Texte intégral
Chaque année, la remise du rapport de la Fondation Abbé Pierre constitue un rendez-vous incontournable pour tous ceux qui sont sensibles au mal-logement et qui veulent agir pour améliorer année après année le sort des femmes et des hommes mal-logés dans notre pays. Le rapport de votre Fondation met en débat, questionne ; il constitue une véritable piqûre de rappel pour l'ensemble de la société afin, légitimement, de faire en sorte qu'elle ne s'habitue jamais à l'infortune d'un certain nombre de nos concitoyens. Permettez-moi donc tout d'abord de saluer votre travail, dont la qualité est unanimement reconnue, et de vous dire que je partage, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, votre appel à l'action et votre refus de la résignation.
Répondre dans le détail à chacune de vos propositions ne peut se faire en quelques minutes. Ce travail approfondi pourra être conduit dans les mois à venir avec les services du Ministère.
Avant de vous faire part brièvement des réflexions que m'inspire ce rapport, je souhaiterais au préalable poser deux éléments de contexte :
- Premier élément : il nous faut reconnaitre la réalité et l'importance du problème du mal-logement dans notre pays, qui ne doit être aucunement sous-estimé ; ce serait faire injure à ceux qui en souffrent au quotidien. Pour autant, il convient également de constater qu'une majorité de nos concitoyens sont satisfaits de leur logement, et, par exemple, que le niveau de confort moyen ne cesse de s'améliorer, ou que la surface moyenne de logement par personne ne cesse d'augmenter.
- Second élément de contexte : La commission des comptes du logement a rendu jeudi passé son dernier rapport, qui va contre beaucoup d'idées reçues, et qui diffère un peu de votre évaluation et de votre analyse, j'y reviendrais . L'effort de la collectivité publique pour le logement est à un niveau record si l'on se réfère aux 25 dernières années. En 2009, il s'est élevé à 37,4 Mdeuros, soit 1,96% du PIB, un niveau jamais atteint depuis 1986. Grâce à des subventions ou des avantages fiscaux, l'Etat assure les deux tiers de cet effort. On peut toujours estimer que ce n'est pas suffisant ; on peut vouloir une autre répartition des dépenses ; en tout cas loin d'être désengagé, l'Etat investit fortement, aujourd'hui, dans la politique du logement et la collectivité publique tout entière est pleinement mobilisée en faveur du logement.
I. Quelques réactions sur le rapport 2011 :
* Premier mot d'ordre du rapport : Produire et capter massivement, sans délais des logements.
Je suis d'accord avec vous sur les objectifs et la territorialisation. Il faut construire plus, tous types de logements.
En Ile-de-France, aujourd'hui, moins de 40 000 logements sont mis en chantier chaque année. Un objectif très ambitieux à été fixé par la loi sur le Grand Paris à hauteur de 70 000 logements. Un travail est en cours pour identifier territoire par territoire où il faut les construire, pour que cela figure dans les futurs Contrats de Développement Territoriaux et les PLH. Je peux vous assurer que le gouvernement et le préfet de Région sont pleinement mobilisés actuellement pour faire de cet objectif une réalité.
Il faudra certainement simplifier les règles d'urbanisme, et parfois alléger les normes : nous allons étudier norme par norme si le niveau d'exigence actuel est justifié, notamment au regard de l'expérience des autres pays développés. Il nous faut mobiliser le foncier pour construire. Si je suis d'accord avec vous sur ce dernier point, je ne crois pas que cela passe nécessairement par une loi. Il faut d'abord que l'Etat montre l'exemple. Il a déjà commencé. Je souhaite que l'on accélère les ventes de terrains publics en vue de la construction de logements. Plus largement, il est essentiel, comme vous le proposez, que soient requalifiés des terrains actuellement non constructibles, pour qu'ils soient affectés au logement. Accélérer l'utilisation des terrains pour construire, c'est aussi se poser la question de la taxe sur le foncier non bâti, et celle sur les plus values immobilières, qui seront discutées à l'occasion de la réforme de la fiscalité du patrimoine souhaitée par le Président de la République.
Pour développer une offre à loyer maitrisés, vous souhaitez une grande politique de conventionnement dans le parc privé. Cet objectif fait partie des missions de l'ANAH, qui désormais n'accordera plus de subvention aux propriétaires bailleurs sans conventionnement. Mais ne surestimons pas les résultats à espérer : Là ou cela pourrait être le plus utile, dans les zones tendues, l'écart entre les loyers privés et les loyers sociaux est tel qu'il faudrait accorder aux propriétaires des aides financières démesurément élevées. Dans ce contexte, il me semble essentiel d'investir dans la création d'un parc à loyer maitrisés pérenne, géré par des bailleurs sociaux.
Je rejoins votre demande que soit produit un nombre important de logements sociaux.
L'année 2010 a été une année exceptionnelle, avec 131 500 logements sociaux financés. Ce chiffre n'avait jamais été atteint depuis 30 ans. Il intègre notamment 3000 logements vacants acquis en Ile-de-France, conformément à l'objectif que j'avais fixé l'année dernière, et qui a été atteint (puisque 3049 logements vacants ont été acquis).
Au-delà du seul objectif global, deux points particulièrement positifs :
- Le logement très social PLAI connait un record : nous avons financé 26 800 logements PLAI en 2010, alors que 5000 étaient financés en moyenne entre 2000 et 2007.
Entre 2009 et 2010, l'augmentation du financement de PLAI est de 25%. Depuis le vote de la loi DALO, le nombre de PLAI n'a cessé d'augmenter d'année en année. Certes, nous développons aussi des PLS : 45 000 en 2010, ce qui est nécessaire pour maintenir une offre intermédiaire entre les loyers sociaux et le prix du marché. Si l'on ne prend en compte que les PLAI et les PLUS, on en comptait en moyenne, entre 2000 et 2004, 44 000 de financés. Aujourd'hui, nous sommes à 85 000, soit presque le double !
- L'offre nouvelle est aussi concentrée sur les territoires qui en ont le plus besoin. La volonté du gouvernement de mieux territorialiser l'offre s'est concrétisée par une augmentation sensible de la part des logements financés dans la zone A, la plus tendue. En 2008 et 2009, 25% de la production était réalisée en zone A (la zone centrale de la région parisienne et une partie de la région PACA) ; en 2010, cette part est montée à 33% et nous prévoyons pour 2011 d'atteindre les 35%.
En 2011, nous continuerons de maintenir à un niveau très élevé le nombre de logements sociaux financés, avec un objectif de 120 000 logements sociaux, dont 22 500 PLAI. L'Etat a soutenu et continue à soutenir le développement du parc social, qui constitue un outil essentiel pour garantir dans la durée une offre à loyer abordable, non soumise aux envolées du marché.
Par ailleurs, vous pointez la question de la gouvernance locale de cette politique du logement. Sur la question très précise de la création d'un Syndicat du logement en Ile de France, il me semble qu'au-delà de l'aspect séduisant de cette idée, il faut mesurer ce qu'elle implique. Est-ce que cela veut dire un transfert de compétences pour la délivrance des permis de construire des maires vers l'échelon régional ? Si ce n'est pas le cas, croyez vous vraiment que cette nouvelle institution aurait le pouvoir de changer les choses ? Si c'est le cas, n'est-ce pas en contradiction avec l'objectif de responsabiliser et d'impliquer les communes et les intercommunalités ? Il n'y a pas de solution parfaite et évidente.
Je ne crois pas que cela soit la clé du problème. Le problème de fond réside dans le lien entre urbanisme et logement : il est indispensable d'encourager les maires à construire, et de relancer le processus de production urbaine, pour inverser la tendance actuelle.
* Votre deuxième mot d'ordre : « Maitriser les prix et réguler les marchés ».
Vous évoquez en premier lieu la question des aides personnelles au logement.
Je reconnais avec vous leur importance et constate qu'elles représentent un montant total en 2009 de 16 Milliards d'Euros, soit une hausse de 13% en 5 ans. Vous appelez à les réformer. Mais avec quelles conséquences ? Je ne crois pas que vous souhaitiez les recentrer à budget constant, en les augmentant pour la partie des bénéficiaires les plus modestes et en les réduisant pour les autres. Je dois donc comprendre que vous souhaitez les maintenir ou les augmenter, c'est-à-dire que l'Etat y mette davantage de budget. Si l'idée est généreuse, j'y vois deux difficultés :
- D'abord, cela ne me semble pas réaliste au regard des contraintes budgétaires actuelles de notre pays.
- Ensuite, j'attire votre attention sur les risques que ferait courir une telle réforme sur le niveau des loyers, puisque avec des locataires plus solvables, des propriétaires auraient la tendance naturelle à augmenter leurs loyers.
Vous suggérez donc que les loyers soient régulés. Mais il ne faut pas abuser de cette régulation, si l'on souhaite que l'investissement locatif reste attractif. Sinon, l'argent des investisseurs ira sur d'autres placements plutôt qu'au développement de l'offre, qui est la première priorité dont je vous parlais il y a un instant.
La réforme des aides au logement doit, je le crois, s'inscrire dans une réforme globale incluant les aides à la pierre et la régulation des loyers, et ce, après un temps d'expertise nécessaire.
Au-delà du loyer, vous évoquez la question des charges et de la précarité énergétique.
Sur ce point, le programme « Habiter mieux » vient d'être lancé et devrait répondre, au moins en partie, à vos attentes. Le problème est réel, vous l'aviez soulevé dans votre rapport de l'année dernière : 3,4 millions de ménages (dont 62% de propriétaires) consacrent plus de 10% de leurs ressources aux factures d'énergie. L'ANAH consacrera d'ici à 2017, 750 millions d'euros à la lutte contre la précarité énergétique, auxquels s'ajouteront 500 millions du grand emprunt national, soit 1,25 milliard d'euros. C'est une impulsion forte, à laquelle nous tenons avec Nathalie Kosciusko-Morizet, qui permettra d'aider 135 000 ménages d'ici 2013 et 300 000 d'ici 2017. Encore un signe d'une politique ambitieuse. Nous installerons un « Observatoire de la précarité énergétique » le 1er mars prochain.
Enfin, vous souhaitez une transparence sur les prix et les transactions, je partage cet objectif.
D'ores et déjà, grâce aux recommandations du CNIS, nous avançons sur les données des notaires et l'étalonnage des données privées. Je souhaite poursuivre dans cette voie pour améliorer la transparence des marchés, dont l'opacité actuelle ouvre la voie à toutes les manipulations et à la spéculation.
De façon plus globale, il nous faut être plus performants sur l'observation. Votre rapport a le mérite d'apporter des chiffres dans le débat, mais je sais que vous partagez nos difficultés quant à la fiabilité des données disponibles sur le logement. Cette faiblesse nous prive de la possibilité de poser des diagnostics partagés, à même d'alimenter un débat serein. C'est pour lever ces difficultés que j'ai demandé à la commission des comptes du logement de réfléchir en 2011 à l'établissement d'une liste d'indicateurs de référence, qui deviendra l'équivalent de ce qu'est "l'état de l'école" pour l'enseignement.
Je crois par ailleurs beaucoup aux progrès que va entraîner la réforme de l'enregistrement de la demande de logement social, qui permettra au préfet et à l'ensemble des acteurs de connaître en temps réel la totalité des demandes, de les prioriser, de suivre les délais dans lesquels leur demande est satisfaite (ou non) et de connaître le contingent dont relèvent les logements attribués.
* Troisième mot d'ordre : « Construire une ville de qualité, équitable et durable »
Oui, l'objectif de mixité / diversité, que vous mettez en avant, est fondamental.
J'y suis profondément attaché car il est indispensable pour mettre en oeuvre à la fois une réelle égalité des chances et le bien être collectif dans un quartier. Je sais que vous souhaiteriez la modifier la loi SRU et son article 55 pour les rendre plus exigeants. J'insisterais déjà pour ma part sur la nécessité de l'appliquer telle qu'elle est écrite. Un long débat aura d'ailleurs lieu dans deux jours sur ce sujet au Parlement.
Vous souhaiteriez intégrer sur tout le territoire et dans tout programme un quota minimum de 30% de logements sociaux. Si je partage l'objectif de construire plus, je ne suis pas convaincu par la méthode : il y a des territoires où cela n'est pas nécessaire. En revanche, là où le besoin existe, la loi permet déjà aux élus locaux de définir des secteurs où peut s'appliquer cette mesure.
D'ailleurs, il faut appréhender la mixité dans les deux sens : c'est certainement plus de logements sociaux dans les communes en carence, mais c'est aussi plus de logements privés dans des communes où le taux de logement social est déjà extrêmement élevé. La mixité, c'est encore un bon équilibre entre logements, mais aussi commerces et entreprises, transports, et équipements collectifs.
Quant à la question essentielle du partage de l'effort entre collectivités locales en faveur du logement, de la péréquation et de l'aide aux maires bâtisseurs, je crois qu'effectivement, elle mérite pleinement d'être débattue à l'occasion de prochaines réformes fiscales.
· Vous plaidez par ailleurs pour une plus grande densité afin de limiter l'étalement urbain. Je partage totalement votre analyse. Cela concerne d'abord les terrains à bâtir ou les démolitions-reconstructions, et il nous faut réfléchir sur les possibilités d'inciter les collectivités locales à adopter des documents d'urbanisme ambitieux, qui conduisent à valoriser le foncier existant. Cela peut concerner aussi l'intervention sur le bâti existant. Quand vous marchez dans la rue, regardez et vous verrez la disparité qu'il y a dans la hauteur des immeubles ; il y a là des espaces pour construire, parfois 1, 2 étages de plus. C'est modeste, mais la somme d'initiatives modestes nous permettra de réaliser nos grands objectifs.
* Quatrième mot d'ordre du rapport : Combattre et prévenir les facteurs d'exclusion et d'inégalités
Trois points sont à ce sujet essentiels : la lutte contre l'habitat indigne, la prévention des expulsions, et l'application du DALO.
· La lutte contre l'habitat indigne.
Cela implique d'abord le renforcement du pilotage et de l'observation.
- Dans chaque département, avant la fin de l'année 2011, doit se mettre en place un Pôle national de lutte contre l'habitat indigne, regroupant les différents ministères concernés : logement, mais aussi santé, justice, pour coordonner les interventions de chaque acteur.
- En 2011, nous mettrons aussi en oeuvre un système d'information au service des observatoires départementaux de l'habitat indigne. Grâce à cet outil informatique, tous les logements reconnus comme indignes seront identifiés, et les procédures pourront être suivies de façon beaucoup plus méthodique. Tout cela facilitera l'action incitative pour aider les propriétaires à réaliser les travaux nécessaires : Le nouveau régime des aides de l'ANAH pour 2011 permet de cibler particulièrement les aides sur le traitement de l'habitat indigne.
- Hélas, les mécanismes incitatifs ne suffisent pas toujours. Il faut aussi sur ce sujet un volet répressif. Une proposition de loi du député Huyghe vient d'être votée à l'assemblée nationale et attend d'être examinée par le sénat: l'enjeu est de renforcer les sanctions vis-à-vis des propriétaires qui ne réalisent pas les travaux nécessaires, avec des pénalités de 50 à 500 euros par jour. Le gouvernement est favorable à cette proposition, et la soutient.
· La prévention des expulsions locatives :
Les CCAPEX sont désormais créées dans presque tous les départements ; il faut maintenant qu'elles soient opérationnelles pour traiter les situations complexes et intervenir au bon moment : ni trop tôt, car elles risquent de ne pas percevoir les vrais dossiers prioritaires ; ni trop tard, pour être toujours dans une optique de prévention. Les CCAPEX doivent également veiller à ce que toutes les aides soient mobilisées pour aider les ménages à rester dans leur logement, mais aussi pour trouver un nouveau logement lorsqu'il y a un déséquilibre structurel entre les revenus et le loyer. Une question revient bien souvent dans nos échanges : comment mieux articuler la mise en oeuvre d'un jugement d'expulsion qui conduit parfois la Force publique à déloger un ménage, et le DALO, qui oblige l'Etat à le reloger ? Ce sujet fait actuellement l'objet d'un examen approfondi avec le ministère de la Justice.
Le DALO :
J'entends parfois des critiques sur le DALO. Est ce que c'était mieux avant ? Je ne le crois pas.
- Est-ce que le DALO entraîne des déséquilibres et remet en question la mixité sociale ? En 2010, sur un parc de 4.5 Millions de logements, il y a eu seulement 10 000 ménages DALO relogés...pas de quoi bouleverser le peuplement du parc... En Ile-de-France, nous visons l'objectif de 22% d'attributions faites à des ménages DALO. On peut se focaliser sur ce chiffre, et s'affoler...ou constater qu'il reste 78% des attributions, pour d'autres publics, pour d'autres choix, d'autres priorités. D'ailleurs lorsque l'on fait le bilan avec les six bailleurs franciliens investis sur une expérimentation, on relève peu de difficultés d'insertion. Il y a beaucoup de peurs exagérées et de représentations erronées.
- Je vous rappelle que le DALO a été largement demandé par les institutions publiques compétentes, comme le Conseil Economique et social ou le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, mais aussi par les associations -dont la Fondation Abbé Pierre-, et qu'il a été voté au Parlement à l'unanimité.
Nous ne devons pas nourrir d'états d'âme. Aujourd'hui, il existe une obligation de résultat, légale, qui s'impose à l'Etat ; l'enjeu n'est pas de contester la loi, mais de la mettre en pratique. C'est ce que nous nous efforçons de faire. Je m'y engage : cette année 2011, dans toutes les régions, y compris en Ile-de-France, le nombre de ménages relogés devra être égal ou supérieur au nombre de ménages reconnus prioritaires par les commissions DALO. C'est un objectif ambitieux, mais nous le tiendrons. Déjà en Ile de France, plus de 500 ménages DALO sont relogés tous les mois, alors que le rythme mensuel était de 81 en 2008 et 278 en 2009.
Au niveau national, plus de 300 000 nouveaux ménages s'installent chaque année dans le parc social. Il faut que, parmi eux, les 25 000 ménages reconnus prioritaires DALO aient leur place. Cela n'a rien d'impossible.
- Pour cela, il nous faut mobiliser l'offre de logements existante, c'est-à-dire tous les contingents.
Le contingent préfectoral d'abord :
Un décret sera publié d'ici quelques jours, et rendra obligatoire une convention entre l'Etat et les bailleurs pour mieux l'identifier.
Le contingent des collecteurs d'Action Logement :
25% des attributions d'action Logement sont réservés aux ménages DALO. En ile de France, cela correspond à 5000 logements. Les mobiliser tous est une priorité absolue.
Enfin le contingent des collectivités locales.
La circulaire du Premier Ministre du 6 décembre 2010 est très claire. Je souhaite que les préfets contractualisent avec les maires.
Le DALO, l'Etat en est garant, mais il ne pourra pas réussi seul sa mise en oeuvre.
II. Ouverture sur d'autres axes de travail du Gouvernement :
Enfin, après avoir réagi à vos grands mots d'ordre, je souhaite insister sur deux axes de travail, qui se situent aux deux bouts de la chaîne du logement : l'accession à la propriété d'une part, l'hébergement et le logement accompagné, d'autre part.
* Sur l'accession à la propriété, je ne partage ni votre diagnostic, ni votre description de la politique que le gouvernement conduit.
Un diagnostic ne peut pas se fonder sur une caricature. A cet égard, la mention dans votre rapport, d'une politique du « tout propriétaire » est inadéquate : à aucun moment, dans aucun discours de quelque décideur que ce soit, vous ne trouverez la mention d'un tel objectif. Le gouvernement souhaite faire progresser le taux de propriétaires vers un taux plus proche de la moyenne européenne (qui est à deux tiers), et continuera à soutenir en parallèle les autres statuts d'occupation, car nous aurons toujours besoin d'une offre variée.
Un jeune ménage qui vous lirait aurait tôt fait de remiser son projet d'accession à la propriété : les difficultés que vous identifiez, nul ne les nie, mais combien de ménages concernent-elles vraiment ?
- Alors oui, les ménages français s'endettent pour acheter leur logement, mais le ratio dette immobilière / PIB est de 40 % en France, contre 120 % en Suisse ou aux Pays-Bas.
- Oui, l'habitat indigne frappe aussi des propriétaires, mais en irait-il différemment si les mêmes ménages étaient locataires des mêmes biens ?
- Oui, la mobilité résidentielle est un atout économique, mais selon l'OCDE, elle est en France de 9 % par an, contre 10,5 % aux Etats-Unis, et moins de 6 % en Allemagne, dont vous vantez pourtant la fluidité du marché.
- Peut-on parler d'un risque pour le secteur HLM quand la Commission des comptes du logement montre que les aides dont il bénéficie sont passées de 1,7 Mdeuros à 4,8 Mdeuros entre 2004 et 2009 ?
- Peut-on dire que les locataires sont « les grands oubliés de la politique actuelle » quand c'est cette majorité qui a créé le DALO, indexé les APL sur l'inflation, porté la GRL ou indexé les loyers HLM ?
- Peut-on qualifier de « leurre » des produits comme la maison à 15 euros par jour, qui a popularisé un Pass foncier victime de son succès en 2010 ?
Je vous le dis, l'accession à la propriété est une réponse aux attentes d'un grand nombre de nos concitoyens, et c'est aussi une excellente façon de permettre la rotation dans le parc locatif. L'enjeu est de taille : aider les ménages qui le veulent à acquérir leur logement, c'est permettre à certains d'entre eux de quitter le parc social. 1% de rotation en plus dans le parc social, c'est en effet 45 000 ménages de plus qui y accèdent.
Un nouveau produit va nous y aider, c'est le PTZ + qui va encourager de nombreux ménages à acquérir un logement, dont une part importante de logements neufs. Il remplace trois aides qui existaient en 2010 (l'ancien PTZ, le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt et le Pass Foncier), et est conçu de façon à ce que l'aide de l'Etat soit plus importante pour les personnes ayant des revenus modestes, pour les familles, pour les personnes habitant dans les zones dites « tendues », et ceux qui achètent un logement avec une meilleure qualité énergétique, donc moins de charges. L'Etat y consacrera 2,6 Mdeuros en 2011.
Pour finir, quelques mots sur la refondation du secteur de l'hébergement.
* L'hébergement et le logement accompagné :
Le nombre de places d'hébergement a atteint un niveau record, en 2010, avec plus de 110 000 places ouvertes. Il n'y en a jamais eu autant, c'est 15% de plus qu'il y a 3 ans. Le budget consacré par l'Etat à ce secteur n'a jamais été aussi élevé : il est aujourd'hui de 1 Milliard d'euros, il était de 807 ME en 2007, soit 25% d'augmentation en 3 ans.
Aujourd'hui, j'assume le choix de ne pas poursuivre l'augmentation du nombre de places d'hébergement, voir même parfois de le diminuer. On peut par exemple remplacer des chambres d'hôtels par des logements en interm??diation locative.
Concernant l'hébergement et le logement accompagné, je souhaite vous présenter deux priorités :
· Première priorité : la mise en place des SIAO :
Ils ont vocation à collecter toutes les offres et toutes les demandes d'hébergement et vont permettre de rendre les processus d'admission en centre d'hébergement plus simples, plus équitables, et plus transparents. Les SIAO auront également un rôle de prévention. Il est par exemple essentiel que les travailleurs sociaux des hôpitaux et des prisons soient en lien avec les SIAO, pour qu'une demande d'hébergement soit faite dès lors qu'une personne risque de sortir sans solution. Enfin, les SIAO vont avoir un rôle d'observation, pour mieux adapter dans le temps l'offre aux besoins, car les publics évoluent.
· Deuxième priorité : innover, pour développer des solutions de « logement avec accompagnement » .
- En effet, l'hébergement doit être exceptionnel, résiduel, tandis que le logement doit constituer la règle. La politique que je mène en la matière repose sur le principe qu'il faut éviter au maximum le recours à l'hébergement ; et lorsque des personnes sont hébergées, nous devons faire en sorte qu'elles sortent le plus rapidement possible de ces centres, dès lors qu'elles sont « prêtes » à accéder au logement.
C'est mieux humainement : il s'agit en effet de privilégier ce qui se rapproche le plus du droit commun et d'un mode de vie ordinaire, moins stigmatisant. C'est ce que veulent la plupart des personnes.
C'est aussi mieux économiquement : le coût d'un appartement avec accompagnement est en effet nettement inférieur à une place en foyer. Avec les mêmes crédits, on peut parfois rendre un meilleur service aux usagers.
Le « logement d'abord » implique deux principes forts : le droit commun d'une part, le service personnalisé en fonction des besoins spécifiques d'autre part. Il s'agit en effet de prévoir des services autour du logement : de l'accompagnement social individuel, des soins à domicile -quand c'est nécessaire, notamment pour les personnes en difficulté psychique-, des lieux de convivialité pour les personnes isolées, etc... Il s'agit d'innover pour proposer un bouquet de services, personnalisable en fonction des besoins, pour aider chacun non seulement à accéder à un logement, mais encore à y rester.
En 2010, 12 millions d'euros ont été investis par l'Etat en faveur des mesures d'accompagnement vers et dans le logement. Je souhaite reconduire, voire amplifier cet effort en 2011. Et nous amplifierons encore d'autres programmes :
- L'intermédiation locative : nous voulons doubler les dispositifs. Alors que 2300 logements étaient mobilisés fin 2010, l'objectif est d'atteindre les 5000 d'ici la fin de l'année.
-Les Pensions de famille : c'est un programme pour lequel, depuis le démarrage, l'engagement de la Fondation Abbé pierre est exemplaire. Nous voulons continuer à les développer et ouvrir 2000 places en plus dès cette année et atteindre à terme au moins 15 000 places.
- Il y a également un vaste champ d'innovations possibles pour les associations, et pourquoi pas les bailleurs sociaux, en capacité de proposer et de se réformer.
Il convient de regarder les choses en face : compte tenu des contraintes budgétaires, et du niveau de dépenses déjà consacré à ce domaine par l'Etat, il va falloir arrêter certaines activités pour redéployer des moyens vers de nouvelles actions. L'enjeu ne se résume donc pas à demander plus de crédits. Aux associations de proposer, d'être proactives.
Conclusion :
Voilà les points que je souhaitais évoquer avec vous en réaction aux principales propositions du rapport de la Fondation Abbé Pierre 2011 et les pistes d'action que je voulais esquisser et proposer à votre réflexion. Je vous redis ma détermination à lutter contre le mal-logement dans notre pays et vous confirme ma conviction qu'il est possible de faire bouger les lignes. J'en veux pour preuve et pour garantie la façon dont l'Etat a su garder le cap et limiter les dégâts pendant la crise.
Je sais que le rapport de cette année a été rédigé avec pour horizon les échéances électorales de 2012, dans l'optique desquelles vous appelez de vos voeux une mobilisation générale pour le logement.
Dans ce cadre, je tiens à vous dire deux choses, et j'en terminerai ainsi. Tout d'abord, comme j'ai pu l'évoquer précédemment, l'année 2011 sera mise à profit par le Gouvernement du Premier ministre, François Fillon, pour agir utilement au service de nos concitoyens mal-logés ; les efforts seront d'autant moins relâchés qu'ils seront amplifiés. Par ailleurs, je tiens à vous redire que l'Etat a pleinement pris conscience des enjeux du mal-logement, et que c'est à la lumière de cette conscience que le Gouvernement a agi et continuera à agir et à réfléchir dans ce domaine d'ici les prochaines échéances.
Je vous remercie.Source http://www.localtis.info, le 7 février 2011
Répondre dans le détail à chacune de vos propositions ne peut se faire en quelques minutes. Ce travail approfondi pourra être conduit dans les mois à venir avec les services du Ministère.
Avant de vous faire part brièvement des réflexions que m'inspire ce rapport, je souhaiterais au préalable poser deux éléments de contexte :
- Premier élément : il nous faut reconnaitre la réalité et l'importance du problème du mal-logement dans notre pays, qui ne doit être aucunement sous-estimé ; ce serait faire injure à ceux qui en souffrent au quotidien. Pour autant, il convient également de constater qu'une majorité de nos concitoyens sont satisfaits de leur logement, et, par exemple, que le niveau de confort moyen ne cesse de s'améliorer, ou que la surface moyenne de logement par personne ne cesse d'augmenter.
- Second élément de contexte : La commission des comptes du logement a rendu jeudi passé son dernier rapport, qui va contre beaucoup d'idées reçues, et qui diffère un peu de votre évaluation et de votre analyse, j'y reviendrais . L'effort de la collectivité publique pour le logement est à un niveau record si l'on se réfère aux 25 dernières années. En 2009, il s'est élevé à 37,4 Mdeuros, soit 1,96% du PIB, un niveau jamais atteint depuis 1986. Grâce à des subventions ou des avantages fiscaux, l'Etat assure les deux tiers de cet effort. On peut toujours estimer que ce n'est pas suffisant ; on peut vouloir une autre répartition des dépenses ; en tout cas loin d'être désengagé, l'Etat investit fortement, aujourd'hui, dans la politique du logement et la collectivité publique tout entière est pleinement mobilisée en faveur du logement.
I. Quelques réactions sur le rapport 2011 :
* Premier mot d'ordre du rapport : Produire et capter massivement, sans délais des logements.
Je suis d'accord avec vous sur les objectifs et la territorialisation. Il faut construire plus, tous types de logements.
En Ile-de-France, aujourd'hui, moins de 40 000 logements sont mis en chantier chaque année. Un objectif très ambitieux à été fixé par la loi sur le Grand Paris à hauteur de 70 000 logements. Un travail est en cours pour identifier territoire par territoire où il faut les construire, pour que cela figure dans les futurs Contrats de Développement Territoriaux et les PLH. Je peux vous assurer que le gouvernement et le préfet de Région sont pleinement mobilisés actuellement pour faire de cet objectif une réalité.
Il faudra certainement simplifier les règles d'urbanisme, et parfois alléger les normes : nous allons étudier norme par norme si le niveau d'exigence actuel est justifié, notamment au regard de l'expérience des autres pays développés. Il nous faut mobiliser le foncier pour construire. Si je suis d'accord avec vous sur ce dernier point, je ne crois pas que cela passe nécessairement par une loi. Il faut d'abord que l'Etat montre l'exemple. Il a déjà commencé. Je souhaite que l'on accélère les ventes de terrains publics en vue de la construction de logements. Plus largement, il est essentiel, comme vous le proposez, que soient requalifiés des terrains actuellement non constructibles, pour qu'ils soient affectés au logement. Accélérer l'utilisation des terrains pour construire, c'est aussi se poser la question de la taxe sur le foncier non bâti, et celle sur les plus values immobilières, qui seront discutées à l'occasion de la réforme de la fiscalité du patrimoine souhaitée par le Président de la République.
Pour développer une offre à loyer maitrisés, vous souhaitez une grande politique de conventionnement dans le parc privé. Cet objectif fait partie des missions de l'ANAH, qui désormais n'accordera plus de subvention aux propriétaires bailleurs sans conventionnement. Mais ne surestimons pas les résultats à espérer : Là ou cela pourrait être le plus utile, dans les zones tendues, l'écart entre les loyers privés et les loyers sociaux est tel qu'il faudrait accorder aux propriétaires des aides financières démesurément élevées. Dans ce contexte, il me semble essentiel d'investir dans la création d'un parc à loyer maitrisés pérenne, géré par des bailleurs sociaux.
Je rejoins votre demande que soit produit un nombre important de logements sociaux.
L'année 2010 a été une année exceptionnelle, avec 131 500 logements sociaux financés. Ce chiffre n'avait jamais été atteint depuis 30 ans. Il intègre notamment 3000 logements vacants acquis en Ile-de-France, conformément à l'objectif que j'avais fixé l'année dernière, et qui a été atteint (puisque 3049 logements vacants ont été acquis).
Au-delà du seul objectif global, deux points particulièrement positifs :
- Le logement très social PLAI connait un record : nous avons financé 26 800 logements PLAI en 2010, alors que 5000 étaient financés en moyenne entre 2000 et 2007.
Entre 2009 et 2010, l'augmentation du financement de PLAI est de 25%. Depuis le vote de la loi DALO, le nombre de PLAI n'a cessé d'augmenter d'année en année. Certes, nous développons aussi des PLS : 45 000 en 2010, ce qui est nécessaire pour maintenir une offre intermédiaire entre les loyers sociaux et le prix du marché. Si l'on ne prend en compte que les PLAI et les PLUS, on en comptait en moyenne, entre 2000 et 2004, 44 000 de financés. Aujourd'hui, nous sommes à 85 000, soit presque le double !
- L'offre nouvelle est aussi concentrée sur les territoires qui en ont le plus besoin. La volonté du gouvernement de mieux territorialiser l'offre s'est concrétisée par une augmentation sensible de la part des logements financés dans la zone A, la plus tendue. En 2008 et 2009, 25% de la production était réalisée en zone A (la zone centrale de la région parisienne et une partie de la région PACA) ; en 2010, cette part est montée à 33% et nous prévoyons pour 2011 d'atteindre les 35%.
En 2011, nous continuerons de maintenir à un niveau très élevé le nombre de logements sociaux financés, avec un objectif de 120 000 logements sociaux, dont 22 500 PLAI. L'Etat a soutenu et continue à soutenir le développement du parc social, qui constitue un outil essentiel pour garantir dans la durée une offre à loyer abordable, non soumise aux envolées du marché.
Par ailleurs, vous pointez la question de la gouvernance locale de cette politique du logement. Sur la question très précise de la création d'un Syndicat du logement en Ile de France, il me semble qu'au-delà de l'aspect séduisant de cette idée, il faut mesurer ce qu'elle implique. Est-ce que cela veut dire un transfert de compétences pour la délivrance des permis de construire des maires vers l'échelon régional ? Si ce n'est pas le cas, croyez vous vraiment que cette nouvelle institution aurait le pouvoir de changer les choses ? Si c'est le cas, n'est-ce pas en contradiction avec l'objectif de responsabiliser et d'impliquer les communes et les intercommunalités ? Il n'y a pas de solution parfaite et évidente.
Je ne crois pas que cela soit la clé du problème. Le problème de fond réside dans le lien entre urbanisme et logement : il est indispensable d'encourager les maires à construire, et de relancer le processus de production urbaine, pour inverser la tendance actuelle.
* Votre deuxième mot d'ordre : « Maitriser les prix et réguler les marchés ».
Vous évoquez en premier lieu la question des aides personnelles au logement.
Je reconnais avec vous leur importance et constate qu'elles représentent un montant total en 2009 de 16 Milliards d'Euros, soit une hausse de 13% en 5 ans. Vous appelez à les réformer. Mais avec quelles conséquences ? Je ne crois pas que vous souhaitiez les recentrer à budget constant, en les augmentant pour la partie des bénéficiaires les plus modestes et en les réduisant pour les autres. Je dois donc comprendre que vous souhaitez les maintenir ou les augmenter, c'est-à-dire que l'Etat y mette davantage de budget. Si l'idée est généreuse, j'y vois deux difficultés :
- D'abord, cela ne me semble pas réaliste au regard des contraintes budgétaires actuelles de notre pays.
- Ensuite, j'attire votre attention sur les risques que ferait courir une telle réforme sur le niveau des loyers, puisque avec des locataires plus solvables, des propriétaires auraient la tendance naturelle à augmenter leurs loyers.
Vous suggérez donc que les loyers soient régulés. Mais il ne faut pas abuser de cette régulation, si l'on souhaite que l'investissement locatif reste attractif. Sinon, l'argent des investisseurs ira sur d'autres placements plutôt qu'au développement de l'offre, qui est la première priorité dont je vous parlais il y a un instant.
La réforme des aides au logement doit, je le crois, s'inscrire dans une réforme globale incluant les aides à la pierre et la régulation des loyers, et ce, après un temps d'expertise nécessaire.
Au-delà du loyer, vous évoquez la question des charges et de la précarité énergétique.
Sur ce point, le programme « Habiter mieux » vient d'être lancé et devrait répondre, au moins en partie, à vos attentes. Le problème est réel, vous l'aviez soulevé dans votre rapport de l'année dernière : 3,4 millions de ménages (dont 62% de propriétaires) consacrent plus de 10% de leurs ressources aux factures d'énergie. L'ANAH consacrera d'ici à 2017, 750 millions d'euros à la lutte contre la précarité énergétique, auxquels s'ajouteront 500 millions du grand emprunt national, soit 1,25 milliard d'euros. C'est une impulsion forte, à laquelle nous tenons avec Nathalie Kosciusko-Morizet, qui permettra d'aider 135 000 ménages d'ici 2013 et 300 000 d'ici 2017. Encore un signe d'une politique ambitieuse. Nous installerons un « Observatoire de la précarité énergétique » le 1er mars prochain.
Enfin, vous souhaitez une transparence sur les prix et les transactions, je partage cet objectif.
D'ores et déjà, grâce aux recommandations du CNIS, nous avançons sur les données des notaires et l'étalonnage des données privées. Je souhaite poursuivre dans cette voie pour améliorer la transparence des marchés, dont l'opacité actuelle ouvre la voie à toutes les manipulations et à la spéculation.
De façon plus globale, il nous faut être plus performants sur l'observation. Votre rapport a le mérite d'apporter des chiffres dans le débat, mais je sais que vous partagez nos difficultés quant à la fiabilité des données disponibles sur le logement. Cette faiblesse nous prive de la possibilité de poser des diagnostics partagés, à même d'alimenter un débat serein. C'est pour lever ces difficultés que j'ai demandé à la commission des comptes du logement de réfléchir en 2011 à l'établissement d'une liste d'indicateurs de référence, qui deviendra l'équivalent de ce qu'est "l'état de l'école" pour l'enseignement.
Je crois par ailleurs beaucoup aux progrès que va entraîner la réforme de l'enregistrement de la demande de logement social, qui permettra au préfet et à l'ensemble des acteurs de connaître en temps réel la totalité des demandes, de les prioriser, de suivre les délais dans lesquels leur demande est satisfaite (ou non) et de connaître le contingent dont relèvent les logements attribués.
* Troisième mot d'ordre : « Construire une ville de qualité, équitable et durable »
Oui, l'objectif de mixité / diversité, que vous mettez en avant, est fondamental.
J'y suis profondément attaché car il est indispensable pour mettre en oeuvre à la fois une réelle égalité des chances et le bien être collectif dans un quartier. Je sais que vous souhaiteriez la modifier la loi SRU et son article 55 pour les rendre plus exigeants. J'insisterais déjà pour ma part sur la nécessité de l'appliquer telle qu'elle est écrite. Un long débat aura d'ailleurs lieu dans deux jours sur ce sujet au Parlement.
Vous souhaiteriez intégrer sur tout le territoire et dans tout programme un quota minimum de 30% de logements sociaux. Si je partage l'objectif de construire plus, je ne suis pas convaincu par la méthode : il y a des territoires où cela n'est pas nécessaire. En revanche, là où le besoin existe, la loi permet déjà aux élus locaux de définir des secteurs où peut s'appliquer cette mesure.
D'ailleurs, il faut appréhender la mixité dans les deux sens : c'est certainement plus de logements sociaux dans les communes en carence, mais c'est aussi plus de logements privés dans des communes où le taux de logement social est déjà extrêmement élevé. La mixité, c'est encore un bon équilibre entre logements, mais aussi commerces et entreprises, transports, et équipements collectifs.
Quant à la question essentielle du partage de l'effort entre collectivités locales en faveur du logement, de la péréquation et de l'aide aux maires bâtisseurs, je crois qu'effectivement, elle mérite pleinement d'être débattue à l'occasion de prochaines réformes fiscales.
· Vous plaidez par ailleurs pour une plus grande densité afin de limiter l'étalement urbain. Je partage totalement votre analyse. Cela concerne d'abord les terrains à bâtir ou les démolitions-reconstructions, et il nous faut réfléchir sur les possibilités d'inciter les collectivités locales à adopter des documents d'urbanisme ambitieux, qui conduisent à valoriser le foncier existant. Cela peut concerner aussi l'intervention sur le bâti existant. Quand vous marchez dans la rue, regardez et vous verrez la disparité qu'il y a dans la hauteur des immeubles ; il y a là des espaces pour construire, parfois 1, 2 étages de plus. C'est modeste, mais la somme d'initiatives modestes nous permettra de réaliser nos grands objectifs.
* Quatrième mot d'ordre du rapport : Combattre et prévenir les facteurs d'exclusion et d'inégalités
Trois points sont à ce sujet essentiels : la lutte contre l'habitat indigne, la prévention des expulsions, et l'application du DALO.
· La lutte contre l'habitat indigne.
Cela implique d'abord le renforcement du pilotage et de l'observation.
- Dans chaque département, avant la fin de l'année 2011, doit se mettre en place un Pôle national de lutte contre l'habitat indigne, regroupant les différents ministères concernés : logement, mais aussi santé, justice, pour coordonner les interventions de chaque acteur.
- En 2011, nous mettrons aussi en oeuvre un système d'information au service des observatoires départementaux de l'habitat indigne. Grâce à cet outil informatique, tous les logements reconnus comme indignes seront identifiés, et les procédures pourront être suivies de façon beaucoup plus méthodique. Tout cela facilitera l'action incitative pour aider les propriétaires à réaliser les travaux nécessaires : Le nouveau régime des aides de l'ANAH pour 2011 permet de cibler particulièrement les aides sur le traitement de l'habitat indigne.
- Hélas, les mécanismes incitatifs ne suffisent pas toujours. Il faut aussi sur ce sujet un volet répressif. Une proposition de loi du député Huyghe vient d'être votée à l'assemblée nationale et attend d'être examinée par le sénat: l'enjeu est de renforcer les sanctions vis-à-vis des propriétaires qui ne réalisent pas les travaux nécessaires, avec des pénalités de 50 à 500 euros par jour. Le gouvernement est favorable à cette proposition, et la soutient.
· La prévention des expulsions locatives :
Les CCAPEX sont désormais créées dans presque tous les départements ; il faut maintenant qu'elles soient opérationnelles pour traiter les situations complexes et intervenir au bon moment : ni trop tôt, car elles risquent de ne pas percevoir les vrais dossiers prioritaires ; ni trop tard, pour être toujours dans une optique de prévention. Les CCAPEX doivent également veiller à ce que toutes les aides soient mobilisées pour aider les ménages à rester dans leur logement, mais aussi pour trouver un nouveau logement lorsqu'il y a un déséquilibre structurel entre les revenus et le loyer. Une question revient bien souvent dans nos échanges : comment mieux articuler la mise en oeuvre d'un jugement d'expulsion qui conduit parfois la Force publique à déloger un ménage, et le DALO, qui oblige l'Etat à le reloger ? Ce sujet fait actuellement l'objet d'un examen approfondi avec le ministère de la Justice.
Le DALO :
J'entends parfois des critiques sur le DALO. Est ce que c'était mieux avant ? Je ne le crois pas.
- Est-ce que le DALO entraîne des déséquilibres et remet en question la mixité sociale ? En 2010, sur un parc de 4.5 Millions de logements, il y a eu seulement 10 000 ménages DALO relogés...pas de quoi bouleverser le peuplement du parc... En Ile-de-France, nous visons l'objectif de 22% d'attributions faites à des ménages DALO. On peut se focaliser sur ce chiffre, et s'affoler...ou constater qu'il reste 78% des attributions, pour d'autres publics, pour d'autres choix, d'autres priorités. D'ailleurs lorsque l'on fait le bilan avec les six bailleurs franciliens investis sur une expérimentation, on relève peu de difficultés d'insertion. Il y a beaucoup de peurs exagérées et de représentations erronées.
- Je vous rappelle que le DALO a été largement demandé par les institutions publiques compétentes, comme le Conseil Economique et social ou le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, mais aussi par les associations -dont la Fondation Abbé Pierre-, et qu'il a été voté au Parlement à l'unanimité.
Nous ne devons pas nourrir d'états d'âme. Aujourd'hui, il existe une obligation de résultat, légale, qui s'impose à l'Etat ; l'enjeu n'est pas de contester la loi, mais de la mettre en pratique. C'est ce que nous nous efforçons de faire. Je m'y engage : cette année 2011, dans toutes les régions, y compris en Ile-de-France, le nombre de ménages relogés devra être égal ou supérieur au nombre de ménages reconnus prioritaires par les commissions DALO. C'est un objectif ambitieux, mais nous le tiendrons. Déjà en Ile de France, plus de 500 ménages DALO sont relogés tous les mois, alors que le rythme mensuel était de 81 en 2008 et 278 en 2009.
Au niveau national, plus de 300 000 nouveaux ménages s'installent chaque année dans le parc social. Il faut que, parmi eux, les 25 000 ménages reconnus prioritaires DALO aient leur place. Cela n'a rien d'impossible.
- Pour cela, il nous faut mobiliser l'offre de logements existante, c'est-à-dire tous les contingents.
Le contingent préfectoral d'abord :
Un décret sera publié d'ici quelques jours, et rendra obligatoire une convention entre l'Etat et les bailleurs pour mieux l'identifier.
Le contingent des collecteurs d'Action Logement :
25% des attributions d'action Logement sont réservés aux ménages DALO. En ile de France, cela correspond à 5000 logements. Les mobiliser tous est une priorité absolue.
Enfin le contingent des collectivités locales.
La circulaire du Premier Ministre du 6 décembre 2010 est très claire. Je souhaite que les préfets contractualisent avec les maires.
Le DALO, l'Etat en est garant, mais il ne pourra pas réussi seul sa mise en oeuvre.
II. Ouverture sur d'autres axes de travail du Gouvernement :
Enfin, après avoir réagi à vos grands mots d'ordre, je souhaite insister sur deux axes de travail, qui se situent aux deux bouts de la chaîne du logement : l'accession à la propriété d'une part, l'hébergement et le logement accompagné, d'autre part.
* Sur l'accession à la propriété, je ne partage ni votre diagnostic, ni votre description de la politique que le gouvernement conduit.
Un diagnostic ne peut pas se fonder sur une caricature. A cet égard, la mention dans votre rapport, d'une politique du « tout propriétaire » est inadéquate : à aucun moment, dans aucun discours de quelque décideur que ce soit, vous ne trouverez la mention d'un tel objectif. Le gouvernement souhaite faire progresser le taux de propriétaires vers un taux plus proche de la moyenne européenne (qui est à deux tiers), et continuera à soutenir en parallèle les autres statuts d'occupation, car nous aurons toujours besoin d'une offre variée.
Un jeune ménage qui vous lirait aurait tôt fait de remiser son projet d'accession à la propriété : les difficultés que vous identifiez, nul ne les nie, mais combien de ménages concernent-elles vraiment ?
- Alors oui, les ménages français s'endettent pour acheter leur logement, mais le ratio dette immobilière / PIB est de 40 % en France, contre 120 % en Suisse ou aux Pays-Bas.
- Oui, l'habitat indigne frappe aussi des propriétaires, mais en irait-il différemment si les mêmes ménages étaient locataires des mêmes biens ?
- Oui, la mobilité résidentielle est un atout économique, mais selon l'OCDE, elle est en France de 9 % par an, contre 10,5 % aux Etats-Unis, et moins de 6 % en Allemagne, dont vous vantez pourtant la fluidité du marché.
- Peut-on parler d'un risque pour le secteur HLM quand la Commission des comptes du logement montre que les aides dont il bénéficie sont passées de 1,7 Mdeuros à 4,8 Mdeuros entre 2004 et 2009 ?
- Peut-on dire que les locataires sont « les grands oubliés de la politique actuelle » quand c'est cette majorité qui a créé le DALO, indexé les APL sur l'inflation, porté la GRL ou indexé les loyers HLM ?
- Peut-on qualifier de « leurre » des produits comme la maison à 15 euros par jour, qui a popularisé un Pass foncier victime de son succès en 2010 ?
Je vous le dis, l'accession à la propriété est une réponse aux attentes d'un grand nombre de nos concitoyens, et c'est aussi une excellente façon de permettre la rotation dans le parc locatif. L'enjeu est de taille : aider les ménages qui le veulent à acquérir leur logement, c'est permettre à certains d'entre eux de quitter le parc social. 1% de rotation en plus dans le parc social, c'est en effet 45 000 ménages de plus qui y accèdent.
Un nouveau produit va nous y aider, c'est le PTZ + qui va encourager de nombreux ménages à acquérir un logement, dont une part importante de logements neufs. Il remplace trois aides qui existaient en 2010 (l'ancien PTZ, le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt et le Pass Foncier), et est conçu de façon à ce que l'aide de l'Etat soit plus importante pour les personnes ayant des revenus modestes, pour les familles, pour les personnes habitant dans les zones dites « tendues », et ceux qui achètent un logement avec une meilleure qualité énergétique, donc moins de charges. L'Etat y consacrera 2,6 Mdeuros en 2011.
Pour finir, quelques mots sur la refondation du secteur de l'hébergement.
* L'hébergement et le logement accompagné :
Le nombre de places d'hébergement a atteint un niveau record, en 2010, avec plus de 110 000 places ouvertes. Il n'y en a jamais eu autant, c'est 15% de plus qu'il y a 3 ans. Le budget consacré par l'Etat à ce secteur n'a jamais été aussi élevé : il est aujourd'hui de 1 Milliard d'euros, il était de 807 ME en 2007, soit 25% d'augmentation en 3 ans.
Aujourd'hui, j'assume le choix de ne pas poursuivre l'augmentation du nombre de places d'hébergement, voir même parfois de le diminuer. On peut par exemple remplacer des chambres d'hôtels par des logements en interm??diation locative.
Concernant l'hébergement et le logement accompagné, je souhaite vous présenter deux priorités :
· Première priorité : la mise en place des SIAO :
Ils ont vocation à collecter toutes les offres et toutes les demandes d'hébergement et vont permettre de rendre les processus d'admission en centre d'hébergement plus simples, plus équitables, et plus transparents. Les SIAO auront également un rôle de prévention. Il est par exemple essentiel que les travailleurs sociaux des hôpitaux et des prisons soient en lien avec les SIAO, pour qu'une demande d'hébergement soit faite dès lors qu'une personne risque de sortir sans solution. Enfin, les SIAO vont avoir un rôle d'observation, pour mieux adapter dans le temps l'offre aux besoins, car les publics évoluent.
· Deuxième priorité : innover, pour développer des solutions de « logement avec accompagnement » .
- En effet, l'hébergement doit être exceptionnel, résiduel, tandis que le logement doit constituer la règle. La politique que je mène en la matière repose sur le principe qu'il faut éviter au maximum le recours à l'hébergement ; et lorsque des personnes sont hébergées, nous devons faire en sorte qu'elles sortent le plus rapidement possible de ces centres, dès lors qu'elles sont « prêtes » à accéder au logement.
C'est mieux humainement : il s'agit en effet de privilégier ce qui se rapproche le plus du droit commun et d'un mode de vie ordinaire, moins stigmatisant. C'est ce que veulent la plupart des personnes.
C'est aussi mieux économiquement : le coût d'un appartement avec accompagnement est en effet nettement inférieur à une place en foyer. Avec les mêmes crédits, on peut parfois rendre un meilleur service aux usagers.
Le « logement d'abord » implique deux principes forts : le droit commun d'une part, le service personnalisé en fonction des besoins spécifiques d'autre part. Il s'agit en effet de prévoir des services autour du logement : de l'accompagnement social individuel, des soins à domicile -quand c'est nécessaire, notamment pour les personnes en difficulté psychique-, des lieux de convivialité pour les personnes isolées, etc... Il s'agit d'innover pour proposer un bouquet de services, personnalisable en fonction des besoins, pour aider chacun non seulement à accéder à un logement, mais encore à y rester.
En 2010, 12 millions d'euros ont été investis par l'Etat en faveur des mesures d'accompagnement vers et dans le logement. Je souhaite reconduire, voire amplifier cet effort en 2011. Et nous amplifierons encore d'autres programmes :
- L'intermédiation locative : nous voulons doubler les dispositifs. Alors que 2300 logements étaient mobilisés fin 2010, l'objectif est d'atteindre les 5000 d'ici la fin de l'année.
-Les Pensions de famille : c'est un programme pour lequel, depuis le démarrage, l'engagement de la Fondation Abbé pierre est exemplaire. Nous voulons continuer à les développer et ouvrir 2000 places en plus dès cette année et atteindre à terme au moins 15 000 places.
- Il y a également un vaste champ d'innovations possibles pour les associations, et pourquoi pas les bailleurs sociaux, en capacité de proposer et de se réformer.
Il convient de regarder les choses en face : compte tenu des contraintes budgétaires, et du niveau de dépenses déjà consacré à ce domaine par l'Etat, il va falloir arrêter certaines activités pour redéployer des moyens vers de nouvelles actions. L'enjeu ne se résume donc pas à demander plus de crédits. Aux associations de proposer, d'être proactives.
Conclusion :
Voilà les points que je souhaitais évoquer avec vous en réaction aux principales propositions du rapport de la Fondation Abbé Pierre 2011 et les pistes d'action que je voulais esquisser et proposer à votre réflexion. Je vous redis ma détermination à lutter contre le mal-logement dans notre pays et vous confirme ma conviction qu'il est possible de faire bouger les lignes. J'en veux pour preuve et pour garantie la façon dont l'Etat a su garder le cap et limiter les dégâts pendant la crise.
Je sais que le rapport de cette année a été rédigé avec pour horizon les échéances électorales de 2012, dans l'optique desquelles vous appelez de vos voeux une mobilisation générale pour le logement.
Dans ce cadre, je tiens à vous dire deux choses, et j'en terminerai ainsi. Tout d'abord, comme j'ai pu l'évoquer précédemment, l'année 2011 sera mise à profit par le Gouvernement du Premier ministre, François Fillon, pour agir utilement au service de nos concitoyens mal-logés ; les efforts seront d'autant moins relâchés qu'ils seront amplifiés. Par ailleurs, je tiens à vous redire que l'Etat a pleinement pris conscience des enjeux du mal-logement, et que c'est à la lumière de cette conscience que le Gouvernement a agi et continuera à agir et à réfléchir dans ce domaine d'ici les prochaines échéances.
Je vous remercie.Source http://www.localtis.info, le 7 février 2011