Déclaration de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique, sur la protection des données personnelles sur Internet, notamment le "droit à l'oubli" numérique, Charm el Cheikh le 15 novembre 2009.

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Circonstance : Cérémonie d'ouverture du 4ème Forum mondial sur la gouvernance de l'Internet, à Charm el Cheikh (Egypte) le 15 novembre 2009

Texte intégral

Monsieur le secrétaire général adjoint,
Monsieur le président Nitin Desai,
Monsieur le directeur exécutif du Forum sur la Gouvernance de l'Internet,
Monsieur le Ministre de la Communication et des technologies de l'information de la République arabe d'Egypte,
Mesdames et messieurs,
Laissez-moi tout d'abord me joindre aux précédents intervenants, et féliciter le gouvernement égyptien pour son accueil et sa grande efficacité.
Ce forum est un lieu unique, précieux, préfigurateur, j'en suis convaincue, d'une nouvelle forme de gouvernance.
La réflexion sur Internet, son impact social et ses évolutions techniques est l'affaire de tous. Tout le monde est « partie prenante ». Le Sommet Mondial sur la Société de l'information qui donna naissance à ce forum fut un sommet multi-acteurs. C'était déjà vrai, quelques années auparavant, du Sommet de Johannesbourg sur le développement durable.
Je fais ce parallèle car je l'ai moi-même vécu, en tant que Secrétaire d'État à l'écologie puis au numérique.
Ces deux enjeux ne peuvent être abordés par le seul marché, pas plus que par les seuls gouvernements. J'en ai fait l'expérience concrète en organisant il y a deux ans en France un forum multi-acteurs de grande ampleur sur l'environnement.
C'est aussi ce que nous faisons ici, en rajoutant à la complexité de cet exercice la nécessité de se comprendre d'un continent à l'autre, d'une culture à l'autre, ce qui est parfois le plus difficile.
Nous avons décidé ensemble cette année de nous intéresser pour la première fois à la gouvernance des réseaux sociaux, dans la continuité de la réflexion engagée au sein du FGI sur la protection des données personnelles.
Le dévoilement d'informations personnelles archivées par Internet représente désormais aux yeux de la France un enjeu majeur.
Mais que considérons-nous être une donnée personnelle ?
Ces questions, nous le savons, ne font pas consensus. Et si un socle commun devait être adopté pour une telle définition, il serait probablement considéré comme trop restrictif par ceux qui ont, comme la France et comme l'Europe, une conception large des données personnelles.
En revanche, s'il est une idée qui me semble être universelle, c'est celle de prescription.
Dans toutes les sociétés, une parole, une photo, pourvu qu'elle n'ait pas de caractère public ou administratif, peut être oubliée au bout d'un certain temps. On a le droit de passer à autre chose, nous avons tous le droit de changer sans que ce que nous avons dit ou dévoilé de nous-même puisse être éternellement retenu contre nous.
Cette notion est remise en cause aujourd'hui par les mémoires infaillibles et éternelles d'Internet. Un droit à l'oubli, donc, pour que nos données personnelles, celles qu'à un moment de notre existence nous avons voulu partager, mais que plus tard nous voulons récupérer, nous restent personnelles.
Cette question n'a rien de théorique. Au Etats-Unis, 35% des recruteurs déclarent avoir éliminé des candidats pour cause de propos ou de photos sur Internet jugés déplacés. En France, 78% des jeunes de 18 à 24 ans, qui sont pourtant les plus enclins à dévoiler des pans de leur intimité sur Internet, jugent que la protection de la vie privée y est insuffisante.
Alors, ce thème en est un parmi de nombreux autres. La force de ce forum est précisément d'appeler l'attention sur des sujets importants et nombreux comme la lutte contre la pédopornographie, la gestion des infrastructures critiques, la liberté d'expression, la lutte contre la fracture numérique.
Je voulais aujourd'hui insister sur ce sujet émergeant du droit à l'oubli et de la gouvernance des réseaux sociaux, comme un exemple de ce que peut nous apporter le FGI. Parce qu'il regroupe tous les acteurs, et qu'il n'est pas directement une enceinte de négociation, il permet justement de faire évoluer les mentalités pour enfin parvenir à des changements qui peuvent se matérialiser en principes, et en garanties données aux utilisateurs.
Pour cela, j'invite tous ceux qui le souhaitent à former un groupe de suivi de cette question au sein du FGI. De plus, je propose d'accueillir en France en juin 2010 une réunion multi-acteurs sur ce sujet, afin de progresser dans la mise en oeuvre de ce droit à l'oubli sur Internet.
Vous le savez, la France, avec l'Europe, soutient la continuation du FGI pour cinq ans et avec elle le renforcement progressif de sa capacité à proposer et recommander des actions concrètes.
Sur ce sujet, comme sur tant d'autres qui seront abordés ici à Charm el Cheick, il nous revient maintenant de commencer à construire des propositions.
Je vous remercie.Source http://www.strategie.gouv.fr, le 17 novembre 2009