Déclaration de Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat chargée de l'écologie, sur les mesures du plan national en faveur des zones humides, Tiercé le 1er février 2010.

Prononcé le 1er février 2010

Intervenant(s) : 

Circonstance : Déplacement dans les basses vallées angevines (Maine-et-Loire), le 1er février 2010

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Vous le savez tous, nous sommes à la veille de la journée mondiale des zones humides. Et comme chaque année, nous pourrions faire un constat préoccupant voire alarmiste de l'état de ces zones humides :
- près de 67 % des zones humides métropolitaines ont disparu depuis le début du XXème siècle
- dont la moitié en 30 ans, sur la période 1960-1990.
Ne comptez pas sur moi pour céder à la tentation de cette ritournelle du défaitisme.
Il faut être dans l'engagement.
Il faut être dans la conviction.
Il faut être dans l'action.
Il y a un an, j'effectuais mon premier déplacement officiel de Secrétaire d'Etat à l'écologie, sur le terrain des zones humides. C'était en Basse-Normandie.
J'avais alors demandé que l'on se saisisse pleinement de ce sujet, en :
- créant un groupe national sur les zones humides,
- en mettant à plat la définition de ces zones humides
- en se dotant d'un plan d'action ambitieux pour les 3 prochaines années
Où en est-on aujourd'hui ?
- Le groupe zone humide se réunit pour la 5ème fois. Il a produit ce qu'on lui demandait
- L'arrêté relatif à la définition des zones humides a été revu, à l'issue de nouvelles modélisations et en concertation avec tous les acteurs
- Le plan d'action est sur sa rampe de lancement.
Bref, engagements tenus !
Et je vous remercie chaleureusement pour vos efforts et pour votre engagement. Je vous remercie, tout particulièrement, pour votre réactivité et votre dextérité dans la rédaction de ce plan d'actions.
1. La nécessité d'un plan national sur les zones humides
Mesdames et Messieurs,
Nous avons parfois une tendance, un peu fâcheuse, dans ce pays, à multiplier les plans... Or, je ne conçois pas ce plan national sur les zones humides comme un énième plan !
Et cela pour au moins trois raisons :
- Malgré un ralentissement de leur régression depuis le début des années 1990, les zones humides continuent à s'éroder. Elles demeurent toujours parmi les milieux naturels les plus dégradés et les plus menacés de France, tant en terme de surface qu'en terme d'état de conservation. Il faut donc changer de braquet.
- Ensuite, les zones humides sont restées un peu trop longtemps les malaimées de la biodiversité. Une tragique erreur lorsque l'on sait le rôle majeur qu'elles jouent dans la réduction du risque inondation, pour la qualité des eaux pour la biodiversité et le stockage de carbone. Et quand l'ironie se mêle au tragique, c'est une incitation d'autant plus forte à l'action : aujourd'hui, bon an mal an, nous arrivons à conserver les zones humides exceptionnelles ; c'est beaucoup moins vrai pour les zones humides ordinaires. Nous sommes au coeur de la problématique de la protection de la biodiversité ordinaire !
- Enfin le temps est venu de sortir d'un malentendu fâcheux : ce n'est pas l'agriculture ou la fréquentation humaine qui sont les premières causes de la diminution des zones humides. Je dirais même au contraire. Si nous avons encore plus d'un million d'hectares de prairies humides, c'est grâce à l'agriculture ! Veillons donc à ne pas nous tromper de cible et regardons comment rendre durables et compatibles les activités humaines avec le maintien des zones humides jusque là mal gérées. (perturbation des interconnexions hydrauliques, fragmentation et mitage, eutrophisation et comblement, pollutions chimiques et organiques, fermeture et/ou banalisation des milieux).
Quels sont nos objectifs avec ce plan d'action ?
J'en vois trois :
- C'est tout d'abord de favoriser les bonnes pratiques sur les zones humides, et notamment agricoles ;
- C'est ensuite de développer des outils techniques et financiers robustes parce que partagés par tous. C'est le gage d'une gestion « gagnant-gagnant » des zones humides ;
- C'est enfin être plus volontariste quant à la mise en oeuvre de la convention de Ramsar en France.
Ce plan d'action serait un coup d'épée dans l'eau s'il était déconnecté du reste du monde. Ce plan a vocation à coordonner la mise en oeuvre des multiples lois, directives et autres stratégies qui réglementent les zones humides ; je pense notamment aux Directives cadre sur l'eau, sur les énergies renouvelables, aux Oiseaux ou encore aux Habitats Faune Flore. De ce même esprit, notre plan vise les dispositifs de préservation des zones humides tels que contenus dans la Politique Agricole Commune autant qu'il s'articule avec la Politique de prévention des inondations. Enfin il intègre la stratégie pour la création d'aires protégées, et bientôt la trame verte et bleue.
C'est donc un plan global qui permettra à la fois :
- de renforcer la visibilité et la coordination des outils disponibles ;
- d'améliorer les dispositifs existants quand cela est nécessaire ;
- de proposer des actions nouvelles.
Mesdames, Messieurs,
Il y a un an, ma commande était claire : un plan audacieux dans sa structure, ambitieux dans son contenu et opérationnel dans l'instant.
La commande est satisfaite.
Sur les vingt-neuf mesures, trois d'entre-elles illustrent parfaitement sa philosophie.
2. Trois actions illustratrices de notre philosophie d'actions.
2.1. Le lancement d'un parc national « zones humides »
Je tiens beaucoup à cet objectif.
Parce qu'il emblématique, peut-être.
Parce qu'il est un engagement du Grenelle, surtout.
Nous avons procédé avec la même méthode que celle que nous appliquons pour désigner un Parc national forestier, en inversant la démarche qui présidait jusque là. Nous sommes surtout dans le pragmatisme et l'efficacité : ce n'est plus une démarche d'opportunité !
Nous sommes donc partis d'une analyse complète des grandes zones humides de France en regardant les critères biodiversité, aménagement du territoire, paysage, etc... Cette analyse a permis un classement de ces zones humides en fonction de leur intérêt et de la faisabilité d'y inscrire un Parc national.
Cinq sites, les plus remarquables, seront retenus, à la vue de tous ces critères, en visant des zones humides aussi bien de tête de bassin, vallées alluviales ou marais littoraux. Je compte que ces dossiers soient finalisés fin mars.
Ensuite, nous procéderons, là encore comme nous l'avons fait pour les parcs forestiers, à une pré-consultation locale des acteurs et leaders d'opinion sous la responsabilité des préfets concernés.
Alors, et seulement alors, nous pourrons identifier un projet de parc national zone humide.
C'est donc un calendrier serré. Mais un calendrier qui offre toute la place, méritée et nécessaire, à la concertation locale. Un calendrier qui nous permettra d'identifier un nouveau parc dans le premier semestre 2010.
2.2. Des actions ciblées pour mieux connaître et gérer dans le temps les zones humides
Deuxième type de mesures du plan national qui mérite d'être relevé concerne une nécessaire connaissance et gestion des zones humides. Cela se traduit par :
- La mise en ligne, dès demain, par l'ONEMA, d'un portail national sur les zones humides. Nous aurons ainsi tous accès aux nombreuses informations sur les zones humides, notamment collectées par les pôles relais zones humides [regroupement d'acteurs, 4 pôles, 300 000euros°];
- C'est ensuite une valorisation économique des produits issus des zones humides qui sera entreprise. Et je compte beaucoup, ici, sur notre collaboration avec l'Assemblée Permanente des Chambres d'Agricultures. Parmi les exemples que j'ai en tête, c'est le sel de Guérande, le boeuf et l'oiseau sur les basses vallées ou encore les différentes opérations autour de l'image de qualité de l'élevage extensif
- C'est ensuite la finalisation de cinq sites Ramsar. Ceux-ci seront prochainement proposés à l'inscription. Notre objectif est de dix nouveaux sites par an. Ces sites sont répartis sur l'ensemble du territoire (métropole, Corse, Mayotte, Réunion, Saint Martin)
- Enfin, nous devons améliorer les dispositifs d'aides pour renforcer l'agriculture en zone humide. En plein accord avec Bruno le Maire, nous lançons un bilan sur l'efficacité et l'amélioration nécessaires des dispositifs d'aide existants pour les agriculteurs sur les zones humides (MAE, MAEt, ICHN Marais-Poitevin). Les conclusions me seront rendues d'ici juillet prochain. Nous pourrons alors travailler sur des évolutions de ces dispositifs afin de les rendre plus efficaces et plus attractifs. Ce sera le moyen d'identifier les pistes prioritaires en vue de la réforme de la PAC. Mais avant, nous travaillerons avec Bruno Le Maire, dans le cadre de la révision des ICHN. Nous définirons des critères afin de prendre en compte les zones humides. En fonction des résultats de la mission, nous choisirons également, avec Bruno Le Maire, les évolutions qu'il faudra porter aux Mesures agro-environnementales.
Notre objectif est de soutenir 1 million d'ha de prairies humides gérées durablement par l'agriculture soit la moitié environ des surfaces en zones humides. Il est en effet indispensable de répondre aux problématiques spécifiques de l'agriculture en zones humides.
2.3. Lancement d'un appel à projet pour l'acquisition et la gestion de zones humides participant à la lutte contre les inondations
Troisième et dernière mesure, concerne le lancement d'un appel à projet pour l'acquisition et la gestion de zones humides participant à la lutte contre les inondations.
J'ai demandé à ce que soit lancé, dans les prochains jours, un nouvel appel à projet, doté d'une enveloppe de 10 millions du MEEDDM. Cela permettra de soutenir des collectivités ou leurs groupements pour l'acquisition, le maintien et la gestion de zones humides contribuant à la réduction du risque inondation. Dans le cahier des charges, nous veillerons bien sur à ce que cela ne remette pas en cause d'éventuels usages agricoles. Cet engagement vient souligner de façon forte un des services majeurs rendus par les zones humides et s'inscrit en complément des autres mesures que vous trouverez dans le plan.
Mesdames, Messieurs,
Nous ne sommes pas dans l'incantation.
Nous sommes dans l'action... et des actions financées !
En plus des aides agricoles consacrées à la gestion durable des prairies humides par les agriculteurs, notre plan d'actions est doté d'un budget global de 20 millions d'euros sur trois ans pour l'Etat et ses établissements publics.
Ce montant vient s'ajouter aux montants importants qui contribuent d'ores et déjà à la préservation des zones humides :
- 60 millions d'euros (20 millions par an) fléchés dans les IXèmes programme des Agences et offices de l'eau pour des actions d'entretien, d'acquisition et de restauration de zones humides sur la période 2010-2012. Et ici, je rappellerai l'engagement du Grenelle concernant l'acquisition de 20.000 ha de zones humides.
- 12 millions d'euros (4 millions par an) qui seront consacrés à la mise en oeuvre des contrats Natura 2000 dont une part significative concerne les zones humides (entretien de mares ou de ripisylves, faucardage, restauration de cours d'eau, gestion pastorale, etc.);
- 12 millions d'euros pour les acquisitions de zones humides par le Conservatoire du littoral. Le Conservatoire du littoral vient par exemple d'acquérir, en Camargue, sur les communes d'Arles et des Saintes Marie de la mer, 5 632 ha de marais et d'étangs littoraux mis en vente par la Compagnie des Salins du Midi.
Mesdames, Messieurs,
L'action est là.
Le budget est là.
C'est une belle stratégie que nous mettons en oeuvre en faveur des zones.
On le doit à la volonté politique
On le doit au travail des agents du Ministère de l'Ecologie et du développement durable et des membres du Groupe national des zones humides.
On le doit à l'engagement de toutes celles et de tous ceux qui oeuvrent -de quelles que façons que ce soient- à préserver l'avenir des zones humides.
Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 8 février 2010