Interview de M. Benoist Apparu, secrétaire d'Etat chargé du logement, à La Chaîne Info LCI le 1er décembre 2010, sur l'évocation par Nicolas Sarkozy de "deux mandats présidentiels", l'hébergement d'urgence des sans-abri et la polémique concernant l'occupation des HLM par des familles aisées.

Prononcé le 1er décembre 2010

Intervenant(s) : 

Texte intégral

C. Barbier.- B. Apparu, bonjour.
 
Bonjour.
 
N. Sarkozy a évoqué hier soir devant des parlementaires ses « deux mandats ». Nous confirmez-vous ce matin qu'il est candidat à la présidentielle 2012 ?
 
Je ne vous confirme rien du tout, et j'imagine que lui vous le confirmera dans les semaines, les mois à venir, probablement en novembre 2011, nous avait-il dit, je crois. Donc attendons ces moments-là, pour l'instant...
 
Vous le souhaitez quand même ?
 
Moi, je le souhaite à titre personnel, parce que je pense que ça reste le meilleur candidat pour nos familles politiques de la majorité présidentielle pour 2012.
 
Quand vous le rencontrez au Conseil des ministres, il vous donne l'envie, il vous donne l'impression d'avoir envie d'en découdre, d'avoir envie d'y aller ?
 
Il donne le sentiment d'avoir toujours envie de faire des réformes, de continuer à avancer, et évidemment, de finir ce qu'il avait engagé en 2007 dans son projet présidentiel, c'est-à-dire, sa première obsession, c'est ça.
 
Et avec la crise, il faudrait un deuxième mandat, parce que tout n'a pas pu être fait.
 
Ce n'est pas avec la crise ou pas la crise qu'il demandera un deuxième mandat ou pas, ce n'est pas le sujet. La question qui pourra se poser à lui, en 2011, c'est : est-ce que j'ai suffisamment transformé la France, tel que je le rêvais, est-ce que je l'ai mise sur les rails que je souhaitais, voilà, est-ce que j'ai fait ce que je souhaitais incarner.
 
Il parle aussi de la « Dolce Vita » pour l'après Elysée, est-ce que ce n'est pas un peu léger ? Ce n'est pas la « Dolce Vita », ancien président, c'est le Conseil constitutionnel, c'est de la représentation à l'étranger.
 
Ce n'est pas la même vie quand même, je veux dire...
 
Moins de pression...
 
C'est moins de pression. Je suis un chiraquien d'origine, il a été président de la République douze ans, chacun s'imagine bien qu'au lendemain de cette cessation brutale de fonction de président de la République, la vie n'est pas du tout la même. L'engagement n'est pas le même. Ça ne veut pas dire qu'on n'est plus engagé, J. Chirac a fait une fondation, il est au Conseil constitutionnel, ça ne veut pas dire qu'il ne fait rien, ça ne veut pas dire qu'il s'embête, mais ce n'est pas la même vie quand même, ce n'est pas la même pression permanente.
 
La droite se moque beaucoup ces jours-ci de la primaire socialiste, de la candidature Royal, mais enfin, dans les sondages, tous les présidentiables socialistes de poids battent N. Sarkozy. Il n'y a pas un peu d'arrogance à l'UMP ?
 
Il y a probablement un peu d'arrogance, effectivement, parce que, on est à dix-huit mois d'un scrutin, personne ne sait à ce jour qui sera dans la meilleure posture, dans la meilleure position pour l'emporter entre le « champion », entre guillemets, de la gauche et celui qui représentera les couleurs de la majorité présidentielle. Il n'en demeure pas moins une chose, c'est que, aujourd'hui, ce qui nous différencie, c'est que le débat d'idées, il reste à droite, et qu'on parle beaucoup des personnalités de gauche qui vont s'affronter dans les primaires, mais je n'ai pas encore vu un débat entre du « royalisme », entre guillemets, ou du je ne sais quoi, autre « isme ».
 
... Ils votent demain sur l'égalité réelle entre l'aile gauche, l'aile droite...
 
D'accord, mais justement, et qu'est-ce qui se passe ? Le problème de leur égalité réelle, c'est quoi ? C'est que personne n'en parle et qu'on parle que des candidatures. Pourquoi ? Parce qu'ils n'ont pas réussi encore à faire tourner le débat d'idées autour de leur position. Vous avez vu beaucoup de tribunes d'intellectuels dire : ce que pense le PS est bien ou au contraire, pas bien. Vous avez organisé beaucoup de débats entre vous, journalistes, sur les plateaux télé, pour dire : cette position du PS est complètement délirante ou au contraire : elle est géniale, non. Ça n'arrive pas, parce qu'ils n'ont toujours pas su incarner ce débat d'idées. Et tant qu'ils seront sur les problèmes de personnes et pas d'idées, eh bien, ça veut dire qu'ils seront toujours dans la division, et pas dans le projet.
 
Le froid s'est abattu sur la France, alors, vous promettez zéro demande d'hébergement non pourvue. On voit quand même des SDF dans les rues toutes les nuits ; qu'est-ce qui cloche ?
 
Ce n'est pas la même chose. Zéro demande non pourvue, ça veut dire quoi ? Que tous ceux qui vont appeler le 115, qui est le numéro d'urgence, que je rappelle d'ailleurs, se verront proposer une place d'hébergement. La difficulté, c'est que les hommes et les femmes qui vivent à la rue, qui sont les plus cassés, qui sont depuis deux ans, trois ans, cinq ans, dix ans, à la rue, ils ne vont pas appeler...
 
Alors, comment on fait...
 
Donc effectivement, on va avoir malheureusement encore des SDF à la rue. Qu'est-ce qu'on fait, on a des bénévoles associatifs ou des professionnels, mais souvent, des bénévoles qui, toutes les nuits, jusqu'à 08h du matin, font ce qu'on appelle des maraudes, c'est-à-dire que, avec des petites camionnettes ou à pied, arpentent les rues pour aller à la rencontre des sans abri, leur proposer un café, une soupe, un hébergement, bref, essaient de tisser un lien social avec lui, en espérant l'amener vers un hébergement.
 
Et la réponse est souvent : il y a de la violence dans les hébergements, je ne peux pas venir avec mon chien ; comment vous répondez à ça...
 
Voilà, il y a souvent toute une série effectivement, il y a... certains sont tellement attachés à leur morceau de trottoir comme étant quasiment leur maison, effectivement, ils ne veulent pas le quitter. Et d'autres effectivement ont une image qui n'est plus ce qu'elle était. Les centres d'hébergement, ça a longtemps été un dortoir, quarante lits, de la violence, du vol, et effectivement, ils n'ont pas envie d'y retourner. Tout ça, ça a changé. Ça fait dix ans qu'on a fait beaucoup de travaux, et maintenant, 95% des centres, ce sont des chambres individuelles ou à deux. Donc les choses se sont totalement humanisées. Ça ne veut pas dire que tout a été fait et que tout est fini, il nous reste énormément de travail à conduire sur ce dossier-là, mais les choses avancent véritablement.
 
Emmaüs dénonce une inégalité territoriale, on manque de places à certains endroits, notamment en Ile-de-France, c'est vrai ?
 
Probablement, disons qu'en Ile-de-France, il y a une telle pression qu'on a besoin de concentrer un maximum d'efforts sur l'Ile-de-France, non pas que les autres territoires ne nous intéressent pas, mais c'est vrai que la plus grande misère, les plus cassés, les sans abris, et les plus nombreux malheureusement, sont plutôt en Ile-de-France. Donc il faut qu'on concentre des moyens en Ile-de-France, et notamment sur Paris. La grande ville attire de ce point de vue-là.
 
Etes-vous sûr qu'après vos consignes, les sans-papiers ne seront pas rejetés des centres d'hébergement ?
 
Ce n'est pas ma consigne, le président de la République l'a dit en novembre 2007, le Premier ministre qui recevait les associations le 10 novembre dernier leur a réaffirmé : accueil inconditionnel de tout le monde, mais pour une raison qui est très simple, c'est-à-dire que quand il fait moins cinq la nuit, dans un centre d'hébergement, vous n'allez pas demander à la personne si elle est française, belge, si elle a des papiers ou pas de papiers, ce n'est pas le sujet...
 
Vous contrôlez cette tolérance, vous arrivez à être sûr que...
 
Eh bien, c'est contrôlé, pourquoi, on a cité trois départements où il a pu y avoir un problème, ça veut quand même juste dire qu'il y en a 97 où il n'y a pas de problèmes.
 
Dans les HLM, on s'est aperçu que 53.000 familles aisées avaient quand même droit à une habitation à loyer modéré. Vous allez faire le ménage ?
 
Le ménage a été fait en 2009...
 
Ah, il reste 53.000 favorisés...
 
Non, ça, ce sont les chiffres de 2007...
 
Alors, maintenant, c'est combien aujourd'hui ?
 
Aujourd'hui, je ne sais pas, je suis incapable de vous dire, il y a une enquête qui va partir. Qu'est-ce qu'on a fait en 2009, contre l'avis de la gauche, contre l'avis du monde HLM, on a dit la chose suivante : on va faire du surloyer, c'est-à-dire, pour ceux qui ont entre une fois les plafonds de revenus et deux fois les plafonds de revenus, on va dire, eux, on va vous augmenter votre loyer pour le rapprocher du prix du marché, parce que vous gagnez bien votre vie, donc vous n'avez pas à payer un loyer HLM...
 
Pourquoi ne pas les sortir, les envoyer vers le marché et récupérer les logements...
 
Et pour ceux qui ont deux fois les revenus autorisés, fois deux, eh bien, eux, on les sort. Ça, ça a été voté en 2009, voté en 2009, contre l'avis du PS et du PC, qui ont crié au scandale sur le sujet. Eh bien, non, pour nous, le monde HLM, il est essentiellement là pour loger les plus modestes.
 
Souhaitez-vous clairement que l'on retire la résidence principale du calcul de l'impôt sur la fortune ?
 
Je ne vous le répondrais pas comme ça, pas de façon aussi brutale. Sur le principe, qui consiste à dire : ce n'est pas le patrimoine qui compte, mais les revenus du patrimoine, oui, c'est-à-dire, ce n'est pas parce que vous avez hérité d'une maison que vous êtes riche, vous êtes riche, parce que vous gagnez beaucoup d'argent, ce n'est pas la même chose. Donc sur le principe, oui, sur le principe, j'y suis favorable. Maintenant, là encore, ça dépendra de l'ampleur du débat fiscal, mais dès lors qu'on part dans une direction où on dit : ce n'est pas le patrimoine qu'on va imposer, mais les revenus du patrimoine, la conséquence logique, c'est de retirer bien évidemment la maison du patrimoine.
 
B. Apparu, merci, et bonne journée.
 
Merci à vous.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 7 décembre 2010