Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
La vocation du Parlement est de voter des lois pour contribuer à améliorer la société. Son devoir consiste aussi, parfois, à voter des lois pour transformer la loi elle-même. En révisant sous le contrôle du Conseil Constitutionnel l'importante ordonnance du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances, vous remplissez ces deux missions. En adoptant une nouvelle " constitution budgétaire et financière " de la République, Parlement et Gouvernement apportent une double démonstration.
Nous montrons que réformer est possible. Cette réforme, 37 fois espérée à travers divers projets de textes et 37 fois ajournée, n'a jamais mobilisé nos concitoyens. Quand ils doivent payer leurs impôts, quand ils demandent " mieux de service public ", quand ils s'inquiètent pour leur retraite, les Français s'interrogent sur les finances de l'État plutôt que sur l'état de notre constitution financière. Symétriquement, les gouvernements successifs ont longtemps éprouvé un confort commode à abriter dans ce carcan protecteur des questions qu'ils jugeaient peut-être trop complexes pour être clairement débattues.
En élargissant le droit d'initiative, d'amendement et de contrôle parlementaire sur les décisions financières, la proposition de loi soumise à votre vote va rééquilibrer les pouvoirs du Parlement et consolider la démocratie. En passant d'une logique de moyens à une logique d'objectifs et de résultats, de la routine dépensière au pilotage budgétaire, ce texte de loi constitue la pierre angulaire d'un projet plus vaste et indispensable : la réforme de l'Etat. Réduire la nomenclature budgétaire à 150 " missions " et " programmes " au lieu des 850 chapitres qui jusqu'alors disséminaient et figeaient la dépense est une transformation utile. Diviser par 6 la nomenclature de la dépense multipliera d'autant sa lisibilité pour le citoyen et la maîtrise de son évolution pour le décideur public. L'approche quantitative et centralisée, cette traditionnelle et détestable façon de dépenser sans véritable gestion ni concertation, prendra alors fin, du moins peut-on l'espérer. L'évaluation qualitative mobilisera l'ensemble des agents des administrations, associés à la définition des priorités et au contrôle des indicateurs retenus. C'est le sens même de l'" État partenaire ", plus souple, plus réactif, plus efficace, que personnellement j'appelle depuis longtemps de mes vux.
Nous montrons aussi que rassembler est possible. Quand l'intérêt général doit prévaloir, fût-ce à quelques encablures d'échéances électorales importantes, notre discussion montre que les clivages peuvent s'effacer. Pourquoi cette 38e tentative fut-elle la bonne ? Pour une grande part parce que la conjoncture astralo-politique a été exceptionnellement favorable. Au printemps 2000, le Premier ministre Lionel Jospin s'est engagé à mener à bien cette réforme à laquelle le Président Jacques Chirac a apporté son soutien au début de cette année. Les Présidents Raymond Forni et Christian Poncelet ont uvré pour sa mise en chantier. La bienveillance active d'Henri Emmanuelli, de Philippe Marini, d'Augustin Bonrepaux, la vôtre à toutes et à tous, a été extrêmement utile. Surtout - et je veux y insister - se sont déployées la ténacité tranquille de Didier Migaud, la détermination compétente d'Alain Lambert, que je souhaite tous deux remercier chaleureusement, profondément et personnellement : ils aiment le Parlement et la démocratie, ils auront contribué à les servir d'une façon qui marquera la République. La compétence, l'esprit de dialogue qui anime Florence Parly, Secrétaire d'État au Budget, ainsi que Michel Sapin, a été un atout précieux tout au long de ces discussions. Rien n'aurait été possible enfin sans les échanges nombreux et fructueux entre les administrateurs des commissions des finances des Assemblées et mes services, cette direction du Budget que l'on prétendait hostile au changement et qui en réalité a offert, dans l'expertise qui lui a été demandée, le meilleur d'elle-même. Ajouterai-je que la réforme de l'ordonnance de 1959 permet au Ministre de l'Économie et des Finances de respecter l'engagement formulé naguère par le Président de l'Assemblée nationale, lorsque en automne 1998 j'avais pris l'initiative d'engager un vaste travail sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire ? Ensemble, Parlement et Gouvernement, majorité et opposition, nous avons su, chacun dans notre rôle, chacun avec nos convictions, écrire une page importante de l'histoire budgétaire de notre pays. Je pense que nous pouvons en être satisfaits.
Avant de conclure, deux souhaits. D'abord, que les Assemblées s'engagent au plus vite à adapter leur règlement. Il importe en effet que la réforme demandée aujourd'hui à l'État se traduise rapidement dans les procédures internes au Parlement. Ensuite, que l'esprit d'ouverture qui a présidé à cette révision anime également la suite de la procédure : les missions, les programmes, les objectifs et les indicateurs ne seront pas définis unilatéralement par Bercy ; le MINEFI sera un facilitateur, il pourra apporter une méthodologie, échanger les meilleures pratiques, mais il ne devra pas se substituer aux autres ministères. Pour être pleinement acceptées, les priorités devront venir du terrain lui-même. Ce sera l'occasion d'une réflexion partagée et d'un dialogue renouvelé pour l'action publique et pour tous les agents chargés de la mettre en uvre.
Mesdames et Messieurs les sénateurs, la réforme de l'ordonnance de 1959 ne se réduit pas à l'aménagement d'une procédure. Ma conviction est que, à moyen terme, cette réforme exercera ses effets positifs à la fois sur notre vie démocratique et sur l'amélioration du service public pour nos concitoyens. Il s'agit de remplacer dans notre examen des finances publiques le fameux " litanie, liturgie, léthargie " par " efficacité, comparabilité, durabilité ".
Au nom du Gouvernement, j'apporte donc mon soutien total à ce texte et je vous demande, avec Florence Parly, de voter une loi qui modernise la gestion publique, contribue à réformer l'État et renforce le rôle du Parlement. Ensemble, nous dotons l'État du XXIe siècle de la Constitution budgétaire et financière moderne dont notre pays avait besoin.
(Source http://www.finances.gouv.fr, le 29 juin 2001)
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
La vocation du Parlement est de voter des lois pour contribuer à améliorer la société. Son devoir consiste aussi, parfois, à voter des lois pour transformer la loi elle-même. En révisant sous le contrôle du Conseil Constitutionnel l'importante ordonnance du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances, vous remplissez ces deux missions. En adoptant une nouvelle " constitution budgétaire et financière " de la République, Parlement et Gouvernement apportent une double démonstration.
Nous montrons que réformer est possible. Cette réforme, 37 fois espérée à travers divers projets de textes et 37 fois ajournée, n'a jamais mobilisé nos concitoyens. Quand ils doivent payer leurs impôts, quand ils demandent " mieux de service public ", quand ils s'inquiètent pour leur retraite, les Français s'interrogent sur les finances de l'État plutôt que sur l'état de notre constitution financière. Symétriquement, les gouvernements successifs ont longtemps éprouvé un confort commode à abriter dans ce carcan protecteur des questions qu'ils jugeaient peut-être trop complexes pour être clairement débattues.
En élargissant le droit d'initiative, d'amendement et de contrôle parlementaire sur les décisions financières, la proposition de loi soumise à votre vote va rééquilibrer les pouvoirs du Parlement et consolider la démocratie. En passant d'une logique de moyens à une logique d'objectifs et de résultats, de la routine dépensière au pilotage budgétaire, ce texte de loi constitue la pierre angulaire d'un projet plus vaste et indispensable : la réforme de l'Etat. Réduire la nomenclature budgétaire à 150 " missions " et " programmes " au lieu des 850 chapitres qui jusqu'alors disséminaient et figeaient la dépense est une transformation utile. Diviser par 6 la nomenclature de la dépense multipliera d'autant sa lisibilité pour le citoyen et la maîtrise de son évolution pour le décideur public. L'approche quantitative et centralisée, cette traditionnelle et détestable façon de dépenser sans véritable gestion ni concertation, prendra alors fin, du moins peut-on l'espérer. L'évaluation qualitative mobilisera l'ensemble des agents des administrations, associés à la définition des priorités et au contrôle des indicateurs retenus. C'est le sens même de l'" État partenaire ", plus souple, plus réactif, plus efficace, que personnellement j'appelle depuis longtemps de mes vux.
Nous montrons aussi que rassembler est possible. Quand l'intérêt général doit prévaloir, fût-ce à quelques encablures d'échéances électorales importantes, notre discussion montre que les clivages peuvent s'effacer. Pourquoi cette 38e tentative fut-elle la bonne ? Pour une grande part parce que la conjoncture astralo-politique a été exceptionnellement favorable. Au printemps 2000, le Premier ministre Lionel Jospin s'est engagé à mener à bien cette réforme à laquelle le Président Jacques Chirac a apporté son soutien au début de cette année. Les Présidents Raymond Forni et Christian Poncelet ont uvré pour sa mise en chantier. La bienveillance active d'Henri Emmanuelli, de Philippe Marini, d'Augustin Bonrepaux, la vôtre à toutes et à tous, a été extrêmement utile. Surtout - et je veux y insister - se sont déployées la ténacité tranquille de Didier Migaud, la détermination compétente d'Alain Lambert, que je souhaite tous deux remercier chaleureusement, profondément et personnellement : ils aiment le Parlement et la démocratie, ils auront contribué à les servir d'une façon qui marquera la République. La compétence, l'esprit de dialogue qui anime Florence Parly, Secrétaire d'État au Budget, ainsi que Michel Sapin, a été un atout précieux tout au long de ces discussions. Rien n'aurait été possible enfin sans les échanges nombreux et fructueux entre les administrateurs des commissions des finances des Assemblées et mes services, cette direction du Budget que l'on prétendait hostile au changement et qui en réalité a offert, dans l'expertise qui lui a été demandée, le meilleur d'elle-même. Ajouterai-je que la réforme de l'ordonnance de 1959 permet au Ministre de l'Économie et des Finances de respecter l'engagement formulé naguère par le Président de l'Assemblée nationale, lorsque en automne 1998 j'avais pris l'initiative d'engager un vaste travail sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire ? Ensemble, Parlement et Gouvernement, majorité et opposition, nous avons su, chacun dans notre rôle, chacun avec nos convictions, écrire une page importante de l'histoire budgétaire de notre pays. Je pense que nous pouvons en être satisfaits.
Avant de conclure, deux souhaits. D'abord, que les Assemblées s'engagent au plus vite à adapter leur règlement. Il importe en effet que la réforme demandée aujourd'hui à l'État se traduise rapidement dans les procédures internes au Parlement. Ensuite, que l'esprit d'ouverture qui a présidé à cette révision anime également la suite de la procédure : les missions, les programmes, les objectifs et les indicateurs ne seront pas définis unilatéralement par Bercy ; le MINEFI sera un facilitateur, il pourra apporter une méthodologie, échanger les meilleures pratiques, mais il ne devra pas se substituer aux autres ministères. Pour être pleinement acceptées, les priorités devront venir du terrain lui-même. Ce sera l'occasion d'une réflexion partagée et d'un dialogue renouvelé pour l'action publique et pour tous les agents chargés de la mettre en uvre.
Mesdames et Messieurs les sénateurs, la réforme de l'ordonnance de 1959 ne se réduit pas à l'aménagement d'une procédure. Ma conviction est que, à moyen terme, cette réforme exercera ses effets positifs à la fois sur notre vie démocratique et sur l'amélioration du service public pour nos concitoyens. Il s'agit de remplacer dans notre examen des finances publiques le fameux " litanie, liturgie, léthargie " par " efficacité, comparabilité, durabilité ".
Au nom du Gouvernement, j'apporte donc mon soutien total à ce texte et je vous demande, avec Florence Parly, de voter une loi qui modernise la gestion publique, contribue à réformer l'État et renforce le rôle du Parlement. Ensemble, nous dotons l'État du XXIe siècle de la Constitution budgétaire et financière moderne dont notre pays avait besoin.
(Source http://www.finances.gouv.fr, le 29 juin 2001)