Déclaration de M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, aux petites et moyennes entreprises, au tourisme, aux services, aux professions libérales et à la consommation, sur les inquiétudes des petites entreprises et les réponses du gouvernement (réglementation, garanties financières), Paris le 8 avril 2011.

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Circonstance : Journées de la construction 2011 de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), le 8 avril 2011

Texte intégral

Cher Bernard Accoyer, Monsieur le Préfet de Région, Messieurs les Parlementaires, Mesdames et Messieurs les Présidents, Monsieur le Président de la CAPEB, cher Patrick Liébus, Mesdames, Messieurs, chers amis.
Je voudrais d'abord vous dire le regret qui est le mien de ne pas être parmi vous aujourd’hui. Je voulais néanmoins vous dire, même si vous les connaissez, mon soutien et mon attention.
Je suis bien conscient de l'importance et de la représentativité de votre Confédération dans un secteur qui est si essentiel à notre économie. Quand le bâtiment va, tout va. 380 000 entreprises, 63 % du chiffre d'affaires, 67 % de la population active du bâtiment, les chiffres parlent d'eux-mêmes. Vous êtes une organisation qui est essentielle dans un secteur qui est lui-même essentiel à l'économie française.
Je sais aussi que vous avez passé deux années particulièrement difficiles durant lesquelles vous avez fait le dos rond. En termes d'emplois salariés cela a été difficile, vous êtes parvenus à maintenir contre vents et marées l'activité dans vos secteurs.
Bien sûr, l'Etat vous a aidés, le président de la République, le Gouvernement a décidé de mobiliser toute l’attention des Pouvoirs publics sur vos activités. Je pense à la pérennisation de la TVA à 5,5 % pour la rénovation, à un moment où, vous le savez, les efforts pour réduire la dépense publique sont constants dans le pays, au prêt à taux zéro, maintenant le PTZ+. Mais surtout, je veux le souligner, vous avez su garder le cap et rester confiants dans l'avenir, parce que vous n'êtes pas des attentistes, je crois même que c'est tout le contraire.
Pendant ces trois Journées de la Construction qui sont articulées autour de vos atouts majeurs : la proximité, l'innovation, vous préparez déjà l'avenir, vous pensez déjà 2025 ou 2030. C'est vraiment une force dans un secteur si essentiel, je le redis. Les grandes civilisations sont celles des bâtisseurs et des créateurs.
Aujourd'hui, nous arrivons au bout du tunnel. C'est le début de la reprise. Les premiers signes sont encourageants, on peut s'en réjouir et il faut s'en réjouir. Mais il faut surtout s'assurer que toute vos entreprises puissent être au rendez-vous de la croissance, puissent toucher les fruits de leur endurance.
Vous avez des sujets d'inquiétude, je les connais, j'ai eu l'occasion de travailler personnellement sur ces sujets avec Patrick Liébus, votre président. Je regrette de ne pas avoir pu en débatte avec vous aujourd'hui directement mais j'espère très sincèrement que ce n'est que partie remise.
Ceux d'entre vous qui me connaissent le savent, je ne pratique pas la langue de bois, je n'esquive pas et je tiens à évoquer sans tabou les principaux sujets que vous avez fait remonter jusqu'à moi.
Je porte avec fierté la mise en application du nouveau régime d'Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée (EIRL). C'était tant attendu depuis tant de temps dans notre pays, vous-mêmes l'avez défendu avec force. Le président de la République vous a entendus.
Sur ce sujet, il s'agit de rompre avec une injustice dans notre pays : quand on est patron chef d'une grande entreprise, si un jour on rencontre des difficultés, que l'on a une défaillance, on ne va pas vous chercher sur vos biens personnels ; quand on est patron d'une petite entreprise et qu'il vous arrive les mêmes difficultés, on va vous chercher sur la maison, sur la voiture ou sur l'ensemble des biens personnels.
Une des clés du succès de ce statut d'EIRL repose sur la coopération de tous les acteurs en termes de garanties financières notamment.
Or j'ai signé vendredi dernier une convention entre OSEO et la SIAGI et l’on a mis en place un système de garantie des encours d'entrepreneurs individuels en contrepartie de l'engagement des banques à ne pas prendre de garanties supplémentaires sur le patrimoine personnel en particulier.
Avec OSEO et la SIAGI, 70 % du risque sont couverts. Les banques vont s'engager. Certaines ont commencé à le faire. Et ce statut d’EIRL qui est en place depuis le 1er janvier, sur lequel vous êtes des milliers à parier, va pouvoir devenir un statut protecteur de chacun d'entre vous parce que, bien sûr, quand on est entrepreneur - et vous l'êtes -, on prend des risques, mais on doit être protégé du risque majeur, celui que l'on ferait prendre à toute sa famille.
S'agissant du régime de l’auto-entrepreneur, là encore avec Patrick Liébus, nous avons immédiatement lors de notre première rencontre mis à plat ces questions. Dès mon arrivée, j'ai tout de suite voulu mettre en place un certain nombre d'adaptations qui s'imposaient à ce régime. À ma demande à la fin de l'année 2010 :
- la durée du bénéfice du régime pour les auto-entrepreneurs qui n'ont pas exercé d’activité a été limitée à 2 ans contre 3 initialement
- Par ailleurs, une déclaration mensuelle ou trimestrielle de leur chiffre d'affaires, même nul, a été rendue obligatoire
- Une obligation de contribution au fonds de formation professionnelle a été introduite avec l'augmentation du taux de cotisation des auto-entrepreneurs ; c'était évidemment la logique.
- Les qualifications professionnelles pour les auto-entrepreneurs sont désormais contrôlées en amont lors de la création et non plus, comme c'était prévu au départ, de façon aléatoire lors de la vie de l'entreprise.
- Des mesures de contrôle sont prévues en 2011 pour caractériser et sanctionner certaines pratiques délictueuses comme le salariat déguisé
De la même façon, mon devoir est de protéger les consommateurs. Je ne peux pas accepter que, par exemple sur la garantie décennale, certains ne respectent pas leurs obligations.
Nous devrons veiller à ce que ces obligations soient réaffirmées et qu'elles apparaissent clairement pour que personne ne puisse jouer à ce jeu qui serait du perdant/perdant : perdant évidemment pour la réputation du secteur du bâtiment et perdant pour le consommateur.
Plus largement, je sais que certains d'entre vous sont confrontés à des situations de trésorerie difficiles et que vous peinez trop souvent à obtenir de la part des banques des financements de 10 000, 20 000, 25 000 euros qui vous permettraient de faire la différence, qui vous permettraient dans un certain nombre de cas de passer les moments difficiles, qui vous permettraient aussi, au moment où l'on en a besoin, où c'est la sortie de crise, où il peut y avoir tel ou tel petit investissement à faire, de faire cet investissement.
Je suis résolu à faire bouger le monde bancaire sur les petits crédits qui sont si nécessaires aux artisans, aux TPE, aux PME. J’ai donc demandé il y a quelques mois déjà à la Banque de France d'élaborer un outil efficace d'observation sur ces petits crédits.
Les premiers chiffres, qui sont provisoires et qui ne concernent notamment que les crédits de 25 000 euros prêtés aux sociétés - aux petites sociétés, pas à tous les entrepreneurs individuels - montrent quelques signaux inquiétants. Les encours de moins de 25 000 euros ont baissé de 9 % entre 2008 et 2010. J'attends d'avoir un rapport complet sur ce sujet.
J'ai d'ores et déjà lancé une réflexion pour relancer rapidement ces financements pour que les banques assument leurs responsabilités.
Il y a déjà, entre 2010 et 2011, un redémarrage dans ces chiffres. Il n'est pas aussi important que les crédits à l'ensemble des PME. Donc ce sujet, je vous le dis, est une priorité. Christine Lagarde et moi-même avons d'ailleurs obtenu du médiateur du crédit l'engagement que, sur cette question, nous aurons dans quelques mois un indicateur fiable.
Ainsi, le ressenti sur le terrain lorsque je vais à votre rencontre où les uns et les autres me disent qu’il est si difficile d'obtenir ce petit crédit alors que, sur l'ensemble du crédit aux PME, on nous dit à juste titre que cela a redémarré, ce décalage qu'il y avait entre ces contacts pris sur le terrain et ce que l'on me disait au plus haut niveau, disparaîtront derrière un instrument fiable qui permettra au quotidien de dire aux banques : « vous faites » ou « vous ne faites pas votre travail ».
J'ai rappelé aux banques leurs responsabilités de financement de l'économie en cette sortie de crise, notamment envers les artisans et les commerçants qui sont la plus grande source de création de richesses et d'emplois non délocalisables dans notre pays, mais je suis aussi conscient des responsabilités de l'Etat envers les entreprises. Je crois que cette responsabilité passe notamment par une simplification réelle et profonde.
L'impôt papier en France, c’est près de 4 % du PIB. Nous sommes la 5ème puissance économique du monde et, dans le même temps, pour la paperasserie nous sommes au 127ème rang mondial.
J'ai lancé une nouvelle méthode, main dans la main avec le gouvernement, le parlement et les entreprises. C'est la raison pour laquelle ils ont accepté, à mes côtés, de co-présider les Assises de la Simplification que j'ai lancées.
Avec Jean-Luc Warsmann, président de la Commission des lois, que vous connaissez, qui a déjà mené plusieurs combats et qui a fait voter des lois sur la simplification, que le président de la République a chargé d'une mission sur la simplification, et Jean-Michel Aulas, qui est un chef d'entreprise que l'on ne présente pas, spécialiste de la simplification, nous allons travailler main dans la main pour que rapidement, avant l'été (les Assises nationales auront d'ailleurs lieu le 29 avril) l'on puisse vous proposer un certain nombre de dispositions concrètes, ambitieuses et qui permettent de simplifier vraiment la vie des entrepreneurs que vous êtes.
Un exemple : j'ai été effrayé par la masse de documents que vous devez remplir chaque année pour l'administration sous toutes ses formes ; 70 documents différents sur lesquels vous devez fournir les données de vos entreprises à toutes ces administrations.
On va inverser le système : au lieu que la désorganisation pèse sur les acteurs économiques, on va réorganiser, l'objectif étant que les acteurs économiques donnent les informations sur leur entreprise une fois pour toutes une fois par an. Les administrations iront ensuite chercher dans une armoire sécurisée toutes ces données, qui sont évidemment essentielles pour l'administration, y compris d’ailleurs pour faire valoir vos droits, mais que l'on n'aura pas besoin de vous redemander à chaque fois.
Pour cela il va falloir simplifier un certain nombre de choses. Sur la question des effectifs, par exemple, l'administration a sept définitions différentes suivant le sujet dont on parle ; vous voyez la tâche, elle est énorme. En même temps je crois que c'est essentiel pour le dynamisme de notre économie, et notamment pour libérer l’énergie des artisans qui n'en peuvent plus de travailler le dimanche simplement pour remplir les obligations en direction de l'administration française.
Ce programme va de pair avec ce que je désigne volontiers comme une révolution culturelle. L'Etat, vous le savez mieux que quiconque, est trop souvent perçu comme un adversaire. Je veux au contraire qu'il devienne un partenaire pour toutes nos entreprises. L'étendard a trop souvent été brandi en vain. On a expliqué à longueur de papier, à longueur de discours qu'on allait simplifier et en réalité, les résultats n'étaient pas au rendez-vous.
De la même façon, je vous ai parlé à l'instant de cette armoire sécurisée. Je souhaite que la simplification se fasse avec les acteurs y compris quand il s'agira de mettre en place les dispositifs, parce que je ne veux pas voir se reconstruire un nouveau RSI avec soi-disant la simplification et, derrière, une complexité et des dysfonctionnements inacceptables.
Vous le voyez, c'est un changement de méthode. Cette démarche que je vous propose est une démarche de terrain ; 600 propositions déjà sont remontées, elles viennent toutes des entreprises ou des organisations professionnelles – je tiens à remercier la CAPEB de sa mobilisation sur le sujet – et pas des tiroirs de l'administration. Ce n'est pas du haut vers le bas, comme on l’a fait avec la RGPP qui nous a permis depuis 3 ans d'améliorer les choses, c'est cette fois-ci de bas en haut.
Les correspondants PME que j'ai mandatés ont été à la rencontre des chefs d'entreprises et ont synthétisé leurs propositions avec celles des fédérations professionnelles comme la vôtre, ces correspondants PME dont j'ai décidé qu'ils devraient réaliser un stage d'immersion en entreprise parce que je souhaite qu'ils soient au côté de chefs d'entreprise pendant plusieurs jours pour voir au quotidien comment les choses se passent, quels sont les éléments de blocage.
Je vous demande d'ailleurs les uns les autres dans vos départements d'être volontaires pour les recevoir. Ce n'est pas faire insulte à l'administration que de dire qu'un fonctionnaire ne connaît pas l'avis de l'entreprise de l'intérieur. Je souhaite que dorénavant, cela appartienne au passé.
Vous voyez, c'est donc une guerre éclair que je suis décidé à mener.
J'ai lancé ce dispositif le 26 janvier, le 29 avril, je vous l'ai dit, nous aurons sur la table des propositions concrètes et nous les traduirons ; celles qui modifieront l'organisation pourront être traduites immédiatement, d'autres devront faire l'objet de textes réglementaires, d'autres encore de modifications législatives. Mais, vous l'avez compris, c'est une priorité.
Je suis du côté des créateurs, je suis du côté des créateurs d'emplois, des créateurs de richesses, des créateurs de croissance et je suis donc résolument du côté des entreprises.
Je veux vous remercier les uns et les autres de m'avoir écouté, je vous souhaite d'excellentes Journées de la Construction. Je sais qu'elles seront riches de débats et de propositions et, n'en doutez pas un instant, je serai particulièrement attentif aux conclusions de vos travaux.
Un grand merci à tous. Je vous souhaite les uns et les autres d'abord un travail constructif, mais surtout la pleine réussite dans vos entreprises parce que vous en avez besoin, mais le pays en a besoin.
Merci.
Source http://www.capeb.fr, le 2 mai 2011