvernements.
Quelque part, quand même revenons à la légitimité là-dedans : l'administration de Bruxelles n'invente pas elle-même les directions dans lesquelles on nous demande d'aller, elle essaie de traduire une orientation ; il est vrai que la commission PRODI a été montée sur l'idée de restreindre les champs d'intervention, de revenir à un socle plus dur par rapport à des habitudes cumulatives qui ont fait que la commission commence à intervenir un peu partout, et l'économie sociale parmi d'autres a été victime de cette restructuration.
En revanche, quand on a pris l'initiative, et cela dès la création du secrétariat d'Etat, des rencontres de Tours, c'est avec le sentiment d'une part qu'il fallait que la thématique existe fortement sous la présidence française, car rien n'était prévu, deux, d'arriver à provoquer, à susciter pour la première fois, j'y insiste, une réunion de ministres européens sur les questions de l'économie sociale et solidaire (cela n'avait jamais existé) et d'arriver à faire prendre, non pas une habitude, mais en tout cas être certain qu'à la sortie de Tours on n'aurait pas fait un coup pour rien ou ponctuel en novembre 2000, mais qu'on aurait bien l'engagement d'autres Gouvernements et d'autres Etats de s'engager dans la durée à poursuivre ensemble ces travaux.
C'est ce que nous avons fait ; nous avons passé un accord avec nos amis Suédois et Belges, nous sommes en train aujourd'hui de négocier à Madrid la suite de la présidence belge, de manière à ce que, tous les six mois, chaque Gouvernement qui préside l'Union s'engage à animer un événement qui permette de marquer les étapes de nos travaux communs.
Quels travaux ? D'une part, de réinscrire et de faire reconnaître dans tous les programmes européens la place de l'économie sociale et solidaire ; cela a été pour nous d'abord le fait de faire rentrer la problématique dans l'agenda social. Cela a été fait et figure dans le document qui a été adopté au sommet de Nice.
Cela a été ensuite d'avoir l'engagement de pouvoir le traduire dans les plans nationaux d'action pour l'emploi, les futurs PNAI qui sont en discussion, et de réinterpeller les politiques structurelles européennes, ou même le programme entreprises ; donc, nous sommes engagés sur ces travaux actuellement ; le PNAE est fait ; le PNAI, nous y travaillons, et nous avons ouvert les différents chantiers pour dire il faut que la thématique de l'économie sociale et solidaire en tant que telle soit réaffirmée et présente transversalement dans toutes les démarches européennes de manière qu'il n'y ait pas de contestation de sa légitimité à être éligible à tel ou tel financement quand des dossiers arriveront aux différents niveaux où ils sont instruits.
Je n'y suis pour rien, non, je suis au bon sens du terme, parfois opportuniste, l'adoption de la SAE (société anonyme européenne) à Nice, qui était en gestation depuis 30 à 32 ans a fait que j'ai posé tout de suite la question de la réinscription du statut coopératif européen, du statut associatif, question qui a été mise tout de suite à l'ordre du jour par Elisabeth GUIGOU d'une ultime réunion sous présidence française le 20 décembre, l'accord ayant été pris de réinscrire cette démarche dans les présidences futures.
Pour l'instant, la discussion est ouverte autour du statut coopératif, c'est la Suède qui préside actuellement aux destinées de l'Union ; les Belges se sont engagés à continuer le travail autour du statut coopératif s'il n'était pas achevé et à inscrire le statut associatif, et par ailleurs le Gouvernement belge a annoncé, dès le mois de novembre, à Tours, qu'il inscrirait la question du label social à l'ordre du jour de sa présidence.
On peut peut-être dire un mot : dans l'esprit européen, dans la manière dont l'abordent nos amis de Belgique, il reste pour moi (j'ai des rendez-vous prévus pour cela) à vérifier que l'on soit bien d'accord sur les termes de ce que recouvrirait ou de ce que recouvre cette notion de label social.
L'idée quand même qui rejoint le débat sur le label " d'utilité sociale ", qui a été suggéré dans le rapport d'Alain LIPIETZ entre autres, c'est de dire : si on veut faire reconnaître un droit particulier dans un ensemble, au nom de la spécificité, ou de l'intérêt général, ou de l'utilité collective ou sociale d'un service, d'une production ou d'une démarche, il faut que l'on aille jusqu'au bout, c'est-à-dire que l'on arrive à décrire les conditions, les critères qui fondent cette reconnaissance par la collectivité publique.
C'était peut-être impensable, car il y a des temps de retard dans l'histoire : parfois, quand un vent souffle de telle manière, il se répercute à l'échelle européenne ou dans d'autres pays avec 5 à 10 ans d'effet retard, on est donc peut-être encore en train de gérer la traîne d'une période antérieure, mais je crois que l'on a réouvert des espaces qui permettent de penser que la question des spécificités ou la question de la hiérarchisation dans le droit européen de la place de l'économie sociale et solidaire est quelque chose qui peut et doit être posé.
Je ne suis pas, ni optimiste béat ni pessimiste, je crois que c'est une question de travail, une question de lobbying politique, une question de faire que cette question soit présente partout, dans le plus grand nombre d'endroits et portée par un maximum d'acteurs.
Evidemment, si personne ne la porte politiquement, là, il y a un hiatus ; la thématique j'imagine n'avait pas figuré dans un tour de table ministériel dans les réunions à Bruxelles ou à Luxembourg depuis des mois voire des années et des années, elle y est à nouveau ; j'ai pu faire un compte-rendu au mois de décembre, puisque la ministre française, en l'occurrence Elisabeth GUIGOU présidait au nom de la France, j'ai pu faire l'exposé de la démarche de Tours, du protocole d'accord qui avait été signé, du sens que cela avait devant l'ensemble des ministres de l'Union.
Je sais qu'à GUEVLES, les 7, 8, 9 juin se déroulent les rencontres européennes de l'économie sociale, prévues de longue date, qui seront l'occasion d'une rencontre à nouveau de ministres ; la même chose aura lieu à OSTENDE, au mois de novembre, sous présidence belge ; les travaux sont décrits, nous avançons et je crois qu'il faut accélérer la marche. La question des mutuelles est peut-être plus compliquée au moment où, après 9 années d'incertitude juridique, on vient de refondre le code, ce n'est donc peut-être pas le moment de poser la question du statut mutualiste européen, encore qu'il faille en débattre avec les mouvements mais la question des fondations par exemple, qui n'a jamais vraiment été posée clairement : veut-on du droit européen qui recouvre l'ensemble des démarches collectives ?
Je crois que cette question est non seulement posée, mais peut trouver des débouchés rapidement politiquement ; encore une fois, il faut que partout, les questions soient portées ; je crois que j'ai trois collègues actuellement dans l'ensemble du paysage de l'Union, et après, la thématique existe parfois, mais sous des coupoles de très grands ministères, et on sait très bien qu'un très grand ministère, avec dix, quinze compétences, si celle-là est une parmi d'autres, elle a peu de chances d'occuper beaucoup de temps dans l'emploi du temps du ministre.
Je crois qu'il faut aussi aller vers le fait que de plus en plus cette question s'affirme.
Quand on a ouvert le chantier, je finis là-dessus, vers l'Europe de l'Est et l'Europe Centrale, c'est pareil ; le mot associatif existe peu ; le mot " coopératif " est associé à une image pas toujours très positive, pour ne même pas dire le contraire, c'est-à-dire la coopérative d'Etat qui continue de plomber beaucoup d'argent et de payer des gens à faire pas grand chose ! C'est l'imagerie dominante qui existe dans les anciens pays du bloc, de l'autre côté du Mur ; donc, faire naître l'idée que coopératif, cela peut être positif, que cela peut être une manière, ensemble, de maîtriser tel ou tel dossier, tel ou tel destin, ce n'est pas acquis.
Imaginons une Union européenne demain à 26 membres, dans laquelle il y ait autour de la table les deux tiers des membres qui ignorent le mot " association ", le mot " mutuelle ", ou le mot " coopérative " ? Il y a un vrai travail aussi, il faut accélérer le fait d'aller chercher les embryons, d'accompagner toutes les démarches qui permettent d'installer cette culture démocratique, finalement, dont certaines géographies ont dû, bien malgré elles, se passer pendant quelques décennies, et dont tout le vide apparaît aujourd'hui ; je crois que ce sont de vrais enjeux.
Quand je pose la question (et nous préparons les rencontres de Bamako sur la place de l'économie solidaire dans le continent africain), sur les questions de microcrédits, de commerce équitable, mais tout simplement aussi du droit de s'associer, du droit de coopérer, du droit de créer des mutuelles qui n'existent pas dans 80 % des pays, c'est aussi une manière de dire : si on ne veut pas que la dominante soit la loi dictée dans tel domaine par les compagnies d'assurance ou dans tel autre par les groupes, il faut aussi que nous ayons ensemble le souci d'aller installer ces valeurs partout où elles peuvent trouver leur place, pour être fort.
M. ROUMIEU (coopérative Hlm de l'Ariège) - Ce matin, si j'ai bien compris, l'économie sociale ce serait des sociétés de personnes, une personne une voix, pratiquant la non lucrativité et la solidarité. Etes-vous certain que la définition de l'économie sociale, ait pour l'instant, et chez nous, avant de voir en Europe, un fondement législatif ? Faut-il qu'elle ait un fondement législatif ? Votre rôle est-il d'organiser l'économie sociale, de la fonder d'une façon législative ?
Ma question est double : si ce sont des sociétés de personnes, des sociétés anonymes d'HLM ou des Offices Publics d'HLM, qui ne seraient pas dans l'économie sociale, car ce ne sont pas des sociétés de personnes, je voudrais avoir à peu près votre avis là-dessus, étant entendu que l'économie sociale et solidaire doit avoir de mon point de vue un fondement législatif et demain fiscal, peut-être du genre de celui des associations ?
Je voudrais avoir votre avis sur ce vaste débat.
M. HASCOET - La question est tellement abyssale que je ne sais par quel bout la prendre ; il est vrai qu'au point de vue de l'histoire, la première loi c'est 1844 dans les secteurs dont on parle ; il y a donc quand même un peu plus de 150 ans d'histoire derrière nous ; ce sont les statuts de personnes qui ont fondé au départ la différenciation par rapport aux sociétés de capitaux ; jusque là, les choses étaient simples.
Aujourd'hui, il y a deux sortes de revendications nouvelles qui apparaissent : des gens qui revendiquent un statut, une reconnaissance par rapport à un travail d'insertion, et donc par rapport au fait de faciliter ou d'accompagner des parcours de personnes en difficulté d'accès à l'emploi ; je ne parle même pas que de l'insertion sociale par l'économique, je suis interpellé par le mouvement des ateliers protégés, le GAPUNETA ou d'autres pour dire : le monde du handicap, c'est un tiers secteur, c'est de l'économie à part entière ; on gère des produits, des services, et en même temps, on est bien aidé parce qu'on accueille un public particulier. Donc, reconnaissez-nous comme étant un des membres de la famille.
C'est une interpellation juste ; vous savez que j'ai fait un travail pour essayer de regarder comment on pouvait susciter les évolutions juridiques à cet égard.
Une troisième catégorie d'acteurs dit : on est souvent association, SCOP, coopérative, etc. et on a le souci d'être plutôt dans ces statuts que dans d'autres. Mais on a aussi des membres qui ont des statuts SARL ou SA et qui pour autant, pour nous, parce qu'ils s'engagent sur un cahier des charges et qu'ils le respectent, sont de plain-pied dans l'économie sociale ou l'économie solidaire.
Je prends l'exemple du commerce équitable ; j'étais ce matin à des rencontres où se déroule un vrai débat sur des questions carrément de régulation ou pas régulation ; j'ai des " Monsieur JOURDAIN " du libéralisme, il y en avait quelques uns dans la salle ; j'ai dû monter un peu au créneau ; là, on est typiquement dans ce cas ; c'est une activité, les gens reconnaissent et établissent un certain nombre de critères qui fondent que l'on est ou pas inscrit dans cette démarche, mais quand on leur pose la question de savoir (et ils le veulent) comment ils vont être reconnus dans le code des marchés publics (et ils m'ont demandé d'obtenir cette reconnaissance : j'ai un accord de principe), les gens me disent : " attendez, vous nous demandez d'ouvrir un droit et vous n'êtes pas capable de nous dire qui bénéficierait ou pas de ce droit et sur quel critère ? "
On en revient donc à la nécessité de légiférer, ou en tout cas, de prendre quelques textes qui définissent sur quelles bases et qui évalue le fait que l'on appartienne ou pas, et qui reconnaisse le label, le donne, le fait vivre dans la durée ; on est bien confronté à cela donc.
Je fais ce détour car ce matin, j'avais des gens qui plaidaient la non régulation. Ils ne comprennent pas que tant qu'on est dans un jeu, en l'occurrence là épsilone, car le chiffre a été donné, je crois que c'est 0,008 % de l'ensemble du commerce international : c'est un début, mais si l'on considère que dans quelques pays voisins, c'est déjà 2 ou 3 % des consommations quotidiennes des gens, on n'est plus dans le 0,008, on est déjà dans quelque chose qui se voit, qui est significatif, et qui peut peut-être devenir 5 ou 10 % dans les 20 ans qui viennent, que sais-je ?
A ce moment, il y a confrontation d'intérêts et là, le politique doit reprendre toute sa place ; s'il n'y a pas de régulation qui est produite, si on n'arrive pas à faire reconnaître la spécificité, la particularité, au nom d'un intérêt supérieur de la démarche et accorder des droits, en fonction de cette reconnaissance, on n'arrivera pas à aller très loin.
Ce serait une grande naïveté de croire (je le disais ce matin) que les acteurs qui débattent de l''MC, pour aller jusqu'au bout de la discussion, tant qu'ils ont affaire à un 0,008, cela ne les préoccupe pas beaucoup, cela ne les empêche pas de dormir ; le jour où ils vont voir apparaître quelque chose qui géographiquement se répand, recoupe des tas de réseaux de producteurs qui échappent à leur emprise, qui sont autant d'éléments qui font poids et qui ont langage pris avec leurs dirigeants, (et on peut imaginer que certains secteurs coopératifs ramenés au terrain, en milieu agricole ou artisanal dans certains pays, ce soit la dominante dans 20 ans, compte tenu de l'état économique que l'on décrit aujourd'hui) à ce moment, cela devient un problème de confrontation d'intérêts, et donc, on reviendra à la question de la régulation.
Je ne dis pas que modestement, nous, nous allons nous tout de suite nous intéresser à la régulation mondiale, mais en tout cas, si des gens peuvent produire du droit positif sur l'espace français, faire que ce soit une démarche qui s'accompagne de démarches identiques dans plusieurs pays de l'Union, et que cela débouche sur une reconnaissance européenne, je crois que l'on aura fait uvre utile, en espérant qu'elle servira à ce moment de référence dans le débat international.
M. ROUMIEU - Allez-vous le faire ?
M. HASCOET - J'ai ouvert ce cheminement ; j'ai identifié aujourd'hui, entre les besoins de modernisation de statut, d'outils, la modernisation de quelques aspects (cela a été dit sur la vie associative furtivement mais quand même), oui, les gens ne veulent pas que l'on touche à la loi de 1901, mais ils attendent des réponses sur le pluriannuel, sur la formation, sur le statut du bénévole, sur la trésorerie, sur des choses extrêmement concrètes. Certaines passent par des dispositifs, tant mieux, d'autres par des circulaires, tant mieux, et puis, quand on a épuisé ces deux voies, que l'on arrive, que l'on butte, on se retrouve sur au moins trois des points que je viens de citer, la nécessité de légiférer ou d'ouvrir du droit en plus.
Je pourrais prendre l'installation des secteurs nouveaux : qu'est-ce que c'est qu'un système d'échange local aujourd'hui ? Si ce sont des citoyens au Tribunal tous les matins, parce qu'ils ont simplement eu l'idée d'être généreux, c'est quand même une issue dommageable.
Est-ce qu'on peut faire reconnaître, donc, dans le droit français, la démarche et rassurer les gens de Bercy : ce ne sera jamais qu'un dix millionnième du poids économique donc, il n'y a pas beaucoup de perte de TVA, comparé aux brouettes qui passent sur le côté le samedi matin chez les uns et les autres !
Donc, si l'on veut parler de flux de TVA, il y a d'autres sujets de préoccupation qui peuvent mobiliser les gens dont c'est le métier de capter l'impôt. Mais il faut les rassurer ; aujourd'hui ils sont persuadés que cela pourrait prendre une ampleur telle que cela remette en cause même les grands fondamentaux des collecteurs d'impôts ; on en est là dans la projection fantasmatique parfois sur un sujet tout modeste comme celui-là.
Les SEM, le commerce équitable, les services de proximité : la SCIC peut, en tant que constitution de partenariats faciliter cela ; comment fait-on des monnaies locales affectées ? Elargit-on les systèmes de solvabilisation, titres emploi-service ou autres ? Jusqu'où ? Comment ? Dans quels thèmes ? Dans quels champs au niveau de la pratique ?
J'ai identifié pas moins d'une cinquantaine de questions comme celles-là, sur lesquelles nous avons travaillé, certaines sont prêtes, d'autres sont en dialogue avec les réseaux et les mouvements concernés, le monde du handicap, vous le savez, où j'ai fait tout un travail pour regarder comment on pouvait finaliser la démarche.
Je crois qu'il y a matière à moderniser largement le cadre, à installer ceux qui sont en insécurité juridique, à offrir de nouveaux outils ; l'épargne individuelle par exemple ; aujourd'hui, vous voulez placer votre argent dans un système de fonds commun de placement pour l'innovation, vous êtes récompensé fiscalement ; vous le placez dans un système au profit de l'économie sociale et solidaire, vous n'avez aucune mesure incitative ; pour le moins, on devrait mettre les choses à niveau, voire offrir un différentiel positif supplémentaire.
Ce sont des discussions ; il y en a un certain nombre qui mériteraient d'être ouvertes ; le chantier est engagé, vous savez dans quel délai ; nous courons sur un calendrier ; mais tout ce qui sera fait ne sera plus à faire, et tout ce qui sera prêt sera prêt ; alors, je considère qu'il y a encore un an de bon travail devant nous.
(Applaudissements)
Mme AMBRY - Monsieur DUMONT va nous dire un petit mot de conclusion.
M. LE PRESIDENT - Je voudrais simplement souligner la qualité des travaux de cette matinée, remercier Guy HASCOET d'avoir accepté une fois de plus cet exercice, non seulement d'adresser un message à l'ensemble du mouvement coopératif HLM, mais de participer à cet échange simple, direct, franc, généreux, avec la salle.
C'est toujours un exercice, parfois difficile, et souvent, l'entourage des ministres leur déconseille ce genre d'exercice ; tu me diras que l'exercice auquel tu te livres est peut-être plus direct et plus généreux, que les difficultés ne sont pas moindre.
Je voudrais quand même soulever une difficulté, car à plusieurs reprises on a fait référence au législateur, chers collègues ; regardez le phénomène sectaire ; tous les domaines dans lesquels on vient d'intervenir au titre de l'économie sociale et solidaire en particulier la loi de 1901 est dans l'espace européen ; l'analyse que l'on peut faire de ce phénomène, là, ici en France, et dans d'autres pays, particulièrement nordiques, ce sont des aspects qui sont menés de façon tout à fait différente ; et pourtant, derrière, il y a des activités économiques très importantes, c'est le moins que l'on puisse dire.
Je crois qu'il faut aussi que l'on dépasse nos propres cultures, nos propres habitudes, notre propre histoire, voire certaines fois nos propres certitudes pour bien prendre en compte que nous sommes dans un espace européen, que nous devons y jouer pleinement notre rôle, et qu'entre autres, l'année dernière, la mise en place en France d'un Secrétariat d'Etat, chargé justement de porter l'ensemble des questions, des ambitions, des problèmes d'une façon positive de l'ensemble de l'économie sociale, associations, mutuelles, coopératives, a été me semble-t-il un élément important.
Nous avions l'habitude d'en parler entre nous, de nous interroger sur Bruxelles ; on parle devant un collègue italien qui, si j'ai bien compris, a beaucoup travaillé à Bruxelles et mené des recherches sur le plan universitaire ; je crois que c'est en confrontant toutes ces expériences, toutes ces idées, toutes ces valeurs, en écoutant aussi l'autre (c'est quand même une qualité de l'économie sociale de pouvoir écouter l'autre, même lorsqu'il peut être irritant) de telle sorte que l'on s'enrichisse mutuellement, pour qu'en effet, l'homme ait pleinement sa place dans la société européenne de demain.
Merci Guy HASCOET d'y contribuer.
(source http://www.union-hlm.org, le 25 juin 2001)