Déclaration de M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, sur la politique de l'aménagement numérique du territoire, notamment le déploiement du très haut débit, à Paris le 20 octobre 2010.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Colloque Territoires et réseaux d’initiative publique (TRIP 2010) organisé par l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (AVICCA), à Paris le 20 octobre 2010

Texte intégral

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, c’est avec plaisir en effet que je me retrouve avec vous pour votre rencontre annuelle. Monsieur le Président, je veux vous remercier de l’accueil que vous me réservez et de la façon dont vous avez présenté les choses. C’est vrai, vous n’avez pas pu tenir très longtemps en disant que le verre était à moitié plein, vous avez vite dit qu’il était à moitié vide ! Mais c’est tout à fait normal, et je l’accepte bien volontiers. Depuis un an, on a pu avancer, des chantiers sont en route. Il reste des choses à faire, et heureusement sinon, cela ne serait pas la peine d’être là et vous manqueriez tous l’occasion de vous rencontrer, ce qui serait une vraie tristesse.
Je dois aussi vous féliciter, Monsieur le Président, pour votre grande habileté, parce que grâce au haut débit et au Très haut débit, vous êtes arrivé à revisiter la loi sur les collectivités territoriales. Cela a été parfait. Vous vous êtes un peu trompé mais cela n’est pas grave parce que vous aviez des choses à dire et vous les avez dites, ce qui est très bien. Je veux simplement rappeler qu’en matière de compétence, c’est la loi portant réforme des collectivités territoriales qui leur a donné compétence pour s’occuper du Très haut débit. La loi met justement en exergue les compétences légales des collectivités territoriales. Ce n’est pas l’application d’une clause de compétence générale plus ou moins réelle, c’est la loi qui a leur donné compétence. Je comprends que cela vous gêne un peu, mais cela n’est pas grave, l’important c’est le résultat. Il y a eu deux textes au moins qui ont rappelé cette compétence des collectivités territoriales. C’est simplement d’ailleurs la reconnaissance d’une pratique de terrain, parce que les collectivités se sont engagées, pour certaines depuis très longtemps, même dans le téléphone classique il y a une trentaine d’années. Cette compétence, qui était donc volontaire pendant très longtemps, s’appuie désormais sur la loi. Et le projet de réforme des collectivités territoriales ne met nullement en cause cette compétence désormais légale des collectivités territoriales. Vous n’avez donc pas de souci à vous faire, Monsieur le Président, vous pourrez vous lancer sans problème dans des opérations qui sont, on le sait tous ici, très demandées par nos concitoyens. Et c’est cela qui compte après tout : la demande très forte des nos concitoyens. Que font les collectivités territoriales ? Elles sont au plus près des gens et elles s’imprègnent très naturellement de leurs demandes et des besoins tels qu’ils sont exprimés de toutes les façons par la population. Aujourd’hui, que l’on habite dans le centre d’une grande ville ou que l’on soit dans un tout petit village un peu isolé, tout le monde demande la même chose, qui est l’accès normal à toutes ces technologies de communication, que cela soit le téléphone mobile ou le haut et le Très haut débit. On n’imagine plus aujourd’hui de pouvoir vivre sans ces technologies. Je vous remercie aussi d’avoir rappelé ce que j’ai pu faire depuis un an dans le ministère qui m’a été confié, avec d’ailleurs l’ensemble des élus, notamment locaux - il n’y a pas là de gloriole personnelle. Je pense que nous avons pu faire en sorte, tous ensemble, d’éviter ce qui aurait été un grave risque, c’est-à-dire que l’on laisse faire les seules forces du marché. Les opérateurs seraient naturellement allés là où ils gagnaient leur vie, on ne peut pas le leur reprocher, c’est leur rôle. Mais il fallait, et c’est aussi la justification même de l’intervention publique, faire en sorte que, là où le marché ne suffit pas, l’intervention publique fasse que les gens seront traités de la même façon. C’est ce qu’a rappelé le Président de la République dans le discours qu’il a prononcé à Morée : il faut mener de pair l’équipement du rural et de l’urbain en matière de très haut débit avec un terme à 15 ans. Cela est tout à fait fondamental, c’est une sorte de « service universel » de l’accès au numérique qui a été mis en place. Je l’ai déjà dis : les collectivités locales ont un rôle majeur à jouer, d’abord dans l’élaboration avec les préfets des schémas de couverture numérique. On n’imagine pas que les collectivités ne soient pas là. Vous l’avez justement souligné, Monsieur le Président : 60 départements ou collectivités sont déjà à l’œuvre pour établir ces schémas. Je crois que c’est très important parce que, en même temps, l’on voit bien que des opérateurs vont intervenir. Et qu’il faut ce schéma pour prévoir la mutualisation des choses, sinon, nous allons retrouver tous les risques de choix des opérateurs.
Vous l’avez rappelé, L’Etat a mobilisé des moyens financiers importants et immédiats pour les infrastructures numériques, comme il ne l’avait probablement jamais fait dans ce domaine ; 6 millions d’euros sont consacrés pour faciliter la mise en place, les réflexions, les études sur les schémas directeurs ; 1 milliard d’euros de l’Emprunt national pour soutenir les projets d’initiative publique.
Ce milliard, il est important bien sûr, parce que c’est un symbole ; il est aussi important pratiquement, 1 milliard, ce n’est pas rien ; et troisièmement, il est important parce qu’il va transiter par le fonds PINTAT. Ce n’était pas acquis au départ, mais nous nous sommes beaucoup dépensés pour dire que ce serait la première alimentation du fonds PINTAT. Cela aussi, c’est un signe fort. Je sais parfaitement que c’est un milliard d’emprunt, qu’après il faudra trouver autre chose. Vous avez suffisamment insisté, et à juste titre, dans votre intervention, pour dire qu’il fallait trouver une alimentation pérenne. C’est vrai, mais il faut déjà mettre en place le fonds et il le sera dans quelques jours puisque les arbitrages sur l’utilisation du Grand Emprunt et les dépenses d’avenir partent au Parlement cette semaine.
L’Etat propose également une méthode générale pour commencer le Programme national de déploiement du Très haut débit. Ce programme est une sorte de point d’équilibre entre les contraintes réglementaires, le droit à l’investissement privé et les objectifs publics, et il repose sur le principe, pour moi fondamental, de concomitance du déploiement urbain-rural. C’est tout à fait nouveau, pour une fois.
Dès 2010, il va donc y avoir des projets pilotes, c’est une décision qui a été prise par le CIADT : les collectivités qui sont le plus en avance pourront valoriser leur travail à travers ces financements de l’Etat, montrer la voie. Il est vrai que seuls 5 projets seront retenus dans ce premier cadre et que le choix sera difficile, mais je crois aussi qu’il nous aidera beaucoup pour la suite.
Comme c’est la loi, le régulateur a précisé le cadre réglementaire pour que les opérateurs puissent s’impliquer. Ce cadre est un point d’équilibre et l’ARCEP a su prendre en compte les points de vue de tous, y compris ceux des collectivités. J’ai entendu les réserves que vous avez exprimées, mais comme l’ARCEP est une autorité indépendante, ses décisions s’imposent, à vous comme à nous. Ces positions pourront peut-être évoluer, je ne sais pas, sur la base de l’avis de l’Autorité de la Concurrence et de la Commission Européenne. En tout les cas, je suis très attentif à ce que cet environnement réglementaire ne décourage ni l’investissement privé, ni l’action publique.
Il s’agit bien sûr maintenant de pérenniser ces premiers points marqués. Et là, je ne peux que partager votre analyse : il s’agit de sécuriser l’action des collectivités qui s’engagent aujourd’hui sur l’aménagement numérique, il y en a un certain nombre représentées ou présentes dans la salle, et il est bien certain que l’alimentation pérenne du fonds PINTAT sera le signe fort sur lequel nous devrons nous battre dans les jours qui viennent. Le Président de la République s’est exprimé clairement sur ce point, le sénateur MAUREY doit remettre son rapport au Premier ministre dans les prochains jours, d’ici la fin du mois, et je sais parfaitement que la visibilité sur les ressources du fonds est une question importante pour tout le monde, et bien entendu pour les collectivités.
Nous allons travailler aussi en parallèle pour que les financements européens viennent abonder les financements du fonds PINTAT et des fonds budgétaires que les collectivités et l’Etat pourront mettre en place sur le Très haut débit. De ce point de vue, il est intéressant aussi que, depuis un an, l’Union Européenne ait affirmé une priorité pour le numérique. Madame KROES a annoncé au printemps dernier des objectifs très ambitieux, à 10 ans. Donc c’est parfait. Et c’est la première fois que la Commission fait le parallèle entre la révolution du Très haut débit et celle du chemin de fer ou de l’électricité. C’est donc plutôt bon signe. La Commission s’est appuyée sur une étude de l’OCDE, selon laquelle les investissements publics sur le Très haut débit seront remboursés par les économies dans 4 secteurs : transports, électricité, éducation et santé. Le discussions que nous avons pour l’après 2013, en termes de budget européen, vont prendre du temps, mais je suis convaincu que l’Europe va nous aider, ce qui sera intéressant pour les collectivités locales et aussi pour l’Etat.
Il faut aussi sécuriser l’action des collectivités à travers la stabilisation des modèles économiques des projets. Les projets pilotes qui seront retenus vont permettre un dialogue approfondi avec les opérateurs. En parallèle, je vais demander à la DATAR de lancer une suite de son étude sur le Très haut débit, dans un dialogue interministériel et avec les associations de collectivités, dont la vôtre Monsieur le Président, de façon à ce que l’on puisse approfondir cette question des modèles économiques et des montages juridiques. Pour nous, c’est quelque chose de très intéressant. Je ne veux pas revenir sur un certain nombre de points, mais vous avez parlé de l’Australie, vous avez dit « c’est drôlement bien ». Oui mais enfin, honnêtement, la France aussi c’est bien. Et l’on va y rester. C’est très bien de regarder ce qu’il se passe ailleurs, cela nous ouvre l’esprit, mais nous sommes tous le produit d’une histoire et d’une culture, et nous allons faire avec la nôtre.
Mais quand même, on voit qu’il y a dans notre pays une très forte dynamique sur le Très haut débit, une très forte demande qui nous pousse, qui nous aiguillonne, et c’est tant mieux. Le nombre de candidatures à l’appel à projets pilotes en témoigne : déjà plus de 30 ont été déposées. Et une soixantaine de schémas directeurs départementaux ou régionaux de couverture numérique sont en cours d’élaboration. Avec le principe de concomitance urbain-rural, la France est quand même elle aussi en avance par rapport à d’autres Etats. Le milliard du Grand Emprunt, qui viendra soutenir les projets locaux et alimenter et créer ainsi un fonds de péréquation nationale, est un signal fort que donne l’Etat. Les investissements des collectivités locales sont énormes dans ce domaine. Chaque semaine, je vois des maires, des présidents de conseils généraux, qui viennent me dire que leur projet est tout prêt. Alors, je n’ai pas l’impression que la réforme soit pour eux un frein dans ce domaine. Et d’ailleurs, vous le savez bien vous-même Monsieur le Président, mais je comprends qu’il faut que vous en parliez un peu. Et je vous en donne acte, vous l’avez fait. Mais après, on peut se mettre d’accord sur le fait que ce n’est pas un frein, parce qu’il y a encore plus de projets cette année que l’année dernière. Alors que la réforme, on en a beaucoup parlé, elle va bientôt être votée. Il faut donc que l’on prenne un peu de recul, pour laisser chacun trouver sa place, travailler avec l’Europe, mais il faut aussi que l’on avance. Vous avez montré quelle était votre ambition. Je crois que, dans l’année qui vient de s’écouler, l’Etat a aussi montré quelle était la sienne, sa volonté politique forte de voir notre pays s’équiper en Très haut débit. L’Etat a été au rendez-vous et il le sera encore, avec vous, dans les années qui viennent. Je vous remercie.Source http://www.avicca.org, le 4 novembre 2010