Déclaration de Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer, sur les évolutions institutionnelles des outre-mers en 2011 et le bilan de l'action des collectivités françaises d'outre-mer sur la scène internationale, à Paris le 1er septembre 2011.

Prononcé le 1er septembre 2011

Intervenant(s) : 

Circonstance : 19ème conférence des ambassadeurs, à Paris le 1er septembre 2011

Texte intégral

Monsieur le Ministre chargé de la Coopération, cher Henri de Raincourt,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Messieurs les Préfets,
Messieurs les Secrétaires Généraux,
Chers amis de l’Outre-mer,
Je dois d’abord vous dire que je suis ravie de tous vous accueillir, à l’occasion de la conférence des ambassadeurs. C’est la troisième fois que nous réunissons ici les ambassadeurs de France présents dans les pays proches de l’outre-mer. Pourtant, ce soir, nous avons plusieurs raisons supplémentaires de nous réjouir :
D’abord la présence du Ministre chargé de la coopération, Henri de Raincourt, que je remercie chaleureusement, car je connais son agenda particulièrement chargé ;
ensuite, votre nombre est en soi un succès, puisque vous êtes ce soir 42 Ambassadeurs et Préfets en poste. Je sais combien, depuis deux ans, vous avez pris l’habitude de travailler ensemble, et je vous en remercie. Je voudrais dire aux nouveaux ambassadeurs : devenez vous-aussi les ambassadeurs de nos outre-mer, participez à leur rayonnement, à leur développement commercial, et pour ce faire n’hésitez pas à venir à la rencontre de nos Préfets. Je peux vous assurer que mon Cabinet, nos trois ambassadeurs régionaux, Hadelin de la Tour du Pin, Philippe Leyssene et Stéphane Diémert, comme les services de la DéGéOM, se mobilisent pour vous faciliter la tâche dans la réalisation de notre objectif commun : promouvoir la France des outre-mer.
Dernière raison de nous réjouir, nous quittons cette année le "off" pour intégrer la partie officielle de la conférence des ambassadeurs, et j’en remercie Alain JUPPE, le ministre d’Etat. Je sais qu’il est pris par un sujet dont nous connaissons tous le caractère important et hautement sensible, la Libye et je remercie Henri de Raincourt de sa présence. Croyez-moi, ce n’est pas seulement, à mes yeux, un heureux concours de circonstances ou de calendrier, mais le signe d’une volonté politique très forte qui a fait de nos territoires ultra-marins les avant-postes de la France dans le monde.
Notre actualité a été riche ces derniers mois, elle le sera encore dans les mois à venir. Aussi je voudrais, à l’occasion de cette intervention, appeler votre attention sur trois points :
* un "tour d’horizon" sur l’actualité institutionnelle des outre-mer ;
* ensuite, notre bilan depuis un an ;
* enfin, les orientations de notre politique pour les mois à venir.
Bien évidemment, le diner, comme tout à l’heure le café que nous prendrons dans cette même pièce, permettront un temps de dialogue, non seulement avec les ministres présents, mais aussi entre préfets et ambassadeurs. Pour les Préfets et les Ambassadeurs "voisins" qui ne se connaissent pas encore, nous avons poussé le détail jusqu’à essayer de vous placer côte à côte !
1/ Pour ce "tour d’horizon" sur l’outre-mer, je souhaiterais vous rappeler notre stratégie d’intégration régionale, puis évoquer les évolutions institutionnelles en cours.
Notre choix d’une insertion régionale accrue est motivé par un objectif principal : la promotion des intérêts de chaque outre-mer, tout particulièrement dans les domaines économiques et commerciaux. C’est pour cela que nous sommes si vigilants à Bruxelles. C’est pour cela que nous avons mis en place trois "Commissaires au développement endogène", dont deux sont présents ce soir. C’est pour cela que nous faisons une priorité du développement économique à l’échelle régionale dans les secteurs où nous possédons une "plus value" tels que l’environnement, les énergies renouvelables, la santé ou le spatial. C’est pour cela que nous avons tenu à ce que l’AFD, à côté de ses stratégies "international" et "outre-mer" développe une stratégie de "coopération régionale", dont l’objectif est de s’assurer que les projets engagés dans les pays voisins sont bien conformes aux intérêts de nos collectivités.
L’autre objectif de notre stratégie d’insertion régionale est le passage d’une logique "de l’outre-mer" à une logique "des Outre-mer". Cet engagement du Gouvernement obéit à une réalité simple : la diversité des Outre-mer. La conséquence, ce sont des trajectoires institutionnelles singulières. Le Président de la République l’a redit clairement à Nouméa : le Gouvernement est à l’écoute de ces aspirations. Nous accompagnons ces volontés, dans le respect des principes républicains. Cela dessine un tableau plus compliqué à expliquer à vos pays de résidence, mais tellement plus efficace, car pragmatique et adapté à la réalité de chacun de nos territoires.
Je souhaiterais maintenant vous apporter un éclairage sur les évolutions institutionnelles en outre-mer. Cette année a été riche de ce point de vue :
Ainsi, en Martinique et en Guyane, la loi du 27 juillet 2011 a institué une collectivité territoriale unique en lieu et place des Conseils Régionaux et Généraux. Ces dernières entreront en vigueur lors de la première réunion des assemblées territoriales suivant les élections prévues en mars 2014.
La collectivité de Mayotte est devenue le 101ème département français en mars 2011. Ce département exerce désormais les compétences dévolues aux départements et aux régions d’outre-mer.
S’agissant de la Polynésie française, la loi organique du 1er août 2011 a profondément modifié le mode de scrutin et le fonctionnement des Institutions avec un seul objectif : le retour à la stabilité politique.
En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, la loi organique du 25 juillet 2011 est venue renforcer la stabilité du gouvernement de la collectivité.
Enfin, la décision du Conseil européen du 29 octobre 2010 va permettre à Saint Barthélémy d’accéder au statut de P.T.O.M. à compter du 1er janvier 2012, tout en conservant l’euro grâce à une convention en cours de finalisation. Voilà un beau succès diplomatique et juridique. Comme vous pouvez le constater, les lignes ont bougé dans le paysage institutionnel de nos outre-mer.
2/ Venons-en maintenant à ce que je pourrais qualifier de "bilan international de l’année écoulée".
Ce bilan est significatif, et je tiens en préambule à en remercier tous les acteurs :
Nous avons reconnu la possibilité pour les départements et régions d’outre-mer d’affecter des agents dans les missions diplomatiques par la loi du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et Martinique. Nous avons aussi élaboré une convention-type entre l’Etat et les collectivités ultramarines permettant de placer des représentants de ces collectivités dans le réseau diplomatique français.
Avec les arrêtés de juillet 2011 relatifs à l’assouplissement des visas et documents exigés pour l’entrée des étrangers sur le territoire des collectivités françaises d’outre-mer, ce sont près de 200 mesures de simplification que nous avons prises. Le Pacifique est devenu, à deux exceptions près, une zone libre de visas court-séjour pour se rendre en Nouvelle Calédonie, à Wallis ou en Polynésie. J’ai pu m’en rendre compte à l’’occasion des Jeux du Pacifique à Nouméa : cette mesure a été unanimement appréciée. Nous avons aussi lancé des initiatives originales pour encourager le tourisme, telle que la délivrance de visas à l’arrivée à La Réunion dans le cadre du concept "îles vanilles". Je tiens à remercier tous les acteurs qui ont rendu ces avancées possibles, et en particulier les services de l’Immigration.
Dans l’Océan Indien, nous avons conclu un accord-cadre original avec Maurice pour la coopération économique, scientifique et environnementale de Tromelin, accompagnée de trois conventions techniques.
Toujours dans l’océan indien, nous avons tenu à la Réunion en mai dernier une "Conférence de coopération régionale", à laquelle j’ai eu le plaisir d’assister.
Dans la zone Antilles-Guyane, l’Accord franco-néerlandais de coopération policière à Saint Martin a été finalisé, tout comme l’Accord franco-brésilien de coopération en matière de lutte contre l’orpaillage clandestin.
Sur le plan européen, je suis fière d’annoncer que nous avons atteint tous nos objectifs, sans exception : obtention de tous nos approuvés communautaires dans des délais très satisfaisants ; décision du Conseil européen modifiant le statut européen de Saint-Barthélemy ; adoption par le Conseil des ministres de l’Union européenne de la décision concernant le maintien de l’octroi de mer jusqu’en 2014, en tant qu’élément de protection de l’emploi et des entreprises outre-mer ; Adoption du document de position commune entre la France, le Royaume-Uni, le Danemark et les Pays-Bas relative à l’avenir des relations entre les PTOM et l’Union européenne en vue de la révision de l’accord d’association ; Signature du "mémorandum conjoint" Etats-membres-RUP. Monsieur l’ambassadeur Philippe Etienne, je tiens à rendre hommage à votre action personnelle dans ce résultat exceptionnel. Je sais que je vous ai beaucoup sollicité cette année, y compris pour mes nombreuses discussions avec les commissaires européens. Je tenais à vous en remercier publiquement. Et comme cela a si bien marché, je crois malheureusement que je vais continuer à vous solliciter…
3/ Je souhaiterais maintenant aborder le troisième et dernier point de mon intervention : les axes prioritaires pour les prochains mois
D’abord, il s’agit de continuer à promouvoir les intérêts de nos collectivités à l’occasion des prochaines commissions mixtes qui vont se réunir à l’automne. Je pense à celle avec le Brésil, qui sera déterminante pour régler en partie les questions liées à l’ouverture du pont sur l’Oyapock (dont le transport routier, et la circulation des personnes), et à la Commission France / Canada dont l’enjeu sera l’obtention du "statut vétérinaire" pour Saint Pierre et Miquelon, indispensable si nous voulons vendre nos produits locaux aux Canadiens, et si nous voulons exporter vers leur pays nos déchets non recyclables.
A l’initiative de la France, des discussions sont bien engagées avec les Pays Bas en vue de créer une Commission mixte transfrontalière afin d’instaurer un dialogue régulier sur la coopération entre Saint-Martin et Sint-Maarten. Je souhaiterais pouvoir réunir la première commission mixte avant la fin de l’année sur la partie française de l’île.
La prise en compte des initiatives locales constitue également une priorité ; ainsi je souhaite que le premier "Conseil du fleuve Oyapock" sur le modèle du "Conseil du fleuve Maroni" puisse se tenir à l’automne, pour traiter des questions opérationnelles que pose la zone frontalière entre le Brésil et la Guyane.
Par ailleurs, la possibilité ouverte aux collectivités d’affecter des représentants dans les missions diplomatiques va se concrétiser : le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a prévu de placer des représentants de son gouvernement dans le réseau diplomatique français du Pacifique dès l’automne 2011 pour la Nouvelle-Zélande et à l’automne 2012 pour l’Australie, le Vanuatu et la Papouasie-Nouvelle- Guinée.
Un autre axe prioritaire concerne les suites à donner aux souhaits exprimés par les collectivités d’outre-mer d’adhérer aux organisations de coopération régionale. Le gouvernement soutient ainsi la démarche du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de devenir membre à part entière du Forum des îles du Pacifique. Il convient également de définir les modalités d’adhésion de nos collectivités françaises des Antilles-Guyane en tant que membres associés ou observateurs aux organisations régionales de la zone.
Cette question sera notamment au coeur des discussions de la prochaine Conférence de coopération régionale pour la zone Antilles-Guyane qui se tiendra en Martinique le 7 novembre 2011. Cette conférence permettra également d’aborder la stratégie de coopération régionale de l’Agence française de développement dans la zone, les relations économiques des collectivités françaises avec les pays environnants, ainsi que les programmes de coopération européens mis en oeuvre dans la zone.
Par ailleurs, toutes ces compétences internationales reconnues aux départements et régions d’outre-mer et aux collectivités de Saint- Barthélemy, de Saint-Martin, et de Saint-Pierre et Miquelon méritent d’être davantage expliquées. D’où ma volonté de finaliser cet automne une circulaire sur les compétences internationales dont disposent les collectivités.
Parmi les autres grands dossiers prioritaires à venir, on retiendra bien sûr le changement de statut européen à venir de Mayotte de Pays et Territoire d’Outre-Mer à Région Ultra-Périphérique.
Enfin, toujours sur le plan européen, nous participerons activement aux travaux de révision de la Décision d’association qui lie les PTOM à l’Union européenne. Nous devrons aussi réfléchir à la notion de "marché intérieur" appliqué aux RUP, qui n’est pas, en l’état, satisfaisante.
Voilà présentées brièvement les pistes d’actions pour les mois à venir. Je dirais que beaucoup va maintenant dépendre de vous, Mesdames et Messieurs les Préfets et Ambassadeurs.
Je sais pouvoir compter sur vous pour promouvoir et défendre nos intérêts auprès des Etats proches, comme des organisations régionales. Car, vous l’avez compris, la volonté politique que j’évoquais repose d’abord sur une stratégie nouvelle, résolument tournée vers l’avenir, de nos territoires ultramarins, et des atouts qu’ils représentent pour notre pays : une France proche de l’Inde ou de l’Australie, une France en Amérique, une France aux frontières du Brésil.
Oui, les outre-mer sont les "Lumières de la France dans le monde".
Ce "diner des trois océans" est là pour nous le rappeler.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.outre-mer.gouv.ffr, le 6 septembre 2011