Texte intégral
Monsieur le Président, madame la Présidente de la section environnement, monsieur le rapporteur, Mesdames et Messieurs, je voudrais remercier Jean-Paul Delevoye et vous tous qui maccueillez dans cette enceinte. Jespère, par mon propos, convaincre ceux qui ne seraient pas encore convaincus, étant entendu que vous me répondrez par votre vote. Une fois partie, je laisserai derrière moi mon conseiller en charge de la biodiversité, Patrick Vauterin, qui me rapportera fidèlement vos débats.
Je souhaite vous remercier davoir accepté ce défi particulier de vous saisir, pour votre première grande saisine environnementale, du sujet de la biodiversité, sujet le plus difficile.
Il y a tout dedans. Vous le disiez à linstant, monsieur le Président, il nest pas forcément très bien compris, ni dans sa dimension internationale, ni dans sa dimension nationale. Localement, il concentre toutes les pressions, toutes les tensions. Cest un sujet très difficile et en relevant ce défi qui vous était lancé par le Premier ministre, qui vous a fait cette saisine, vous placez tout de suite la composante environnementale du CESE à son très haut niveau.
Cest dans un esprit partenarial que jai présenté la stratégie nationale pour la biodiversité le 19 mai dernier. Cest dans cet esprit que je comprends les travaux que vous avez menés, cette idée que ce nest pas laffaire de quelques-uns et que de toute façon si lon nest que quelques-uns à sy intéresser, on na aucune chance de réussir quelque chose. Lambition de la stratégie nationale pour la biodiversité est de réussir limplication de tous. Elle est en phase avec votre objectif, relever le défi sociétal.
Je ne reviens pas sur les constats que vous avez envisagés dans votre projet davis, je voudrais me concentrer sur les priorités et sur les propositions et mesures.
Première des priorités : la prise en compte de la biodiversité ne progressera pas sans une action forte de lÉtat et des moyens dédiés. Soyez certains que jen suis moi-même convaincue et que je memploie à convaincre tout le monde. Je relève dailleurs que la stratégie nationale de la biodiversité a été publiée sous le timbre du Premier ministre. Je ne lai pas vécu comme une dépossession, mais comme une chance, car cest lengagement, derrière le timbre du Premier ministre, de tous les ministères, cest la garantie davoir plus de moyens pour mobiliser les ministères qui peut-être seraient moins motivés demblée.
La deuxième priorité concerne la recherche, notamment la recherche fondamentale, pour qui la biodiversité constitue aujourdhui une nouvelle frontière.
La troisième est léducation et la formation, qui me semblent indissociables, gages de décisions publiques et individuelles cohérentes avec limportance des enjeux.
La quatrième priorité est la mobilisation de tous les acteurs, qui est au coeur de la construction participative de la stratégie nationale de la biodiversité.
Il y a de très nombreuses propositions. Vous en avez cité quelques-unes, monsieur le rapporteur à linstant. Je vais me concentrer sur les plus emblématiques.
Dabord, sur le sujet des engagements internationaux. Compte tenu de toute la biodiversité que la France condense en métropole et dans ses Outre-mers, il importe que nous soyons exemplaires. Je souhaite que dès le 20 septembre prochain, à New York, la France signe le protocole de Nagoya sur laccès aux ressources génétiques et le partage des avantages issus de leur utilisation dite APA. La version française vient enfin dêtre adoptée par les Nations-Unies. Nous avons quelques problèmes de traduction. Cétait compliqué. Nous préparons la ratification de ce texte et pour porter une position française ambitieuse, en cohérence avec cette ratification, nous travaillons dans les instances communautaires.
Pour cela, nous allons mettre en place un groupe de travail qui élaborera dici mi-2012 une proposition de cadre juridique nationale cohérente avec nos engagements internationaux et européens.
Ce cadre tiendra compte des spécificités institutionnelles et des dispositifs APA existants en outre-mer. Ce protocole APA a mis beaucoup de temps à aboutir. Entrent dans les débats des questions de souveraineté, des représentations de ce que sont ceux que lon appelle dans dautres langues des populations autochtones. Bref, nous avons dû beaucoup travailler sur les représentations pour avancer sur ces questions internationales. Les choses sont maintenant assez mûres.
Ce soir même, lors dun colloque à Paris, réalisé en visioconférence, nous présenterons avec les représentants dOutre-mer létude exploratoire faite pour bien intégrer les spécificités de lOutre-mer qui sont, en la matière, notre passerelle vers les autres pays.
Toujours au plan international, je voudrais que le travail que nous menons pour trouver des financements innovants puisse profiter à la biodiversité. Ce nest pas gagné. Quand on parle de taxe sur les transactions financières, dans le G20 en ce moment, on pense financement des Objectifs du Millénaire en matière de pauvreté et lutte contre le changement climatique.
La biodiversité a aussi besoin de bénéficier de moyens. Lidéal serait pour moi que le fonds vert, à terme, qui a été créé par les Accords de Cancun sur la lutte contre le changement climatique, puisse être étendu au financement de tous les biens publics globaux et puisse être récipiendaire de cette taxe sur les tractations financières et les autres financements innovants qui pourront être levés. La mondialisation doit financer les problèmes issus de la mondialisation afin que la biodiversité puisse ainsi profiter de financements pérennes et internationaux.
Cela me semble pouvoir trouver une concrétisation à loccasion du vingtième anniversaire du Sommet de la Terre à Rio, en juin 2012. Cest le sommet du quitte ou double. Il peut ne rien se passer, juste une discussion sans contenu. Au contraire, il peut y avoir une concrétisation, un parachèvement dannées de discussions dans le cadre des différentes conventions : la convention climat, celle sur la diversité biologique. Beaucoup dépendra à cet égard de ce que nous parvenons à faire dans le G20 sur la mise en place des financements innovants.
Si nous ne parvenons pas, nous, les pays du G20, à nous mobiliser sur la mise en place de financements innovants, nous aurons des difficultés à être crédibles vis-à-vis des pays du Sud aussi bien concernant le changement climatique que la lutte pour la préservation de la biodiversité. Dans le cas contraire, nous pourrons créer une dynamique.
Au niveau international, la contribution de la France au grand succès, et ce nétait pas facile, que constitue la décision de lAssemblée générale des Nations-Unies en décembre 2010 sur lIPBES est reconnue. Il ne sagit rien de moins que de créer un GIEC de la biodiversité prenant appui sur ce grand succès. Je parle, sous le regard de Jean Jouzel, de ce grand succès quest le GIEC, le vrai, celui sur le changement climatique, et de faire faire à la biodiversité le même parcours qua vécu le changement climatique qui, en dix ans, est passé dune problématique dexperts à une problématique mondiale.
La France a été à la pointe de cette lutte. Nous poursuivons nos efforts avec la perspective de la mise en place dune plate-forme intergouvernementale de lIPBES en octobre 2011. Nous serons force de propositions. Le retour dexpérience de la Fondation pour la recherche en biodiversité mise en place dans le cadre du Grenelle de lEnvironnement sera utile.
Voilà pour linternational, étant entendu que je ne parlais pas dinternational pour fuir les responsabilités nationales. Revenons aux autorités publiques françaises. Nous poursuivons la mise en oeuvre du Grenelle de lEnvironnement dans lequel les engagements en matière de biodiversité étaient solides. Cette semaine verra la publication très attendue de deux décrets, lun sur la création du Comité national sur la trame verte et bleue, et lautre des comités régionaux. Cest important car il y a un là un enchaînement de décrets, dont la sortie de lun autorise la sortie de lautre. Cest cette semaine que cet enchaînement sengage.
Nous commençons à mettre en oeuvre les engagements de la Stratégie nationale de la biodiversité actés le 19 mai. Pour tout cela, il faut des moyens. Il faut motiver, mobiliser les acteurs locaux. La voie davenir, la voie pérenne est de substituer une fiscalité écologique à des éléments de fiscalité existants. Nous avons commandé, avec Mme Lagarde, une mission conjointe de lInspection générale des finances et du Conseil général de lenvironnement et du développement durable, qui doit nous remettre rapidement son rapport sur les nouvelles pistes de travail identifiées lors de la préparation de la Stratégie nationale de la biodiversité. Lidée est que les premières évolutions puissent être inscrites dès la loi de finances pour 2012 à lautomne.
Vous mettez en avant dans vos travaux la question émergente des liens entre la santé et la biodiversité. Je crois beaucoup à cette porte dentrée. Je lai dit à la Ligue Roc qui a tenu il y a quelques jours avec lassociation Santé environnement France, un premier colloque sur ce sujet. Jy crois beaucoup car les questions de santé environnementale sont un moyen de mobiliser autour des questions environnementales, ceux de nos concitoyens qui ny seraient pas spontanément portés, mais qui se préoccupent de santé car chacun sen préoccupe.
En la matière, nous devons aller au-delà des actions déjà inscrites dans le deuxième Plan national santé et environnement, et je proposerai au ministre de la Santé une mission exploratoire commune sur ce sujet pour envisager dores et déjà létape suivante.
Je reviens aux autorités publiques. Les collectivités territoriales se sont déjà beaucoup investies sur la préservation de la biodiversité, par exemple au travers des espaces naturels sensibles pour les départements, ou des réserves naturelles pour les régions. Nous devons nous appuyer sur ce travail et les accompagner pour aller plus loin. Je soutiens la volonté de lAssociation des Régions de France que soient mises en place des stratégies régionales pour la biodiversité avec une gouvernance dédiée. Elle devra sappuyer, selon moi, sur les comités régionaux de la trame verte et bleue, afin que tout cela soit cohérent.
En matière de recherche, la mise en place de la Fondation pour la recherche en biodiversité, que jai évoquée, nous permet daccentuer, de coordonner et daugmenter les moyens, à lexemple du programme qui a été lancé en 2010, pour trois ans, sur la modélisation et les scénarios de la biodiversité. Cest une interface science-société qui va tout à fait dans le sens de lesprit de votre travail.
Vous avez évoqué des actions en faveur de léducation et de la formation. Je voudrais dire un mot des avancées effectuées depuis le Grenelle. Il y a eu lintégration dans les programmes scolaires des questions relatives à la biodiversité, dès 2008 en primaire, 2009 en collège et enfin, en 2010, au lycée. Cela procédait aussi de lentrée du sujet dans la Charte constitutionnelle de lenvironnement en 2005, qui réclame la mise en place de léducation à lenvironnement.
Du point de vue théorique, à la suite de ce double mouvement, la formation à lenvironnement et léducation à lenvironnement existent. Honnêtement, du point de vue pratique, dans les programmes, cest encore très récent et, dans la formation des professeurs, cest en train de se mettre en place. Mais il faut attendre que les professeurs formés arrivent dans les établissements. Dans la pratique, cela dépend beaucoup des établissements et beaucoup de lengagement des professeurs. Cest un mouvement que nous devons poursuivre pour que ces actions soient bien visibles et effectives partout.
Sagissant de la mobilisation des acteurs, nous allons mettre en place, comme vous nous y appelez, la possibilité pour tous les citoyens dadhérer aux objectifs de la SNB. La boucle sera ainsi bouclée, chacun entraînant ses propres institutions, chacun pouvant aussi appeler à la mobilisation des associations, des entreprises avec lesquelles il est au contact. Les citoyens doivent pouvoir se faire acteurs de la préservation de la biodiversité ; cest lun des enjeux.
Lannée 2010 a été une année de mobilisation avec lannée mondiale de la biodiversité. De grandes choses ont été réalisées et, en même temps, il nous faut bien reconnaître quà la fin de lannée 2010, la prise de conscience au niveau mondial sur les sujets de biodiversité restait très en deçà de la prise de conscience sur les questions de changement climatique. Nous devons poursuivre les actions de communication et de mobilisation.
Lannée 2011 est lannée des Outre-mer, et les liens entre biodiversité et outre-mer sont bien connus. Nous poursuivrons le soutien des actions organisées par des associations comme les refuges LPO ou la Ligue ROC, et nous continuerons à participer à des recensements dans le cadre des sciences participatives comme lObservatoire de la biodiversité dans les jardins de Noé Conservation, initiative tout à fait intéressante et curieuse, que jinvite ceux qui ne la connaissent pas à découvrir.
Evidemment, tout cela doit concerner les acteurs économiques. On fait trop souvent appel au citoyen et à sa bonne volonté en portant le soupçon de fuir la mobilisation, la question difficile de la mobilisation, des acteurs économiques.
Le ministère sy emploie, à travers la mise en oeuvre doutils méthodologiques, par exemple EBEvie, qui aide les entreprises à entrer dans la démarche de lautodiagnostic, ce qui est le premier pas vers laction. Dautres outils sont prévus dans lannée qui vient.
De manière générale, tous les travaux qui sont en cours actuellement pour chiffrer les bénéfices en matière de biodiversité nous aident puisque lon sait bien que, pour entrer dans le monde de lentreprise, il faut, et cest normal, quelques chiffres.
Pour finir, un mot sur une entreprise particulière : la ferme France. Le domaine agricole a un lien particulier avec la biodiversité, qui constitue le principal facteur de production de lagriculture. Jai souhaité que lévaluation économique des services rendus par la biodiversité soit un sujet prioritaire de travaux pour le ministère. Cest indispensable, il faut pouvoir trouver des chiffres précis sur ce sujet. Il faut construire sur lexistant, bien sûr, mais aussi pouvoir dépasser les chiffres habituels, qui sont toujours un peu les mêmes. Il faut pouvoir aller plus loin, entrer dans un chiffrage un peu global et, en même temps, précis.
Il sagit de poursuivre les travaux entrepris en interne ou en partenariat, par exemple avec des partenaires de la profession agricole comme Coop de France. Un comité de pilotage va être mis en place durant les années à venir sur lévolution des services écosystémiques rendus par les cultures de légumineuses. Cest régulièrement un sujet de débat. Regardons les choses de près et mettons-nous daccord sur des chiffres consensuels.
Vous souhaitez également que les agriculteurs puissent être les acteurs de la mise en oeuvre des mécanismes de compensation environnementale. Cest déjà le cas, dune certaine manière, puisque ces mesures sont déjà prises pour partie, mais ce nest pas forcément suffisamment entré dans les moeurs dans la durée, et cela nécessite une valorisation économique qui nest pas toujours parfaitement menée.
Je demanderai à mes services que cette dimension soit particulièrement intégrée à lappel à projets que je viens de lancer pour identifier de nouveaux opérateurs pour la mise en oeuvre dopérations de compensation. Nous avons besoin dun partenariat dans la durée sur ce sujet avec la profession agricole, et pas seulement dopérations au coup par coup qui, en fait, ne remplissent pas notre objectif.
Je voudrais encore une fois vous remercier pour votre mobilisation rapide. Je retiens votre proposition finale de situer le Conseil économique, social et environnemental dans le processus continu délaboration et dévaluation des politiques de la biodiversité. Je vous propose déjà que la présidente de la section de lenvironnement puisse venir au comité de suivi de la SNB présenter votre avis, ce qui initiera une collaboration entre nous, et je vous promets pour les mois à venir beaucoup de travail et beaucoup dinterpellations sur les sujets qui nous intéressent.
Je vous remercie.
Source http://www.lecese.fr, le 30 juin 2011
Je souhaite vous remercier davoir accepté ce défi particulier de vous saisir, pour votre première grande saisine environnementale, du sujet de la biodiversité, sujet le plus difficile.
Il y a tout dedans. Vous le disiez à linstant, monsieur le Président, il nest pas forcément très bien compris, ni dans sa dimension internationale, ni dans sa dimension nationale. Localement, il concentre toutes les pressions, toutes les tensions. Cest un sujet très difficile et en relevant ce défi qui vous était lancé par le Premier ministre, qui vous a fait cette saisine, vous placez tout de suite la composante environnementale du CESE à son très haut niveau.
Cest dans un esprit partenarial que jai présenté la stratégie nationale pour la biodiversité le 19 mai dernier. Cest dans cet esprit que je comprends les travaux que vous avez menés, cette idée que ce nest pas laffaire de quelques-uns et que de toute façon si lon nest que quelques-uns à sy intéresser, on na aucune chance de réussir quelque chose. Lambition de la stratégie nationale pour la biodiversité est de réussir limplication de tous. Elle est en phase avec votre objectif, relever le défi sociétal.
Je ne reviens pas sur les constats que vous avez envisagés dans votre projet davis, je voudrais me concentrer sur les priorités et sur les propositions et mesures.
Première des priorités : la prise en compte de la biodiversité ne progressera pas sans une action forte de lÉtat et des moyens dédiés. Soyez certains que jen suis moi-même convaincue et que je memploie à convaincre tout le monde. Je relève dailleurs que la stratégie nationale de la biodiversité a été publiée sous le timbre du Premier ministre. Je ne lai pas vécu comme une dépossession, mais comme une chance, car cest lengagement, derrière le timbre du Premier ministre, de tous les ministères, cest la garantie davoir plus de moyens pour mobiliser les ministères qui peut-être seraient moins motivés demblée.
La deuxième priorité concerne la recherche, notamment la recherche fondamentale, pour qui la biodiversité constitue aujourdhui une nouvelle frontière.
La troisième est léducation et la formation, qui me semblent indissociables, gages de décisions publiques et individuelles cohérentes avec limportance des enjeux.
La quatrième priorité est la mobilisation de tous les acteurs, qui est au coeur de la construction participative de la stratégie nationale de la biodiversité.
Il y a de très nombreuses propositions. Vous en avez cité quelques-unes, monsieur le rapporteur à linstant. Je vais me concentrer sur les plus emblématiques.
Dabord, sur le sujet des engagements internationaux. Compte tenu de toute la biodiversité que la France condense en métropole et dans ses Outre-mers, il importe que nous soyons exemplaires. Je souhaite que dès le 20 septembre prochain, à New York, la France signe le protocole de Nagoya sur laccès aux ressources génétiques et le partage des avantages issus de leur utilisation dite APA. La version française vient enfin dêtre adoptée par les Nations-Unies. Nous avons quelques problèmes de traduction. Cétait compliqué. Nous préparons la ratification de ce texte et pour porter une position française ambitieuse, en cohérence avec cette ratification, nous travaillons dans les instances communautaires.
Pour cela, nous allons mettre en place un groupe de travail qui élaborera dici mi-2012 une proposition de cadre juridique nationale cohérente avec nos engagements internationaux et européens.
Ce cadre tiendra compte des spécificités institutionnelles et des dispositifs APA existants en outre-mer. Ce protocole APA a mis beaucoup de temps à aboutir. Entrent dans les débats des questions de souveraineté, des représentations de ce que sont ceux que lon appelle dans dautres langues des populations autochtones. Bref, nous avons dû beaucoup travailler sur les représentations pour avancer sur ces questions internationales. Les choses sont maintenant assez mûres.
Ce soir même, lors dun colloque à Paris, réalisé en visioconférence, nous présenterons avec les représentants dOutre-mer létude exploratoire faite pour bien intégrer les spécificités de lOutre-mer qui sont, en la matière, notre passerelle vers les autres pays.
Toujours au plan international, je voudrais que le travail que nous menons pour trouver des financements innovants puisse profiter à la biodiversité. Ce nest pas gagné. Quand on parle de taxe sur les transactions financières, dans le G20 en ce moment, on pense financement des Objectifs du Millénaire en matière de pauvreté et lutte contre le changement climatique.
La biodiversité a aussi besoin de bénéficier de moyens. Lidéal serait pour moi que le fonds vert, à terme, qui a été créé par les Accords de Cancun sur la lutte contre le changement climatique, puisse être étendu au financement de tous les biens publics globaux et puisse être récipiendaire de cette taxe sur les tractations financières et les autres financements innovants qui pourront être levés. La mondialisation doit financer les problèmes issus de la mondialisation afin que la biodiversité puisse ainsi profiter de financements pérennes et internationaux.
Cela me semble pouvoir trouver une concrétisation à loccasion du vingtième anniversaire du Sommet de la Terre à Rio, en juin 2012. Cest le sommet du quitte ou double. Il peut ne rien se passer, juste une discussion sans contenu. Au contraire, il peut y avoir une concrétisation, un parachèvement dannées de discussions dans le cadre des différentes conventions : la convention climat, celle sur la diversité biologique. Beaucoup dépendra à cet égard de ce que nous parvenons à faire dans le G20 sur la mise en place des financements innovants.
Si nous ne parvenons pas, nous, les pays du G20, à nous mobiliser sur la mise en place de financements innovants, nous aurons des difficultés à être crédibles vis-à-vis des pays du Sud aussi bien concernant le changement climatique que la lutte pour la préservation de la biodiversité. Dans le cas contraire, nous pourrons créer une dynamique.
Au niveau international, la contribution de la France au grand succès, et ce nétait pas facile, que constitue la décision de lAssemblée générale des Nations-Unies en décembre 2010 sur lIPBES est reconnue. Il ne sagit rien de moins que de créer un GIEC de la biodiversité prenant appui sur ce grand succès. Je parle, sous le regard de Jean Jouzel, de ce grand succès quest le GIEC, le vrai, celui sur le changement climatique, et de faire faire à la biodiversité le même parcours qua vécu le changement climatique qui, en dix ans, est passé dune problématique dexperts à une problématique mondiale.
La France a été à la pointe de cette lutte. Nous poursuivons nos efforts avec la perspective de la mise en place dune plate-forme intergouvernementale de lIPBES en octobre 2011. Nous serons force de propositions. Le retour dexpérience de la Fondation pour la recherche en biodiversité mise en place dans le cadre du Grenelle de lEnvironnement sera utile.
Voilà pour linternational, étant entendu que je ne parlais pas dinternational pour fuir les responsabilités nationales. Revenons aux autorités publiques françaises. Nous poursuivons la mise en oeuvre du Grenelle de lEnvironnement dans lequel les engagements en matière de biodiversité étaient solides. Cette semaine verra la publication très attendue de deux décrets, lun sur la création du Comité national sur la trame verte et bleue, et lautre des comités régionaux. Cest important car il y a un là un enchaînement de décrets, dont la sortie de lun autorise la sortie de lautre. Cest cette semaine que cet enchaînement sengage.
Nous commençons à mettre en oeuvre les engagements de la Stratégie nationale de la biodiversité actés le 19 mai. Pour tout cela, il faut des moyens. Il faut motiver, mobiliser les acteurs locaux. La voie davenir, la voie pérenne est de substituer une fiscalité écologique à des éléments de fiscalité existants. Nous avons commandé, avec Mme Lagarde, une mission conjointe de lInspection générale des finances et du Conseil général de lenvironnement et du développement durable, qui doit nous remettre rapidement son rapport sur les nouvelles pistes de travail identifiées lors de la préparation de la Stratégie nationale de la biodiversité. Lidée est que les premières évolutions puissent être inscrites dès la loi de finances pour 2012 à lautomne.
Vous mettez en avant dans vos travaux la question émergente des liens entre la santé et la biodiversité. Je crois beaucoup à cette porte dentrée. Je lai dit à la Ligue Roc qui a tenu il y a quelques jours avec lassociation Santé environnement France, un premier colloque sur ce sujet. Jy crois beaucoup car les questions de santé environnementale sont un moyen de mobiliser autour des questions environnementales, ceux de nos concitoyens qui ny seraient pas spontanément portés, mais qui se préoccupent de santé car chacun sen préoccupe.
En la matière, nous devons aller au-delà des actions déjà inscrites dans le deuxième Plan national santé et environnement, et je proposerai au ministre de la Santé une mission exploratoire commune sur ce sujet pour envisager dores et déjà létape suivante.
Je reviens aux autorités publiques. Les collectivités territoriales se sont déjà beaucoup investies sur la préservation de la biodiversité, par exemple au travers des espaces naturels sensibles pour les départements, ou des réserves naturelles pour les régions. Nous devons nous appuyer sur ce travail et les accompagner pour aller plus loin. Je soutiens la volonté de lAssociation des Régions de France que soient mises en place des stratégies régionales pour la biodiversité avec une gouvernance dédiée. Elle devra sappuyer, selon moi, sur les comités régionaux de la trame verte et bleue, afin que tout cela soit cohérent.
En matière de recherche, la mise en place de la Fondation pour la recherche en biodiversité, que jai évoquée, nous permet daccentuer, de coordonner et daugmenter les moyens, à lexemple du programme qui a été lancé en 2010, pour trois ans, sur la modélisation et les scénarios de la biodiversité. Cest une interface science-société qui va tout à fait dans le sens de lesprit de votre travail.
Vous avez évoqué des actions en faveur de léducation et de la formation. Je voudrais dire un mot des avancées effectuées depuis le Grenelle. Il y a eu lintégration dans les programmes scolaires des questions relatives à la biodiversité, dès 2008 en primaire, 2009 en collège et enfin, en 2010, au lycée. Cela procédait aussi de lentrée du sujet dans la Charte constitutionnelle de lenvironnement en 2005, qui réclame la mise en place de léducation à lenvironnement.
Du point de vue théorique, à la suite de ce double mouvement, la formation à lenvironnement et léducation à lenvironnement existent. Honnêtement, du point de vue pratique, dans les programmes, cest encore très récent et, dans la formation des professeurs, cest en train de se mettre en place. Mais il faut attendre que les professeurs formés arrivent dans les établissements. Dans la pratique, cela dépend beaucoup des établissements et beaucoup de lengagement des professeurs. Cest un mouvement que nous devons poursuivre pour que ces actions soient bien visibles et effectives partout.
Sagissant de la mobilisation des acteurs, nous allons mettre en place, comme vous nous y appelez, la possibilité pour tous les citoyens dadhérer aux objectifs de la SNB. La boucle sera ainsi bouclée, chacun entraînant ses propres institutions, chacun pouvant aussi appeler à la mobilisation des associations, des entreprises avec lesquelles il est au contact. Les citoyens doivent pouvoir se faire acteurs de la préservation de la biodiversité ; cest lun des enjeux.
Lannée 2010 a été une année de mobilisation avec lannée mondiale de la biodiversité. De grandes choses ont été réalisées et, en même temps, il nous faut bien reconnaître quà la fin de lannée 2010, la prise de conscience au niveau mondial sur les sujets de biodiversité restait très en deçà de la prise de conscience sur les questions de changement climatique. Nous devons poursuivre les actions de communication et de mobilisation.
Lannée 2011 est lannée des Outre-mer, et les liens entre biodiversité et outre-mer sont bien connus. Nous poursuivrons le soutien des actions organisées par des associations comme les refuges LPO ou la Ligue ROC, et nous continuerons à participer à des recensements dans le cadre des sciences participatives comme lObservatoire de la biodiversité dans les jardins de Noé Conservation, initiative tout à fait intéressante et curieuse, que jinvite ceux qui ne la connaissent pas à découvrir.
Evidemment, tout cela doit concerner les acteurs économiques. On fait trop souvent appel au citoyen et à sa bonne volonté en portant le soupçon de fuir la mobilisation, la question difficile de la mobilisation, des acteurs économiques.
Le ministère sy emploie, à travers la mise en oeuvre doutils méthodologiques, par exemple EBEvie, qui aide les entreprises à entrer dans la démarche de lautodiagnostic, ce qui est le premier pas vers laction. Dautres outils sont prévus dans lannée qui vient.
De manière générale, tous les travaux qui sont en cours actuellement pour chiffrer les bénéfices en matière de biodiversité nous aident puisque lon sait bien que, pour entrer dans le monde de lentreprise, il faut, et cest normal, quelques chiffres.
Pour finir, un mot sur une entreprise particulière : la ferme France. Le domaine agricole a un lien particulier avec la biodiversité, qui constitue le principal facteur de production de lagriculture. Jai souhaité que lévaluation économique des services rendus par la biodiversité soit un sujet prioritaire de travaux pour le ministère. Cest indispensable, il faut pouvoir trouver des chiffres précis sur ce sujet. Il faut construire sur lexistant, bien sûr, mais aussi pouvoir dépasser les chiffres habituels, qui sont toujours un peu les mêmes. Il faut pouvoir aller plus loin, entrer dans un chiffrage un peu global et, en même temps, précis.
Il sagit de poursuivre les travaux entrepris en interne ou en partenariat, par exemple avec des partenaires de la profession agricole comme Coop de France. Un comité de pilotage va être mis en place durant les années à venir sur lévolution des services écosystémiques rendus par les cultures de légumineuses. Cest régulièrement un sujet de débat. Regardons les choses de près et mettons-nous daccord sur des chiffres consensuels.
Vous souhaitez également que les agriculteurs puissent être les acteurs de la mise en oeuvre des mécanismes de compensation environnementale. Cest déjà le cas, dune certaine manière, puisque ces mesures sont déjà prises pour partie, mais ce nest pas forcément suffisamment entré dans les moeurs dans la durée, et cela nécessite une valorisation économique qui nest pas toujours parfaitement menée.
Je demanderai à mes services que cette dimension soit particulièrement intégrée à lappel à projets que je viens de lancer pour identifier de nouveaux opérateurs pour la mise en oeuvre dopérations de compensation. Nous avons besoin dun partenariat dans la durée sur ce sujet avec la profession agricole, et pas seulement dopérations au coup par coup qui, en fait, ne remplissent pas notre objectif.
Je voudrais encore une fois vous remercier pour votre mobilisation rapide. Je retiens votre proposition finale de situer le Conseil économique, social et environnemental dans le processus continu délaboration et dévaluation des politiques de la biodiversité. Je vous propose déjà que la présidente de la section de lenvironnement puisse venir au comité de suivi de la SNB présenter votre avis, ce qui initiera une collaboration entre nous, et je vous promets pour les mois à venir beaucoup de travail et beaucoup dinterpellations sur les sujets qui nous intéressent.
Je vous remercie.
Source http://www.lecese.fr, le 30 juin 2011