Texte intégral
Monsieur le Président du Conseil Territorial,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui au sein du Conseil Territorial.
Vous le savez, ce voyage à Saint-Pierre-et-Miquelon n'est pas une "première" pour moi. Je suis déjà venue parmi vous.
C'était il y a deux ans et demi. J'étais alors en campagne électorale. J'ai fait le choix de cœur et de conviction de venir sur votre Archipel, alors qu'aucun autre candidat, dans le cadre de cette campagne électorale, n'avait fait le déplacement.
Et si je reviens parmi vous aujourd'hui, ce n'est pas seulement parce que je suis devenue Ministre chargée de l'Outre-mer.
C'est aussi parce qu'il n'existe pas, pour moi, de petite ou de grande collectivité.
Si je reviens parmi vous, c'est surtout parce que je suis avec la plus grande attention les enjeux et les grands dossiers de l'Archipel.
Je tiens donc à vous exprimer tout le plaisir qui est le mien de vous retrouver ici. J'ai regretté, croyez-le bien, d'avoir dû annuler mon dernier déplacement.
Je souhaite maintenant vous adresser plusieurs messages.
1) D'abord et tout simplement, je souhaite rendre hommage à votre territoire, à ses hommes et à ses femmes.
Je veux le dire : Oui, Saint-Pierre-et-Miquelon peut être fier
- fier de ses ancêtres, qu'ils soient normands, bretons, basques ou anglophones ; Ces hommes et ces femmes qui sont venus occuper avec courage une terre auparavant délaissée et surtout exploiter le fantastique potentiel de l'Océan Atlantique.
- fier de l'engagement de sa population au cours de la deuxième Guerre Mondiale.
Après la libération de Saint-Pierre-et-Miquelon en 1941 par l'amiral Émile Muselier, sur l'ordre du Général de Gaulle, le plébiscite organisé fut très largement favorable à la France Libre. Saint-Pierre-et-Miquelon est ainsi devenue l'une des premières terres françaises ralliées à la France libre. La République s'en souvient.
fier, enfin, de ses richesses culturelles, naturelles et humaines. Pas question d'ailleurs pour moi d'entrer dans le détail, je serais trop longue.
Mais, vous le savez, ce sont les formidables richesses de ces territoires d'au-delà des mers qui ont conduit le Président de la République à décréter 2011, année des Outre-mer.
Nous avons voulu dire aux Français, à tous les Français, à quel point la France d'Outre-mer contribue à faire de notre pays une grande nation.
Beaucoup d'initiatives ont déjà concerné Saint-Pierre-et-Miquelon. J'ai voulu que nous en fassions un point d'étape cet après-midi.
Je garde tout particulièrement en mémoire le succès remporté par le roman d'Eugène Nicole, l' "œuvre des mers", qui a remporté le Prix Joseph Kessel au festival "étonnant voyageur" de Saint Malo en juin dernier.
2) Au-delà de ces moments-forts, je tiens à aborder un deuxième sujet qui est celui du développement économique.
Je connais vos attentes, vous savez que ce sont aussi les miennes !
Cette question est, pour moi, cruciale.
L'économie de Saint-Pierre-et-Miquelon repose avant tout sur le secteur public et le BTP. Les activités propres à l'Archipel, que je qualifierai d'activités "endogènes", sont peu nombreuses et, lorsqu'elles existent, elles peuvent rencontrer des difficultés. J'ai bien sûr à l'esprit le secteur de la transformation des produits de la mer.
Ces caractéristiques ne sont pas propres à Saint-Pierre-et-Miquelon. Leurs conséquences économiques et sociales sont cependant exacerbées par la petite taille de l'Archipel. Le renouvellement des élites, des chefs d'entreprises, des capitaux y est plus difficile encore.
Il est donc particulièrement important de redonner de la visibilité et des perspectives à votre jeunesse, faute de quoi, elle sera de plus en plus tentée par "un aller sans retour", vers la métropole ou le Canada.
Pour surmonter ces difficultés ou les atténuer, un travail partenarial étroit entre l'Etat et chacun d'entre vous me parait indispensable.
J'ai la conviction, en effet, que ce Gouvernement a jeté les bases d'un partenariat renouvelé et renforcé avec les collectivités d'Outre-mer.
Le Conseil interministériel de l'Outre-mer du 6 novembre 2009 a constitué le point d'orgue de cette politique.
La méthode du Gouvernement a été de partir des diagnostics et des propositions établis par l'ensemble des élus et des acteurs de terrain.
Les propositions émanant des collectivités d'Outre-mer ont été ensuite étudiées et traduites en 137 mesures.
Je tiens à préciser que chaque mesure a nécessité un engagement fort de l'Etat aux côtés des partenaires locaux et que toutes les mesures clefs pour nos collectivités sont aujourd'hui mises en œuvre. Le Gouvernement est d'ailleurs souvent allé au-delà des mesures décidées initialement.
J'aurais tout à l'heure une séance de travail avec les élus pour faire le point des initiatives et des chantiers propres à l'Archipel.
Je citerai deux orientations qui me semblent essentielles pour Saint-Pierre-et-Miquelon.
Tout d'abord, la coopération régionale.
En matière économique, le premier axe consiste à soutenir les entreprises.
J'ai donc souhaité étendre à Saint-Pierre-et-Miquelon la convention qui lie mon Ministère à Ubifrance. Cela a été chose faite le 7 décembre 2010.
Grâce à cette convention, une Volontaire International en Entreprise vient d'être recrutée par la CACIMA. Elle est affectée à l'accompagnement des entreprises de l'Archipel qui souhaitent se lancer dans une démarche export. Je sais qu'elle est parmi vous aujourd'hui.
Le pendant de cette convention est celle que signera cet après-midi l'Agence des Investissements Internationaux avec la SODEPAR. Cette convention permettra de renforcer les atouts de Saint-Pierre-et-Miquelon et de mieux cibler les entreprises étrangères qui pourraient investir sur votre territoire.
En plus de ces actions très ciblées, j'ai choisi de défendre une politique volontariste en matière internationale.
Vous le savez, je me suis mobilisée pour que Saint Pierre et Miquelon obtienne du Canada le "statut sanitaire", car j'en connais les enjeux. J'ai donc veillé, dès que l'on m'a saisit de ce problème, à ce que la demande officielle de la France soit adressée au Canada le plus rapidement possible. C'est chose faite depuis janvier dernier. Je veillerai, en liaison avec notre ambassade à Ottawa, à ce que dossier avance le plus rapidement possible.
Concrètement, ce statut permettra à la fois l'exportation de produits frais au Canada, ainsi que le traitement de nos déchets ménagers. Cette demande aurait du être formulée il y a des années : essayons ensemble de rattraper le retard pris.
Un point d'étape sera fait lors de la prochaine commission mixte franco-canadienne, qui se tiendra le 25 octobre prochain à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Par ailleurs, j'ai soutenu le lancement de la campagne scientifique EXTRAPLAC au large de Saint-Pierre et Miquelon, qui constitue la suite logique du dépôt par la France, en mai 2009, d'informations préliminaires auprès des Nations Unies, concernant un secteur du plateau continental au large de St-Pierre-et-Miquelon. Je rappelle que l'intérêt de cette démarche d'extension du plateau continental repose à moyen et long terme sur la valorisation des ressources des fonds et des sous-sols marins. Cette campagne s'est déroulée dans d'excellentes conditions en juillet dernier. Les autorités canadiennes en ont bien sûr été informées.
J'ai aussi été alertée quant aux difficultés rencontrées par certains étrangers pour obtenir des visas de transit canadiens, pourtant indispensables, pour se rendre à Saint-Pierre et Miquelon. J'ai bien conscience des situations familiales douloureuses provoquées par les refus récurrents d'accorder ces visas. Je partage votre préoccupation, et je tiens à vous préciser que ces difficultés ont bien été portées à l'attention des autorités canadiennes. Je vais m'assurer qu'une issue positive puisse être trouvée.
Je terminerai ce tour d'horizon de la coopération régionale par le sujet important de la négociation des accords de libre-échange avec le Canada. Comme vous le savez, ces accords négociés par la Commission européenne doivent être conclus dans l'intérêt réciproque des Etats concernés.
La position française est celle d'une demande constante de prise en compte des intérêts des territoires d'Outre-mer dans les négociations internationales et Saint-Pierre-et-Miquelon n'a pas été oublié. Je suis intervenue personnellement auprès du Commissaire de Gucht et les autorités françaises ont effectué plusieurs démarches à Bruxelles.
Suite à ma demande, la Commission européenne a octroyé une nouvelle dérogation pour porter la période transitoire à 8 ans pour une liste de produits sensibles. Par ailleurs, s'agissant du cabillaud, de la coquille Saint-Jacques et du crabe des neiges, le Commissaire de Gucht m'a assuré que la Commission demandera la période de libéralisation la plus longue possible.
Ce sujet m'amène tout naturellement à vous exposer la position de l'Etat sur le secteur de la pêche et de la transformation des produits de la mer.
Comme vous le savez, j'ai pleinement suivi les graves difficultés de l'entreprise Seafoods (SPMSI) puis sa liquidation prononcée par le Tribunal de commerce.
Je comprends le choc provoqué par cette disparition alors que l'activité de la pêche est l'activité historique de l'Archipel.
J'ai immédiatement demandé au Préfet de tout mettre en œuvre pour accompagner les salariés de l'entreprise. Je le remercie de sa mobilisation de chaque instant sur ce dossier pendant plusieurs semaines.
Je tiens aussi à rappeler que l'Etat et les partenaires locaux, au premier rang desquels la Collectivité territoriale, ont toujours soutenu ce secteur.
Je pense que nous sommes allés collectivement au bout d'un modèle économique.
Seafoods ne pouvait plus poursuivre son activité compte tenu de l'ampleur de ses charges de fonctionnement et de la faiblesse de ses recettes.
L'audit de la société que j'avais sollicité a pourtant montré que le secteur de la transformation pouvait être rentable sous plusieurs conditions, notamment : le regroupement des deux pôles de Saint-Pierre et de Miquelon et un travail sur l'ensemble de la filière pêche.
C'est cette analyse qui m'a conduit à proposer une mission renforcée d'appui à la restructuration de la filière.
Avec Bruno Lemaire, je pense que nous avons trouvé un bon tandem pour mener à bien cette mission, en la personne d'Alain Berger, Inspecteur général de l'Agriculture, appuyé pour la partie industrielle de Patrick Allaume (directeur général de l'Institut technique de développement des produits de la mer).
J'en profite pour saluer le travail déjà accompli par Alain Berger en lien étroit avec tous les acteurs de l'Archipel. Chacun exposera cet après-midi l'état de ses travaux et les perspectives pour cette fin d'année.
Je voudrais vous dire que ma confiance dans la réussite de ce projet reste intacte. Pour autant, plusieurs conditions doivent être remplies.
La constitution d'un pôle unique de transformation, opérant sur deux sites, apparait ainsi fondamentale.
J'ajouterai un autre préalable qui est celui de la constitution d'un pôle d'investisseurs et l'élaboration d'un projet économiquement viable.
Ce n'est qu'à cette condition que l'Etat adaptera et poursuivra son soutien.
Croyez bien qu'il ne s'agit pas d'une position de principe permettant de tergiverser.
J'ai au contraire fait en sorte de réunir tous les outils nécessaires à la redynamisation du secteur pêche. Je citais tout à l'heure les crédits du CIOM que j'ai souhaité ouvrir au secteur pêche et à l'aquaculture, je citais également mes démarches à l'international.
Je ne dis pas non plus que nous pouvons tout faire en cette période de crise économique. Nous avons un devoir de responsabilité.
C'est pourquoi, je le répète, la participation des acteurs locaux est pour moi indispensable.
Je pourrais citer des exemples d'autres secteurs économiques comme le tourisme ou bien encore les projets figurant au Schéma de développement stratégique de la Collectivité territoriale comme les nouvelles technologies.
Pour tous les projets porteurs de l'Archipel, j'ai envie de dire aux acteurs économiques : "investissez !" et notre Gouvernement sera à vos côtés.
3) Je voudrais maintenant évoquer les questions institutionnelles et sociales, qui sont aussi très importantes pour les équilibres internes à l'Archipel.
Les questions institutionnelles et plus simplement le fonctionnement quotidien des différentes collectivités locales sont des questions centrales.
L'Etat a pu appuyer au cours des années précédentes le redressement financier de la Collectivité territoriale et de la commune de Saint-Pierre.
Grâce à leurs efforts de gestion, ces deux collectivités ont renoué avec l'équilibre.
Il reste la question du statut de l'Archipel. Cette question a été posée lors des Etats généraux de l'Outre-mer.
Depuis, la mission sénatoriale de MM. Cointat et Frimat s'est fait l'écho d'interrogations quant au modèle statutaire de l'Archipel.
La dernière révision statutaire de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon ne remonte qu'au 21 février 2007. Les adaptations apportées au statut de 1985 étaient cependant mineures.
Pour avoir accompagné deux révisions statutaires, la création du 101ème département et la création de deux collectivités uniques, je peux vous dire que l'uniformité n'est plus la règle pour l'outre-mer.
Les statuts des collectivités doivent ainsi s'adapter aux enjeux de société. L'inverse ne saurait être défendu !
Il est cependant nécessaire que l'ensemble des acteurs, élus ou société civile, effectuent des demandes claires sur ce sujet.
Sans un consentement et une adhésion forte du plus grand nombre, il n'est pas possible de mettre en œuvre un changement statutaire.
Quelques mots enfin des questions sociales.
Je sais que des interrogations apparaissent régulièrement sur les mesures sociales relevant de la compétence de l'Etat.
Si je prends l'exemple de la réforme des pensions de retraite du régime de base, qui a fait l'objet d'une consultation de la Caisse de prévoyance sociale, les choses sont pour moi très claires.
Saint-Pierre-et-Miquelon ne peut rester en dehors de l'évolution de droit commun de la métropole. L'effort national, pour équilibrer les différents régimes de retraite et qui se traduit par un allongement des durées de cotisation, doit être partagé par tous. Je note d'ailleurs que de nombreux Saint-Pierrais-et-Miquelonnais retireront un avantage financier de cette réforme.
Je tiens aussi à dire que les spécificités de l'Archipel sont bien prises en compte. Je connais les difficultés rencontrées par les plus démunis face à la croissance des prix, souvent plus forte dans l'Archipel qu'en métropole.
Après le rattrapage sur l'inflation des 5 dernières années décidé par l'Etat en avril dernier et qui s'est traduit par une augmentation de 6,6 % des pensions du régime de base, j'ai obtenu que la prise en compte du différentiel des prix entre l'Archipel et la métropole soit dorénavant automatique pour ces retraités.
Le nouveau projet d'ordonnance sur les retraites prévoie donc un ajustement automatique du niveau des pensions en fonction du coût de la vie. Je précise que cette mesure doit bien rester catégorielle, au risque de peser elle-aussi sur l'inflation.
Je sais que plusieurs questions se posent encore et je pense ici surtout au cas des travailleurs saisonniers. J'ai demandé à mon collègue Xavier Bertrand en charge de la santé d'examiner avec la plus grande attention ce point. Toutes les réponses à vos questions seront rapidement apportées par nos services respectifs ; Je m'y engage !
Au terme de ces propos, j'espère vous avoir délivré un message à la fois de vérité et de confiance. C'est ce qui me tient particulièrement à cœur.
J'espère aussi partager d'autres moments forts avec vous pendant mon séjour sur l'Archipel.
Je nai pas besoin de rappeler que mon bureau est toujours ouvert à Paris et que mes services sont également toujours à votre écoute.
Mesdames, Messieurs, je vous remercie pour votre attention.
Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 18 octobre 2011