Texte intégral
L'essor des entreprises multinationales est assurément un phénomène majeur de la mondialisation durant la seconde moitié du 20ème siècle. Les conséquences de ce phénomène sont sujettes à discussion : favorable à la diffusion des technologies et au développement des échanges, l'expansion des multinationales peut sembler, inversement, menacer la souveraineté des Etats les plus faibles.
Soucieuses de leur image dans leur pays d'origine, les multinationales sont soupçonnées d'être spontanément moins attentives aux normes sociales et environnementales dans les pays en développement où elles s'implantent.
C'est pourquoi les principes directeurs élaborés par l'OCDE à l'intention des entreprises transnationales s'imposent aujourd'hui comme un nouvel instrument dans notre effort pour donner des règles à la mondialisation. Ces principes établissent des normes de comportement claires pour les entreprises, conciliant responsabilité et flexibilité.
Révisées et rénovées il y a tout juste un an, avec la participation active de la France, ces recommandations intègrent les principales avancées du droit international. Elles rappellent notamment les quatre principes fondamentaux de l'homme au travail, selon la déclaration de l'OIT de juin 1998 - la liberté syndicale et le droit de représentation, l'interdiction du travail forcé, l'abolition du travail des enfants et la non-discrimination. Elles renforcent de plus l'obligation d'information des salariés, et des exemples récents montrent que cette dernière n'est pas nécessairement respectée dans les pays développés eux mêmes. Le champ d'application de ces dispositions se trouve dorénavant élargi à tous les pays d'implantation et non plus seulement aux seuls pays membres de l'OCDE. Leurs mécanismes de mise en uvre sont de plus sensiblement renforcés et donnent un rôle central au Point de Contact National qui, en France, réunit plusieurs administrations, les syndicats et le patronat.
Des principes et des règles pour une entreprise "responsable"
En établissant des règles pour un comportement "responsable" de l'entreprise, les Principes Directeurs cherchent à dépasser la contradiction entre la gestion de l'entreprise dans le seul intérêt des actionnaires (c'est le concept de la "shareholder value") et la gestion de l'entreprise dans l'intérêt des différentes parties prenantes, actionnaires mais aussi employés, fournisseurs, clients, ou plus généralement l'environnement social global de l'entreprise (c'est le concept plus large de la "stakeholders society").
Sans remettre en cause le rôle de l'entreprise dans la création de richesses, ni en conséquence sa recherche du profit, ces principes directeurs doivent se diffuser dans la pratique quotidienne des entreprises. Ils viennent compléter ainsi les instruments fiscaux et les réglementations pour rapprocher " l'optimum " de l'entreprise et celui de la société dans son ensemble.
D'ailleurs, les actionnaires des entreprises, par conviction ou par intérêt, peu importe finalement, sont de plus en plus soucieux du comportement responsable ou éthique des gestionnaires. En France, ce mouvement a pris récemment un certain essor, même s'il reste, avec une trentaine de fonds éthiques, modeste par rapport à d'autres pays.
De plus, on observe la montée d'une demande spécifique des consommateurs prêts à payer davantage pour l'achat d'un produit d'une entreprise respectueuse des normes environnementales et sociales, ou disposés, à l'inverse, à la pénaliser en cas de manquement à ces valeurs.
Ces évolutions sociologiques ne dispensent pas les Etats de leurs devoirs. Devoir d'abord de faire le droit, soit à l'intérieur de leurs frontières, soit au niveau international, en particulier au sein des grandes institutions. Cette répartition classique des tâches ne répond toutefois pas totalement aux nouveaux développement de la société internationale, en l'espèce à l'émergence d'acteurs privés plurinationaux.
Les principes directeurs viennent compléter cet édifice sans chercher à se substituer aux normes internationales en vigueur. Leur existence formelle ne exonère pas de la responsabilité de leur application. Les principes directeurs ne constituent pas davantage une intrusion des pays développés dans l'organisation économique et sociale des pays en développement mais expriment le refus du " laissez-faire " juridique, qui fermerait les yeux sur des activités illicites ou irresponsables sous prétexte qu'elles ont lieu dans des pays plus faibles voire accommodants ou complices.
Les principes directeurs forment ainsi une construction originale. Ils n'ont pas le caractère d'une obligation légale mais ne sont pas facultatifs pour autant. Ils laissent les entreprises trouver les moyens de les mettre en uvre dans des contextes parfois difficiles mais ils ne cèdent pas au relativisme géographique ou géopolitique. Le gouvernement français a attiré l'attention des entreprises françaises sur leur obligation de contribuer à éliminer toute forme de travail forcé en Birmanie.
Instrument international élaboré par les Etats avec les entreprises, les syndicats et les associations, ces principes disposent d'une forte légitimité.
Une règle de jeu commune pour les entreprises
Enfin, ces principes directeurs sont complémentaires des codes de conduite privés des entreprises et des initiatives internationales, tel le Global Compact proposé par les Nations-Unies.
Les codes de bonne conduite élaborés en interne par les entreprises sont évidemment des outils utiles. Néanmoins, leur mise en uvre peut s'avérer très variable. La mise en place d'un label ou d'un code peut également servir de prétexte à des ententes sur les prix ou à l'éviction des concurrents.
Les principes directeurs permettent au contraire de couvrir l'ensemble des activités des entreprises, mais surtout ils fournissent l'indispensable règle du jeu commune, assortie de moyens précis de mise en uvre.
Beaucoup croient que la mondialisation déborde la capacité des Etats et consacre la toute-puissance des acteurs privés. Il s'agit d'une double erreur. D'abord parce que les "forces du marché " ne sont pas sous le contrôle des entreprises et que la toute-puissance de ces dernières, au moins considérée individuellement, est relative et toujours remise en cause par le marché lui-même. Ensuite, parce que le marché n'est rien sans la capacité des Etats à organiser par le droit le jeu des agents économiques, à trouver les règles qui incitent et protégent, qui autorisent et contraignent.
Mais l'erreur qui voit les Etats, et donc les peuples qu'ils représentent légitimement, devenir des acteurs de second plan, est pour ainsi dire une erreur heureuse, si elle nous encourage encore davantage, nous gouvernements , à l'OCDE, à l'OMC ou dans les autres institutions internationales, à ne jamais renoncer à travailler à l'avènement d'une mondialisation maîtrisée et non pas livrée à elle-même.
(source http://www.minefi.gouv.fr, le 3 août 2001)
Soucieuses de leur image dans leur pays d'origine, les multinationales sont soupçonnées d'être spontanément moins attentives aux normes sociales et environnementales dans les pays en développement où elles s'implantent.
C'est pourquoi les principes directeurs élaborés par l'OCDE à l'intention des entreprises transnationales s'imposent aujourd'hui comme un nouvel instrument dans notre effort pour donner des règles à la mondialisation. Ces principes établissent des normes de comportement claires pour les entreprises, conciliant responsabilité et flexibilité.
Révisées et rénovées il y a tout juste un an, avec la participation active de la France, ces recommandations intègrent les principales avancées du droit international. Elles rappellent notamment les quatre principes fondamentaux de l'homme au travail, selon la déclaration de l'OIT de juin 1998 - la liberté syndicale et le droit de représentation, l'interdiction du travail forcé, l'abolition du travail des enfants et la non-discrimination. Elles renforcent de plus l'obligation d'information des salariés, et des exemples récents montrent que cette dernière n'est pas nécessairement respectée dans les pays développés eux mêmes. Le champ d'application de ces dispositions se trouve dorénavant élargi à tous les pays d'implantation et non plus seulement aux seuls pays membres de l'OCDE. Leurs mécanismes de mise en uvre sont de plus sensiblement renforcés et donnent un rôle central au Point de Contact National qui, en France, réunit plusieurs administrations, les syndicats et le patronat.
Des principes et des règles pour une entreprise "responsable"
En établissant des règles pour un comportement "responsable" de l'entreprise, les Principes Directeurs cherchent à dépasser la contradiction entre la gestion de l'entreprise dans le seul intérêt des actionnaires (c'est le concept de la "shareholder value") et la gestion de l'entreprise dans l'intérêt des différentes parties prenantes, actionnaires mais aussi employés, fournisseurs, clients, ou plus généralement l'environnement social global de l'entreprise (c'est le concept plus large de la "stakeholders society").
Sans remettre en cause le rôle de l'entreprise dans la création de richesses, ni en conséquence sa recherche du profit, ces principes directeurs doivent se diffuser dans la pratique quotidienne des entreprises. Ils viennent compléter ainsi les instruments fiscaux et les réglementations pour rapprocher " l'optimum " de l'entreprise et celui de la société dans son ensemble.
D'ailleurs, les actionnaires des entreprises, par conviction ou par intérêt, peu importe finalement, sont de plus en plus soucieux du comportement responsable ou éthique des gestionnaires. En France, ce mouvement a pris récemment un certain essor, même s'il reste, avec une trentaine de fonds éthiques, modeste par rapport à d'autres pays.
De plus, on observe la montée d'une demande spécifique des consommateurs prêts à payer davantage pour l'achat d'un produit d'une entreprise respectueuse des normes environnementales et sociales, ou disposés, à l'inverse, à la pénaliser en cas de manquement à ces valeurs.
Ces évolutions sociologiques ne dispensent pas les Etats de leurs devoirs. Devoir d'abord de faire le droit, soit à l'intérieur de leurs frontières, soit au niveau international, en particulier au sein des grandes institutions. Cette répartition classique des tâches ne répond toutefois pas totalement aux nouveaux développement de la société internationale, en l'espèce à l'émergence d'acteurs privés plurinationaux.
Les principes directeurs viennent compléter cet édifice sans chercher à se substituer aux normes internationales en vigueur. Leur existence formelle ne exonère pas de la responsabilité de leur application. Les principes directeurs ne constituent pas davantage une intrusion des pays développés dans l'organisation économique et sociale des pays en développement mais expriment le refus du " laissez-faire " juridique, qui fermerait les yeux sur des activités illicites ou irresponsables sous prétexte qu'elles ont lieu dans des pays plus faibles voire accommodants ou complices.
Les principes directeurs forment ainsi une construction originale. Ils n'ont pas le caractère d'une obligation légale mais ne sont pas facultatifs pour autant. Ils laissent les entreprises trouver les moyens de les mettre en uvre dans des contextes parfois difficiles mais ils ne cèdent pas au relativisme géographique ou géopolitique. Le gouvernement français a attiré l'attention des entreprises françaises sur leur obligation de contribuer à éliminer toute forme de travail forcé en Birmanie.
Instrument international élaboré par les Etats avec les entreprises, les syndicats et les associations, ces principes disposent d'une forte légitimité.
Une règle de jeu commune pour les entreprises
Enfin, ces principes directeurs sont complémentaires des codes de conduite privés des entreprises et des initiatives internationales, tel le Global Compact proposé par les Nations-Unies.
Les codes de bonne conduite élaborés en interne par les entreprises sont évidemment des outils utiles. Néanmoins, leur mise en uvre peut s'avérer très variable. La mise en place d'un label ou d'un code peut également servir de prétexte à des ententes sur les prix ou à l'éviction des concurrents.
Les principes directeurs permettent au contraire de couvrir l'ensemble des activités des entreprises, mais surtout ils fournissent l'indispensable règle du jeu commune, assortie de moyens précis de mise en uvre.
Beaucoup croient que la mondialisation déborde la capacité des Etats et consacre la toute-puissance des acteurs privés. Il s'agit d'une double erreur. D'abord parce que les "forces du marché " ne sont pas sous le contrôle des entreprises et que la toute-puissance de ces dernières, au moins considérée individuellement, est relative et toujours remise en cause par le marché lui-même. Ensuite, parce que le marché n'est rien sans la capacité des Etats à organiser par le droit le jeu des agents économiques, à trouver les règles qui incitent et protégent, qui autorisent et contraignent.
Mais l'erreur qui voit les Etats, et donc les peuples qu'ils représentent légitimement, devenir des acteurs de second plan, est pour ainsi dire une erreur heureuse, si elle nous encourage encore davantage, nous gouvernements , à l'OCDE, à l'OMC ou dans les autres institutions internationales, à ne jamais renoncer à travailler à l'avènement d'une mondialisation maîtrisée et non pas livrée à elle-même.
(source http://www.minefi.gouv.fr, le 3 août 2001)