Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, sur les mesures conjoncturelles adoptées pour soulager les agriculteurs touchés par la sécheresse et sur les défis à relever par l'agriculture (compétitivité, exportation, qualité de la production...), Rennes le 13 septembre 2011.

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Circonstance : 25ème édition du Salon international de l'Elevage (SPACE), à Rennes le 13 septembre 2011

Texte intégral

Monsieur le président du SPACE, cher Jean-Michel LEMETAYER,
Messieurs les parlementaires,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le président de la FNSEA, cher Xavier BEULIN,
Chers amis,
C’est la première fois que je peux visiter le salon du SPACE, mais ce n’est pas la première fois que je viens. Il y a deux ans j’étais venu, et nous avions dû avec Jean-Michel LEMETAYER nous réfugier dans un Algeco, donc je n’avais pu ni visiter le Salon, ni vous imposer le discours que je vais vous imposer aujourd’hui. L’année dernière, je n’avais pas pu visiter le salon mais j’avais pu tenir mon discours et cette année, pour la 25e année du SPACE, c’est fromage et dessert, vous avez visite et discours. Tant pis pour vous !
Je voudrais saluer la qualité du Salon. Jean-Michel LEMETAYER me l’a vantée à plusieurs reprises et à juste titre je crois que c’est la démonstration par la preuve de la qualité, de la technicité, de la volonté de l’agriculture française. Je voudrais aussi au début de mon intervention, vous dire à quel point j’ai été personnellement frappé par les échanges que j’ai eus avec un certain nombre de producteurs, producteurs bovins, bien entendu, mais surtout producteurs porcins.
Des hommes, des femmes qui ont un sentiment profond de détresse, des hommes et des femmes qui ont un sentiment profond de découragement, parce que depuis des années qu’ils se battent, depuis des années qu’ils mettent aux normes leurs installations, depuis des années qu’ils essayent de respecter toujours mieux les
règles environnementales avec des gens qui de Paris ou du fond de je ne sais trop quelle capitale vont les critiquer parce qu’ils ne font jamais assez, depuis des années qu’ils essayent de tirer un prix correct de leur production, voient qu’ils n’arrivent toujours pas à s’en sortir. Et je voudrais leur dire que chaque jour, depuis que je suis ministre de l’Agriculture, chaque jour de mon activité je pense à eux. Et je considère que mon travail n’est pas fait tant que chaque producteur de porc, producteur de viande bovine, ici en Bretagne ou dans le nord, ou dans la région Haute-Normandie, ou dans le Massif central, tant que un seul de ces producteurs a le sentiment qu’il n’arrivera pas à s’en sortir, a ce sentiment profond de découragement, nous tous ici nous n’avons pas fini notre travail. Nous n’avons pas fini de moderniser l’agriculture française.
Et derrière ce découragement, je voudrais que chacun mesure bien au-delà de cette salle, à quel point parfois les paysans français, nous en parlions avec mon ami Marc LE FUR, ont un sentiment d’abandon, ont le sentiment que la société française les a abandonnés. Qu’on parle de paysans, qu’on parle d’agriculture, qu’on parle de la grandeur agricole de la France, mais qu’on a oublié les paysans qui souffrent et qui ne s’en sortent pas sur le terrain. Je veux leur dire que la société française ne les oublie pas. Et je veux leur dire que leur ministre de l’Agriculture se bat tous les jours pour leur apporter des solutions concrètes, tout simplement parce que le travail qu’ils font, leur engagement méritent notre soutien le plus total.
Ce soutien, c’est d’abord, bien entendu, un soutien conjoncturel. Lorsque la sécheresse a frappé, en France, très tôt, dès le début du mois d’avril, nous avons pris immédiatement les dispositions nécessaires, nous avons simplifié les Prononcé 3 règles. Nous avons autorisé l’utilisation des jachères, nous avons dérogé aux mesures agro-environnementales et nous avons misé surtout, nous en avons parlé à plusieurs reprises avec Xavier BEULIN, sur "la solidarité des paysans n’est pas un vain mot". Je me souviens des recommandations de gens, la classe politique, qui prétendaient avoir des connaissances en matière agricole, qui me disaient : « Monsieur le Ministre, prenez un décret, obligez les paysans, contraignez à ne pas broyer les pailles ! Pourquoi est-ce que vous ne prenez pas un décret à l’échelle nationale ? La solidarité paysanne, ça ne marchera pas. » Si, si la solidarité paysanne, ça a marché. Et tous les donneurs de leçon qui croient uniquement au décret, qui croient uniquement à la volonté de l’Etat, qui croient uniquement à la contrainte, seraient bien inspirés de constater que l’incitation, que la solidarité des paysans, que la volonté a été plus efficace en la matière. Je voudrais en remercier Xavier BEULIN, je voudrais en remercier tous les paysans français qui ont réussi à transporter plus d’un million de tonnes de paille pour les paysans tout au long de cet été pour permettre aux éleveurs d’avoir le minimum d’alimentation nécessaire.
Là encore l’opération n’est pas finie. Là encore nous devons rester mobilisés. Je donne juste un exemple. La gratuité des péages s’arrête le 15 septembre. Je profite de notre réunion ici, tous ensemble, à Rennes, pour demander solennellement aux compagnies d’autoroutes, de prolonger la gratuité des péages pour le transport de paille au-delà du 15 septembre. C’est le minimum de solidarité qu’on peut attendre de leur part. Au-delà de cette simplification des règles, nous avons aussi indemnisé les éleveurs, et engagé très tôt la procédure de garantie contre les calamités agricoles. Dès le 15 septembre, c’est-à-dire dans deux jours, cent millions d’euros seront délégués aux départements pour versement immédiat aux agriculteurs qui en ont le plus besoin.
Je confirme également que les éleveurs toucheront mi-octobre le versement anticipé de 50% des DPU, de 80% de la PMTVA et de 50% des aides aux ovins et aux caprins. Je confirme que nous avons finalisé avec les banques les modalités d’aménagement des prêts qui avaient été contractés par les éleveurs dans le cadre du plan de Poligny en 2009, dont le dispositif sera opérationnel d’ici la fin du mois. Je tiens à remercier les établissements bancaires qui ont joué le jeu.
Enfin je vous confirme que les producteurs des zones reconnues en calamité agricole bénéficieront d’un dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti. C’est là aussi un geste de solidarité de la part du Gouvernement. Nous ne laisserons pas tomber les éleveurs en difficulté.
Au-delà de ces mesures conjoncturelles, nous devons poursuivre la modernisation de l’agriculture française que j’ai engagée depuis maintenant plus de deux ans. Je voudrais être comme d’habitude très franc et très direct avec vous. Ces éleveurs que j’ai croisés dans les allées du SPACE, cette femme que j’ai vue tout à l’heure, qui avait un élevage porcin, qui me disait qu’elle ne s’en sortait pas, qu’elle n’arrivait même plus à payer l’alimentation de ses bêtes et qu’elle ne savait pas comment elle allait terminer le mois, ce n’est pas de la conjoncture qu’elle souffre, ce n’est pas des difficultés actuelles. Elle souffre de notre manque de courage depuis des années pour moderniser l’agriculture française et lui donner les moyens de se battre à armes égales avec nos concurrents du Brésil, de l’Argentine, mais aussi de l’Allemagne, de l’Espagne, de l’Italie et du marché intérieur européen. Ces décisions, nous nous battons pour les prendre depuis maintenant deux ans. Il faut continuer à les prendre. L’agriculture française ne s’en sortira qu’en regardant lucidement sa situation, et qu’en prenant les décisions qui s’imposent pour valoriser les qualités de ses paysans. Quelles que soient les qualités des paysans français, et elles sont immenses, elles ne pourront pas être évaluées à leur juste valeur si nous ne prenons pas enfin ensemble les décisions économiques qui s’imposent. Le cap que nous avons fixé avec le Président de la République et le Premier ministre pour l’agriculture française, je ne compte pas en changer car c’est le seul qui donne des résultats et c’est le seul qui permettra à l’agriculture française de prendre la première place qui doit être la sienne. Ce cap tient en quatre mots très simples qui imposent des décisions difficiles, très simples à comprendre, et très simples pour mobiliser l’ensemble de la profession agricole.
Le premier mot c’est compétitivité. C’est le mot de compétitivité que tous nos partenaires européens ont adopté depuis des lustres et que nous devons aussi reprendre à notre compte. Je sais que c’est le cas d’une large partie de la profession agricole. La compétitivité doit être l’un des maîtres-mots de l’agriculture française pour qu’elle puisse résister à la concurrence de nos grands voisins européens.
Qu’est-ce que c’est que la compétitivité ? La compétitivité c’est d’abord la maîtrise de nos coûts de production. Et dans les coûts de production, d’abord le coût du travail. Nous avons, avec le Président de la République et le Premier ministre, alléger considérablement le coût du travail occasionnel dans l’agriculture française, en exonération de toutes charges le travail occasionnel dans l"’agriculture française. Et Jérôme DESPEY qui est ici sait bien à quel point dans un secteur comme la viticulture cela est absolument décisif, à quel point dans un secteur comme celui des fruits et légumes c’est une décision qui est essentielle. Mais je le redis avec autant de clarté, car je suis têtu dans mes convictions, nous devons faire la même chose sur le coût du travail permanent. Il y a des activités en France qui ne pourront pas rester si nous n’avons pas le courage de prendre les décisions politiques qui s’imposent en matière de coût du travail permanent. Je souhaite que le coût du travail permanent dans l’agriculture soit réduit d’un euro de l’heure au 1er janvier 2012. C’est une question de survie pour des milliers d’exploitations en France.
La réduction des coûts, c’est aussi le coût de l’énergie. Nous avons depuis 2009, dépensé 78 millions d’euros pour le plan de performance énergétique. Cela permet de faire des économies d’énergie et de réduire aussi les coûts de production. Nous avons également, à ma demande, aligné les coûts de rachat des biogaz pour la méthanisation, sur les coûts de rachat allemand. L’écart était de 15 centimes d’euros, les coûts sont aujourd’hui alignés. Je sais parfaitement qu’il reste un certain nombre de difficultés techniques que nous avons évoqués tout à l’heure avec le Préfet. Je souhaite que ces difficultés techniques notamment les dates de mise en oeuvre des contrats avec EDF soient levées dans les semaines à venir pour qu’enfin la méthanisation puisse se développer en France, pour qu’enfin la méthanisation permette de réduire les coûts de production dans les exploitations, pour qu’enfin la méthanisation rapporte du revenu aux paysans français. Il n’est pas normal qu’il y ait 4000 installations de méthanisation en route en Allemagne, et qu’il y en ait à peine une vingtaine aujourd’hui en France. C’est ce retard là qu’il faut rattraper si nous voulons gagner cette bataille de la compétitivité.
La compétitivité, c’est aussi la modernisation des bâtiments. Nous avons aidé la filière bovine, nous continuerons de le faire. Nous maintiendrons les aides pour la filière porcine de 60 millions sur trois ans pour la mise aux normes, mais aussi pour les investissements, comme vous l’avez demandé. Et nous maintiendrons bien entendu notre soutien en faveur des filières avicoles, 20 millions d’euros sur trois ans, pour les élevages de poules pondeuses comme pour les producteurs de foie gras.
Le deuxième élément de la compétitivité, c’est un élément qui est toujours un peu plus disputé, et plus compliqué à mettre en oeuvre, c’est la meilleure organisation des filières, car la compétitivité, je tiens à le dire, ce n’est pas uniquement l’affaire du producteur. Ce n’est pas uniquement au producteur de faire des efforts. La compétitivité, c’est la compétitivité de toute la filière agricole, le producteur, le transformateur, l’industriel, le distributeur. Alors évidemment en France, nous adorons les querelles de clocher. Nous adorons nous diviser, nous adorons notre petit pré carré. Nous adorons les logiques du chacun pour soi. Nous adorons la logique du petit village gaulois. Mais cette logique-là, elle nous conduit droit dans le mur. La seule chose qui nous permettra de nous en sortir, c’est le travail collectif. C’est la solidarité sur l’ensemble de la filière. C’est la meilleure organisation, la meilleure structuration de ces filières. Je l’ai dit devant les producteurs de fruits et légumes il y a quelques jours que je suis décidé à aider et que je continuerai à aider. Oui je suis prêt à vous aider. Mais avec 280 organisations de producteurs sur l’ensemble du territoire, comment voulez-vous être efficaces ? Chacun a sa part du travail à faire.
Dans cette meilleure organisation des filières, il y a la question des relations commerciales. Nous avons signé au ministère de l’agriculture, le 3 mai, un accord sur la répercussion des prix. Tout le monde était d’accord pur dire que lorsque les coûts de production augmentent, il faut que cela puisse être répercuté sur le prix afin que le producteur n’en soit pas la première victime. C’est bien ce qui se passe aujourd’hui avec l’augmentation des coûts de production de l’alimentation animale qui est le premier problème des producteurs bovins ou des producteurs porcins. On a tous signé l’accord le 3 mai. Les seuls qui n’avaient pas signé l’accord étaient les charcutiers-traiteurs. Je m’en étais expliqué avec le président de l’organisation des charcutiers-traiteurs en lui disant : « si vous ne voulez pas signer, le 3 mai, ce n’est pas grave. De toute façon vous signerez plus tard. » Il l’a fait et je l’en remercie. On aurait peut-être pu gagner un peu plus de temps, mais l’essentiel c’est que tout le monde ait signé. Un accord qui a été signé, ça se respecte. Un accord qui a été signé, ça engage les signataires. Je n’accepte pas qu’un certain nombre de distributeurs ne respectent pas les engagements qu’ils ont pris le 3 mai de répercuter l’augmentation des coûts de production sur les prix de vente. L’accord signé le 3 mai doit être respecté par les distributeurs. Je les verrai prochainement pour leur rappeler la parole donnée, la parole donnée doit être tenue pour les producteurs.
Même chose pour l’accord inter-filière. Tout le monde est d’accord pour nous dire qu’une des façons de stabiliser le coût de production, et notamment le coût de l’alimentation animale, c’est la signature de contrats entre la filière des grandes cultures et la filière animale. Mais où sont les contrats ? Où sont les signatures ? Où sont les engagements ? Chacun doit respecter les engagements qu’il a pris. Il ne suffit pas de trouver les bonnes solutions, il ne suffit pas de trouver les décisions que nous devons tous prendre ensemble. Encore faut-il les assumer et les respecter. Nous avons besoin de ces contrats inter-filières.
Deuxième élément, la restructuration des filières, le regroupement des producteurs. Je suis venu expliquer au Commissaire Joaquin ALMUNIA – je l’ai fait à deux reprises – qu’il ne me paraissait pas menaçant pour les grands équilibres concurrentiels européens et mondiaux, que quelques milliers de producteurs, notamment des producteurs de lait, puissent se rassembler pour négocier collectivement le prix du lait avec les industriels. Or vous avez en face de vous des entreprises aussi performantes, et tant mieux, que SODIAAL, cher Gérard BUDIN, que LACTALIS, que DANONE, qui pèsent chacune plusieurs milliards d’euros de chiffres d’affaires, il n’est quand même pas inéquitable que les producteurs puissent se regrouper à quelques milliers pour négocier correctement le prix du lait. Ou alors c’est que nous n’avons pas l’Union européenne et moi, la même conception de ce qui est équitable et de ce qui ne l’est pas. La concurrence absolue qui freine le regroupement des producteurs, c’est une concurrence inéquitable. Et cette concurrence là, on n’en veut pas. La concurrence équitable, c’est celle qui permet aux producteurs de faire jeu égal avec les industriels, et je continuerai à me battre pour que dans tous les secteurs, viande bovine, viande porcine, lait, fruits et légumes, les producteurs puissent se regrouper pour négocier de manière équitable leurs prix avec l’aval de la filière.
Troisième élément de cette organisation, les contrats. Je constate que le principe des contrats fait aujourd’hui l’unanimité. J’ai vu les syndicats et l’un des syndicats qui contestait le principe même du contrat m’a remis il y a quelques instants un projet de contrat en me disant : « voilà le projet de contrat qui nous paraît intéressant. » C’est bien la preuve que le contrat qui était contesté par les uns et par les autres fait aujourd’hui l’unanimité. Je constate aussi que dans le secteur laitier, la contractualisation avance. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le président de la Fédération Nationale des Producteurs de Lait, qui estime que près de ¾ des producteurs sont engagés aujourd’hui dans cette contractualisation. Alors je vous le dis, nous ne cèderons pas sur cette contractualisation qui est une garantie de stabilité pour les producteurs. Je me réjouis que cela progresse sur les secteurs laitiers, et je souhaite que cela avant également dans les autres secteurs. Pour ma part, je remplirai tout mon rôle avec le médiateur Pierre LEPETIT pour que ces contrats soient équitables. J’ai dit avec suffisamment de clarté ce que je pensais des contrats qui ne respectaient pas le droit syndical pour redire à quel point je suis déterminé à ce que nous progressions dans cette direction-là et à ce que l’Etat joue son rôle de garant de l’intérêt général et du respect des intérêts de chacun.
Le deuxième point sur lequel je veux insister, la deuxième direction, le deuxième mot-clef, après la compétitivité, c’est la qualité. Toute personne qui connaît un peu l’agriculture française – vous en êtes tous ici dans cette salle des spécialistes – savent qu’il n’y a aucun avenir pour la France dans le dumping sur les prix, dans le dumping sur la qualité ou dans le dumping social. L’avenir de l’agriculture française se joue dans la qualité et dans la diversité de ses produits.
Nous devons assumer la qualité de nos produits, nous devons assumer la diversité de nos produits et nous devons tout faire pour les défendre. Les défendre ça veut dire les valoriser. Nous avons trouvé un accord interprofessionnel sur la mention de l’origine de la viande de porc et sur le logo VPF. Là aussi l’accord a été signé, mais une fois encore, chers amis, il ne suffit pas de signer des accords, il faut les respecter. Tous ceux qui ont signé l’accord sur le logo VPF doivent désormais le respecter. Et s’il faut une nouvelle fois rappeler la grande distribution à l’ordre pour qu’elle joue le jeu de ce logo VPF, nous rappellerons la grande distribution à l’ordre pour qu’elle joue le jeu du logo VPF. C’est l’intérêt des producteurs de porcs français. Et quand on voit la situation dans laquelle ils sont aujourd’hui, le minimum sur lequel ils doivent pouvoir compter, c’est notre détermination totale, à nous tous, ici, à faire respecter ces engagements. Je demande aussi à la Commission européenne, cela fait partie des négociations que j’ai engagées, que cet étiquetage soit désormais réalisé au niveau européen. La Commission a avancé sur les viandes fraiches. Je souhaite qu’elle avance aussi sur la mention de l’origine pour les produits transformés. Même chose pour l’étiquetage viande bovine française. Il doit pouvoir progresser, il doit pouvoir valoriser les races à viande française. Cela fait partie des exigences essentielles pour la filière. Garder la qualité chez nous, garder la valeur ajoutée, ça veut dire aussi savoir regarder ce que nous avons manqué. Nous en avons parlé très souvent avec Pierre CHEVALLIER, très souvent avec la filière bovine. Nous avons fait un choix il y a maintenant plusieurs dizaines d’années, des laisser nos jeunes bovins se faire engraisser en Italie, avec une grande partie de la valeur ajoutée qui part chez les Italiens. Nous savons tous que ce choix-là est aujourd’hui remis en cause, qu’il nous fait perdre de la valeur ajoutée. Et que par ailleurs il n’est pas certain que les ateliers d’engraissement en Italie puissent continuer à se développer comme ils l’ont fait par le passé. Il est donc temps de prendre la bonne décision, et la bonne décision, c’est le démarrage de l’engraissement en France. J’ai donc décidé de mettre en place une aide à l’engraissement des jeunes bovins de 8 millions d’euros. Nous commencerons avec un seuil d’éligibilité de 50 jeunes bovins pour développer des ateliers qui puissent être performants, et si cela fonctionne nous irons plus loin parce qu’engraisser nos jeunes bovins en France, c’est faire revenir la valeur ajoutée en France et faire revenir du revenu pour les producteurs qui en ont besoin.
Enfin la qualité, c’est la recherche et c’est l’innovation. Et de ce point de vue-là, je crois que ce que nous avons vu, cher Jean-Michel LEMETAYER, dans les allées du SPACE, montre que nous avons un savoir-faire exceptionnel, qui nous est envié partout dans le monde, que ce soit en matière de génétique animale ou en matière de réduction de l’utilisation des antibiotiques dans les élevages porcins qui fait partie, comme vous savez, de mes objectifs, parce que ce sont aussi les objectifs des consommateurs et qu’à la fin, c’est toujours le consommateur qui décide. Dans tous les domaines de l’innovation et de la recherche, vous aurez toujours le soutien du ministre de l’Agriculture, car derrière l’innovation et la recherche, il y a la qualité et le savoir-faire de la France.
La troisième direction, après la compétitivité, après la qualité, c’est une direction qui ne devrait même pas faire l’objet de débat, mais dans laquelle nous sommes devenus des champions de la tergiversation, de l’hésitation, de la complexité. La troisième direction, c’est la simplification des règles. Assez de règles tatillonnes. Assez d’applications administratives, techniciennes, sourcilleuses, de règles qui s’imposent aux agriculteurs qui cherchent à faire le mieux possible mais qui ne peuvent pas toujours y arriver. Assez de cet empilement de règles nouvelles alors que nous n’avons pas encore vérifié que les règles anciennes aient été appliquées ! Assez de ces règles qu’on applique sans aucune distinction, sans regarder si nous sommes sur une terre du Sud-ouest, sur une terre du Nord ou sur une terre de Bretagne. Assez de ces pourcentages tatillons qui sont surveillés par les uns ou par les autres sans jamais faire confiance aux agriculteurs. Simplifions les règles, simplifions les normes, soyons pragmatiques dans leur application. Je peux vous garantir que l’environnement sera aussi bien préservé et qu’en même temps, nous aurons gardé et aidé nos paysans et nos agriculteurs.
Alors c’est vrai que chaque bataille sur les règles – parce que nous sommes des champions de l’administration "administrante" en France et les champions de la règle tatillonne –, chaque simplification des règles est une bataille homérique qui me vaut des échanges parfois musclés avec certains de mes collègues au Gouvernement, et des échanges très souvent musclés, Marc LE FUR en est témoin, au Parlement.
J’ai ramené à un an le délai d’instruction des dossiers pour les installations classées. Pour être très franc, il m’a fallu un an pour ramener à un an le délai d’instruction des installations classées, ce qui me paraissait pourtant une simple mesure de bon sens pour aider les éleveurs porcins de Bretagne. J’ai considérablement allégé les procédures pour faciliter les regroupements et la modernisation de vos élevages. Le décret est sorti en janvier 2011, mais là aussi la bataille a été homérique. Alors que simplifier le regroupement, simplifier la modernisation cela signifie tout simplement avoir des élevages qui sont plus respectueux de l’environnement. Cela veut dire avoir des élevages plus performants, qui rejetteront moins de méthane, qui permettront d’avoir un épandage de lisier mieux contrôlé. Pourquoi tant de temps et tant de difficulté à sortir des mesures de bon sens pour la simplification des règles ? Je souhaite que nous fassions la même chose sur les zones en excédent structurel, et je m’engage devant vous à ce qu’avant mars 2012, nous ayons un nouveau cadre règlementaire sur les zones en excédent structurel pour sortir du carcan administratif dont personne aujourd’hui ne peut s’accommoder.
Même chose enfin sur l’usage de l’eau, et les retenues d’eau qui font l’objet de discussions très fréquentes avec Xavier BEULIN. Il pleut beaucoup en France en hiver. Voilà le constat de bon sens que je fais. Il fait de plus en plus chaud en été, et nous avons des périodes de sécheresse de plus en plus fréquentes. Deuxième constat de bon sens que je fais. J’en arrive à la conclusion assez logique, rationnelle dans le pays de DESCARTES, qu’il serait peut-être intelligent de stocker l’eau en hiver pour pouvoir l’utiliser en été. Que n’avez vous dit lorsque vous avez proposé ça ! Il semblerait qu’en proposant cette simple mesure de bon sens, vous vous attiriez immédiatement les foudres de tous ceux qui défendent l’environnement en chambre, au lieu de le défendre sur les champs. Je vous dis qu’il faut simplifier les règles aussi dans ce domaine-là. Je dis qu’il faut donner aux chambres d’agriculture la maîtrise d’ouvrage sur les retenues d’eau. Je dis également que nous devons supprimer le recours administratif qui est possible une fois que les retenues d’eau sont construites, parce que je ne supporte plus de circuler en France en été, de voir des retenues d’eau qui ne sont pas utilisées alors que les champs sont à sec, à cent mètres, uniquement parce qu’il y a un recours administratif sur cette retenue d’eau. De la simplicité et du bon sens, c’est tout ce que demandent les paysans français.
Sur l’environnement, je vous confirme que là encore je suis têtu. J’ai des convictions et je ne fais de la politique que pour défendre mes convictions. J’ai dit il y a deux ans ce que je pensais de l’environnement : il n’y a pas d’autre direction pour l’agriculture française que le respect de l’environnement ne serait ce que parce que les paysans français se sont engagés dans cette direction-là. Simplement, en matière de règles environnementales, tenons-nous à ce calendrier très simple, à ces règles très simples que j’ai formulées il y a plus de deux ans, et que je ne cesse de rappeler à chacune de mes interventions. Première règle : quand on prend une mesure environnementale, on s’assure qu’elle est économiquement supportable pour les producteurs et si elle n’est pas immédiatement supportable économiquement pour les producteurs, on leur donne le temps de s’adapter, on leur donne le temps de prendre cette mesure.
Deuxième évidence sur l’environnement : il faut du pragmatisme dans l’application. Toutes les terres ne sont pas les mêmes, toutes les situations ne sont pas les mêmes. Il y a des endroits où les CIPAN à 100% cela a du sens et d’autres où cela n’en a pas. Soyons pragmatiques. Et troisième règle d’évidence enfin : n’essayons pas systématiquement d’appliquer des règles environnementales plus strictes que celles de nos voisins allemands, espagnols ou italiens, ou alors arrêtons de parler de compétitivité française, parce que la compétitivité française passe aussi par l’application des mêmes règles environnementales partout dans le marché unique européen.
La quatrième direction, après la compétitivité, après la qualité, après la simplification des règles, c’est l’exportation. La richesse se trouve sur nos marchés extérieurs. La richesse se trouve sur les marchés des pays en développement, et cette richesse-là, il faut aller la conquérir. Nous nous sommes battus, avec le Président de la République, Nicolas SARKOZY, et le Premier ministre, François FILLON, pour faire en sorte que nous puissions ouvrir un certain nombre de marchés. En Russie, nous avons obtenu en décembre dernier avec François FILLON, la levée de l’embargo sur la viande bovine française qui datait de plus de dix ans. Cela a été une négociation difficile avec Vladimir POUTINE. Pierre CHEVALLIER le sait, je lui en ai parlé à plusieurs reprises.
Dominique LANGLOIS également, je lui en ai parlé à plusieurs reprises. A vous maintenant de jouer, nous avons fait notre travail. J’ai obtenu la levée de l’embargo. A vous désormais de vous organiser pour prendre les marchés qui sont ouverts.
En Turquie, je vous annonce que j’ai également réussi à débloquer le marché des bovins d’abattage et que les négociations sont en cours pour les bovins d’engraissement ou pour les bovins reproducteurs. L’ouverture du marché turc sur les bovins d’abattage est pour vous une excellente nouvelle, et la négociation a été comme pour la Russie, extraordinairement difficile. A vous de jouer maintenant pour prendre ce marché. En Egypte, en Irak, au Kazakhstan, en Mongolie, les marchés sont également ouverts. A vous de jouer, la balle est dans votre camp pour prendre désormais ces marchés. De ce point de vue-là, je voudrais féliciter Dominique LANGLOIS, Pierre CHEVALLIER, tous ceux qui ont participé sur la mise en place du GIE Export. Je vais vous dire très franchement ce que j’en pense. Je regrette d’avoir à en parler. Si cela marchait – ce qui devrait naturellement être le cas, personne ne peut contester l’utilité d’un GIE Export qui permet de regrouper l’offre et de prendre des marchés – je n’aurais pas besoin d’en parler. Mais je suis obligé d’en parler parce que des acteurs ont décidé de ne pas jouer le jeu. Je suis décidé à en parler parce que le SNIV et COOP de France, et je les cite volontairement, ne jouent pas le jeu en n’acceptant pas la mise en place des ce GIE Export. Je leur dis les yeux dans les yeux vous faites une erreur historique pour la filière bovine. Vous devez vous joindre à ce GIE Export car c’est la seule façon pour vous de conquérir des parts de marché à l’exportation et d’améliorer le revenu des producteurs, de tous ceux que vous rencontrez sur le terrain, de tous ceux auxquels vous avez expliqué que vous vous battez pour eux. Vos producteurs ne comprendront pas que vous n’ayez pas tout fait pour prendre les marchés extérieurs que le ministre a réussi à ouvrir, que l’ensemble des pouvoirs publics a réussi à ouvrir et que vous ne prendrez pas si vous n’êtes pas organisé. Je soutiens le GIE Export et je demande à tous les acteurs d’y participer désormais rapidement, que chacun prenne bien ses responsabilités en la matière.
Compétitivité, qualité, simplification, export, avec cela, la France agricole réussira. Elle réussira parce qu’elle est la meilleure. Elle réussira parce qu’elle est la plus forte. Elle réussira parce qu’elle est la plus ancienne et qu’elle a plus de savoir-faire. Elle réussira parce que vous pouvez aussi compter sur mon soutien total pour vous défendre en Europe. Car j’ai bien conscience qu’une autre partie de mon travail, une partie essentielle, c’est de vous défendre en Europe, c’est de sauver le budget de la PAC. Vous savez ce qui a été fait en la matière. Il y a deux ans, j’arrive au ministère de l’Agriculture. Proposition officielle de la Commission européenne : baisse de 30% du budget de la politique agricole commune. Au moment où je vous parle, présentation officielle du budget de la PAC. Ce qui est sur la table c’est le maintien à l’euro près, du budget de la politique agricole commune après 2013. Nous avons eu gain de cause en la matière et il faut rester mobilisé pour le faire.
Même chose sur la régulation. Il y a deux ans, lors de mon arrivée au ministère de l’Agriculture, l’Union européenne était engagée dans une libéralisation totale des marchés. Madame FISCHER BOEL, en plein crise du lait m’expliquait que face à la crise du lait il n’y avait rien à faire : que les producteurs crèvent, la crise éliminera les plus mauvais… Comme si c’était juste, comme si c’était équitable, comme si c’était acceptable d’entendre l’Union européenne tenir de pareils propos. Moi j’estime que le rôle de l’Union européenne est de défendre chaque producteur et que la régulation des marchés permettra la défense de chaque producteur, de chaque exploitant en situation de crise, qu’elle soit sanitaire, qu’elle soit climatique ou qu’elle soit économique. De la régulation, du maintien du budget de la PAC et bien entendu une fermeté totale dans les négociations commerciales. Les paysans français, les éleveurs bovins français, les éleveurs porcins français n’ont pas à être sacrifiés sur l’autel du libéralisme et du libre-échange le plus total. Je refuse la signature d’un accord entre l’Union européenne et le Mercosur, qui se traduirait par un marché de dupes. Je refuse la signature d’un accord où on ferait un donnant/donnant qui serait une nouvelle fois un marché de dupes entre les services d’un côté et l’agriculture de l’autre. Nous ne voulons pas donner notre agriculture contre les services, nous voulons renforcer nos services, renforcer notre industrie et renforcer notre agriculture. C’est la direction que je vous propose.
Voilà, chers amis, les quelques éléments que je voulais vous présenter aujourd’hui au SPACE de Rennes ; vous voyez, vu la longueur de mon propos qu’il est parfois préférable que je ne puisse pas visiter le Salon, ni m’exprimer. Ca vous aurait permis de déjeuner un peu plus à l’heure.
Je voudrais terminer simplement en vous disant que j’ai vu avec une très grande attention les résultats du dernier recensement agricole. Il y a moins de paysans en France. Il y a un regroupement des exploitations. Mais nous gardons la diversité de nos exploitations. Et je vais vous dire, cela ne change rien à l’amour que la France porte à ses paysans, à la confiance que la France porte à ses paysans, aux attentes de tous les Français à l’égard de leurs paysans. Nous avons besoin des paysans français. Nous avons besoin des éleveurs. Nous avons besoin des viticulteurs, des producteurs de fruits, des producteurs de légumes. Nous en avons besoin parce qu’ils sont une part de notre identité nationale. La France agricole que vous représentez tous, la France agricole est belle. La France agricole est forte. La France agricole a un grand avenir devant elle, j’en suis convaincu et je vous propose que nous continuions à le construire ensemble.
Merci à tous.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 16 septembre 2011